Le tribunal administratif a rendu le jugement suivant en date du 2 avril 2021:
Tribunal administratif N° 40108a du rôle
du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2017
4e chambre
Audience publique du 2 avril 2021
Recours formé par
Monsieur ..., …,
contre une décision rendue par le conseil communal de ...
en matière de stage
JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 40108 du rôle et déposée en date du 25 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision rendue le 24 mai 2017 par le conseil communal de ... ayant refusé de lui conférer une nomination définitive dans la carrière du rédacteur ;
Revu l’exploit de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 31 août 2017, portant signification de la prédite requête introductive d’instance à l’administration communale de ..., représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à la maison communale à L-… ;
Revu le jugement du tribunal administratif du 14 décembre 2018, inscrit sous le n° 40108 du rôle ;
Vu l’arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019, inscrit sous le n° 42281C du rôle ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Danira Mustafic, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2020 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 9 octobre 2020 prononçant la rupture du délibéré et autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 30 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 20 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger pour le compte de l’administration communale de ... ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Danira Mustafic, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 novembre 2020.
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Le 1er avril 2015, Monsieur ... entra en fonction au secrétariat communal de ... en tant que rédacteur communal en service provisoire.
Par une décision du collège des bourgmestre et échevins de ..., dénommé ci-après « le collège échevinal », du 23 juillet 2015, Monsieur ... fut affecté au Biergerzenter avec effet au 1er août 2015.
En date du 15 février 2017, le collège échevinal accorda à Monsieur ... une prolongation du service provisoire de deux mois avec effet au 1er avril 2017, au motif que ce dernier devrait « encore se soumettre à l’examen de fin de formation spéciale de la carrière du rédacteur communal avant que le conseil communal ne puisse se prononcer au sujet de sa nomination définitive (…) ».
Le 17 mai 2017, le président de la commission d’examen attesta à Monsieur ... de sa réussite à l’examen de fin de formation spéciale dans la carrière du rédacteur.
Par une délibération du conseil communal de ... du 24 mai 2017, dénommé ci-après « le conseil communal », ce dernier décida « de refuser de conférer à Monsieur ..., (…), une nomination définitive dans la carrière du rédacteur communal de la commune de ... ». Cette décision fut motivée comme suit :
« (…) Revu sa délibération du 19 mars 2015, portant nomination provisoire de Monsieur ... à la fonction de rédacteur communal à partir du 1er avril 2015, approuvée par le Ministère de l'Intérieur en date du 16 avril 2015, numéro de référence L/13735/15 ;
Revu sa délibération du 15 février 2017, portant prolongation du service provisoire de Monsieur ... du 1er avril 2017 jusqu'au 31 mai 2017, approuvée par le Ministère de l'Intérieur en date du 20 mars 2017, numéro de référence L/13735/17 ;
Considérant qu'il résulte d'une communication du Ministère de l'Intérieur du 17 mai 2017, que l'intéressé a passé avec succès l'examen de fin de formation générale dans la carrière du rédacteur communal et l'examen de fin de formation spéciale dans la carrière du rédacteur communal, qu'il en résulte que l'intéressé a réussi à l'examen d'admission définitive prévu pour sa carrière ;
Considérant que Monsieur ... a été affecté au moment de son entrée en service au secrétariat communal ;
Vu le rapport du 2 juillet 2015 de Mesdames … et …, duquel il résulte que Monsieur ... n'a pas été à même d'assumer les missions lui confiées au sein du service visé et qu'il a été incapable de travailler de façon autonome et que malgré les explications lui fournies par ses collègues la situation ne se serait pas améliorée ; que suite à ce rapport, le collège des bourgmestre a eu un entretien avec Monsieur ... le 3 août 2015 lors duquel le collège échevinal lui a exposé les problèmes en relation avec ses capacités professionnelles ;
Considérant que suite à cette entrevue Monsieur ... a été affecté au « Biergerzenter », regroupant le bureau de la population ainsi que le service de l'état civil, afin de permettre à l'intéressé de travailler dans des matières moins complexes et moins diversifiées que celles inhérentes au secrétariat communal ;
Considérant que l'intéressé a été informé en ce moment que le changement d'affectation en question serait à considérer comme dernière chance en vue de son maintien en service provisoire et qu'il faudrait absolument qu'il fasse preuve d'un effort personnel afin de se doter des connaissances théoriques et pratiques professionnelles requises ;
Vu l'avis du 17 mai 2017 du responsable du « Biergerzenter », duquel il résulte que Monsieur ... rencontre de sérieux problèmes pour assumer de façon autonome les tâches lui confiées, qu'il ne dispose pas des connaissances théoriques exigées dans le chef d'un rédacteur dans les matières en relation avec son activité professionnelle ; qu'il commet de nombreuses erreurs et qu'il fait preuve d'un comportement agressif lorsqu'il y est rendu attentif par ses collègues et supérieurs hiérarchiques ;
Vu l'avis du 18 mai 2017 de la délégation des fonctionnaires de la commune de ... ;
Considérant qu'il résulte des considérations qui précèdent que Monsieur ... n'offre ni les connaissances théoriques requises en vue d'une nomination définitive dans la carrière du rédacteur, ni les compétences pratiques professionnelles et sociales y afférentes, de sorte que le collège des bourgmestre et échevins propose au conseil communal de ne pas conférer à Monsieur ... sa nomination définitive ;
Vu la loi du 24 décembre 1985 modifiée fixant le statut général des fonctionnaires communaux et notamment son article 5 ;
Vu la loi communale du 13 décembre 1988 modifiée et notamment ses articles 19, 30 et 32 ; (…) ».
