ARRET de la Cour constitutionnelle - 13 novembre 2020
Dans l’affaire n° 00159 du registre ayant pour objet une question préjudicielle soumise à la Cour constitutionnelle, conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, suivant jugement rendu le 5 février 2020 ( n° 41975 du rôle), déposé au greffe le 6 février 2020, dans le cadre d’un litige
Entre :
A. et son épouse
B.,
les deux demeurant à (…),
et :
l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le ministre d’Etat, dont les bureaux sont établis à L- 1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine,
La Cour,
composée de
Jean-Claude WIWINIUS, président,
Francis DELAPORTE, vice-président,
Michel REIFFERS, conseiller,
Roger LINDEN, conseiller,
Odette PAULY, conseiller,
Lily WAMPACH, greffier,
Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour le 10 mars 2020 par le délégué du gouvernement près les juridictions administratives Sandro LARUCCIA, pour l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, et celles déposées le même jour par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour A. et B.,
l’affaire ayant été prise en délibéré de l’accord des mandataires et sans leur parution à l’audience publique de la Cour constitutionnelle du 2 octobre 2020, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la loi du 20 juin 2020 portant 1° prorogation de mesures concernant a) la tenue d’audiences publiques pendant l’état de crise devant les juridictions dans les affaires soumises à la procédure écrite ; (…),
rend le présent arrêt :
Le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a été saisi par A. et son épouse B. d’une requête tendant à la réformation d’une décision du 17 août 2018 du directeur de l’administration des Contributions directes (ci-après « l’ACD ») ayant porté rejet de leur réclamation introduite contre le bulletin d’impôt sur le revenu relatif à l’année 2017, réclamation qui tendait à la déduction de leur revenu imposable, compte tenu de deux contribuables imposés collectivement et d’un enfant à charge du montant de (3 x 1.344 =) 4.032 euros au titre des cotisations versées à une caisse d’épargne-logement agréée au Grand-Duché de Luxembourg, et non pas de celui appliqué par l’ACD de (3 x 672 =) 2.016 euros.
Saisi par les requérants d’une question de conformité de l’article 111, paragraphes 1, c) et 5 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 relative à l’impôt sur le revenu (ci-après « LIR ») à l’article 10bis de la Constitution, le tribunal administratif a soumis, avant tout autre progrès en cause, à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L’article 111, paragraphes (1), c) et (5) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en tant qu’il prévoit le dédoublement des montants maximum des cotisations déductibles fiscalement en vertu d’un contrat d’épargne-logement pour les seuls contribuables de moins de quarante ans, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».
L’article 111, paragraphe 1, c) LIR dispose :
« Sont, dans les conditions définies ci-dessous, également déductibles comme dépenses spéciales : […] c) les cotisations versées à des caisses d’épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des États membres de l’Union Européenne en vertu d’un contrat d’épargne-logement souscrit en vue de financer la construction, l’acquisition ou la transformation d’un appartement ou d’une maison utilisés pour les besoins personnels d’habitation, y compris le prix du terrain, ainsi que le remboursement d’obligations contractées aux mêmes fins. »,
et le paragraphe 5 du même article dispose :
« Les montants annuels maxima déductibles des cotisations visées à l’alinéa 1, lettre c), sont fixés comme suit en fonction de l’âge accompli du souscripteur au début de l’année d’imposition :
Âge |
Montant annuel maximum déductible |
de 18 à 40 ans accomplis |
1.344 euros |
Dans les autres cas |
672 euros |
La détermination du plafond majoré de 1.344 euros est fonction de l’âge du souscripteur adulte le plus jeune. La majoration pour le conjoint n’est accordée que si les conjoints sont imposés collectivement en vertu de l’article 3. La majoration pour les enfants est octroyée pour les enfants pour lesquels le contribuable obtient une modération d’impôt pour enfant selon les dispositions de l’article 122. ».
Il convient de reformuler la question posée en ce que les souscripteurs qui sont en droit de bénéficier du montant annuel maximal déductible ne doivent pas avoir dépassé l’âge de 40 ans accomplis au début de l’année d’imposition.
La question posée n’est pas pertinente en ce qu’elle entend voir examiner la conformité de l’article 111, paragraphe 1, c) LIR à l’article 10bis de la Constitution, étant donné que cette disposition prévoit le droit à la déduction des cotisations versées à des caisses d’épargne-logement, tandis que le montant maximal déductible en fonction de l’âge du contribuable est fixé par l’article 111, paragraphe 5, LIR, de sorte que c’est cette disposition qui est à examiner quant à sa conformité à la Constitution.
La question à toiser par la Cour constitutionnelle doit partant se lire comme suit :
« L’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en tant qu’il prévoit le dédoublement des montants maxima des cotisations déductibles fiscalement en vertu d’un contrat d’épargne-logement pour les seuls contribuables de dix-huit à quarante ans accomplis au début de l’année d’imposition, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».
L’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution dispose : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. ».
La mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure invoquée.
Tel est le cas en l’espèce, étant donné que tout contribuable est en droit de déduire les cotisations versées au titre d’un contrat d’épargne - logement du revenu imposable, peu importe son âge au début de l’année d’imposition.
Le législateur peut sans violer le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.
La finalité pour un contribuable de conclure un contrat d’épargne-logement est de se voir accorder un prêt destiné à la construction, l’acquisition ou la transformation d’un bien immobilier.
En prévoyant un dédoublement du montant annuel maximal des cotisations versées au titre d’un contrat d’épargne-logement déductible du revenu imposable en faveur des seuls souscripteurs n’ayant pas dépassé l’âge de 40 ans accomplis au début de l’année d’imposition, le législateur a entendu favoriser l’accès des jeunes adultes à leur premier logement utilisé pour les besoins personnels d’habitation.
La volonté du législateur de traiter de manière plus favorable les souscripteurs qui n’ont pas dépassé l’âge de 40 ans accomplis au début de l’année d’imposition que ceux plus âgés procède du constat que les premiers disposent en règle générale de capacités financières plus réduites que les seconds.
Cette différence de traitement procède d’une différenciation rationnellement justifiée qui se trouve dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi.
Il y a partant lieu de dire, par rapport à la question préjudicielle telle que reformulée, que l’article 111, paragraphe 5, LIR est conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution.
PAR CES MOTIFS,
la Cour constitutionnelle :
dit que par rapport à la question préjudicielle reformulée, l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu est conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution ;
dit que dans les trente jours de son prononcé, l’arrêt sera publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A ;
dit qu’il sera fait abstraction des nom et prénom de A. et de B. lors de la publication de l’arrêt au Journal officiel ;
dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, dont émane la saisine, et qu’une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence du greffier Lily WAMPACH.
s. Lily WAMPACH greffier |
s. Jean-Claude WIWINIUS président |