Suite à la lettre ouverte de Madame le Médiateur ainsi qu’à certains articles de presse récents concernant le placement de mineurs d’âge au Centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL), le Parquet général tient à rappeler les faits suivants :
Tout d’abord, il faut souligner que la législation actuelle, à savoir la loi modifiée du 10 août 1992, permet de placer un mineur dans un établissement pénitentiaire soit par mesure de garde provisoire (article 26), soit par jugement (article 6).
L’ouverture de l’unité de sécurité du Centre socio-éducatif de l’Etat (CSEE) le 1er novembre 2017 n’a porté aucun changement à la législation relative à la protection de la jeunesse. La loi permet donc toujours le placement d’un mineur au CPL.
Dans le cadre de l’avant-projet de loi élaboré par les soins du ministère de la Justice sur base des travaux majoritairement consensuels d’un groupe de travail interdisciplinaire, auquel ont notamment participé le Médiateur, l’Ombudscomité fir d’Rechter vum Kand et la Commission consultative des Droits de l’Homme, il est prévu de maintenir la possibilité du placement d’un mineur du CPL. Toutefois, une telle mesure ne pourra être prise, selon les termes de l’avant-projet de loi, que dans des situations exceptionnelles, encadrées par des conditions très strictes. Il faut en effet qu’il s’agisse d’un cas d’absolue nécessité, que le mineur ait commis une infraction pénale punissable d’une peine d’emprisonnement dont le maximum est supérieur ou égal à deux ans et que ce mineur présente un danger pour l’ordre ou la sécurité publique.
Au jour d’aujourd’hui (22 février 2018), quatre mineurs se trouvent placés à l’unité de sécurité du CSEE, alors que deux mineurs sont placés au CPL.
Il faut préciser qu’au moment de l’ouverture de l’unité de sécurité, il a été convenu, à la demande des responsables de cette institution, que les autorités judiciaires laissent un certain temps à cette nouvelle structure pour démarrer et ne remplissent pas les 12 places disponibles dès les premiers mois de son fonctionnement. Les autorités judiciaires ont respecté cet engagement et n’ont donc pas procédé à des transferts automatiques des mineurs placés au CPL vers l’unité de sécurité.
Il s’y ajoute que depuis l’ouverture de l’unité de sécurité, aucun juge de la jeunesse n’a plus placé de mineur au CPL. En effet, les décisions concernant les deux mineurs qui se trouvent à l’heure actuelle au CPL, sont antérieures à l’ouverture de l’unité de sécurité. Les jugements respectifs ont certes ordonné un placement au CPL, mais ont accordé à chacun de ces deux mineurs des modalités de sortie, contre lesquelles ils ont malheureusement contrevenu depuis lors, en commettant de nouvelles infractions pénales, de sorte qu’ils ont dû réintégrer le CPL.
Il faut souligner que les deux mineurs en cause, comme d’ailleurs la plupart des mineurs qui se sont vus placer en prison, sont des multirécidivistes, pour lesquels les nombreuses autres mesures de protection, prises antérieurement en leur faveur, telles que suivis en famille, placements en institution et thérapies, ont échoué. Ils n’ont d’ailleurs exercé aucune voie de recours contre ces décisions, alors même qu’ils sont assistés chacun par un avocat et bénéficient de l’assistance judicaire. Ils sont par ailleurs suivis par un coordinateur de projet d’intervention, nommé par l’Office national de l’enfance. Par le passé, d’autres mineurs ont été placés au CPL en raison de la commission d’infractions très graves, comme des extorsions, vols à l’aide de violences, viols, voire même meurtre, de sorte qu’ils ont indéniablement constitué un danger pour l’ordre et la sécurité publique.
En vertu d’une récente note de service, les membres des parquets de Luxembourg et de Diekirch ont reçu l’instruction d’appliquer d’ores et déjà les conditions restrictives de l’avant-projet de loi pré-mentionné pour tout placement au CPL et de placer dorénavant prioritairement à l’unité de sécurité.
Il s’en dégage que même si la législation relative à la protection de la jeunesse actuelle reste inchangée pour le moment, les autorités judicaires n’entendent placer et ne placent des mineurs en prison que dans des circonstances exceptionnelles et en fonction d’une appréciation minutieuse de la situation individuelle de chaque mineur. En dehors de telles circonstances exceptionnelles, les mineurs qui entrent en conflit grave et répété avec la loi sont dorénavant placés à l’unité de sécurité.
Il n’en reste pas moins que dans ces situations exceptionnelles, le placement en prison se justifie entièrement, notamment par des soucis de protection tant de la société que celle d’autres mineurs. Les textes internationaux cités par Madame le Médiateur ne s’y opposent d’ailleurs pas, en ce qu’ils reconnaissent précisément l’existence de telles exceptions.