Cette décision fut notifiée par le bourgmestre de ... à Monsieur ... par un courrier du 29 mai 2017 dont la teneur est la suivante :
« (…) Nous avons l'honneur de vous informer que lors de sa réunion du 24 mai 2017, le conseil communal de ... a refusé de vous conférer une nomination définitive dans la carrière du rédacteur.
La décision en question est motivée par le fait qu'il résulte de différents rapports établis par vos supérieurs hiérarchiques que vous ne faites preuve ni des connaissances théoriques requises en vue d'une nomination définitive dans la carrière du rédacteur, ni des compétences pratiques professionnelles et sociales y afférentes. Nous joignons en annexe copie des documents visés.
Étant donné que vous bénéficiez actuellement d'une prolongation de votre service provisoire jusqu'au 31 mai 2017, qui vous a été accordée par délibération du conseil communal du 15 février 2017, nous constatons que votre relation professionnelle avec l'administration communale de ... touchera à sa fin le 31 mai 2017.
La décision du conseil communal du 24 mai 2017 prémentionnée est susceptible d'un recours contentieux devant le Tribunal administratif dans les trois mois de la présente notification. Le recours visé doit être formé par ministère d'avoué. (…) ».
Par requête déposée le 25 août 2017 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ... a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 24 mai 2017 ayant refusé de lui conférer une nomination définitive dans la carrière du rédacteur communal.
Par jugement du tribunal du 14 décembre 2018, inscrit sous le n° 40108 du rôle, le tribunal se déclara compétent pour connaître du recours principal en réformation, le déclara recevable en la forme et justifié quant au fond.
En effet, s’il n’avait pas fait droit aux moyens de légalité externe invoqués, tenant d’une part, à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », au motif que du fait de s’être présenté à ses examens de fin de stage devant décider de son engagement définitif, Monsieur ... devait être considéré comme ayant été à l’initiative de la décision litigieuse, d’autre part, à une insuffisance de motifs du fait que la décision déféré comporte une motivation en fait et en droit suffisamment étayée, le tribunal déclara cependant fondé le recours sur base d’une violation de l’article 5 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, dénommée ci-après « le statut général des fonctionnaires communaux », au motif que, dans le cadre de la décision à prendre aux termes de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux au sujet de la nomination définitive d’un fonctionnaire communal, le conseil communal ne dispose que d’une compétence liée lui permettant seulement de vérifier si à la fin de la période de service provisoire le candidat a réussi ses examens, le tribunal ayant assis cette analyse sur base de l’économie générale des dispositions légales applicables, ainsi que sur la volonté du législateur, telle que consignée dans les travaux parlementaires afférents.
Il prononça dès lors l’annulation, dans le cadre du recours en réformation, de la décision de refus de nomination définitive de Monsieur ..., sans toiser le dernier moyen invoqué tenant à la proportionnalité de cette décision, cette analyse devenant superfétatoire.
Suite à une requête d’appel, déposée par le litismandataire de l’administration communale de ... au greffe de la Cour administrative le 25 janvier 2019, la Cour administrative a réformé le jugement précité dont appel du 14 décembre 2018, en décidant, dans son arrêt du 4 juin 2019, inscrit sous le numéro 42281C du rôle, que la décision litigieuse n’encourt pas l’annulation pour violation de l’article 5 du statut des fonctionnaires communaux général, au motif que :
« (…) S’il est certes exact que l’article 4, point 3, alinéa 5, du statut général énonce qu’« avant la fin du service provisoire le fonctionnaire doit subir, le cas échéant, un examen qui décide de son admission définitive », la réussite à l’examen d’admission définitive ne constitue cependant, aux yeux de la Cour, qu’une condition préalable et indispensable constatant l’éligibilité du fonctionnaire communal en vue de sa nomination définitive et non pas un automatisme en vue de cette nomination et la faculté de pouvoir prendre une décision de refus motivée reste toujours possible d’après le libellé clair de l’alinéa 2 de l’article 5 du statut général.
Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’avant toute interprétation, le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu'elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises, l’application textuelle du texte clair et précis par le juge, en l’occurrence l’article 5, alinéa 2, du statut général, ne pouvant trouver exception que dans la mesure où il aboutirait à une situation absurde, contraire à toute logique, bref au bon sens même. Or, le législateur, en prévoyant une obligation de motivation à charge du conseil communal pour l’hypothèse d’une décision de refus d’admission définitive lui permet précisément de motiver ce refus par des éléments de motivation qui lui sont propres et qui vont au-delà du simple constat d’échec à l’examen d’admission définitive. (…) ».
Sur base de cette motivation l’arrêt précité du 4 juin 2019 a notamment « par réformation du jugement entrepris du 14 décembre 2018, dit que c’est à tort que le tribunal administratif, dans le cadre du recours en réformation, a annulé la décision du 14 mai 2017 du conseil communal de ... refusant la nomination définitive de Monsieur ... en tant que fonctionnaire communal auprès de la commune de ... et renvoyé le dossier devant l’administration communale de ... ; » tout en renvoyant le dossier devant le tribunal administratif en prosécution de cause.
