Le tribunal du travail d'Esch-sur-Alzette a posé une question préjudicielle - contexte: décision de reclassement professionnel externe


Répertoire n° 933/25

E-TRAV-286/23

Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.)

par décision du bâtonnier du 30 novembre 2023

 

Audience publique du 3 avril 2025

 

Le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, arrondissement judiciaire et Grand-Duché de Luxembourg, a rendu le jugement qui suit :

Dans la cause entre :

 

PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE1.),

- partie demanderesse - comparant par Maître Nathalie BORON, en remplacement de Maître Lydie LORANG, avocats à la Cour, à l’audience publique du 27 février 2025,

et:

la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l., établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par son gérant actuellement en fonctions  et immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro NUMERO1.),

- partie défenderesse – comparant par Maître Jade MODERT, avocat à la Cour, en remplacement de la société en commandite simple KLEYR GRASSO s.e.c.s., établie à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant KLEYR GRASSO GP s.àr.l., établi à la même adresse, représentée aux fins de la présente procédure par Laure WOEHRLING, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à la même adresse.

 

F a i t s

L’affaire fut introduite par requête - annexée à la présente minute – déposée au greffe de la justice de paix de et à Esch-sur-Alzette en date du 12 décembre 2023 par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à Luxembourg, au nom et pour compte d’PERSONNE1.).

 

Les parties furent convoquées par la voie du greffe à comparaître devant le tribunal du travail d'Esch-sur-Alzette à l'audience publique du 4 janvier 2024 lors de laquelle la société en commandite simple KLEYR GRASSO s.e.c.s., établie à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant KLEYR GRASSO GP s.àr.l., établi à la même adresse, représentée aux fins de la présente procédure par Laure WOEHRLING, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à la même adresse.

 

L’affaire subit différentes remises contradictoires à la demande des parties pour paraître finalement à l’audience publique du 27 février 2025.

 

A l’appel de la cause à l’audience publique du 27 février 2025, la partie requérante comparut par Maître Nathalie BORON, en remplacement de Maître Lydie LORANG, avocats à la Cour, tandis que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. comparut par Maître Jade MADERT, avocat à la Cour, en remplacement de la société en commandite simple KLEYR GRASSO s.e.c.s., préqualifiée.

 

Les mandataires des parties présentes furent entendues en les demandes, moyens et explications de de leurs parties plus amplement repris dans les considérants du jugement qui suit.

 

Sur ce, le tribunal prit l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le

 

j u g e m e n t

Par requête datée du 12 décembre 2023 mais déposée au greffe du tribunal du travail de et à Esch-sur-Alzette en date du 15 décembre 2023, PERSONNE1.) à fait convoquer la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. à comparaître devant le tribunal du travail de céans, siégeant en matière de contestations entre employeurs et salariés, aux fins de l’entendre condamner à lui payer un montant de 13.521,24 € au titre de l’indemnité forfaitaire, avec les intérêts légaux à compter du 15 février 2023, date de la notification de la décision de reclassement professionnel externe, sinon à compter du 29 mars 2023, date de la première réclamation, sinon du 14 avril 2023, date de la mise en demeure, sinon à compter de la demande en justice jusqu’à solde, sinon tout autre montant même supérieur à arbitrer par le tribunal ou à dire d’experts.

 

PERSONNE1.) réclamait encore la condamnation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 € en application des dispositions de l’article 240 du nouveau code de procédure civile.

 

Il concluait également à l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

 

Il sollicitait finalement la condamnation de la partie adverse à tous les frais et dépens de l’instance.

 

Lors des débats en audience publique du 27 février 2025, PERSONNE1.) demande acte qu’il bénéficie désormais de l’assistance judiciaire.

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. réclame à titre reconventionnel la condamnation d’PERSONNE1.) à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 € en application des dispositions de l’article 240 du nouveau code de procédure civile.

 

Arguments, moyens et prétentions des parties

A l’appui de sa requête introductive d’instance, PERSONNE1.) exposait qu’il avait été aux services de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. à partir du 13 avril 1992 jusqu’au 14 février 2023, date d’une décision de reclassement professionnel externe prise par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail.

 

Il soutenait que compte tenu d’une ancienneté de services continus de plus de 31 ans auprès de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. au moment de la décision de reclassement, il pouvait prétendre en application des dispositions de l’article L.551-3(1) du code du travail à une indemnité forfaitaire égale à 4 mois de salaires. Il affirmait que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. lui avait refusé le paiement de ladite indemnité sous prétexte qu’elle remplissait son quota d’embauche de personnes handicapées sinon reclassées.

