La Cour Constitutionnelle a rendu en date du 2 mars 2018 un arrêt dans l’affaire n° 00132 du registre ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, introduit par le Conseil supérieur de la sécurité sociale suivant arrêt no 2017/0264 rendu le 2 octobre 2017 (No du reg. : ADEM 2015/0200), parvenue au greffe de la Cour constitutionnelle le 9 octobre 2017, dans le cadre d’un litige opposant
A, demeurant à L-…,
à
l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par le ministre d’Etat,
La Cour,
composée de
Jean-Claude WIWINIUS, président,
Francis DELAPORTE, vice-président,
Eliane EICHER, conseiller,
Michel REIFFERS, conseiller,
Astrid MAAS, conseiller,
greffier : Lily WAMPACH
Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour le 8 novembre 2017 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour A,
ayant entendu les mandataires des parties en leurs plaidoiries à l’audience publique du 12 janvier 2018,
rend le présent arrêt :
Considérant que la demande en obtention de l’aide au réemploi introduite le 24 mars 2014 par A avait été rejetée le 25 mars 2014 par l’Agence pour le développement de l’emploi au motif qu’elle était tardive en vertu de l’article 17, paragraphe 1, alinéa 2, du règlement grand-ducal modifié du 17 juin 1994 fixant les modalités et conditions d’attribution 1. des aides à la mobilité géographique ; 2. d’une aide au réemploi ; 3. d’une aide à la création d’entreprises ; 4. d’une aide à la création d’emplois d’utilité socio-économique (ci-après : « le règlement grand-ducal du 17 juin 1994 »), qui dispose que la demande doit être introduite, sous peine de forclusion, dans les six mois qui suivent le reclassement du travailleur ;
Considérant que la demande de réexamen de A du 30 avril 2014 avait été rejetée par la Commission spéciale de réexamen le 6 août 2014 au motif qu’il avait commencé à travailler auprès de l’a.s.b.l. CIGL le 1er juillet 2013 et qu’il n’avait introduit sa demande en obtention de l’aide au réemploi que le 24 mars 2014, soit après l’expiration du délai de six mois suivant son reclassement ;
Considérant que le recours formé par A devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale a été rejeté par jugement du 10 juillet 2015 ;
Considérant que, statuant sur l’appel interjeté par A contre ce jugement, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par arrêt du 2 octobre 2017, saisi la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante :
« L’article L.631-2 (3) du Code du travail, en ce qu’il confère à un règlement grand-ducal le pouvoir et l’obligation de déterminer les conditions et modalités d’application de l’aide au réemploi, ainsi que le champ d’application sectoriel de cette dernière, sans cependant en fixer le cadre général de manière quelconque, est-il conforme à l’article 11 (5) de la Constitution qui dispose que « la loi règle quant à ses principes (…) les droits des travailleurs (…) » ? ».
Considérant que l’article L.631-2 du Code du travail dispose :
« (1) Le Fonds pour l’emploi est destiné à couvrir les dépenses résultant :
(…)
9. de l’octroi d’une aide temporaire au réemploi de salariés licenciés, menacés de perdre leur emploi ou faisant conformément à une convention collective l’objet d’un transfert dans une autre entreprise qui se trouvent reclassés dans un emploi comportant un niveau de salaire inférieur à leur salaire antérieur ;
(…)
(3) L’aide temporaire prévue au point 9 du paragraphe (1) peut être accordée aux salariés sous la forme soit d’une indemnité temporaire et dégressive de garantie du salaire antérieur, soit d’une prime forfaitaire à la mobilité. Un règlement grand-ducal détermine les conditions et modalités d’application de cette disposition, ainsi que son champ d’application sectoriel. (…) » ;
Considérant que le règlement grand-ducal du 17 juin 1994 dispose en son article 17, paragraphe 1 :
« La décision d’attribution de l’aide au réemploi est prise par le directeur de l’administration de l’emploi à la demande du travailleur reclassé.
La demande doit être introduite, sous peine de forclusion, dans les six mois qui suivent le reclassement du travailleur. » ;
Considérant que l’article 11 de la Constitution dispose en son paragraphe 5 :
« La loi règle quant à ses principes la sécurité sociale, la protection de la santé, les droits des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale des citoyens atteints d’un handicap. » ;
Considérant qu’en disposant que la loi règle, quant à ses principes, les droits des travailleurs, l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution réserve la détermination des éléments essentiels de ces droits à la loi, tandis que les éléments moins essentiels peuvent être relégués à des règlements et arrêtés pris par le Grand-Duc ;
Considérant qu’en disposant qu’un règlement grand-ducal détermine les conditions et modalités d’application de l’aide temporaire au réemploi au lieu de régler lui-même un élément essentiel, à savoir le délai de forclusion, conditionnant directement ce droit du travailleur, l’article L.631-2, paragraphe 3, du Code du travail viole le principe de la réserve inscrit à l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution ;
Par ces motifs :
dit que l’article L.631-2, paragraphe 3, du Code du travail n’est pas conforme à l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution en ce qu’il ne règle pas lui-même le délai de forclusion conditionnant l’octroi de l’aide au réemploi ;
ordonne que dans les trente jours de son prononcé l’arrêt sera publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A ;
dit qu’il sera fait abstraction du nom de A lors de la publication de l’arrêt au Journal officiel ;
dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au Conseil supérieur de la sécurité sociale dont émane la saisine, et qu’une copie sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS en présence de Madame le greffier Lily WAMPACH.
Le greffier, Le président,
s. Lily WAMPACH s. Jean-Claude WIWINIUS