Vu que cet arrêt toise définitivement le premier moyen de légalité interne invoqué par le demandeur, il n’appartiendrait dès lors a priori plus qu’au tribunal de toiser le dernier moyen invoqué au fond, à savoir celui relatif à une éventuelle disproportion de la décision de refus de nomination définitive.
Or, au vu de l’interprétation de l’article 5, alinéa 2, du statut général des fonctionnaires communaux telle que retenue par la Cour administrative, de manière à y voir un pouvoir discrétionnaire dans le chef du conseil communal lui permettant de motiver son refus de nomination provisoire, même en cas de réussite à l’examen de fin de stage, « par des éléments de motivation qui lui sont propres et qui vont au-delà du simple constat d’échec à l’examen d’admission définitive », l’arrêt précité du 4 juin 2019 met également en cause la décision du tribunal relative au moyen tenant à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, alors que ce moyen avait été rejeté sur base de la considération que le fonctionnaire en service provisoire, du fait de s’être présenté à son examen de fin de stage, devrait être considéré comme étant lui-même à l’initiative de la décision du conseil communal litigieuse. Or, ladite solution, basée sur la prémisse que dans le cadre d’une compétence liée, le conseil communal ne pourrait que vérifier la réussite ou l’échec à l’examen de fin de stage, devra être réexaminée à la lumière des enseignements de l’arrêt précité de la Cour administrative du 4 juin 2019, ayant jugé que l’article 5, alinéa 2 du statut général des fonctionnaires communaux permettrait au conseil communal, même en cas de réussite à l’examen de fin de stage, d’invoquer à la base d’une décision de refus d’autres considérations « qui lui sont propres », motivation supplémentaire par rapport aux résultats de l’examen auquel il s’est présenté.
Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 devra donc être réexaminé à la lumière des enseignements de l’arrêt précité du 4 juin 2019, analyse à laquelle le tribunal ne peut cependant pas immédiatement procéder dans la mesure où le demandeur a remis en cause la constitutionalité de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux.
En effet, à l’audience publique des plaidoiries, le demandeur a encore soulevé un moyen nouveau qu’il considère comme étant d’ordre public, c’est à dire invocable à tout moment de l’instance et même d’office par le tribunal, selon lequel le régime des fonctionnaires communaux en application de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’interprété par la Cour administrative dans son arrêt précité du 4 juin 2019, violerait le principe de l’égalité devant la loi édicté par l’article 10bis de la Constitution, alors que notamment, malgré le principe du parallélisme des carrières respectives, les fonctionnaires communaux seraient traités différemment des fonctionnaires de l’Etat en ce qui concerne leur nomination définitive, étant donné que pour ces derniers, la nomination définitive relèverait d’une compétence liée. Il y aurait lieu de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle y relative.
La partie défenderesse n’avait pas spécialement pris position sur cette question à l’audience des plaidoiries.
Si les plaidoiries se bornent généralement à clarifier les développements écrits sans pouvoir avancer d’éléments nouveaux, il en va autrement des moyens d’ordre public, lesquels peuvent aussi être soulevés d’office par le juge[1].
La question de la constitutionnalité de la loi étant d’ordre public, le juge est tenu de la soulever d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur la pertinence de la question préjudicielle envisagée[2].
Par un avis du 9 octobre 2020, le tribunal a dès lors prononcé la rupture du délibéré et autorisé les parties à déposer un mémoire supplémentaire limité à cette question de constitutionalité.
Dans son mémoire supplémentaire la partie défenderesse conclut, à titre liminaire, à l’irrecevabilité du moyen tendant à une éventuelle violation de l'article 10bis de la Constitution au motif que la Cour administrative aurait limité son renvoi au tribunal administratif à la seule question portant sur la pertinence des motifs invoqués par le conseil communal à l'appui de la décision déférée du 24 mai 2017.
Elle souligne à ce titre que la question portant sur les types de pouvoirs dévolus au conseil communal en matière de nomination définitive des fonctionnaires communaux, aurait été définitivement tranchée par la Cour administrative dans son arrêt du 4 juin 2019 qui aurait, contrairement à ce qu'avait retenu la jurisprudence antérieure, reconnu qu'en matière de nomination définitive, le conseil communal disposait clairement d'un pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, seul le moyen tenant à la réalité et à la pertinence des motifs invoqués par le conseil communal à l'appui de la décision déférée ne serait pas encore toisé, de sorte qu’il n’appartiendrait plus au tribunal, statuant sur renvoi, de revenir sur la question de la compétence dévolue au conseil communal en la matière.
La partie défenderesse souligne que le demandeur n’ayant à aucun moment de l'instance d'appel soulevé la problématique d’une éventuelle violation de la Constitution, il ne saurait lui être permis, devant le tribunal, statuant sur renvoi, de ré-ouvrir les débats quant au type de pouvoir dévolu au conseil communal en matière de nomination définitive d'un fonctionnaire communal.
Le tribunal ne saurait partant être admis à remettre en cause un moyen déjà examiné et jugé définitivement par la juridiction supérieure, sans que cette dernière n'ait retenu la moindre violation de l'article 10bis de la Constitution, rappelant que le moyen y relatif n’aurait à aucun moment été soulevé devant la Cour administrative.