 

Il exposait que :

 

·         la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. employait 48 salariés au moment de son reclassement ;

·         il ressortait de la décision de la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. avait rapporté la preuve du respect de son obligation prévue à l’article 562-3 du code du travail ;

·         il ressortait encore de ladite décision que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. n’avait pas marqué son accord à un reclassement interne ;

·         il ressortait du visa de la décision que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. avait introduit une demande de dispense de reclassement interne d’PERSONNE1.) en date du 13 janvier 2023 ;

·         le reclassement externe d’PERSONNE1.) avait finalement été décidé par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail.

 

PERSONNE1.) estimait dès lors qu‘il pouvait prétendre au paiement d’une indemnité forfaitaire prévue à l’article 551-3(1) du code du travail égale à 4 mois de salaires compte tenu de son ancienneté de services continus de plus de 31 ans.

 

Compte tenu des dispositions de l’article 551-3(1) in fine du code du travail, selon lesquelles l’indemnité est calculée sur base des salaires bruts effectivement versés au salarié pour les douze derniers mois qui précèdent immédiatement celui de la notification de la décision de reclassement professionnel externe, y compris les indemnités pécuniaires de maladie ainsi que les primes et suppléments courants mais à l’exclusion des salaires pour heures supplémentaires, des gratifications et toutes indemnités pour frais accessoires exposés, PERSONNE1.) réclamait paiement d’un montant de 13.521,24 €.

 

Aux termes d’une note de plaidoiries versée lors des débats en audience publique du 27 février 2025, PERSONNE1.) conclut en premier lieu à la compétence territoriale du tribunal du travail de céans. Il argumente à ce sujet que seule l’affectation réelle du salarié avant le licenciement ou au moment du licenciement est à prendre en considération dans l’appréciation de la compétence territoriale et que la jurisprudence admet que si le salarié doit se rendre au siège de la société de son employeur pour y prendre des instructions et seulement ensuite se rendre aux différents chantiers, le siège de la société reste déterminant pour fixer le lieu effectif de travail du salarié.

 

PERSONNE1.) affirme en l’espèce que son employeur exigeait de son personnel qu’il se déplace tous les jours au siège de la société pour y pointer, pour y récupérer son matériel et pour y recevoir son planning du jour ainsi que ses instructions, avant de se rendre sur les divers chantiers. Il soutient encore qu’en fin de journée, l’ensemble du personnel devait revenir au siège de la société pour y restituer le matériel de travail et pour pointer.

 

PERSONNE1.) en déduit que le siège de la société constitue le lieu de travail principal de tous les salariés au sens de l’article 47 du nouveau code de procédure civile de son ancien employeur alors que ses activités étaient organisées à partir de ce siège.

 

Il verse à l’appui de son argumentation 3 attestations testimoniales ; à titre subsidiaire, il offre de prouver par l’audition de 3 témoins les faits suivants :

 

« Monsieur PERSONNE1.) a été engagé en qualité de jardinier à compter du 13 avril 1992 par la société SOCIETE1.) SARL pour y exercer cette activité auprès de ses clients.

 

Toutefois, Monsieur PERSONNE1.) devait se présenter chaque jour au siège de la société SOCIETE1.) SARL à ADRESSE3.), pour y restituer la camionnette, le matériel de travail et pointer sa fin de poste.

 

Monsieur PERSONNE1.) s’est ainsi rendu, chaque jour travaillé jusqu’au dernier jour de travail effectif, auprès du siège de la société SOCIETE1.) SARL à ADRESSE3.), pour y prendre les instructions, le matériel nécessaire à l’exécution de son travail et seulement ensuite se rendre auprès du chantier attribué.

 

Chaque salarié est tenu de se présenter chaque jour au siège de la société SOCIETE1.) SARL à ADRESSE3.), pour pointer sa présence, y prendre ses instructions de travail et ensuite se rendre sur les chantiers. »

 

Quant au fond, PERSONNE1.) argumente, après avoir rappelé les termes des dispositions des articles L.551-2(1), L.551-3(1) et L.326-9(6) du code du travail, que la locution « dans ce cas » employée dans l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail fait référence à la décision de reclassement externe prise par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail et non pas à la dispense par la Commission mixte; il en déduit que dans le cas d’une décision de reclassement externe prise par ladite Commission, l’employeur qui occupe plus de 25 salariés est tenu de payer l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.551-3(1). Il soutient à l’appui de son argumentation que le but du législateur était d’octroyer le même droit à une indemnité forfaitaire aux travailleurs reclassés en externe quel que soit le nombre de salariés occupés par leur employeur, partant qu’il n’était pas dans l’intention de l’employeur de créer une discrimination entre les travailleurs reclassés en externe selon que leur employeur était dispensé ou non de reclasser les salariés en interne s’il occupait plus de 25 salariés.

