Arrêt dans le cadre de l'affaire dite "School-Leaks"

La Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, a rendu en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-huit l’arrêt qui suit dans la cause 

e n t r e : 

le ministère public, exerçant l'action publique pour la répression des crimes et délits, appelant

 e t : 

1)  P1, née le … à …, demeurant à … 

2)  P2, née le … à …, demeurant à … 

3)  P4, née le … à …, demeurant à … 

4)  P3, né le … à …, demeurant à …

 

prévenus et défendeurs au civil 

 

e n  p r é s e n c e  d e : 

 

1)  l’ETAT DU GRAND-DUCHÉ DU LUXEMBOURG, représenté par son Ministre d’Etat, Xavier BETTEL, dont les bureaux sont établis à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, appelant 

partie civile constituée contre les prévenues et défenderesses au civil P1, P2 et P4, préqualifiées

 

2)  l’ETAT DU GRAND-DUCHÉ DU LUXEMBOURG, représenté par son Ministre d’Etat, Xavier BETTEL, dont les bureaux sont établis à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, appelant 

partie civile constituée contre le prévenu et défendeur au civil P3, préqualifié 

demandeurs au civil 

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F A I T S

Les faits et rétroactes de l'affaire résultent à suffisance de droit 

I. 

d'un jugement sur incident rendu contradictoirement par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, 18e chambre correctionnelle, le 10 janvier 2017, sous le numéro 68/17, dont les considérants et le dispositif sont conçus comme suit:

« A l’audience publique du 9 janvier 2017, le représentant du Ministère Public s’est opposé à ce que le Ministre T8 soit entendu sous la foi du serment. 

Maître Gaston VOGEL a estimé que T8 devrait être entendu sous la foi du serment et qu’il y aurait lieu de statuer sur cet incident par jugement séparé puisqu’il s’agirait d’un incident impossible à joindre au fond. 

Maître Michel MOLITOR se rallie aux conclusions du Ministère Public. Une partie civile ne pourrait déposer comme témoin. Le Ministre ne s’opposerait cependant pas à être entendu à titre de simple renseignement. Il conviendrait de se référer à la théorie de l’organe. L’Etat agit à travers le Ministre du ressort dans lequel le problème est apparu. 

Maître Gaston VOGEL s’est opposé à ce que T8 soit entendu à titre de simple renseignement. Il devrait être entendu sous la foi du serment comme témoin. 

Maître Frank ROLLINGER estime de même que le Ministre ne pourrait pas être entendu comme simple partie civile. La partie civile serait l’Etat et ne s’identifierait pas avec son Ministre. 

Pour le Ministère Public, l’Etat serait instigateur d’une procédure dirigée contre les prévenus. L’Etat serait représenté par son gouvernement, en l’espèce par le Ministre du ressort dans lequel les faits pénaux ont été commis. Cette personne serait par ailleurs intéressée par le résultat de l’affaire, puisqu’elle serait en même temps initiatrice d’une procédure disciplinaire. Il faudrait éviter qu’une personne qui est poursuivante dans une première procédure (disciplinaire), devienne témoin dans une autre affaire (pénale). 

Maître Yves KASEL se rallie aux développements de la défense. L’Etat serait une personne morale et le Ministre serait une personne physique. Ce ne serait pas le Ministre qui aurait déposé une plainte en nom personnel, mais il l’aurait fait au nom de l’Etat, principalement représenté par le Premier Ministre et subsidiairement seulement par le Ministre. 

Maître Sam RIES estime que la question trouverait sa réponse dans un arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2016 (A c/ B). 

Aux termes d’une citation à témoin du 19 octobre 2016, le Procureur d’Etat près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a cité T8, Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, à comparaître aux audiences publiques des 9, 10 et 11 janvier 2017 du tribunal correctionnel de Luxembourg, pour être entendu comme témoin dans l’affaire poursuivie à charge de P1, P2, P3 et P4. 

Il y a lieu de rappeler qu’en application de l’article 155 du Code d’instruction criminelle auquel renvoie l’article 189 du même Code, les témoins feront à l'audience, sous peine de nullité, le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité; et le greffier en tiendra note, ainsi que de leurs noms, prénoms, âge, profession et domicile ou résidence, et de leurs principales déclarations. 

Les seules dispenses de prestation de serment prévues par le Code d’instruction criminelle, sont celles prévues par les articles 156 et 156-1, pour les enfants au-dessous de l’âge de quinze ans et pour les personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice. 

Ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. 

Il y a également lieu de rappeler qu’en application de l’article 399 du Nouveau Code de procédure civile, nul ne peut être témoin dans sa propre cause. 

En application de l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile, l’Etat est assigné en la personne du Ministre d’Etat. La Cour de cassation a ainsi retenue dans un arrêt numéro 15/95 du 9 mars 1995, que l’Etat est représenté en justice par son Ministre d’Etat (voir aussi les développements dans Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e édition, p. 1315 et 1316). 

Or, T8est certes Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, mais il n’est pas le Ministre d’Etat, de sorte que rien ne s’oppose à sa prestation de serment en tant que témoin. 

 

P A R   C E S   M O T I F S , 

 

le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, dix-huitième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les mandataires des prévenus, le mandataire de la partie civile ainsi que le représentant du Ministère Public entendus en leurs conclusions, 

d i t   que rien ne s’oppose à l’assermentation de T8, Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en tant que témoin ; 

r é s e r v e   les frais.

Par application des articles 1, 179, 182, 184, 190, 190-1, 195 et 196 du Code d’instruction criminelle. 

Ainsi fait et jugé par Henri BECKER, vice-président, Christian SCHEER, premier juge, et Jean-Luc PÜTZ, premier juge, et prononcé par le vice-président en audience publique au Tribunal d’arrondissement à Luxembourg, en présence de Jean-Paul FRISING, procureur d’Etat, et de Laetitia SANTOS, greffier assumé, qui, à l'exception du représentant du Ministère Public, ont signé le présent jugement ».

 

  

II.

 

d'un jugement rendu contradictoirement par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, 18e chambre correctionnelle, le 9 février 2017, sous le numéro 462/17, dont les considérants et le dispositif sont conçus comme suit:

«Vu l’enquête de police.

Vu l’instruction diligentée par le Juge d’Instruction.

Vu la citation à prévenus du 27 juillet 2016.

Vu l’ordonnance de renvoi de la chambre du conseil n° 1615/16 du 6 juillet 2016.

Conformément aux inculpations par le Juge d’Instruction, au réquisitoire du Ministère Public et à l’ordonnance de règlement et de renvoi de la chambre du conseil, il est reproché à P2, P4 et P1 d’avoir commis une violation de secret professionnel en leur qualité de fonctionnaires d’Etat et professeurs de l’enseignement supérieur en ayant divulgué et révélé à des parents d’élèves les sujets et les corrigés des épreuves communes d’évaluation du cycle 4.2. de l’enseignement fondamental pour l’année 2015 (allemand et français).

Il est reproché à P3 d’avoir commis un recel en ayant détenu les informations et documents confidentiels résultant de la violation du secret professionnel par P4.

1. Quant aux faits

Les faits, tels que résultant du dossier répressif, de l’instruction judiciaire et de l’instruction menée à l’audience, peuvent être résumés comme suit :

P2, P4 et P1 ont la qualité de fonctionnaire et sont enseignantes au lycée classique d’Echternach, établissements d’enseignement secondaire.

P3 est l’époux de P4.

Par courrier du 24 mars 2015, Maître Michel MOLITOR dépose plainte auprès du parquet de Luxembourg au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d’Etat et pour autant que de besoin par son Ministre de l’Education Nationale. La plainte est dirigée contre P2, P4 et toute autre personne susceptible d’avoir participé aux infractions. Le plaignant y expose la procédure des épreuves communes, ainsi que différentes sources qui, en date du 16 mars 2015, ont fait état de fuites du contenu de ces épreuves, notamment :

-          un courrier électronique de l’inspecteur B rapportant un appel téléphonique des parents d’un élève,

-          un appel reçu par T3 de la part de C, directrice adjointe du Uelzecht Lycée,

-          un courrier de l’inspecteur T6 rapportant les constats de T2, enseignant à Esch-sur-Alzette ,

-          et enfin un courrier électronique émanant de D, institutrice d’une classe de cycle 4.2. Cette dernière affirmerait que d’après les déclarations de parents d’élèves de sa classe, P2 aurait numérisé les sujets de français et d’allemand des épreuves communes, y compris les corrigés, pour les envoyer à certains parents d’élèves et à d’autres connaissances. P4 aurait reçu ce courrier électronique et aurait, dans un souci d’équité, contacté les autres parents d’élève pour leur proposer de recevoir les documents en cas d’accord de leur part (« Da nicht jeder in der Klasse diese Mail bekam, wollte sie für Gerechtigkeit sorgen indem sie die restlichen Eltern telefonisch kontaktierte um ihnen die Möglichkeit zu geben, bei Einwilligung die Mail an sie weiterzuleiten »). 

L’Etat estime que la divulgation des épreuves communes qualifie de violation du secret professionnel et d’abus de confiance.

Dans des courriers subséquents adressés au Juge d’Instruction, le plaignant fournit des renseignements complémentaires et complète le dossier par plusieurs attestations testimoniales.