A l’audience des plaidoiries, le litismandataire de Monsieur ... fait rétorquer que si le moyen de constitutionalité est certes nouveau, il serait néanmoins admissible.
Force est au tribunal de retenir que c’est à bon droit que le demandeur a relevé que l’autorité de chose jugée ne saurait être opposée à la question de constitutionalité de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, alors que ledit moyen n’a pas encore été toisé par l’arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019, ladite question étant en effet une conséquence de l’interprétation par la Cour administrative de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, la question afférente d’une discrimination entre les différents agents public étatiques et communaux n’ayant pas pu se poser avant.
S’il n’est plus permis au tribunal de mettre en cause l’arrêt de la Cour administrative en ce qui concerne l’interprétation à donner à l’article 5, alinéa 2 du statut général des fonctionnaires communaux, et si la Cour n’a pas évoqué l’affaire au motif que les parties n’avaient pas pris position devant elle sur la proportionnalité de la décision litigieuse, de sorte à renvoyer, sur ce point, le dossier au tribunal de céans pour permettre aux parties de disposer d’un double degré de juridiction y relatif, force est néanmoins de relever que l’arrêt du 4 juin 2019 ne saurait empêcher le tribunal de statuer, le cas échéant, sur le bien-fondé d’un moyen nouveau d’ordre public qui n’a pas pu être discuté par avant devant la juridiction suprême.
Il s’ensuit que ledit moyen nouveau n’est pas à écarter, étant rappelé qu’une question de constitutionalité d’une disposition législative est une question d’ordre public qu’il est possible de soulever, même d’office, en tout état de cause.
Au fond, le demandeur fait plaider que le revirement de jurisprudence engagé par la Cour administrative dans son arrêt du 4 juin 2019 et notamment le fait de retenir que dès qu’une autorité administrative a une obligation de motivation spéciale, elle aurait nécessairement un pouvoir discrétionnaire, porterait non seulement atteinte aux pouvoirs du juge administratif, dont l'intensité du contrôle juridictionnel ne serait plus absolue par rapport aux décisions sur compétence liée, mais aboutirait finalement à supprimer de l'ordonnancement juridique les décisions sur compétence liée, puisque « toute » décision administrative devrait être motivée.
Ce serait d'ailleurs la raison pour laquelle la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « le statut général des fonctionnaires de l’Etat », ne connaîtrait pas de disposition similaire à l'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, étant donné que, dans la mesure où les décisions de nomination définitive ou de refus de nomination définitive d'un fonctionnaire d'Etat devraient toujours être motivées, le législateur aurait fait l'économie de préciser que les décisions y relatives devraient être motivées, alors même qu’il s’agirait de décisions intervenant sur compétence liée.
Le demandeur estime que l'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’interprété par la Cour, aboutirait à une double rupture d'égalité, à savoir non seulement par rapport aux stagiaires en service provisoire de la fonction publique étatique qui ne connaîtraient pas de disposition similaire, mais aussi par rapport aux stagiaires de la fonction publique communale qui seraient licenciés en cours de service provisoire ou pour lesquels le service provisoire ne serait pas prolongé.
Il y aurait ainsi une différence de traitement du stagiaire de la fonction publique communale en fonction de la décision qui mettrait fin à son stage, étant donné que les décisions de licenciement et de non-prolongation du service provisoire devraient respecter les garanties notamment de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, alors que cette garantie n’existerait pas en matière de refus de nomination définitive.
Il souligne qu’en l'espèce, il n'aurait eu droit ni à une information de l'intention de l'administration communale de refuser sa nomination définitive, ni, par la force des choses, à un délai d'au moins huit jours pour présenter ses observations.
Quant à la différence de traitement par rapport aux fonctionnaires étatiques, le demandeur fait relever qu’il serait notamment de jurisprudence constitutionnelle que les fonctionnaires de l'Etat et les fonctionnaires communaux seraient comparables en leur qualité d'agents de droit public et au regard de leur situation statutaire, de sorte qu’il en devrait être de même pour les aspirants fonctionnaires, en service provisoire, qu'ils soient licenciés en cours de stage, qu'ils se voient opposer un refus de prolongation du stage, respectivement un refus de nomination définitive.
Or, le statut général des fonctionnaires de l’Etat ne connaîtrait pas de disposition similaire à l'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, de sorte qu’il y aurait lieu d'en conclure qu'à défaut de disposition spécifique y relative, le législateur aurait implicitement mais nécessairement considéré que ces décisions seraient des décisions sur compétence liée qui devraient cependant être motivées conformément à l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Il découlerait de l'arrêt du 4 juin 2019 de la Cour administrative qu’en matière de nomination définitive, il y aurait une inégalité de traitement dans la mesure où, pour la fonction publique communale, l'obligation spécifique de motivation voulue par le législateur donnerait un pouvoir d'appréciation à l'autorité de nomination pour refuser la nomination, alors que pour la fonction publique étatique, le défaut d'obligation de motivation spécifique induirait nécessairement une compétence liée de l'autorité de nomination pour refuser ou accepter la nomination définitive.