 

PERSONNE3.) réclame dès lors paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L.511-3(1) du code du travail, calculée selon les modalités prévues à l’article L.551-3(1) alinéa 4. Se prévalant d’une ancienneté continue de plus de 31 ans, il réclame une indemnité forfaitaire qu’il chiffre à 13.521,24 €.

 

A titre subsidiaire et pour autant que le tribunal devait estimer que la locution « dans ce cas » employée dans l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail faisait référence à la seule situation où le travailleur fait l’objet d’un reclassement externe après que la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail ait accordé une dispense de reclasser en interne à l’employeur occupant plus de 25 salariés, PERSONNE1.) argumente que la disposition légale dont objet crée une discrimination entre les travailleurs reclassés en externe suivant que leur employeur, occupant plus de 25 salariés, s’est vu accorder une dispense de reclasser en interne ou a refusé de reclasser en interne du fait qu’il remplissait déjà les quotas de personnes handicapées.

 

Le requérant argumente que ces travailleurs se trouvent dans une situation comparable puisqu’ils ont été déclarés inapte à occuper leur dernier poste de travail, qu’ils ont fait l’objet d’un reclassement professionnel externe et que la seule différence consiste dans la situation de l’employeur, partant en un critère extérieur à la situation personnelle des travailleurs.

 

Il demande dès lors à soumettre en application des dispositions de la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle à ladite Cour la question préjudicielle suivante :

 

« Est-ce que l’article L.551-3 (1) du Code du travail n’est pas contraire à l’article 15 (1) de la Constitution en ce qu’il crée une inégalité de traitement entre les personnes reclassées professionnellement sur le marché du travail externe suivant que leur employeur, occupant plus de 25 salariés, est dispensé par la Commission mixte de les reclasser en interne ou qu’il ait pu refuser de les reclasser en interne parce qu’il remplissait le taux fixé à l’article L.562-3 du Code du Travail »

 

Le requérant argumente qu’il ne semble qu’aucune décision ne soit intervenue sur cette question de sorte que la juridiction du travail actuellement saisie devait poser la question de la constitutionnalité en application de l’article 6 la loi modifiée du 27 juillet 1997 précitée avant de pouvoir statuer sur la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire telle que formulée par lui.

 

Il estime que dans cette hypothèse il y a lieu de sursoir à statuer sur le mérite de sa demande en attendant la réponse de la Cour Constitutionnelle et réserver les frais.

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. soulève en premier lieu l’incompétence territoriale du tribunal du travail de céans pour connaître de la demande adverse motif pris que les chantiers du requérant se seraient trouvés sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’en application des dispositions de l’article 47 du nouveau code de procédure civile, les juridictions du travail de Luxembourg seraient seules compétentes pour connaître du litige.

 

Elle conteste toute pertinence aux attestations testimoniales produites par la partie adverse ; elle conclut encore au rejet de l’offre de preuve formulée par la partie adverse faute de précision.

 

Quant au fond, elle conteste le mérite de la demande adverse.

 

Elle rappelle en premier lieu qu’elle avait été libérée de l’obligation de reclasser PERSONNE1.) en interne alors qu’elle occupait au jour de la saisine de la Commission Mixte un nombre de salariés bénéficiaires d’un reclassement professionnel interne ou externe dépassant le taux prévu à l’article L.562-3 du code du travail.

 

Pour le surplus, elle soutient que les dispositions de l’article L.551-3 (1) alinéa 2 visent uniquement l’hypothèse où un reclassement professionnel interne s’avère impossible alors qu’il causerait à l’employeur un préjudice grave mais non pas l’hypothèse où l’employeur se voit déchargé de l’obligation de procéder au reclassement professionnel interne du fait qu’il remplit déjà la quota de travailleurs en reclassement selon l’article L.562-3 du code du travail.

 

Elle fait siennes à ce sujet les développements du tribunal dans un jugement du tribunal du travail de et à Esch-sur-Alzette du 16 septembre 2024, inscrit au répertoire fiscal sous le numéro 1948/24, qui a retenu que :

 

« Il résulte de la lecture combinée de ces articles que l’indemnité forfaitaire en cas de reclassement n’est due au salarié reclassé en externe que dans deux hypothèses, à savoir :

 

* au cas où l’employeur, occupant moins de 25 salariés, n’est pas d’accord à consentir au reclassement interne du salarié alors que son accord est nécessaire, auquel cas il peut demander au Fonds pour l’emploi le remboursement de l’indemnité qu’il doit payer au salarié, et

 

* au cas où l’employeur, occupant au moins 25 salariés sans respecter les quotas en matière de travailleurs handicapés/reclassés et comme tel obligé de procéder au reclassement interne, est dispensé par la Commission mixte dudit reclassement obligatoire sur base d’un dossier de nature à prouver l’existence de préjudices graves dans son chef suite à un tel reclassement ».