Dans un courrier du 24 mars 2015, E, directeur du lycée classique d’Echternach, informe le Parquet de Diekirch que P4 et P2 l’ont informé de ce qu’elles avaient transmis à des tiers des questionnaires des épreuves communes. Dans une attestation de témoignage figurant au dossier, ainsi que dans le cadre de son audition par la police, E a précisé le déroulement de ces entretiens ; il indique notamment que les deux prévenues se sont spontanément adressées à lui et qu’il leur a conseillé de se dénoncer de leur propre gré.

Une plainte est également déposée au Parquet le 3 avril 2015 par A, pour compte de son fils PC1, au motif que ce dernier fréquenterait le cycle 4.2. et aurait été « directement concerné par ces actes honteux ». Le plaignant indique qu’il sollicite la somme de mille euros de chacun des auteurs jugés coupables à titre de dédommagement pour le préjudice moral subi.

En parallèle de l’enquête pénale, une procédure disciplinaire a été initiée.

1.1. Procédure d’orientation

L’article 26 de la loi du 6 février 2009 portant organisation de l’enseignement fondamental met en place une procédure d’orientation dans les termes suivants :

« À l'issue du quatrième cycle de l'enseignement fondamental, les élèves sont orientés vers l'ordre d'enseignement postprimaire qui correspond le mieux à leurs aspirations et capacités. À cet effet, un entretien d'orientation entre le titulaire de classe en tant que représentant de l'équipe pédagogique et les parents de l'élève concerné a lieu au troisième trimestre de la deuxième année du quatrième cycle. L'objectif de cet entretien d'orientation est de formuler de commun accord une décision d'orientation motivée, soit pour une des classes de 7e de l'enseignement secondaire, soit pour une des classes de 7e du cycle inférieur de l'enseignement secondaire technique, soit pour une des classes de 7e du régime préparatoire de l'enseignement secondaire technique. Le cas échéant, la décision d'orientation peut comprendre des précisions quant à une scolarisation future de l'élève dans une école à caractère international.

(…)

La décision d'orientation constitue l'étape ultime du parcours d'orientation qui s'étend sur les années que l'élève passe au quatrième cycle de l'enseignement fondamental.

La décision d'orientation se fonde sur les éléments suivants:

  1. 1.     les productions de l'élève recueillies au cours du quatrième cycle qui rendent compte de ses apprentissages ainsi que de ses intérêts et aspirations;
  2. 2.     les résultats de l'évaluation des apprentissages de l'élève réalisés conformément à l'article 24;
  3. 3.     les résultats de l'élève à une série d'épreuves communes organisées au niveau national par le ministre;
  4. 4.     les informations recueillies par le psychologue si les parents ont opté pour son intervention.

La décision d'orientation est actée et signée par les parents et le titulaire de classe. »

En l’espèce, P1 et P4 faisaient partie d’une commission d’orientation.

P2 et P4 ont un enfant qui fréquentait en 2015 le cycle 4.2. et devait ainsi se soumettre aux épreuves.

1.2. Distribution des épreuves communes

Le calendrier de la procédure d’orientation pour l’année 2014/2015 avait été fixé comme suit en ce qui concerne les épreuves communes :

Lundi         9.3.2015

Mardi         10.3.2015

Allemand – parties 1 et 2

Jeudi         12.3.2015

Vendredi    13.3.2015

Mathématiques – parties 1 et 2

Lundi         16.3.2015

Mardi         17.3.2015

Français – parties 1 et 2

Lundi         23.3.2015

Allemand – partie 3 (production libre)

Jeudi         26.3.2015

Français – partie 3 (production libre)

Les conseils d’orientation devaient se tenir entre le 18 et 22 mai et entre le 1er et le 16 juin 2015.

Les épreuves communes sont distribuées dans un premier temps dans les établissements d’enseignement fondamental, où les tests doivent être passés. Ils sont accompagnés d’un courrier décrivant la démarche à suivre et prévoyant certaines mesures de précaution, en particulier la remise de la documentation « par l’intermédiaire d’un enseignant à désigner pour chaque bâtiment scolaire ».

Les épreuves communes sont ensuite, dans un second temps, distribuées aux professeurs de l’enseignement secondaire membres d’une commission d’orientation. Le but de cet envoi est de les informer sur le contenu des épreuves afin de leur permettre de participer utilement à la commission d’orientation.

Les prévenus et les témoins entendus s’accordent pour dire qu’avant 2015, les épreuves et corrigés n’avaient pas été envoyés aux enseignants du secondaire avant la fin des épreuves. Ils sont en désaccord quant à la question de savoir si cette communication se faisait d’office à tous les enseignants concernés ou si cette transmission ne s’était faite que sur demande préalable.

Il est constant en cause que pour l’année 2015, il a été décidé de transmettre les épreuves et corrigés d’office à tous les enseignants concernés du secondaire. Cette transmission s’est faite dans des enveloppes blanches fermées, portant le nom des enseignants. Puisque leur adresse professionnelle y était indiquée, ces plis n’ont pas été envoyés aux domiciles respectifs, mais dans les lycées, où ils ont été mis dans les cases des professeurs.

L’enquête a également permis de constater que ces documents ont été envoyés le 13 mars 2015, le courrier d’accompagnement portant la date du 16 mars 2015. C’est à cette dernière date que les enveloppes ont été distribuées dans les cases des professeurs du lycée classique d’Echternach.

1.4. Autres éléments de l’enquête

Il résulte encore du dossier répressif que des perquisitions ont été menées au Ministère, au lycée classique d’Echternach, ainsi qu’au domicile des prévenus. Une quantité importante de matériel informatique a été saisie et exploitée, notamment par des recherches de mots clefs et en analysant des courriers électroniques. De même, par voie de commission rogatoire internationale, des données provenant du service de téléchargement et transfert « WeTransfer » ont été transmises par les autorités néerlandaises.

L’exploitation de ces éléments a confirmé les faits tels que les prévenus ont fini par les admettre, en partie spontanément, en partie après y avoir été confrontés.

Les enquêteurs ont en outre procédé à l’audition des personnes qui avaient été contactées par les prévenues pour se faire offrir les documents relatifs aux épreuves. Leurs déclarations sont également, dans les grandes lignes, de nature à corroborer les déclarations des prévenus.

L’enquête a encore permis de déterminer que les sujets et corrigés des épreuves communes avaient été envoyés à environ 800 personnes du corps enseignant, à savoir :

-          20 inspecteurs de l’enseignement fondamental,

-          399 enseignants titulaires de classes du cycle 4.2.,

-          236 professeurs de l’enseignement secondaire et secondaire technique faisant partie des conseils d’orientation, dont 10 du lycée classique d’Echternach,

-          environ 117 représentants du personnel enseignant, désignés par les titulaires des classes du cycle 4.2. 

Les enquêteurs ont finalement pu constater que la case des professeurs est située dans la chambre de conférence du lycée et est librement accessible pour tout le corps enseignant.

1.3. Déclarations auprès du Juge d’Instruction

Ÿ P2 déclare auprès du Juge d’instruction avoir été scandalisée par le fait que les épreuves étaient sorties 10 jours avant la fin des épreuves communes. Elle aurait pensé qu’il fallait qu’elle entreprenne quelque chose. Ne disposant pas elle-même des documents, elle aurait appelé P1 pour lui demander si elle pouvait les prendre dans sa case dans le but de les ouvrir et de constater ce qu’elles contenaient. Il n’y aurait eu aucune nécessité d’envoyer les sujets aussi tôt. Elle aurait été résolue à entreprendre quelque chose, mais n’aurait à ce moment pas encore exactement su comment procéder. Elle aurait informé son ami T7, membre du parti CSV. De retour chez elle, elle aurait numérisé les documents relatifs aux épreuves qui n’avaient pas encore eu lieu à ce moment-là ; « J’ai appelé différentes personnes, dont je savais qu’elles avaient des enfants au cycle 4.2. et je leur ai demandé si elles ne voulaient pas ces choses. Ils étaient d’accord pour les recevoir, sinon je ne les aurais pas envoyés (…) Je pense que c’est humain qu’une personne qui a la possibilité de tricher (…) le fasse aussi. C’est dans la nature humaine, même si l’on peut penser que ce n’est pas moral ».

P2 précise avoir voulu dénoncer le problème. En y réfléchissant actuellement, elle constate avoir agi impulsivement. Elle reconnaît avoir donné les verbes de l’écoute française à son fils, « avec d’énormes remords ».

Ÿ P4 déclare lors de son interrogatoire qu’elle était arrivée à la salle de conférences vers 12.20 ou 12.30 heures et aurait vu une grande enveloppe blanche à son nom. Un des collègues lui a demandé si elle en connaissait le contenu, ce qu’elle aurait infirmé. Elle aurait ainsi appris que les enveloppes contenaient les questions des épreuves du cycle 4.2. Elle aurait été très fâchée et aurait dit qu’elle allait contacter le Ministère pour qu’il s’explique sur cette démarche. En chemin vers sa classe, elle aurait appelé son mari P3 pour lui faire part de ses constats. Elle serait rentrée vers 18 heures et sur le chemin, elle aurait réfléchi à ce qu’elle allait faire ; elle aurait considéré de faire un courrier électronique au rectorat, au Ministère et à certains membres de la profession. En regardant ses emails, elle aurait constaté que P2 avait envoyé un courrier électronique contenant les épreuves ; « Là, j’étais encore beaucoup plus fâchée, parce que ce document m’avait été envoyé et qu’il ressortait de ce mail que ce document avait été envoyé à d’autres personnes ».