Il y aurait dès lors bien une différence de traitement entre les stagiaires aspirants fonctionnaires communaux arrivant au terme de leur service provisoire et les stagiaires aspirants fonctionnaires d'Etat arrivant au terme de leur stage, alors que pour les premiers, à la fin du service provisoire et en cas de réussite à l'examen d'admission définitive, le conseil communal pourrait refuser la nomination définitive en prenant une décision motivée « ayant trait au déroulement du stage », en application de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’interprété par la Cour administrative, alors que pour les derniers, leur nomination serait définitive après « avoir accompli un stage et passé avec succès l'examen de fin de stage », en application de l’article 2, paragraphe (1), point g) du statut général des fonctionnaires de l’Etat, ne prévoyant pas de décision formelle ou de motivation spéciale, dans le cadre d'une décision sur compétence liée.
Ainsi, pour les stagiaires étatiques, aucune disposition ne permettrait à l'autorité de nomination de refuser une nomination définitive, lorsque le stagiaire a « accompli un stage et passé avec succès l'examen de fin de stage », respectivement ne permettrait de refuser la nomination définitive en prenant une décision motivée « ayant trait au déroulement du stage », le demandeur soulignant que, malgré des recherches exhaustives, il n'aurait pas trouvé de jurisprudence concernant une décision de refus de nomination définitive pour un stagiaire aspirant fonctionnaire de l'Etat ayant réussi l'examen de fin stage au terme de celui-ci, ce qui prouverait que, pour les autorités étatiques, la décision de nomination définitive serait bien une décision intervenant sur compétence liée.
En tout état de cause, le demandeur soutient que dans la mesure où les autorités de nomination (communales et étatiques) auraient durant le stage/service provisoire, c'est-à-dire durant 2 sinon 3 années, trois possibilités de refuser la nomination définitive du stagiaire, à savoir par un licenciement, un refus de prolongation du stage ou par le constat de deux échecs du stagiaire aux examens, il serait particulièrement disproportionné d'accorder aux autorités communales une quatrième possibilité d'éviction du stagiaire du statut définitif de fonctionnaire.
Ainsi, les aspirants fonctionnaires communaux subiraient un traitement moins favorable que les stagiaires au sein de l'Etat, alors que, contrairement à ces derniers, ils pourraient se voir refuser une nomination définitive malgré le fait d'avoir atteint le terme de leur service provisoire et d'avoir réussi à l'examen d'admission définitive.
Le demandeur relève finalement qu’il ne lui appartiendrait pas de faire état d'une éventuelle cause objective susceptible de justifier la différence de traitement litigieuse.
Il propose ainsi de poser à la Cour Constitutionnelle une ou plusieurs des questions préjudicielles suivantes :
« L'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il prévoirait la possibilité pour l'autorité de nomination de refuser, via une décision discrétionnaire, la nomination définitive du stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive, alors que l'autorité de nomination étatique a, en matière de nomination définitive, une compétence liée, qui implique que le stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive est nommé définitivement, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
ou,
« L'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu'il est interprété par la Cour administrative, c'est-à-dire en tant que la décision de nomination définitive serait une décision discrétionnaire, alors que dans le cadre du statut général des fonctionnaires d'Etat, la décision de nomination définitive est une décision intervenant sur compétence liée, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
ou,
« L 'article 5 alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il permet au conseil communal de prendre, à l'encontre d'un stagiaire qui a atteint le terme de son stage et qui a réussi l'examen d'admission définitive, « une décision de refus d'admission définitive [motivée] (...) susceptible d'un recours (...) », alors que cette disposition n'existe pas pour les stagiaires de la fonction publique d 'Etat, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
sinon,
« L'article 5 alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il accorde à l'autorité de nomination communale, en sus des trois causes d'éviction du statut définitif de fonctionnaire, une quatrième cause d'éviction après le terme du service provisoire, alors que dans le cadre du statut général des fonctionnaires de l'Etat, une quatrième cause d'éviction du statut définitif après le terme du stage n'existe pas, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
principalement, « L'article 5 alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il exclut l'application des garanties de l'article 9 de la PANC au cas d'une décision de refus de nomination définitive, alors que lesdites garanties sont applicables au fonctionnaire communal licencié en cours de service provisoire ou dont la prolongation du service provisoire est refusée, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
subsidiairement, « L 'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il prévoirait la possibilité pour l'autorité de nomination de refuser, via une décision discrétionnaire, la nomination définitive du stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive, alors que l'autorité de nomination étatique a, en matière de nomination définitive, une compétence liée, qui implique que le stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive est nommé définitivement, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
ou,
« L'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu'il est interprété par la Cour administrative, c'est-à-dire en tant que la décision de nomination définitive serait une décision discrétionnaire, alors que dans le cadre du statut général des fonctionnaires d'Etat, la décision de nomination définitive est une décision intervenant sur compétence liée, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
ou,
« L'article 5 alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il permet au conseil communal de prendre, à l'encontre d'un stagiaire qui a atteint le terme de son stage et qui a réussi l'examen d'admission définitive, « une décision de refus d'admission définitive [motivée] (...) susceptible d'un recours (...) », alors que cette disposition n'existe pas pour les stagiaires de la fonction publique d'Etat, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
sinon,
« L'article 5 alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, en tant qu'il accorde à 1'autorité de nomination communale, en sus des trois causes d'éviction du statut définitif de fonctionnaire, une quatrième cause d'éviction après le terme du service provisoire, alors que dans le cadre du statut général des fonctionnaires de l'Etat, une quatrième cause d'éviction du statut définitif après le terme du stage n'existe pas, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? ».