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. se réfère encore aux développements du législateur dans l’exposé des motifs du projet de loi ayant donné lieu à la loi du 24 juillet 2020 portant modification du Code du travail, du Code de la sécurité sociale et de la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant le dispositif du reclassement interne et externe, portant introduction entre autres de l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable au moment de la saisine de la Commission mixte, pour affirmer qu’il était de l’intention du législateur que seuls les salariés dont l’employeur occupant plus de 25 salariés a été dispensé de les reclasser en interne par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail en raison des préjudices graves engendrés par pareil reclassement interne peuvent prétendre au paiement de l’indemnité forfaitaire.

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. renvoie encore à la prise de position de l’Agence dans le Développement de l’Emploi[1] et qui confirme qu’aucune indemnité forfaitaire n’est due si l’employeur a été déchargé du reclassement interne du fait qu’il occupe déjà un nombre de personnes handicapées respectivement reclassées répondant aux exigences de l’article 562-3 du code du travail.

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. s’oppose encore à la question préjudicielle telle que soulevée par la partie requérante pour être dénuée de pertinence alors que la disposition légale litigieuse concerne deux situations différentes ; elle conteste ainsi toute inégalité devant la loi. Elle soutient ainsi que les dispositions des articles L.551-1 et suivants du code du travail ont pour finalité d’inciter les employeurs à maintenir (autant que possible) l’emploi de travailleurs à reclasser. Elle estime, contrairement à l’avis défendu par la partie requérante, qu’il y a lieu de tenir compte non seulement de la situation du salarié, mais encore de celle de l’employeur qui fait obstacle au reclassement interne et que, partant, les salariés ne se trouvent pas dans une situation identique selon que leur employeur était libéré de l’obligation au reclassement du fait qu’il occupait déjà des salariés reclassés ou handicapés en nombre suffisant ou avait été dispensé du reclassement interne après avoir établi le préjudice grave inhérent à un tel reclassement.

 

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. demande dès lors à voir débouter PERSONNE1.) de sa demande en paiement de l’indemnité forfaitaire sollicitée ; à titre subsidiaire, elle déclare se rapporter à sagesse du tribunal du travail en ce qui concerne le quantum de l’indemnité.

 

A titre reconventionnel, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. réclame la condamnation d’PERSONNE1.) à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 €.

 

Appréciation du tribunal

Les faits constants en cause

 

Il ressort des pièces soumises à l’appréciation du tribunal du travail qu’PERSONNE1.) avait été aux services de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. depuis le 14 avril 1992 en qualité de jardinier.

 

Dans sa séance du 3 février 2023, la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail a décidé le reclassement professionnel externe d’PERSONNE1.). A l’appui de cette décision, la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail a visé entre autres la demande de dispense introduite par l’employeur en date du 13 janvier 2023 et a retenu que « l’employeur SOCIETE1.), SARL a rapporté la preuve du respect de son obligation prévue à l’article L.562-3 du code du travail de sorte qu’un reclassement professionnel interne ne peut lui être imposé ».

 

Quant à la compétence territoriale

Aux termes de l’article 47 du nouveau code de procédure civile :

 

« En matière de contestations relatives aux contrats de travail, aux contrats d'apprentissage, aux régimes complémentaires de pension et à l'assurance insolvabilité, la juridiction compétente est celle du lieu de travail.

 

Lorsque celui-ci s'étend sur le ressort de plusieurs juridictions, est compétente la juridiction du lieu de travail principal.

 

Lorsque le lieu de travail s'étend sur tout le territoire du Grand-Duché, est compétente la juridiction siégeant à Luxembourg.

 

(…) ».

 

Dans la mesure où la partie défenderesse conteste la compétence territoriale du tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, il appartient à la partie requérante de prouver que la juridiction saisie est territorialement compétente pour connaître de sa demande.

 

Si le déclinatoire de compétence est soulevé, il appartient en effet au demandeur de justifier la compétence du tribunal saisi (en ce sens : Cour d’appel, 25 février 2021, n° CAL-2020-00433 du rôle).

 

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier qu’PERSONNE1.) avait été engagé comme jardinier.