Elle se serait sentie mal du fait que certains enfants se trouvaient désormais privilégiés. Dans une réaction impulsive, elle se serait dit que d’autres personnes devaient être mises au courant. Elle aurait décidé d’appeler les parents de camarades de classe de son fils pour les informer qu’elle avait reçu une enveloppe et un email et pour leur demander s’ils voulaient également recevoir ce courrier électronique. P3 aurait cependant pensé ensuite que ce ne serait pas une bonne idée. Plus tard dans la soirée, ce dernier lui aurait cependant révélé qu’il avait envoyé par email un lien à tous les parents auxquels elle avait téléphoné, lien permettant de télécharger les fichiers reçus de P2.

P4 précise avoir agi ainsi parce qu’elle aurait été furieuse après toutes les rumeurs qui auraient circulé durant les années précédentes. ; « si j’avais voulu en tirer profit, je m’y serais prise autrement et je n’en aurais certainement pas averti les autres parents, mais j’aurais remis les épreuves à mon fils, ce que je n’ai pas fait ».

Ÿ P1 précise être d’avis que tout ce qui se trouve dans sa case ne serait pas confidentiel, ce d’autant plus que tout le monde y aurait eu accès. Le 16 mars 2015, elle serait arrivée chez elle à la maison vers 12.20 heures. Vers 13.30 heures, P2 l’aurait appelée sur son portable en demandant si elle pouvait prendre une enveloppe contenant les épreuves du cycle 4.2., et se trouvant dans sa case. Elle lui aurait répondu spontanément qu’elle pouvait les prendre. Ensuite, elle aurait été informée que les épreuves n’auraient pas encore été terminées. Elle aurait été fâchée et aurait déclaré à P2 qu’il fallait que cela se sache ; « l’idée de rendre cela public était qu’il fallait faire annuler les épreuves en cours, parce que les sujets et les corrigés étaient à la disposition de toute personne qui pouvait tomber dessus ». Elle aurait pensé que P2 allait contacter sa hiérarchie.

P1 admet avoir de son côté distribué des sujets et corrigés ; « j’étais d’avis que les épreuves devaient et allaient être annulées. Si je n’en avais pas été convaincue à ce moment-là, je ne les aurais pas distribués. Je dois avouer qu’à ce moment-là, je n’ai pas réfléchi comme un fonctionnaire d’Etat. (…) J’étais convaincue que les épreuves allaient être annulées et j’ai donc distribué les sujets à des parents d’élèves pour que leurs enfants puissent s’en servir comme exercice ». Elle aurait compris avoir commis une faute, mais n’en aurait pas été consciente à l’époque.

Ÿ P3 explique auprès du Juge d’instruction avoir reçu un appel de sa femme, P4, qui lui aurait fait part de ce que des enveloppes contenant les sujets d’épreuves encore en cours avaient été distribuées dans les cases des professeurs. Son épouse aurait dit vouloir en informer le Ministère. Le soir, ils auraient à nouveau abordé le sujet. Son épouse aurait voulu informer tous les supérieurs hiérarchiques et toutes les personnes impliquées dans le processus.

P3 expose avoir personnellement, sans que sa femme ne le sache ou ait donné son accord, transféré le courrier électroniques de P2 dans la Cloud. Il n’en aurait pas connu le contenu exact ; sa femme n’aurait pas ouvert les pièces jointes. Il aurait cependant lui-même « présumé fortement » que le courrier électronique contenait les épreuves communes encore en cours.

Son épouse aurait eu l’idée de continuer le courrier électronique aux autres parents d’élève de la classe de leur fils, pour éviter qu’ils se fassent reprocher d’avoir été les seuls à disposer de ces informations. Elle aurait ainsi appelé les parents pour leur raconter l’incident et demander s’ils voulaient obtenir les documents. Par la suite, ils auraient cependant pensé qu’il ne s’agissait pas d’une bonne idée, de sorte que P4 ne l’aurait pas fait. Plus tard, lorsqu’elle n’était pas à ses côtés, il aurait malgré tout décidé de télécharger les documents, de créer une adresse email et d’envoyer aux parents les codes permettant de télécharger l’email. Il aurait pensé que les parents utiliseraient ce lien de manière raisonnable et ne montreraient pas le contenu à leurs enfants ; il aurait espéré qu’ils ne montreraient pas le contenu à leurs enfants. L’enveloppe en tant que telle serait restée fermée.

Il aurait créé une adresse email furtive parce que normalement, il n’aurait pas besoin d’une adresse email. Il aurait par ailleurs été convaincu que l’épreuve allait être annulée, puisque le sujet avait été distribué.

1.4. Déclarations à l’audience

1.4.1. Déclarations des témoins

Ÿ Le témoin Marc WEIS explique à l’audience du 21 septembre 2016 que le 27 mars 2015, ils ont été chargés de divers devoirs dans ce dossier. Huit perquisitions devaient être faites dans les domiciles et dans le lycée d’Echternach. Il s’agissait également de faire une perquisition au Ministère et au Centre informatique, ainsi qu’à l’école de Bourglinster. Les enquêteurs auraient également été chargés d’entendre les deux personnes en tant que suspects. Les perquisitions se sont déroulées sans problème.

Ces personnes auraient été averties quant à leurs droits. Elles auraient chargé l’étude de Maître VOGEL de leur défense et Maître MIOLI se serait présenté pour les assister. Le témoin dit lui avoir indiqué qu’il pourrait y avoir un conflit d’intérêt. Maître MIOLI aurait couru de droite à gauche entre les auditions simultanées.

P2 ne voulait pas faire de déclarations au départ et a fait état d’une convocation devant le conseil de discipline. Elle aurait voulu attendre cette procédure. Le Juge d’Instruction a ainsi émis un mandat d’amener. Après discussion avec son avocat, P2 aurait accepté de faire des déclarations et fait une déclaration complète. Ses déclarations auraient correspondu avec le résultat des enquêtes.

Toutes les perquisitions auraient été faites en même temps. Tout le service était ainsi engagé. Sur question, le témoin dit n’avoir pas été présent au Ministère. Le Ministre aurait signé le procès-verbal et remis un dossier complet avec de nombreuses pièces. L’enquêteur Marc WEIS précise qu’ils ont rencontré les fonctionnaires responsables de l’envoi des sujets et épreuves, qui auraient également été entendus pour s’expliquer.

Le problème résiderait dans le fait que les membres du conseil d’orientation recevaient les corrigés avant les épreuves. Il se serait avéré que 800 personnes avaient reçu ces corrigés.

Aucune date précise n’aurait pu être déterminée par l’enquête permettant de préciser quand le Ministère était informé. Le témoin dit ignorer ce que le Ministère a pu savoir avant le 16 mars.

Mis à part le courrier électronique de Madame P4, l’enquête n’aurait pas révélé d’éléments quant à l’existence d’autres fuites.

Ÿ Le témoin T1, premier conseiller au Ministère de l’Education nationale, précise à l’audience du 9 janvier 2017 s’être proposé pour témoigner en justice puisque la question aurait été posée à quel moment le Ministère était informé des incidents. En tant que premier conseiller, il serait responsable de la gestion de crise. Le 16 mars au soir, vers 20 heures, il y aurait eu un message de P4 dans lequel elle a informé une partie des personnes du Ministère que les épreuves seraient arrivées au secondaire et seraient ainsi publiques. Avant le 16 mars, le Ministère n’aurait eu aucune information sur une quelconque irrégularité.

Le témoin dit avoir informé le Ministre sur le contenu de ce courrier électronique. Le directeur du SCRIPT, T3, n’aurait pas figuré dans la liste des destinataires du message, ce qui aurait été surprenant du fait qu’il aurait été en charge de la problématique et que P4 le connaîtrait personnellement. T3 l’aurait informé le soir que ce ne serait rien d’exceptionnel ; les épreuves ne seraient pas publiques mais simplement à disposition de divers enseignants. Il ne s’agirait pas d’une erreur, mais d’une décision volontaire d’envoyer les épreuves. Il aurait promis de contacter P4 pour s’expliquer. Il aurait informé le Ministre de cette évolution et le Ministre l’aurait chargé de suivre le dossier.

T1 précise que ce serait au cours du jeudi que par personne interposée, le Ministère aurait été informé que l’inspecteur B avait fait un email à d’autres inspecteurs selon lequel les épreuves seraient en circulation. T3 aurait essayé le jeudi de parler à P4 et à l’inspecteur B.

Le témoin s’étonne que P4 ait passé sous silence l’information essentielle, à savoir que les épreuves circulaient entre les parents d’élèves. S’ils avaient su auparavant que les épreuves n’étaient pas seulement à disposition des enseignants, mais mises en ligne sur Internet, la réaction du Ministère aurait été toute différente.

