Arrêt de la Cour constitutionnelle
24 avril 2020
Dans l’affaire n° 00153 du registre ayant pour objet une question préjudicielle soumise à la Cour constitutionnelle, conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, par le Conseil supérieur de la sécurité sociale, suivant arrêt No.: 2019/0258, rendu le 19 décembre 2019 sous le numéro ALFA 2019/0122 du registre, dans le cadre d’un litige
Entre :
A et son épouse B, les deux demeurant à L-(…),
et :
la Caisse pour l’avenir des enfants, établie à Luxembourg, représentée par son président actuellement en fonction,
La Cour,
composée de
Jean-Claude WIWINIUS, président,
Francis DELAPORTE, vice-président,
Michel REIFFERS, conseiller,
Lotty PRUSSEN, conseiller,
Odette PAULY, conseiller,
Lily WAMPACH, greffier,
Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour le 14 janvier 2020 par Maître Nathalie BARTHELEMY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour A et B , et celles déposées le 21 janvier 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour la Caisse pour l’avenir des enfants,
ayant entendu Maître Nathalie BARTELEMY et Maître Albert RODESCH en leurs plaidoiries à l’audience publique du 28 février 2020,
rend le présent arrêt :
Saisi d’un recours formé le 2 mai 2017 par A et B contre la décision du comité directeur de la Caisse pour l’avenir des enfants (ci-après « la CAE ») datée du 24 mars 2017, portant refus des allocations familiales en faveur de leur enfant majeur C au motif que les conditions de l’article 271 du Code de la sécurité sociale n’étaient pas remplies, le Conseil arbitral a, par jugement du 18 mai 2019, déclaré les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées par les requérants et leur recours non fondés et a confirmé la décision du comité directeur.
Par arrêt du 19 décembre 2019, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a dit qu’il y avait lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante :
« L’article 271 (du Code de la sécurité sociale) en ce qu’il qui dispose en son point (2) :
Que le droit à l’allocation familiale est maintenu jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans accomplis:
a) si l’enfant poursuit effectivement, sur place, dans un établissement d’enseignement, à titre principal d’au moins vingt-quatre heures par semaine des études secondaires, secondaires techniques ou y assimilées,
et en ce qu’il pratique une différenciation entre l’enfant à charge du ménage et poursuivant des études secondaires sur place, lequel continue à bénéficier de l’allocation familiale, et l’enfant à charge du ménage et poursuivant des études secondaires à distance, lequel ne peut plus continuer à bénéficier de l’allocation familiale, alors que le diplôme de fin d’études secondaires visé par les deux enfants est reconnu équivalent,
est-il conforme au principe d’égalité devant la Loi édicté par l’article 10 bis, paragraphe premier de la Constitution ? ».
Les époux A-B exposent que leur fils C, né le 21 septembre 1998, suit depuis l’année scolaire 2012/2013 des cours à distance, que par décision préalable du 4 janvier 2017, confirmée par décision du comité directeur de la CAE du 24 mars 2017, le bénéfice des allocations familiales leur a été retiré au motif que C, qui a atteint la majorité, ne remplissait pas les conditions de l’article 271 du Code de la sécurité sociale, étant donné qu’il ne suivait pas, sur place, dans un établissement d’enseignement, à titre principal pendant au moins 24 heures par semaine, des études secondaires, secondaires techniques ou assimilées.
Les époux A-B estiment que l’article 271 du Code de la sécurité sociale instaure une différence de traitement injustifiée entre jeunes adultes se trouvant dans une situation comparable, à savoir, celui poursuivant sa scolarité sur place dans un établissement au moins 24 heures par semaine et celui suivant sa scolarité à distance et travaillant ses cours à domicile pendant 24 heures ou plus, les deux restant à charge de leurs parents et leur scolarité aboutissant à une formation reconnue par le Ministère de l’Education nationale.
La CAE soulève en ordre principal l’irrecevabilité de la question préjudicielle au regard de l’article 6, alinéa 3, de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle au motif que devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale les époux A-B n’avaient pas formulé une question préjudicielle précise et s’étaient limités à affirmer que la différence de traitement instaurée par l’article 271 du Code de la sécurité sociale était contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution et que le Conseil supérieur de la sécurité sociale avait omis d’inviter les parties au préalable à présenter leurs observations par rapport à une question non formulée par une des parties en cause, mais libellée par la juridiction saisissante.
L’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, précitée, dispose respectivement en ses alinéas 1 et 3 :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle » (…)
« Si une juridiction estime qu’une question de conformité d’une loi à la Constitution se pose et qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d’office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations. ».
En application du principe général du contradictoire, consacré par l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, le juge, y compris le juge constitutionnel, doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Ni le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 8 mai 2019, ni l’arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale du 19 décembre 2019, ni les conclusions échangées par les parties dans le cadre de la présente procédure ne permettent à la Cour constitutionnelle de vérifier le libellé précis de la question préjudicielle soulevée par les époux A-B.
Il n’est partant pas possible à la Cour constitutionnelle de vérifier si la question dans les débats devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale a été modifiée de manière substantielle par celui-ci et si la CAE a pu présenter ses observations conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, voire l’article 65 du Nouveau code de procédure civile, précités, avant que la question ait été soumise à la Cour constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle se trouvant dans l’impossibilité de vérifier le respect de la condition légale d’un débat contradictoire préalable devant la juridiction de renvoi, la question préjudicielle est à déclarer irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
la Cour constitutionnelle :
déclare la question préjudicielle déférée à la Cour constitutionnelle irrecevable ;
dit que dans les trente jours de son prononcé, l’arrêt sera publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A ;
dit qu’il sera fait abstraction des noms et prénoms de toutes les personnes physiques qui sont parties en cause lors de la publication de l’arrêt au Journal officiel ;
dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au Conseil supérieur de la sécurité sociale, juridiction dont émane la saisine, et qu’une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du greffier Lily WAMPACH.
s. Lily WAMPACH greffier |
s. Jean-Claude WIWINIUS président |