 

Il se dégage de l’article 47 du nouveau code de procédure civile que seule l’affectation réelle du salarié avant le licenciement ou au moment du licenciement est à prendre en considération (Cour d’appel, 29 novembre 2018, n° 45286 du rôle).

 

Or, pour la détermination du lieu de travail, il n’y a pas lieu de s’attacher aux possibilités théoriques d’affectation en cours d’exécution du contrat de travail, mais de tenir compte, au contraire, de l’affectation ou des affectations réelles du salarié.

 

Ainsi, il est de principe que pour la détermination du lieu de travail, il convient d’apprécier la situation réelle et concrète du salarié, partant de tenir compte du lieu de travail effectif du salarié (voir en ce sens Cour, 30 janvier 2020, numéro CAL-2018-00610 du rôle). Le lieu de travail déterminant correspond à la dernière affectation réelle, d’une durée suffisante pour créer un lien entre le salarié et son lieu de travail.

 

Il est de jurisprudence constante que l’affectation du salarié par l’employeur à des lieux différents pour de courtes durées situées en partie en-dehors du ressort judiciaire abritant le siège social de la société ne fait pas perdre au siège social de la société la qualité de lieu de travail, alors que c’est audit siège qu’est organisée l’exécution du travail de la société et que s’y rassemblent les salariés pour se rendre et revenir des différents chantiers (en ce sens : Cour d’appel, 12 juin 2012, n°36482 du rôle ; Cour d’appel, 12 juillet 2012, n°37710 du rôle).

 

En l’espèce il ressort des attestations testimoniales versées en cause qu’PERSONNE1.) s’est rendu quotidiennement au siège d’exploitation de la société employeuse sis à ADRESSE4.) pour y pointer, pour y prendre son matériel et pour y prendre ses instructions avant de se rendre sur les chantiers lui assignés par son employeur.

 

Même à supposer dès lors qu’PERSONNE1.) a été amené à se déplacer, dans l’exercice de ses fonctions, sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, ce fait ne permet toutefois pas de déduire que le lieu de travail s’étendait sur tout le territoire du Grand-Duché, l’activité de l’entreprise étant organisée depuis son siège et le salarié devant nécessairement s’y rendre pour pointer et pour prendre ses instructions et son matériel de travail.

 

Le siège d’exploitation de l’employeur se trouvant à ADRESSE4.), partant dans le ressort de la juridiction du travail d’Esch-sur-Alzette, le moyen d’incompétence soulevé par la société défenderesse est dès lors à rejeter.

 

L’examen de l’offre de preuve telle que formulée par PERSONNE1.) devient dès lors superfétatoire.

 

Quant à la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.551-3(1) du code du travail

 

Le tribunal tient pour constant au cause au vu des plaidoiries des parties, corroborées par la décision de la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail qui retient dans les considérants de la décision de reclassement que l’employeur occupait un effectif d’au moins 25 salariés au moment de la saisine de la Commission mixte, que l’employeur occupait au jour de la saisine de la Commission mixte un effectif total d’au moins vingt-cinq travailleurs, de sorte que la procédure prévue à l’article L.551-2, paragraphe 1er du code du travail s’applique[2].

 

Il convient de rappeler que l’article L.551-2 (1) du code du travail fait obligation à l’ « employeur qui occupe au jour de la saisine de la Commission mixte un effectif d’au moins vingt-cinq travailleurs et qui n’occupe pas le nombre de salariés bénéficiaires d’un reclassement professionnel interne ou externe dans les limites des taux prévus à l’article L.562-3 [..] l’obligation de reclasser le salarié visé à l’article L.551-1. » du code du travail.

 

L’article L.551-3(1) du code du travail tel que modifié par la loi du 24 juillet 2020 portant modification du Code du travail, du Code de la sécurité sociale et de la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant le dispositif du reclassement interne et externe, dispose toutefois que :

 

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 551-2, paragraphe (1), la commission mixte prévue à l’article L. 552-1 peut dispenser du reclassement professionnel interne l’employeur ayant introduit à cet effet un dossier motivé, s’il rapporte la preuve qu’un tel reclassement professionnel lui causerait des préjudices graves.

 

En cas de dispense accordée par la Commission mixte, celle-ci décide un reclassement professionnel externe. Dans ce cas, dès la notification de la décision de reclassement professionnel externe, l’employeur est tenu de payer à son salarié, une indemnité forfaitaire (….). »

 

Il existe dès lors deux exceptions à l’obligation légale de l’employeur occupant plus de 25 salariés de procéder au reclassement professionnel interne, à savoir lorsque l’employeur occupe des salariés bénéficiaires d’un reclassement professionnel interne ou externe (ceux-ci étant assimilés à des travailleurs handicapés au vœu de l’article L.551-2(1) premier alinéa du code du travail) dans la limite des taux prévus à l’article L.562-3 dudit code et lorsque l’employeur rapporte la preuve qu’un reclassement interne lui cause des préjudices graves au sens de l’article L. 551-3 (1) dudit code.