Le Ministère aurait contacté B qui aurait expliqué avoir reçu les informations en cause non pas par ses fonctions officielles, mais de la part d’un parent d’élève qu’il connaîtrait à titre privé et dont il ne voudrait pas révéler le nom. Il l’aurait informé qu’en tant que fonctionnaire, il devait révéler cette identité.

Plus tard, C, directrice-adjointe du Uelzecht Lycée aurait informé le Ministère qu’une mère d’élève s’était vue offrir les épreuves. Elle aurait voulu communiquer cette information sans vouloir communiquer l’identité de la mère.

Il s’agirait ainsi des premières informations tangibles quant à une fuite.

Le mercredi, un article aurait été publié au journal Tageblatt. Le journaliste aurait affirmé que les épreuves avaient été rendues publiques très tôt. En outre, plusieurs inspecteurs et directeurs de lycée auraient fourni des informations. Le mercredi soir et jeudi matin, il aurait fallu décider si l’épreuve devait être annulée. Sur base des informations recueillies, ils auraient dû partir du principe qu’il y aurait eu une fuite très tôt, affectant toutes les régions du pays. Ils auraient décidé le jeudi matin de porter plainte.

Peu à peu, une image plus cohérente du dossier aurait été obtenue. La directrice du Uelzecht Lycée aurait fourni un nom. L’inspecteur B refuserait à ce jour de révéler sa source. L’inspectrice d’arrondissement aurait informé que D aurait fait une communication selon laquelle ce seraient des parents de sa classe qui aurait copié et distribué les épreuves.

T1 explique avoir contacté le journaliste du Tageblatt. Tout en veillant au respect de la protection des sources, il aurait voulu vérifier la qualité de son information. Le journaliste aurait précisé, après une discussion, que sa source aurait probablement fourni une information imprécise et que la fuite pourrait n’avoir eu lieu que le 16 mars.

Ils se seraient ensuite concentrés sur les nouvelles épreuves, processus compliqué.

Vers la fin de la semaine, il se serait concrétisé que l’épicentre de la fuite se trouvait à Junglinster et était liée au lycée d’Echternach. Ils auraient également obtenu les fichiers et auraient constaté qu’un certain effort avait été fourni pour pirater (« hacker ») le CD-ROM et numériser les épreuves. Ignorant la mesure de la diffusion des épreuves, il aurait été décidé de renouveler les épreuves. Ce ne serait que plus tard qu’il se serait avéré que l’impact de la fuite semblait se limiter, du moins pour l’essentiel, à Echternach.

Sur question, le témoin précise que la décision de distribuer les corrigés pendant que les épreuves étaient en cours relèverait du SCRIPT, plus précisément du fonctionnaire T4. Cette décision aurait été cohérente avec l’approche générale du Ministère. Des enseignants du secondaire auraient fait la demande d’obtenir les épreuves au préalable. Dans la commission d’orientation, des enseignants du fondamental et du secondaire seraient réunis, sans connaître leurs métiers réciproques. Pour rendre des décisions plus adéquates, dans l’intérêt des enfants, le Ministère aurait cherché à faire en sorte que les enseignants du secondaire soient mieux informés. Il aurait été décidé de fournir les corrigés plus tôt aux enseignants pour qu’ils puissent mieux se préparer aux commissions d’orientation.

Il n’y aurait pas eu de procédure spécifique digitalisée. Ils auraient eu confiance dans les enseignants fonctionnaires. Les enveloppes seraient fermées et remises dans les cases des enseignants. Il n’y aurait pas eu de rappel spécifique des obligations du fonctionnaire, ni que le contenu était confidentiel. Il relèverait de l’évidence que ces documents seraient confidentiels, au risque de compromettre le résultat de l’épreuve.

Sur question de la défense, le témoin T1 précise que les épreuves contiennent deux blocs, dont une partie est évaluée par l’Université du Luxembourg et l’autre partie par l’enseignant titulaire. L’enseignant du secondaire ne participerait pas aux corrections. Son rôle dans la commission d’orientation serait de renseigner sur le niveau requis dans l’enseignement secondaire. Si l’enseignant du secondaire s’oppose à une orientation, il pourrait bloquer l’affectation ; il se serait avéré souvent que les enseignants du secondaire auraient évalué moins biens les élèves puisqu’ils se seraient référés à du contenu d’enseignement n’ayant plus cours depuis des années. Le but aurait donc été d’informer ces enseignants sur le contenu et l’objet des épreuves et sur le niveau requis.

Le témoin rappelle qu’il y a eu une doléance des enseignants, formulée dans les commissions de travail du Ministère, d’être mieux informés du contenu des épreuves.

Confronté à la formule de confidentialité figurant sur les nouvelles épreuves, le témoin précise que par la suite, la procédure a été adaptée. Il s’agirait d’un acte de balance pour éviter de nouveaux incidents, tout en respectant cependant la très grande majorité des enseignants intègres.

La défense s’interroge s’il était nécessaire de refaire toutes les épreuves pour 4.800 élèves. Le rôle du Ministère aurait été d’évaluer l’envergure de l’affaire. Le dossier aurait été transmis au Parquet pour enquête ; le Ministère n’aurait pas pu partir du principe que l’affaire se limitait à ce qu’ils savaient d’ores et déjà. Toutes les épreuves auraient été refaites par mesure de précaution, puisqu’il n’y aurait eu aucune certitude quant à l’envergure réelle des fuites. Par contre, les fichiers audio prendraient des mois à produire.

Le but de l’épreuve serait de positionner l’élève par rapport à l’ensemble des élèves du pays et non pas seulement par rapport à sa classe et à son enseignant. Il serait impossible de définir un pourcentage d’impact de cette épreuve sur la décision d’orientation.

Maître Yves KASEL précise qu’il ne restait plus que 10 jours d’épreuves, tandis que les commissions d’orientation n’avaient lieu qu’un mois après ; il n’y aurait pas eu de raison de les publier auparavant. Le témoin réplique que le Ministère voulait les distribuer suffisamment tôt pour permettre aux enseignants de se préparer. Le Ministère n’aurait pas réalisé qu’ils prenaient un risque en distribuant ces documents à des fonctionnaires. Cette question ne se poserait qu’à supposer qu’on ne peut faire confiance aux enseignants.

Maître KASEL se demande en outre pourquoi pour d’autres épreuves, des précautions seraient prises. Le témoin T1 précise qu’il y a un parallélisme entre les procédures de l’épreuve d’orientation et de l’examen de fin d’études secondaires, sauf que les enseignants membres des commissions d’orientation reçoivent aussi une copie.

Sur question, T1 précise n’avoir lui-même jamais entendu auparavant de rumeurs quant à des fuites antérieures.

Les directeurs seraient en charge de choisir les enseignants membres de la commission d’orientation. Tant les directeurs que les enseignants auraient été sensibilisés pour ne pas devenir membres d’une commission d’orientation s’ils ont un enfant fréquentant le cycle 4.2.

Le témoin rappelle que dans un premier temps, l’envergure de la fuite était inconnue. Divers éléments, dont une question parlementaire et l’article paru au journal Tageblatt, auraient fait penser que la fuite avait eu lieu depuis un certain temps. Le Ministère aurait dans un premier temps cru qu’elle provenait des enseignants du fondamental.

Quant à la différence de date entre le 13 mars, date d’envoi et le 16 mars, date mentionnée dans le courrier, il faudrait tenir compte des procédures internes à un Ministère de plus de 500 personnes. Le témoin peut s’imaginer que T3 s’est probablement dit que les épreuves étaient quasiment finies, de sorte qu’il aurait pu envoyer les corrigés. Le témoin rappelle que la demande d’avoir les corrigés en temps utile serait une demande de nombreux enseignants, exprimée dans les groupes de travail.

Le témoin confirme que normalement, les corrigés sont envoyés après la fin des épreuves ; l’année litigieuse par contre, l’envoi aurait été fait peu avant la fin des épreuves.

Ÿ Le témoin T2 explique que le lundi, il organiserait un Erzielkrees avec les enfants. Certains enfants fréquentant le conservatoire d’Esch avaient précisé avoir croisé au conservatoire de musique des élèves qui auraient vu un ou deux sujets des épreuves mathématiques avant les épreuves. Il aurait obtenu cette information le lundi 16 mars au matin. Les cours au conservatoire auraient eu lieu le samedi matin. Les élèves lui auraient parlé d’une ou de deux questions, et il se serait avéré que celles-ci faisaient partie des épreuves.

Ÿ Le témoin T3, directeur du SCRIPT jusqu’en 2015, précise que le SCRIPT est responsable de l’élaboration pédagogique des épreuves standardisées. Trois groupes de travail prépareraient les épreuves. Le SCRIPT procèderait à l’impression des épreuves, ainsi qu’à la collecte des résultats pour l’évaluation, notamment par l’Université.

Pour l’épreuve d’orientation, des dates seraient fixées en interne pour organiser le processus. Ces dates seraient ajustées chaque année, en fonction du calendrier scolaire. Les données relatives à l’envoi (nom des enseignants, nombre d’élèves) seraient communiquées au service central d’imprimerie.