Dans son mémoire supplémentaire et quant à l'affirmation du demandeur selon laquelle l'arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019 constituerait un revirement de jurisprudence, une régression de l'obligation générale de motivation, ainsi qu'une régression du pouvoir du juge administratif, la partie défenderesse souligne, de son côté, que le litige ne se trouverait actuellement pas devant une juridiction supérieure ayant compétence à statuer de quelque façon que ce soit sur le bien-fondé ou le non-fondé de l'arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019, mais bien au contraire, devant la juridiction inférieure qui serait appelée, sur renvoi de la Cour, à analyser le seul moyen du bien-fondé de la décision entreprise, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu à ré-analyser le moyen sur base duquel le jugement du 14 décembre 2018 du tribunal a été réformé.
La partie défenderesse relève également que par son argumentation selon laquelle l’arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019 constituerait une remise en cause de l'obligation générale de motivation des décisions des administrations communales, le demandeur essayerait à nouveau de rouvrir un débat clos et définitivement toisé par la Cour.
En tout état de cause, s'il est vrai que tout acte administratif doit reposer sur de justes motifs, il conviendrait toutefois de faire la différence entre la motivation d'une décision prise sur compétence liée et la motivation d'une décision prise sur compétence discrétionnaire, la première se limitant à constater que les conditions posées sont remplies, la deuxième pouvant être motivée par tout autre argument justifiant la décision prise.
La partie défenderesse fait plaider que la volonté de toiser, dans ce contexte, la question de savoir si la compétence ainsi dévolue au conseil communal et expressément reconnue par l'arrêt sur renvoi duquel le tribunal est appelé à statuer, serait conforme ou non à la Constitution, reviendrait à nier le caractère définitif de l’arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019, ce qui serait inconcevable.
En effet, la question soulevée par le demandeur aurait intimement trait à la compétence dévolue au conseil communal et non pas à la question du bien-fondé de la décision prise, seul volet restant à toiser sur renvoi de la Cour administrative.
Ainsi, il aurait appartenu au demandeur de soulever cette question devant la Cour administrative lorsque les débats ont été menés sur la compétence du conseil communal, or, à défaut de l’avoir fait en temps utile, il serait aujourd'hui forclos à ce faire.
A titre subsidiaire, la partie défenderesse rappelle que la Cour administrative, tout comme le tribunal d'ailleurs, aurait relevé qu'en matière de fonction publique communale, la raison d'être et l'objectif du service provisoire serait la préparation du stagiaire à son emploi futur et que la période probatoire devrait permettre à une administration communale de juger si un candidat est apte à remplir les fonctions de manière définitive, de sorte que ladite administration devrait disposer de la faculté de pouvoir refuser un candidat ayant réussi à l'examen d'admission définitive après l'écoulement de la totalité de la durée du service provisoire pour des motifs ayant trait au déroulement du service provisoire, étant rappelé qu’en application des dispositions inscrites à l'article 4 du statut général des fonctionnaires communaux, le conseil communal serait en droit de licencier le fonctionnaire à tout moment pendant la durée du service provisoire, de même qu’un double échec du fonctionnaire à l'examen d'admission définitive entraînerait également son élimination définitive.
Quant à la prétendue violation de l'article 10bis de la Constitution, la partie défenderesse donne à considérer que face à une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution, la juridiction saisie ne serait pas tenue de saisir la Cour Constitutionnelle, si une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement, si la question est dénuée de tout fondement ou si la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.
Après avoir rappelé que le principe constitutionnel d'égalité exigerait que les catégories de personnes se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée, la partie défenderesse explique que le législateur pourrait, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.
En ce qui concerne d’abord les différences entre le stagiaire à qui la nomination a été refusée et le stagiaire de la fonction communale licencié en cours de service provisoire ou dont la prolongation du service provisoire est refusée, la partie défenderesse fait souligner que le contexte dans lequel interviendraient lesdites décisions serait différent, étant donné que pour les deux derniers cas la commune révoquerait une situation existante, à savoir le droit du stagiaire de continuer le service provisoire, alors que lorsqu'elle refuserait la nomination définitive à un tel stagiaire, elle refuserait de lui accorder un droit dont il n'aurait pas encore pu bénéficier.
Ainsi, si pour les deux dernières situations, l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 imposerait à l'autorité communale d’informer le stagiaire de son intention, tout en lui donnant la possibilité de présenter ses observations, ce serait justement parce que la commune révoquerait un droit déjà existant, ce qui ne serait pas le cas d’un fonctionnaire stagiaire qui n’aurait jusqu'alors pas pu prétendre au statut de fonctionnaire communal à titre définitif et auquel un tel statut devrait éventuellement être refusé moyennant la décision à intervenir.
Il s’agirait ainsi d’une situation fondamentalement différente.
En ce qui concerne la prétendue violation du principe de l'égalité de traitement dans la nomination des fonctionnaires d'Etat et des fonctionnaires communaux, la partie défenderesse estime que la partie demanderesse essayerait par ce moyen, d'ériger le tribunal administratif en juridiction supérieure appelée à se prononcer sur le bien-fondé en droit d'une décision prise par le Cour administrative, alors qu’il lui aurait appartenu de soulever une telle question déjà devant ladite Cour.