 

En l’espèce, la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail a retenu que la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. a rapporté la preuve du respect des quotas fixés à l’article L.562-3 du code du travail.

 

Il s’agit dès lors d’apprécier si la disposition de l’article L.551-2 (1) alinéa 2 du code du travail relative à l’indemnité forfaitaire s’applique, concernant les employeurs occupant plus de 25 salariés, à toute décision libérant de l’obligation au reclassement ou, au contraire, uniquement aux décisions de dispense de reclassement interne en cas de preuve que le reclassement professionnel causerait des préjudices qualifiés de graves.

 

Or, l’article L.551-3(1) alinéa 2 a été inséré immédiatement après la disposition relative à la dispense de reclassement pour le cas où il serait établi que ledit reclassement cause des préjudices graves à l’employeur, tandis que l’autre hypothèse justifiant la libération de l’obligation de reclasser, à savoir le respect des seuils fixées par l’article L.562-3 du code, est visée par l’article L.551-2(1).

 

Dans l’exposé des motifs du projet de loi ayant donné lieu à la loi du 24 juillet 2020 portant modification du Code du travail, du Code de la sécurité sociale et de la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant le dispositif du reclassement interne et externe, portant introduction entre autres de l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable au moment de la saisine de la Commission mixte, les auteurs du projet de loi expliquent que seul « l’employeur, occupant un effectif de plus de vingt-cinq travailleurs, ne remplissant pas les quotas et qui présente un dossier motivé rapportant la preuve qu’un reclassement professionnel interne lui causerait des préjudices graves et que la Commission mixte lui donne raison en rendant une décision de reclassement professionnel externe, est tenu de verser à son salarié, dès la notification du reclasse ment professionnel externe, une indemnité forfaitaire qui variera en fonction de l’ancienneté de service du salarié »[3] et que c’est uniquement « En cas de dispense du reclassement professionnel interne par la Commission mixte, sur base d’un dossier motivé rapportant la preuve que ce reclassement professionnel lui causerait des préjudices graves et en décidant un reclassement professionnel externe, l’employeur est tenu de payer à son salarié dès la notification de la décision de reclassement professionnel externe, une indemnité forfaitaire »[4].

 

Le Conseil d’Etat n’a pas formulé d’observations à l’examen de la disposition légale concernée.[5]

 

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le tribunal retient, en ce qui concerne les employeurs occupant plus de 25 salariés au moment de la saisine de la Commission mixte, que c’est uniquement dans le cas où l’employeur est dispensé par la Commission mixte de son obligation au reclassement interne sur base d’un dossier de nature à prouver que le reclassement interne l’expose à des préjudices graves que l’employeur doit payer l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.551-3 (1) alinéa 2 du code du travail.

 

Or, en l’espèce, PERSONNE1.) a fait l’objet d’un reclassement externe décidé par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail en considération du fait que l’employeur a rapporté la preuve du respect de son obligation prévue à l’article L.562-3 du code du travail.

 

A titre subsidiaire et pour autant que le tribunal devait retenir que la « locution conjonctive [de l’article L.551-3 (1) alinéa 2 ] fait référence à la seule hypothèse ou le travailleur fait l’objet d’un reclassement externe après que la Commission mixte ait accordé une dispense à son employeur occupant plus de 25 salariés de la reclasser en interne », PERSONNE1.) demande à voir poser la question préjudicielle plus amplement détaillée ci-dessus à la Cour constitutionnelle pour violation du principe d’égalité devant la loi, dès lors que s’il n’était pas fait droit à son argumentation principale, il serait traité de façon inégalitaire par rapport à un salarié d’un employeur occupant plus de 25 salariés qui aurait été dispensé du reclassement interne au motif que pareil reclassement exposerait l’employeur à un préjudice grave et qui aurait droit à l’indemnité forfaitaire dont s’agit.

 

Il convient de rappeler que l’article 15 de la Constitution luxembourgeoise prévoit que

 

« (1)Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

 

La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

 

(2)Nul ne peut être discriminé en raison de sa situation ou de circonstances personnelles.

 

(….) »

 

Il y a lieu de préciser que l’article 16 de la Constitution fait également bénéficier tout non-Luxembourgeois qui se trouve sur le territoire du Grand-Duché de la même protection, sauf les exceptions établies par la loi.