La première livraison serait envoyée directement aux coordinateurs au sein des écoles, qui distribueraient les paquets aux enseignants du cycle 4.2. Le second envoi serait continué aux enseignants non-titulaires.

La commission serait composée du titulaire de classe, d’un enseignant du technique, d’un enseignant du classique, d’un inspecteur et éventuellement d’un psychologue. Ces personnes recevraient également les réponses pour pouvoir utilement participer aux réunions.

Le second envoi aurait dû avoir lieu en 2015 le plus tôt possible. Il y aurait tout le temps eu des demandes pour pouvoir se préparer en temps utile. Ils auraient accédé à ces demandes. Pour éviter de devoir gérer qui l’a déjà reçu et qui ne l’a pas reçu, ils auraient tout envoyé le plus tôt possible. Les collaborateurs du Ministère de l’Education Nationale responsables du SCRIPT (T5 et T4) auraient procédé à cet envoi. Ils se seraient dit de l’envoyer le plus tôt possible, en fonction de la réception des imprimés du Service Central d’Imprimerie. Il y aurait eu une lettre d’accompagnement, mais pas de mention spéciale, telle que « Secret ».

En 2014, au cours du debriefing, il aurait été décidé qu’en 2015, ils allaient tenter de procéder plus rapidement à l’envoi. La nouvelle mention d’avertissement n’aurait pas figuré sur les premières épreuves de 2015.

Le témoin précise que le lundi soir, il a reçu un courrier électronique de T1. Il aurait contacté T4 qui aurait confirmé que les documents avaient été envoyés aux titulaires. Ils ne considéraient ainsi pas que le document serait public. Il aurait supposé qu’il s’agissait d’un malentendu entre la notion de « public » et « non public ». Le Ministère l’aurait instruit de contacter P4 pour dissiper le malentendu.

C aurait contacté T4 à propos de PDF qui circuleraient; ils auraient rappelée et constaté qu’il s’agissait d’une version numérisée d’un document papier, et non d’un PDF original émanant de leur service.

Ÿ Le témoin T4, statisticien auprès du SCRIPT depuis septembre 2006, rappelle que dans un premier temps les épreuves ont été envoyées aux coordinateurs, qui devaient les distribuer aux titulaires le jour avant les épreuves. Le second envoi concernerait celui adressé aux enseignants faisant partie du conseil d’orientation. Les années précédentes, de multiples enseignants auraient demandé d’avoir la copie pour se préparer. Ils auraient ainsi décidé de les envoyer désormais à tous les professeurs concernés. Cette décision aurait été prise au sein du SCRIPT, au vu de la multiplicité des demandes.

Il n’y aurait pas eu de raison particulière pourquoi les corrigés ont été envoyés avant la fin des épreuves. Ils auraient considéré que les épreuves étaient presque terminées. Il n’y aurait pas eu de date spécifique pour l’envoi, qui aurait pu avoir lieu plus tôt ou plus tard. Pour cet envoi particulier, et contrairement aux autres, il n’y aurait pas de calendrier prédéfini ; ces envois auraient servi à de simples fins de renseignement.

Il aurait pris ensemble avec T5 la décision de procéder à l’envoi et ils en auraient informé leur chef, T3. La mention d’avertissement aurait figuré pour la première fois sur les épreuves additionnelles.

Les années précédentes, les épreuves auraient été envoyées sur demande des enseignants. Il n’y aurait pas eu d’envoi systématique. L’envoi aurait été fait au nom personnel des enseignants et non à la direction, puisqu’il ne s’agirait pas de la procédure de distribution officielle d’examens, mais d’un simple envoi pour information.

T4 indique ne pas avoir entendu les années précédentes de rumeurs sérieuses sur des fuites.

Sur question de Maître RUDLOFF, le témoin précise que les années précédentes, les demandes ont été faites par téléphone, ce qui lui paraîtrait normal. Les enseignants n’auraient pas été informés du changement de procédure.

Ÿ Le témoin T5 déclare à l’audience du 10 janvier 2017 que le SCRIPT s’occupe de la logistique et de la base de données, tout comme de l’envoi du stock des épreuves en surplus. En 2015, ce serait T4 et lui qui auraient pris la décision de procéder à l’envoi pour que les professeurs soient informés en temps utile. Il n’y aurait pas eu de calendrier fixe pour cet envoi. Le témoin admet avoir été au courant de ce que les épreuves étaient encore en cours. L’envoi aurait été accompagné d’un courrier d’un accompagnement « pour votre gouverne ».

Sur question, le témoin T5 explique que les années précédentes, les corrigés et épreuves n’avaient pas été envoyés systématiquement, sauf à une trentaine d’enseignants ayant fait une demande explicite, demande à renouveler d’année en année. Les demandes auraient été faites en partie par mail et en partie par téléphone. Les demandes et envoi auraient toujours eu lieu après les épreuves. En 2015, ils auraient décidé de le faire de manière systématique.

Il se serait agi d’un simple document d’information. Les envois préalables aux instituteurs n’auraient jamais donné lieu à problème. En envoyant aux enseignants du secondaire, ils auraient supposé que ceux-ci allaient agir de manière responsable, de sorte qu’il n’y aurait eu, à ses yeux, pas de problème à les envoyer quelques jours avant la fin des examens.

T5 déclare travailler au service depuis 1992. Il n’aurait jamais été informé de quelconques problèmes de fuite avant 2015. Il n’y aurait pas d’instructions particulières de la part du Ministère pour l’envoi de ces documents.

Ÿ Le témoin T6 précise qu’il avait été demandé aux inspecteurs de signaler toute information sur un dysfonctionnement. Le lendemain, le témoin T2 l’aurait contacté pour signaler que des enfants lui avaient raconté que d’autres élèves disposaient du titre de l’épreuve de rédaction. Il n’aurait pas personnellement parlé aux enfants ou vérifié l’information.

Sur question, le témoin précise avoir demandé à T2 de vérifier dans l’équipe l’information pour éviter qu’il s’agisse d’une simple histoire inventée par les enfants. C’est ainsi qu’il aurait vérifié que le sujet correspondait effectivement à celui de l’épreuve. Le témoin pense qu’il s’agirait du sujet de rédaction en allemand.

Ÿ Le témoin T7, dûment averti de son droit de ne pas s’auto-inculper, précise être en couple avec la prévenue P2. Il aurait pu avoir accès à la DropBox. Il serait celui présenté dans le dossier comme étant le « responsable du parti CSV ». Il se serait interrogé comment des documents du dossier d’instruction ont pu se retrouver auprès de RTL.

P2 l’aurait contacté le 16 mars. Elle l’aurait informé que les documents ont été envoyés aux professeurs, sans que ceux-ci n’en aient encore besoin ; elle aurait voulu entreprendre quelque chose. Le témoin dit avoir proposé de contacter le parti CSV pour voir s’ils en feraient une question parlementaire. Il aurait ainsi appelé X pour lui expliquer le dossier, mais ce dernier ne l’aurait pas compris. Il aurait ainsi proposé d’envoyer des documents et aurait reçu de P2 la « cover letter » qu’il aurait continuée à X

Par la suite, ils auraient encore mis les documents sur la « DropBox ». Ils n’auraient pas discuté ensemble pour décider du sort à réserver à ces documents. Lorsque la question parlementaire avait été posée, ils auraient supprimé les documents. Il n’aurait appris que par après, au courant de la soirée, que P2 avait continué ces documents à diverses personnes. Personne ne lui aurait demandé de continuer ces documents. Le témoin confirme avoir été au courant que P2 avait continué les informations à un collaborateur de RTL et au « Feierkrop ». Il aurait proposé à X d’avoir accès à la DropBox, mais ce dernier n’y aurait pas accédé ; personne d’autre n’aurait eu accès au DropBox. S’agissant d’une affaire de nature privée, il aurait utilisé son adresse email privée.

Confronté au listing des emails extrait du dossier par la partie civile, le témoin dit ne pas savoir à quoi correspond le fichier comprimé (.zip) envoyé à son adresse email professionnelle. Le témoin maintient cependant qu’en principe, il n’utilise pas son adresse professionnelle à des fins privées.

Sur question, T7 précise encore avoir rencontré X le lundi soir au « Südkongress » du parti et il l’aurait informé de la nécessité d’une question parlementaire. Il y aurait encore eu par après une entrevue avec des responsables du parti pour expliquer ce qui s’était passé. Lors de cette réunion, T8 aurait appelé F pour proposer d’arrêter leurs hostilités.

Le témoin T7 a encore fait état d’un entretien qu’il a suivi entre l’institutrice D et P2 dans le cadre d’une fête pour les élèves vers la fin de l’année scolaire 2015, lors de laquelle D aurait indiqué que plusieurs instituteurs et institutrices avaient entraîné avec leurs élèves les épreuves telles qu’elles allaient par la suite être passées. Il n’aurait pas demandé leur identité, conscient que D n’allait pas la révéler.