En tout état de cause, la partie défenderesse fait plaider qu’il y aurait bien évidemment des différences dans ces deux statuts et partant nécessairement une différence de traitement entre les fonctionnaires communaux et les fonctionnaires étatiques et ce, à de très nombreux égards, étant donné qu'un fonctionnaire étatique ne serait pas assimilable à un fonctionnaire communal.
Il y aurait purement et simplement lieu de se référer aux enseignements de la Cour administrative qui aurait, à bon droit, retenu que la raison d'être du service provisoire serait non seulement la préparation du stagiaire à son emploi futur, mais également la possibilité pour l'administration communale de juger si un candidat est apte à remplir ses fonctions de manière définitive, de sorte à ce qu’elle devrait disposer de la faculté de pouvoir refuser un candidat ayant réussi à l'examen d'admission définitive après l'écoulement de la totalité de la durée du service provisoire pour des motifs ayant trait au déroulement du service provisoire.
Quant à l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle il serait de jurisprudence constitutionnelle que les fonctionnaires de l'Etat et les fonctionnaires communaux seraient comparables en leur qualité d'agents de droit public et au regard de leur situation statutaire, la partie défenderesse relève que l’arrêt constitutionnel en question se serait notamment limité à la question bien précise de la procédure de réclamation en matière de harcèlement moral, de sorte que cette jurisprudence ne retiendrait pas que les fonctionnaires communaux et les fonctionnaires d'Etat seraient en toutes circonstances comparables et qu'ils devraient être soumis, en toutes circonstances, au même régime, alors que le législateur pourrait, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à la condition que la disparité existante entre elles soit objective, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée au but.
En l’espèce, la différence entre l'Etat et une commune consisterait encore dans le fait que lorsqu'un fonctionnaire étatique serait définitivement nommé, il ne serait pas nécessairement et définitivement attribué à un ministère déterminé, alors que, lors de la nomination dont est saisie le conseil communal, il s'agirait de juger si le futur fonctionnaire communal pourrait utilement « servir » les besoins de la commune même et non pas ceux d'une autre commune du pays. Il s'agirait partant pour le conseil communal, en considération du stage effectué, si le candidat pourrait apporter une plus-value au service auquel il serait appelé à être affecté.
La situation ne serait dès lors aucunement comparable, sans oublier que rien n'empêcherait la partie demanderesse de se prévaloir de son examen réussi et de postuler auprès d’une autre commune, alors qu’il ne serait pas question de lui méconnaître le mérite d'avoir réussi un examen, mais purement et simplement du constat qu'en considération de son stage, il n'aurait pas de nomination en tant que fonctionnaire auprès de cette commune.
Aux termes de l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. (…) ».
Il échet de relever que ce principe constitutionnel interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.
En l’espèce, la partie demanderesse estime que se posent deux questions de constitutionnalité tenant, d’un côté, à une discrimination entre les stagiaires communaux licenciés au cours de leur stage en application de l’article 4 paragraphe 3 du statut général des fonctionnaires communaux et ceux qui, à la fin de leur stage, se voient refuser la nomination définitive sur base de l'article 5, alinéa 3 du même statut, tel qu'il est interprété par la Cour administrative dans son arrêt du 4 juin 2019, inscrit sous le numéro 42281C du rôle et, de l’autre côté, à une discrimination entre stagiaires de la fonction publique étatique et ceux de la fonction publique communale quant à l’étendue des pouvoirs de l’autorité de nomination lors de la décision sur la nomination définitive.
Le contrôle de la constitutionalité d’une loi étant le monopole de la Cour Constitutionnelle, il est rappelé que l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », dispose que :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :
a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement ;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (...) ».
En ce qui concerne d’abord la question de constitutionalité tenant à une discrimination entre les stagiaires licenciés en cours du stage et ceux qui ne sont pas nommés à la fin de leur stage sur base de l’article 5, alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’interprété par la Cour administrative, en ce que ces derniers, contrairement aux premiers, ne bénéficieraient pas de la garantie de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, force est de relever qu’au-delà du constat selon lequel l’article 4 du statut général des fonctionnaires communaux, prévoit déjà en lui-même qu’« en cas de résiliation pour motif grave, le fonctionnaire est entendu préalablement en ses explications », une application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tel que cela a été relevé ci-avant, n’est en tout état de cause pas d’ores et déjà exclue face au revirement de jurisprudence induit par la Cour administrative. A ce sujet, le tribunal vient de relever que l’examen du bien-fondé du moyen basé sur une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est à opérer après que la question de la constitutionalité de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux sera tranchée.
Il s’ensuit que cette première question de constitutionalité laisse manifestement d’être fondée au stade actuel de la procédure.
Au contraire, une réponse à la deuxième question de constitutionalité tenant à une discrimination entre les fonctionnaires communaux et les fonctionnaires de l’Etat est à considérer comme étant nécessaire à la solution du litige, alors que l’inconstitutionnalité de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux aurait des répercussions directes sur la légalité de la décision déférée qui est justement basée sur ledit article 5 du statut général des fonctionnaires communaux. Etant donné que la Cour Constitutionnelle n’a pas encore statué sur une question ayant le même objet, il appartient dès lors au tribunal de vérifier si la question n’est pas dénuée de tout fondement.
