Arrêt n° 194 de la Cour constitutionnelle - deux questions posées par le Conseil arbitral de la sécurité sociale

Arrêt de la Cour constitutionnelle

17 janvier 2025

Dans l’affaire n° 00194 du registre

ayant pour objet deux questions préjudicielles, soumises à la Cour constitutionnelle conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, par le Conseil arbitral de la sécurité sociale suivant jugement rendu le 14 juin 2024 sous le numéro CNS 370/21 du registre, parvenues au greffe de la Cour constitutionnelle le 18 juin 2024, dans le cadre d’un litige

 

entre

PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.),

et

la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, représentée par le président de son conseil d'administration,

 

la Cour,

 

composée de

Thierry HOSCHEIT, président,

Francis DELAPORTE, vice-président,

Agnès ZAGO, conseiller,

Monique HENTGEN, conseiller,

Jeanne GUILLAUME, conseiller,

 

Viviane PROBST, greffier,

 

sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour constitutionnelle le 19 juillet 2024 par Maître Ariane CLAVERIE, avocat à la Cour, au nom de la CAISSE NATIONALE DE SANTE et le 19 août 2024 par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), ainsi que les conclusions additionnelles déposées le 19 septembre 2024 par Maître Ariane CLAVERIE, au nom de la CAISSE NATIONALE DE SANTE, et le 18 octobre 2024 par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, au nom de PERSONNE1.),

 

ayant entendu Maîtres Ariane CLAVERIE et Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA en leurs plaidoiries à l’audience publique du 22 novembre 2024,

rend le présent arrêt :

 

Par décision du 26 août 2021, le conseil d’administration de la CAISSE NATIONALE DE SANTE (ci-après « la CNS ») a confirmé une décision présidentielle du 18 mars 2021, qui avait refusé à PERSONNE1.) le paiement de l’indemnité pécuniaire de maternité au motif qu’elle ne justifiait pas d’une affiliation obligatoire de six mois pendant l’année précédant le congé de maternité, tel qu’exigé par l’article 25 du Code de la sécurité sociale.

 

Par jugement du 14 juin 2024, le Conseil arbitral de la sécurité sociale a déclaré recevable le recours en réformation de PERSONNE1.) et irrecevables les demandes en condamnation à des dommages et intérêts et aux frais et dépens de l’instance, lui a donné acte de sa renonciation à la demande en annulation de la décision attaquée et, avant tout autre progrès en cause, a saisi la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes :

 

Questions préjudicielles :

 

1) « L 'article 25 du Code de la sécurité sociale, en ce qu’il exclut du bénéfice de la prestation de maternité, la salariée qui a retrouvé un emploi depuis moins de six mois et/ou qui a été affiliée au titre du revenu de remplacement, alors que la salariée est et était affiliée et qu’elle se trouve face à une interdiction de travail en application de L-332-21 et 332-2 du Code du travail, et en conséquent sans revenu, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution, à savoir le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi alors que la salariée qui a retrouvé un emploi depuis plus de 6 mois y a droit. »

2) « L 'article 25 du Code de la sécurité sociale, en ce qu’il exclut du bénéfice de la prestation de maternité, la salariée qui a retrouvé un emploi depuis moins de six moi et/ou a été affiliée au titre du revenu de remplacement est-il conforme à l’article 11 de la Constitution. »

 

 

Sur la recevabilité des conclusions de PERSONNE1.), déposées au greffe de la Cour le 19 août 2024

 

La CNS soulève l’irrecevabilité des conclusions notifiées par PERSONNE1.) le 19 août 2024 pour ne pas avoir été déposées endéans le délai d’un mois suivant la notification aux parties des questions préjudicielles par le greffe de la Cour, ce en violation de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle (ci-après « la loi du 27 juillet 1997 ») aux termes duquel « Dans un délai de trente jours qui court à compter de la notification aux parties de la question préjudicielle, celles-ci ont le droit de déposer au greffe de la Cour des conclusions écrites ; de ce fait elles sont parties à la procédure devant la Cour constitutionnelle ».

 

Les questions préjudicielles ont été notifiées à PERSONNE1.) le 21 juin 2024.

 

Aux termes de l’article 10, alinéa 3, de la loi du 27 juillet 1997, « Dans les trente jours qui suivent l’expiration des délais indiqués aux alinéas précédents, la Cour entend, en audience publique, le rapport du conseiller-rapporteur et les parties en leurs plaidoiries. Le délai prévu ci-avant est suspendu entre le 15 juillet et le 16 septembre de chaque année ».

 

La suspension légale des délais s’applique indistinctement aux parties et à la Cour.

 

Il s’ensuit que les conclusions de PERSONNE1.) du 19 août 2024, notifiées et déposées endéans le délai légal tel que suspendu, sont recevables.

 

 

Sur la recevabilité des conclusions de la CNS déposées le 19 septembre 2024

 

PERSONNE1.) se rapporte à la sagesse de la Cour concernant la recevabilité des conclusions additionnelles déposées par la CNS le 19 septembre 2024, pour ne pas être signées par un avocat inscrit sur la liste 1.

 

Les conclusions de la CNS, déposées au greffe de la Cour le 19 septembre 2024, sont signées par Maître Ariane CLAVERIE, avocat à la Cour.

 

Elles sont dès lors recevables.

 

Sur les deux questions préjudicielles

 

Il résulte du jugement de renvoi préjudiciel, ainsi que des conclusions de PERSONNE1.), que celle-ci avait également soulevé la question de la conformité de l’article 25 du Code de la sécurité sociale aux articles 21 et 33 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, aux articles 8 et 11 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, à la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, à la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE »).

 

D’après les dispositions de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, les questions soumises à la Cour constitutionnelle doivent être nécessaires à la juridiction de renvoi pour rendre son jugement.

 

En raison du principe de primauté du droit de l’Union européenne, l’effet utile des questions préjudicielles de constitutionnalité actuellement déférées à la Cour est notamment conditionné, en amont, par la vérification de la conformité de la loi au droit de l’Union européenne.

 

La juridiction de renvoi ayant soulevé la question de la conformité de l’article 25 du Code de la sécurité sociale au droit de l’Union européenne dans son jugement, il lui appartenait d’instruire ce point au préalable, au besoin par renvoi préjudiciel à la CJUE. Les éléments du dossier actuellement soumis à la Cour constitutionnelle ne lui permettent pas de statuer plus en avant.

 

Il s’ensuit que les questions préjudicielles de conformité à la Constitution sont irrecevables pour être prématurées.

 

En cas de nouvelle saisine de la Cour constitutionnelle, il y aura lieu de préciser les paragraphes pertinents de l’article 25 du Code de la sécurité sociale et, s’agissant d’un recours en réformation, d’indiquer avec précision les dispositions constitutionnelles pertinentes, telles qu’en vigueur au jour de la décision de renvoi.

 

PAR CES MOTIFS,

la Cour constitutionnelle

dit que les questions préjudicielles sont irrecevables pour être prématurées ;

 

dit que dans les trente jours de son prononcé, l’arrêt sera publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A ;

 

dit qu’il sera fait abstraction des noms de PERSONNE1.) lors de la publication de l’arrêt au Journal officiel ;

 

dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour

constitutionnelle au Conseil arbitral de la sécurité sociale, dont émane la saisine, et qu’une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

 

Lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT, en présence du greffier Viviane PROBST.

 

 

 

 

 

 

 

 

Viviane PROBST

greffier

Thierry HOSCHEIT

président

 

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