Ÿ Le témoin T8, après avoir prêté serment, précise avoir été au courant de ces épreuves et de leur importance. Il ne connaîtrait cependant pas chaque année tous les détails du contenu et de la procédure. A l’époque, il n’aurait pas su qu’il y avait une deuxième distribution des épreuves ; il se serait agi d’une décision prise par le SCRIPT, sachant que les années précédentes, les épreuves avaient été envoyées à la demande des enseignants, afin de se préparer aux commissions d’orientation. Le témoin dit qu’il y aurait certes eu des rumeurs, surtout après que cette affaire était devenue publique, qu’il y aurait eu des fuites. Il n’aurait cependant jamais eu d’information concrète. Lors d’une entrevue avec un journaliste du Tageblatt en date du 18 mars, ce dernier l’aurait averti que le lendemain, du contenu allait être publié et que d’autres corrigés auraient déjà circulé auparavant. Cette information les aurait déterminés pour refaire les épreuves.

Au moment des faits et notamment au moment du communiqué de presse, ils auraient reçu plusieurs informations, et ils n’auraient pas encore su que le problème se concentrait autour du lycée d’Echternach. Aujourd’hui, la vue sur l’ensemble de l’affaire serait différente de l’époque, notamment quant à la formulation de la plainte initiale. D’un point de vue politique, et en vertu du principe de précaution, la seule décision à prendre en l’état des connaissances à l’époque, aurait été de refaire l’ensemble des épreuves.

T8 estime que ce n’était pas nécessaire d’indiquer sur les enveloppes des principes qui devraient couler de source. Suite à l’incident, ils auraient cependant apposé des mentions relatives au secret et revu les procédures de distribution.

Sur question, il précise qu’à partir de 2016, de nouvelles procédures ont été mises en place. Il aurait été décidé de désigner dans chaque école un responsable pour recevoir les copies. Concernant l’envoi avant la fin des épreuves, le témoin rappelle que chaque enseignant a une responsabilité à cet égard qui n’aurait pas besoin de lui être rappelée. Même si la question lui avait été posée, il n’aurait ainsi probablement pas vu d’obstacle à envoyer les corrigés à ce moment aux enseignants.

Le témoin T8 estime que la procédure des examens d’orientation ne peut en aucun cas être comparée aux procédures et mesures de précaution en matière d’examen de fin d’études. Ce dernier serait un examen diplômant qu’on peut obtenir ou non. Les épreuves d’orientation ne devraient pas être surestimée dans leur importance ; il ne s’agirait pas d’un élément central, mais juste d’un élément parmi d’autres pour orienter les élèves. Un enseignant mal intentionné aurait bien d’autres moyens pour influencer sur la décision d’orientation, notamment durant les tests au courant de l’année ou au cours du vote, moyens qui auraient un impact nettement plus important qu’une divulgation des épreuves.

1.4.2. Déclarations des prévenus

Ÿ A l’audience du 11 janvier 2017, P2 explique que le 16 mars 2015, après 12 heures, elle serait arrivée au lycée. Un collègue l’aurait informée que les tests du cycle 4.2. se trouvaient dans les cases des membres des conseils d‘orientation. Les cases seraient toutes ouvertes, et elle aurait eu du mal à le croire, puisqu’elle aurait eu un fils au cycle 4.2. et aurait donc su que les tests n’étaient pas achevés. Elle aurait contacté par téléphone sa collègue et amie P1 pour l’informer que dans sa case se trouverait une telle enveloppe. Elle aurait demandé si elle pouvait sortir cette enveloppe. Après avoir obtenu l’accord pour ouvrir l’enveloppe elle aurait constaté qu’il s’agissait bien des tests d’orientation ; les tests non encore terminés s’y seraient également trouvés.

P2 dit avoir été choquée par ce constat. L’enveloppe aurait été blanche, aurait porté le tampon postal du 13 mars ; la lettre d’accompagnement aurait mentionné « pour votre gouverne » et portait la date du 16 mars. Il n’aurait pas été indiqué que les tests n’étaient pas achevés.

A ce moment, elle aurait été très fâchée et aurait déjà pris la décision d’en informer le public, sans encore savoir comment. Elle aurait appelé son partenaire T7 et lui aurait expliqué la situation. Ce dernier aurait dit qu’il appellerait une connaissance du parti CSV pour provoquer une question parlementaire. Elle se serait rendue à la maison et aurait numérisé les épreuves qui n’avaient pas encore été passées. Elle aurait informé RTL par un membre de la famille, mais RTL n’aurait pas publié la nouvelle jusqu’au jour où le Tageblatt en parlait. Elle aurait aussi écrit au « Neien Feierkrop », mais ceux-ci ne se seraient plus manifestés. Elle n’aurait pas informé le journal Tageblatt.

La prévenue précise encore avoir envoyé les documents à certaines connaissances qui avaient des enfants au cycle 4.2., après avoir demandé au préalable leur avis au téléphone. Aucun n’aurait refusé.

Elle aurait décidé de rendre publique cette information en raison des rumeurs existant quant au traitement laxiste de ces tests. On entendrait dire que ces épreuves étaient accessibles et que certains enseignants entraîneraient leurs élèves sur les sujets qui allaient tomber.

Son but aurait été de démontrer que la procédure était viciée depuis des années. Elle aurait été énervée par l’injustice créée par cette situation, les enseignants du fondamental ne respectant pas les consignes du Ministère – qui elles-mêmes seraient peu précises, voire contradictoires.

Elle devrait certes se reprocher d’avoir envoyé les épreuves également aux autres parents d’enfants en cycle 4.2. Mais à l’époque, il se serait agi pour elle d’une question d’équité. Des parents d’élèves enseignants auraient bien reçu ces questionnaires. Ce faisant, on soumettrait ces personnes à un conflit interne (« moraleschen Zwiespalt ») entre leurs qualités de fonctionnaires et de parents. Elle aurait raisonné à l’époque que ses amis et connaissances devraient également les recevoir ; rétrospectivement, il s’agirait certes d’une erreur.

S’il avait été évident que l’aspect moral était prédominant, toutes les personnes contactées auraient dû refuser de recevoir les copies, mais tel n’aurait pas été le cas.

De l’avis de la prévenue, le Ministère aurait commis en l’espèce une erreur. Rien que la diffusion au préalable de ces épreuves aurait dû conduire à l’annulation de l’épreuve.

Il serait naturel qu’un être humain recevant la possibilité de se procurer un avantage, en profiterait aussi.

Elle aurait peut-être réagi trop fort dans l’énervement. Elle aurait probablement dû informer rapidement son supérieur hiérarchique. La prévenue P4 aurait informé son supérieur hiérarchique, mais qui lui aurait donné une réponse fort sommaire. Elle aurait aussi envisagé d’informer le Ministère, mais elle aurait sû de par ses expériences passées qu’on ne recevrait jamais de réponse. Il serait également étonnant que le Ministère ne réagissait pas jusqu’à ce que l’affaire se retrouve dans la presse.

La prévenue souligne encore que le Ministre a parlé d’une fuite « de la semaine passée », de sorte qu’il devrait bien y avoir une fuite antérieure.

P2 précise encore que des épreuves ont été refaites sans nécessité. Elle se dit révoltée du fait que certaines parties du dossier se retrouvaient près de RTL. Il y aurait eu à ses yeux une violation du secret d’instruction. Elle en aurait fait part à la police et au juge d’instruction, mais personne n’aurait réagi. Elle serait encore révoltée du fait que le Ministre a dit à plusieurs reprises dans la presse qu’elles auraient « vendu » les épreuves, ce qui serait calomnieux.

Il serait connu depuis des années que la procédure était irrégulière. Il fallait que la situation soit dénoncée. Il ne se serait pas agi d’une action concertée ; « et war eng Reaktioun aus dem Bauch eraus ; ech hun villéicht net genuch iwwerluecht ». Rétrospectivement, elle estime qu’elle aurait dû informer le public, mais elle ne communiquerait plus de documents.

Sur question, le témoin confirme avoir numérisé les documents et converti le CD-Audio en fichier mp3. Elle affirme encore, contrairement aux dires des témoins, que les années précédentes, les épreuves auraient été communiquées spontanément et pas seulement sur demande.

Sur question de la partie civile, la prévenue précise avoir numérisé et envoyé à des amis et connaissances dont elle savait qu’elles avaient un enfant en cycle 4.2. les trois épreuves non encore passées (écoute français, rédaction français et allemand).

La prévenue précise avoir donné à son fils les verbes de l’épreuve de français, mais rien d’autre.

Ÿ La prévenue P1 relate que le 16 mars, elle avait été à l’école et se serait rendue à la maison sans passer par la salle de conférence. A la maison, vers 12.30, P2 l’aurait appelée pour demander si elle pouvait prendre l’enveloppe contenant probablement les épreuves du cycle 4.2. Elle aurait donné son accord, puis aurait demandé les motifs. P2 lui aurait dit que les épreuves n’étaient pas encore terminées. Elle aurait été surprise aussi de cette information, alors que – n’étant pas impliqués dans les corrections – ils n’auraient à ce moment pas encore eu besoin de ces informations.

P1 précise avoir été membre d’une commission d’orientation depuis 4 ans. On lui aurait toujours dit que ces épreuves ne valaient rien, puisque tout le monde connaissait les épreuves et que certains instituteurs entraînaient leurs élèves – peut être sans leur dire – sur les sujets qui allaient venir. Elle se serait demandée pourquoi personne ne le signalait, mais on lui aurait répondu qu’il serait vain de contacter le Ministère puisqu’on n’obtiendrait pas de réponse. Par la suite, elle aurait eu d’autres conformations que ces épreuves étaient irrégulières.