 

En application de l’article 2 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle telle que modifiée par la loi du 6 décembre 2019 portant modification de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, il appartient à la Cour Constitutionnelle de statuer, suivant les modalités déterminées par la loi, sur la conformité des lois à la Constitution, à l'exception de celles qui portent approbation de traités.

 

L’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 dispose que:

« Lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu'elle estime que:

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

Si une juridiction estime qu'une question de conformité d'une loi à la Constitution se pose et qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d'office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ».

 

La juridiction du fond qui est saisie d'une question préjudicielle est en principe tenue de la soumettre à la Cour constitutionnelle, sauf si les conditions de dispense sont données. Il ne lui revient pas de juger si la différenciation opérée par la loi est objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but (voir notamment Cass., arrêt n° 63/2021 du 22 avril 2021, numéro CAS-2020-00073 du registre).

 

Les motifs de dispense de saisine ne sont pas cumulatifs, mais alternatifs, ainsi que l’établit le rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés rendu dans le cadre des travaux préparatoires de la loi de 1997:

 

« Par exception au principe de saisine obligatoire, les juridictions seront dispensées de soumettre la question de la constitutionnalité à la Cour constitutionnelle dans les trois hypothèses suivantes :

- si elles estiment qu’une décision sur la question de constitutionnalité n’est pas nécessaire pour rendre leur jugement; ou bien

- si elles estiment que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement; ou bien

- si la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet »

(voir Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle, du 20 juin 1997, document parlementaire n° 4218-9, page 10, sous « Article 6 »).

 

Il peut être tenu pour constant en cause que la Cour constitutionnelle n’a pas encore statué sur une question ayant le même objet que la question préjudicielle actuellement suggérée.

 

Il reste dès lors à déterminer si la question de la constitutionnalité soulevée est, le cas échéant, dénuée de tout fondement.

 

Le défaut de tout fondement qui dispense le juge du fond de saisir la Cour Constitutionnelle doit être évident et manifeste au point de s’imposer à lui. (Cass., arrêt n° 11/10 du 25 février 2010).

 

La Cour de cassation admet que lorsque le juge du fond constate que la loi est «neutre», il peut conclure à l’application de l’article 6, alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle (Cass. n° 6/12 du 16 février 2012, numéro 2900 du registre).

 

Il appartient au juge de renvoi d’apprécier la comparabilité des situations visées par la loi ou le caractère différenciant ou neutre de la loi. Dès lors que les situations en cause ne sont pas comparables, le juge peut considérer que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement. (Conclusions du Parquet Général, affaire inscrite sous le numéro 3223 du registre).

 

Il est ainsi admis que la comparabilité des situations dont la discrimination est alléguée entre dans le champ d’appréciation des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif afin de déterminer si une question de conformité à l'article 10bis (1) de la Constitution (devenu l’article 15) n'est pas dénuée de tout fondement au regard de l'article 6 alinéa 2, sous b) de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle (voir Cass., arrêt n° 85/2020 du 18 juin 2020, numéro CAS-2019-00096 du registre, voir également Cass., arrêt n° 139/2021 du 25 novembre 2021, numéro CAS-2020-00129 du registre).

 

Face au constat que les deux situations dont une discrimination alléguée est déduite ne sont pas comparables, les juges du fond peuvent conclure que la question préjudicielle soulevée est dénuée de tout fondement sans violer l’article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 (voir entre autres: Cass., arrêt n° 166/2019 pénal du 5 décembre 2019, numéro CAS-2018-00116 du registre).

 

Les juges du fond doivent néanmoins indiquer les éléments de fait les ayant amenés à retenir leur conclusion relative à cette comparabilité des situations, permettant à la Cour de cassation de contrôler ce point. (Cass, arrêt n°27/2020 du 3 février 2020, numéro CAS-2019-00017 du registre).

 

Les parties sont en désaccord quant à l’étendue de la situation à prendre en considération dans l’examen de la comparabilité, le requérant argumentant qu’il y avait lieu de tenir compte uniquement de la situation du salarié tandis que la société défenderesse estime qu’il y avait également lieu de prendre en considération la situation de l’employeur.

 

Or, la situation de base des salariés en reclassement et dont l’employeur, occupant plus de 25 salariés, a été libéré de son obligation au reclassement interne est la même en ce qu’ils sont tous les deux dans l’incapacité d’exercer l’occupation qu’ils exerçaient précédemment auprès de leur employeur. Ils se trouvent partant dans une situation d’origine comparable qui est traitée différemment suivant que l’employeur rapporte la preuve du respect de son obligation prévue à l’article L.562-3 du code du travail ou qu’il rapporte la preuve qu’un tel reclassement professionnel lui causerait des préjudices graves.