Il s’agit dès lors, dans un premier temps, de vérifier si les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent a priori dans une situation comparable au regard des mesures invoquées.
En ce qui concerne le statut général des fonctionnaires communaux, les dispositions pertinentes sont les suivantes :
L’article 4, paragraphe (3), alinéa 5 du statut général des fonctionnaires communaux dispose comme suit : « Avant la fin du service provisoire le fonctionnaire doit subir, le cas échéant, un examen qui décide de son admission définitive. », tandis que l’article 5 du même texte prévoit que « Sauf disposition légale contraire, la nomination définitive est réglée de la manière suivante:
A la fin du service provisoire et en cas de réussite à l’examen d’admission définitive, la nomination définitive a lieu, avec effet à l’échéance du service provisoire, par décision du conseil communal à approuver par l’autorité supérieure et sur avis de la délégation du personnel, si elle existe.
Une décision de refus d’admission définitive doit être motivée et est susceptible d’un recours au tribunal administratif statuant comme juge du fond. (…) ».
Le statut général des fonctionnaires de l’Etat prévoit, dans son article 3, paragraphe (1), que « (…) Avant la fin du stage le stagiaire doit subir un examen qui décide de son admission définitive. », sans qu’il n’y ait a priori de disposition, telle l’article 5, alinéa 3 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’interprété par la Cour administrative, qui donnerait à l’autorité une compétence discrétionnaire en matière de nomination définitive lui permettant d’aller au-delà du résultat de l’examen de fin de stage.
Il s’ensuit que la situation de départ des deux catégories de fonctionnaires publics est a priori similaire, sauf en ce qui concerne la concrétisation de la nomination définitive.
Force est encore de relever qu’il ressort d’un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 12 décembre 2014, portant le numéro 115/14, que « les fonctionnaires de l’Etat et les fonctionnaires communaux sont comparables en leur qualité d’agents de droit public et au regard de leur situation statutaire, notamment en ce qui concerne la procédure de réclamation; ».
Si cet arrêt concerne certes la question spécifique des articles 33 du statut général des fonctionnaires de l’Etat et 37 du statut général des fonctionnaires communaux, non litigieux en l’espèce, il retient cependant que les fonctionnaires de l’Etat et les fonctionnaires communaux sont a priori comparables en leur qualité d’agents de droit public et au regard de leur situation statutaire.
Il suit de ces considérations que la comparabilité des deux statuts n’est pas d’ores et déjà dénuée de tout fondement.
Ainsi, étant donné que la question de la constitutionalité d’une disposition légale est d’ordre public et que, d’une part, la Cour Constitutionnelle a déjà, par le passé, certes dans un autre contexte, retenu que le fonctionnaire étatique et le fonctionnaire communal sont a priori comparables au regard de leur situation statutaire, et, d’autre part, que la nomination définitive du fonctionnaire étatique ne dépend a priori que du résultat de son examen, alors que pour le fonctionnaire communal le résultat de l’examen de fin de stage n’est, d’après l’interprétation de la Cour administrative de l’article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, pas, à lui seul, déterminant pour décider de son admission définitive, mais nécessite encore de la part du conseil communal, une décision motivée sur des « éléments de motivation qui lui sont propres et qui vont au-delà du simple constat d’échec à l’examen d’admission définitive », le tribunal ne saurait conclure au caractère manifestement non fondé de la question de constitutionalité, une réponse à la question litigieuse étant par ailleurs nécessaire au tribunal pour rendre son jugement.
Au vu de l’ensemble des considérations ci-avant développées, il échet de surseoir à statuer, sans prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés en cause, et de poser à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle figurant au dispositif du présent jugement.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
statuant en prosécution de cause de l’arrêt de la Cour administrative du 4 juin 2019, inscrit sous le n° 42281C du rôle ;
au fond, et avant tout autre progrès en cause, soumet à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L'article 5 du statut général des fonctionnaires communaux, tel qu’il est interprété par la Cour administrative dans son arrêt du 4 juin 2019, inscrit sous le numéro 42281C du rôle, en tant qu'il prévoit la possibilité pour l'autorité de nomination communale de refuser, via une décision discrétionnaire, la nomination définitive du stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive, alors que l'autorité de nomination étatique a, en matière de nomination définitive, une compétence liée, impliquant que le stagiaire qui a atteint le terme du service provisoire et qui a réussi l'examen d'admission définitive est nommé définitivement, est-il conforme à l'article 10bis de la Constitution ? » ;
fixe l’affaire au rôle général ;
réserve les frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2021 par :
Paul Nourissier, vice-président,
Olivier Poos, premier juge,
Géraldine Anelli, juge.
en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 2 avril 2021
Le greffier du tribunal administratif
[1] Le Contentieux administratif en Droit Luxembourgeois, par Rusen ERGEC, éd. 2020, page 60, n°105.
[2] Trib. adm. 4 juillet 2010, n° 25086 du rôle et trib. adm. 26 mars 2012, n° 27936a du rôle, cités par : Le Contentieux administratif en Droit Luxembourgeois, par Rusen ERGEC, éd. 2020, page 116, n° 215.