En 2015, elle se serait dit qu’il était inadmissible que désormais non seulement les enseignants sortaient prématurément ces épreuves, mais que le Ministère s’y mettait aussi. En tant qu’enseignante, elle aurait de nombreuses classes de 7e et aurait dû constater que de nombreux élèves sont mal orientés. Contrairement aux dires du Ministre, les épreuves communes seraient un élément important pour la décision d’orientation.

Ils auraient discuté du fait qu’il fallait rendre publique cette information. Il n’aurait pas encore été déterminé clairement comment cela devait se passer ; de l’avis de la prévenue, P2 l’aurait volontairement laissée dans l’ignorance de ses intentions précises. P2 l’aurait appelée peu après et lui aurait indiqué que l’information paraîtrait demain dans la presse.

P1 admet avoir transmis les épreuves à une collègue. Elle serait partie du principe que, puisque la presse allait publier les épreuves, celles-ci n’auraient plus lieu et seraient annulées. Elle aurait été choquée le lendemain d’apprendre que tel n’était pas le cas.

P1 précise avoir reçu les fichiers par email sous forme de PDF ; elle ne se souviendrait plus s’il y avait un fichier audio ou non.

Les années précédentes, elle aurait obtenu une copie toutes les années. Elle n’aurait jamais formulé de demande.

Ÿ La prévenue P4 précise que le 16 mars 2015, elle se serait rendue dans la salle de conférence et aurait pris les documents de sa case. Il y aurait eu une enveloppe blanche qu’elle n’aurait pas ouverte. Dans une autre salle de conférence, des collègues l’auraient informée qu’il s’agirait des questionnaires des épreuves d’orientation. Elle aurait dit que ce ne serait pas possible puisque rien n’était marqué sur enveloppe, notamment quant à la confidentialité, et qu’elle avait en outre un enfant inscrit en cycle 4.2. Ils auraient toujours reçu spontanément ces documents, mais après les épreuves. Elle n’aurait pas ouvert l’enveloppe, mais se serait rendue dans sa classe. Elle se serait demandée pourquoi ils recevaient ces documents, sans l’avoir demandé et sans en avoir besoin et se serait dit que tout le monde saurait qu’elle possédait ces documents et en ferait profiter son fils.

Elle serait revenue assez tard à la maison, mais aurait toujours été révoltée. Elle aurait allumé son ordinateur et trouvé le courrier électronique de P2. On n’aurait pas vu qui avait reçu l’email, mais elle aurait pu constater qu’il y avait plusieurs destinataires. Elle se serait dit qu’ainsi l’information avait circulé et donc que tout le monde penserait qu’elle allait tricher dans l’intérêt de son enfant. Elle aurait également été consciente que d’autres collègues membres de commissions d’orientation avaient des enfants en cycle 4.2. Elle aurait pris la décision d’informer son supérieur hiérarchique mais ce dernier lui aurait donné une simple réponse lapidaire. Elle aurait encore pris la décision d’appeler les parents d’élèves de la classe de son fils ; elle les aurait informés qu’elle disposait des épreuves et qu’elle avait peur qu’ils penseraient qu’elle tricherait. Elle aurait aussi envoyé un courrier électronique à des inspecteurs et fonctionnaires du Ministère. Le jeudi matin une inspectrice lui aurait répondu avoir eu plusieurs informations de ce type. A l’école, elle aurait raconté à ses collègues tout ce qu’elle avait fait. T3 du Ministère aurait fini par l’appeler le soir pour demander « wou as den Problem ? » et en expliquant que c’était sur demande des enseignants du secondaire que les épreuves étaient envoyées en avance. Elle aurait répliqué qu’elle trouvait ceci problématique, mais T3 n’aurait pas partagé cet avis.

La prévenue s’interroge pourquoi le Ministère a agi ainsi. Les enseignants n’auraient pas eu besoin de plus de deux mois pour consulter ces épreuves. Il aurait été possible d’éviter un envoi prématuré, et tous les problèmes qu’il entraînerait.

Elle n’aurait nullement agi pour se procurer des avantages. Elle aurait pu se procurer des avantages et rien ne serait arrivé ; mais elle n’aurait jamais voulu le faire. Il serait évident que ses motivations étaient différentes et qu’elle voulait que la procédure soit changée. Contrairement à ce qui lui est reproché, elle ne voudrait nullement nuire au T8, cette procédure existant depuis longtemps. Elle n’aurait par ailleurs jamais volontairement supprimé des courriers électroniques.

P4 conclut en précisant que ses explications n’ont peut-être pas d’incidence en droit, mais qu’il faudrait tenir compte de ses motivations.

Sur question, la prévenue précise n’avoir continué aucune information par voie électronique. Elle ne voudrait pas dire comment ces informations ont été continuées depuis chez elle. Elle aurait vu le courrier électronique de P2 ; elle se serait encore énervée davantage en constatant que l’information allait circuler.

Elle aurait dit aux parents d’élèves que les épreuves étaient sorties, qu’elle était choquée et qu’elle avait reçu un courrier électronique prouvant que les données circulaient. Ces parents n’auraient pas demandé d’obtenir ces mêmes informations.

Le courrier électronique aurait été envoyé à son adresse @education.lu, qui aurait été la seule qu’ils auraient eue. Ce compte de courrier électronique serait accessible sur son ordinateur ; le mot de passe de l’ordinateur aurait été connu de tous les membres de la famille. Tout le monde aurait pu avoir accès à l’ordinateur, soit 5 membres de sa famille. Personne d’autre ne serait passé dans la maison le jour en question. P3 aurait eu accès à cet ordinateur.

Elle n’aurait jamais envoyé un quelconque email aux parents. Bien que certains parents aient demandé l’envoi, elle aurait finalement changé d’avis et n’aurait rien envoyé. Elle n’aurait incité son mari à rien. Son mari lui aurait dit de se calmer. Ils n’auraient pas discuté sur les possibilités pour envoyer les documents. Elle pense avoir dit à P3 qu’elle ne voulait au final pas envoyer les courriers électroniques.

Ÿ Le prévenu P3 déclare maintenir ses moyens de nullité antérieurs. Tout ce qu’il aurait à dire résulterait de ses déclarations auprès de la police et du Juge d’instruction. Il ne voudrait rien rajouter et ferait usage de son droit au silence. Il serait catéchiste de formation en congé sans traitement depuis 20 ans. Il s’interroge « sur le plan philosophique quant à l’interaction entre l’intelligence et le courage civil ». 

1.4.3. Moyens de défense

Ÿ Maître Gaston VOGEL estime que l’Etat ne serait pas une entité abstraite ; il n’existerait que par ses organes. En l’espèce, l’Etat serait responsable du dysfonctionnement. Il ne pourrait nullement demander indemnisation pour ses propres défauts. La recevabilité et le bien-fondé des parties civiles seraient contestée.

Leur mandante n’aurait joué qu’un rôle minime et n’aurait pas agi dans un intérêt partisan ou politique, mais parce qu’elle aurait été dégoutée et révoltée de constater le laisser-aller de l’Etat dans un domaine important. Aucun souci de précaution n’aurait été pris, et ce manque de conscience serait propre au Ministre de l’Education Nationale.

Il y aurait trois dysfonctionnements :

-          La distribution des épreuves avant terme.

-          Les épreuves ont été déposées dans des développes ordinaires sans aucune mention particulière.

-          La distribution à un très grand nombre de destinataires.

 

Tous ces points réunis témoigneraient de la négligence administrative des services du Ministère. On ne pourrait nullement se fier, tel que le soutient le Ministre, au serment prêté par les fonctionnaires. Plus de 800 personnes auraient été constitués « confidents » ; il serait impossible de lier autant de personnes par le secret. Un secret se diluerait dans le nombre de destinataires.

Ÿ Maître Emmanuelle RUDLOFF donne à l’audience lecture d’une note de plaidoiries.

Ÿ Maître Fränk ROLLINGER a de son côté exposé des conclusions écrites.

Ÿ Maître Yves KASEL donne à considérer que la défense est exposée à l’Etat sous trois aspects, à savoir une fois en tant que partie civile, ensuite à travers le Parquet qui engage les poursuites et ensuite face au Tribunal qui prendra une décision. Il conviendrait de garantir un procès équitable.

En l’espèce, l’affaire s’expliquerait par l’absence de règles claires et simples pour la distribution des épreuves d’examen, ce qui a rendu possible d’éventuels abus, ce qui à son tour aurait miné la confiance des prévenus et tiers dans le caractère juste et équitable des épreuves communes. Des règles extrêmement simples auraient permis d’éviter pareille situation, notamment en n’envoyant pas les documents à des personnes qui n’en ont pas encore besoin. Il faudrait mettre en place des garde-fous.

Il n’y aurait pas lieu en l’espèce de décider si les prévenus ont agi de manière morale ou non, mais s’ils ont commis une infraction ou non.