 

Le législateur, en introduisant l’indemnité forfaitaire dont s’agit, n’a pas autrement expliqué pourquoi il entendait limiter le bénéfice de l’indemnité aux seuls salariés dont l’employeur avait établi que le reclassement interne l’exposait à un préjudice important.

 

Dans la mesure où, dans ces circonstances, la question préjudicielle soulevée n’est pas dénuée de fondement, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, de déférer à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

 

« Est-ce que l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail tel qu’introduit par une loi du 24 juillet 2020 portant modification du Code du travail, du Code de la sécurité sociale et de la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant le dispositif du reclassement interne et externe, en ce qu’il oblige l’employeur à paiement d’une indemnité forfaitaire aux salariés incapables d’exercer leur dernier emploi reclassés sur le marché du travail externe lorsque leur employeur, occupant plus de 25 salariés, est dispensé de les reclasser en interne par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail du fait des préjudices graves engendrés par un reclassement interne alors que l’article L.551-2(1) du code du travail n’attribue pas pareille indemnité aux salariés incapables d’exercer leur dernier emploi reclassés sur le marché du travail externe lorsque leur employeur, occupant plus de 25 salariés, est libéré de l’obligation de les reclasser en interne en raison du fait qu’il a à son service un nombre de salariés bénéficiaires d’un reclassement professionnel interne ou externe respectivement salariés handicapés dans les limites des taux prévus à l’article L.562-3 du code du travail, est-il conforme au principe d’égalité de toute personne devant la loi tel que consacré par l’article 15 de la Constitution ? »

 

Il convient dès lors de réserver la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire telle que formulée par PERSONNE1.), les demandes réciproques en allocation d’une indemnité de procédure ainsi que les frais en attendant que la question préjudicielle soit toisée.

 

 

P a r  c e s  m o t i f s:

Le tribunal du travail de et à Esch-sur-Alzette, siégeant en matière de contestations entre employeurs et salariés, statuant contradictoirement entre parties et en premier ressort;

 

reçoit la demande d’PERSONNE1.) en la forme ;

 

donne acte à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. de sa demande reconventionnelle à voir condamner PERSONNE1.) à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 € ;

 

se déclare territorialement compétent pour connaître des demandes d’PERSONNE1.) ;

 

avant tout autre progrès en cause

 

défère à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

 

« Est-ce que l’article L.551-3(1) alinéa 2 du code du travail tel qu’introduit par une loi du 24 juillet 2020 portant modification du Code du travail, du Code de la sécurité sociale et de la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant le dispositif du reclassement interne et externe, en ce qu’il oblige l’employeur au paiement d’une indemnité forfaitaire aux salariés incapables d’exercer leur dernier emploi reclassés sur le marché du travail externe uniquement lorsque leur employeur, occupant plus de 25 salariés, est dispensé de les reclasser en interne par la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail du fait des préjudices graves engendrés par un reclassement interne alors que l’article L.551-2(1) du code du travail n’attribue pas pareille indemnité aux salariés incapables d’exercer leur dernier emploi reclassés sur le marché du travail externe lorsque leur employeur, occupant plus de 25 salariés, est libéré de l’obligation de les reclasser en interne en raison du fait qu’il a à son service un nombre de salariés bénéficiaires d’un reclassement professionnel interne ou externe ou salariés handicapés dans les limites des taux prévus à l’article L.562-3 du code du travail, est-il conforme au principe d’égalité de toute personne devant la loi tel que consacré par l’article 15 de la Constitution ? »

 

fixe l’affaire au rôle général en attendant que la question préjudicielle soit toisée;

 

réserve l’ensemble des demandes formulées tant par PERSONNE1.) que par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l. ainsi que les frais et dépens de l’instance.

 

Ainsi fait et jugé en audience publique à Esch-sur-Alzette par le tribunal du travail d'Esch-sur-Alzette composé de :

 

Daniel LINDEN, juge de paix, président,

Armand ROBINET, assesseur-employeur,

Christian BIOT, assesseur-salarié,

Juliette STEFFES, greffière,

 

et prononcé en audience publique à Esch-sur-Alzette par Daniel LINDEN, juge de paix, président,

et ont le président et la greffière signé le présent jugement.

 

 

[1] Pièce 5 de Me Lorange, courrier électronique du 16 mars 2023

[2] Voir article 326-9du code du travail, paragraphe 6, dernier alinéa

[3] Doc. parl. 7309, page 2 de l’exposé des motifs

[4] Doc. parl. 7309, page 16 de l’exposé des motifs

[5] Doc. parl. 7309 (3) avis du Conseil d’Etat, page 4

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