Maître Yves KASEL a ensuite exposé à l’audience une note de plaidoiries reprenant ses développements tant en fait qu’en droit. Il conclut en faisant valoir que le doute doit profiter à l’accusée. Il se réfère encore à une affaire similaire qui s’était produite en Belgique en 2015 ; des poursuites pénales auraient été envisagées mais n’auraient finalement pas eu lieu. Au contraire, un décret serait en préparation, prévoyant explicitement de soumettre au secret professionnel de l’article 458 du Code pénal (belge) ceux qui sont impliqués dans la préparation des épreuves ; il en découlerait qu’en l’absence de texte, le secret professionnel ne s’applique pas dans le présent contexte.

Ÿ Maître Sam RIES déclare se rallier aux conclusions de ses confrères. Les témoins auraient clairement précisé que ces documents n’avaient pas été envoyés de manière secrète, mais « à titre de simple renseignement ». Il n’y aurait eu aucune mention relative à un quelconque secret. Il n’y aurait aucune directive quant à la manière de distribuer ces documents et à en préserver le caractère confidentiel. Comme le Ministre l’aurait souligné, il ne s’agirait pas de l’équivalent d’un examen de fin d’études, mais plutôt l’équivalent d’un test (Prüfung), de sorte que l’ensemble des procédures et règles de confidentialité ne s’appliqueraient pas. Cette conclusion se déduirait aussi du fait que pour les rattrapages, la même épreuve aurait été réalisée. Le caractère confidentiel serait ainsi à relativiser fortement. Aucun des textes relatifs à l’enseignement fondamental et à la procédure d’orientation ne contiendrait de disposition relative à la confidentialité, et ce par opposition à ceux régissant l’enseignement secondaire. Il y serait précisé clairement que le secret relatif à l’examen doit être strictement respecté.

Maître RIES se réfère encore à la ratio legis de l’article 458 du Code pénal. Dans une affaire jugée par le Tribunal d’Arrondissement en 1995 (771/95), il aurait été décidé que la loi veut garantir la sécurité des confidences faites par un particulier. L’arrêt de 1976 relatif à l’agent postal ferait également référence aux « secrets confiés par un particulier ». Le secret professionnel protègerait les secrets « confiés à l’administration » et non les secrets « confiés par l’administration ». Il y aurait encore lieu de se référer à l’arrêt de 1967 qui donnerait la solution au présent débat. Il cite des arrêts français et belges ayant repris cette même position. La défense énumère ensuite la liste des professions et domaines dans lesquels le secret professionnel au sens pénal du terme est explicitement mentionné.

Ÿ La partie civile a encore exposé à l’audience des « conclusions en réplique » aux arguments développés par la défense. Maître Michel MOLITOR ajoute que la défense se présente comme victime d’un système qui fonctionnerait mal depuis des années. On ferait état de rumeurs relatives à un dysfonctionnement et à des fuites antérieures, mais rien n’aurait à ce jour été établi, ces reproches s’adressant par ailleurs exclusivement aux enseignants du primaire. Il aurait encore été reproché au Ministère qu’il ne servirait à rien de le contacter puisqu’il ne réagirait pas ; or, P4 aurait informé beaucoup de monde et aurait obtenu une réaction rapide, dans les 12 heures.

L’opération menée par les prévenus aurait été bien organisée et réalisée. Le but premier des actions initiales de P2 et T7 aurait été de créer un scandale politique. Il faudrait encore relever que les prévenus auraient une piètre opinion de leurs collègues enseignants, surtout ceux de l’enseignement primaire.

Ÿ Le représentant du Ministère Public se dit irrité par le comportement des fonctionnaires, qui n’auraient pas seulement des droits, mais également des devoirs. Il devrait constater souvent auprès de fonctionnaires, non seulement de la part d’enseignants, une certaine désinvolture. Le statut offrirait des avantages certains, notamment au niveau de la sécurité de l’emploi et de la régularité de la rémunération. S’agissant des devoirs, de nombreux fonctionnaires se comporteraient cependant comme des « freischaffend Artisten » et n’en feraient qu’à leur tête, sans prendre au sérieux les instructions hiérarchiques. S’ils veulent être intitulés d’ « élite de la nation », ils devraient également respecter leurs obligations.

Le fait que la mention « secret » ne figurait pas sur les enveloppes serait sans incidence. Cela coulerait de source, tout comme une telle mention ne figurerait pas non plus sur chaque pièce d’un dossier d’instruction.

Le Tribunal serait saisi par le renvoi qui délimiterait les faits et porterait sur l’ensemble des faits qui faisaient l’objet de l’instruction ; le libellé du Parquet n’aurait aucun caractère limitatif.

La question centrale serait de déterminer si le texte de l’article 458 du Code pénal s’applique à des données provenant de l’administration. La défense exigerait qu’il s’agisse de donnes émanant d’un particulier, en se référant aux arrêts de la Cour d’appel de 1967 et 1976. En 1967, il se serait agi d’une affaire dans lequel un gendarme aurait informé une proxénète (« Puffmudder ») de l’absence d’enquête. En 1976, il se serait agi du problème qu’un agent postal avait refusé de témoigner dans une enquête pour divorce. L’arrêt ne trancherait ainsi pas le cas d’un fonctionnaire ayant révélé une information, mais d’un fonctionnaire qui avait refusé d’en fournir.

En l’espèce, le dossier concernerait des données générées par l’administration et qui seraient par nature secrètes. Elles auraient le même statut et la même valeur que des données confidentielles confiées par des personnes physiques. Les sujets d’épreuves communes nationales, faisant partie de la mission fondamentale du Ministère, seraient des secrets par nature visés par l’article 458 du Code pénal.

Le Ministère Public renvoie aux développements de Pierre LAMBERT pour conclure à l’applicabilité en l’espèce de l’article 458 du Code pénal. Il se réfère encore aux Novelles (n° 7817, 7819 et 7821).

Un enseignant du secondaire serait un fonctionnaire obligé au secret professionnel puisque dans ses fonctions il serait confident nécessaire de secrets. Les sujets de l’épreuve et les corrigés constitueraient un secret. La transmission de ces informations constituerait une violation du secret professionnel. La motivation ayant poussé les prévenus à agir serait sans incidence.

Les faits se présenteraient comme suit : P1 aurait permis à P2 d’ouvrir l’enveloppe alors que celle-ci serait parent d’élève non-membre d’un conseil d’administration. Après avoir reçu les documents digitalisés de la part de P2, P1 aurait continué ces données à deux autres personnes. P2 aurait digitalisé les informations contenues dans l’enveloppe et les aurait continuées à T7, à des journaux et à un certain nombre de parents d’élève. P4 dit avoir ramené l’enveloppe chez elle et affirme ne pas l’avoir ouverte, ce qui ne serait cependant pas déterminant. Il serait difficile d’expliquer pourquoi P2 avait envoyé les documents à P4, qui en disposait de toute façon. Cette démarche aurait cependant facilité le transfert subséquent. P4 aurait continué ces données à son époux P3 ; elle aurait accepté le libre accès à son courrier électronique et de toute manière, P4 et P3 ont agi en tant qu’équipe. La décision et la détermination pour informer les autres parents d’élève aurait clairement été donnée. Ils auraient cherché à éviter l’envoi à partir de l’adresse professionnelle de P4. Ce serait à ces fins que P3 aurait créé une adresse de courrier électronique furtive. P4 aurait au préalable contacté les parents d’élève et noté les adresses de courrier électronique. Les déclarations quant à des actions séparées seraient peu crédibles et exclusivement destinées à protéger P4. Plusieurs déclarations des parents permettent de retenir que les emails ont été envoyés non pas dans un seul envoi, mais successivement.

Tous les prévenus auraient ainsi procédé de manière volontaire. Les infractions de violation de secret professionnel seraient ainsi à retenir. P3 serait plutôt, par requalification, à considérer comme complice de la violation de secret professionnel ; son aide n’aurait pas été indispensable, mais néanmoins significative. A titre subsidiaire, l’infraction de recel serait à retenir, depuis le moment où il détient les informations jusqu’à la fin de leur manipulation par transfert dans la Cloud et envoi par courrier électronique.

L’affaire aurait été fortement médiatisée et aurait eu un impact important.

2. Quant aux infractions

2.1. Textes légaux applicables

L’article 458 du Code pénal incrimine :

« les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés ».

L’article 11 (1) du Statut général du fonctionnaire énonce :

« Il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions des supérieurs hiérarchiques, à moins d’en être dispensé par le ministre du ressort.

Ces dispositions s’appliquent également au fonctionnaire qui a cessé ses fonctions ».

L’article 44 du Statut précise : « Tout manquement à ses devoirs au sens du présent statut expose le fonctionnaire à une sanction disciplinaire, sans préjudice de l’application éventuelle d’une sanction pénale ».

Le Tribunal relève qu’il importe de ne pas confondre l’étendue du secret professionnel au sens du Code pénal de l’obligation de discrétion (devoir de réserve), qui a un champ d’application plus large, mais qui ne peut donner lieu qu’à des sanctions civiles et disciplinaires (voir à propos de la distinction Pierre LAMBERT, Secret professionnel, Bruylant 2005, n° 435 et suivants).

Le Statut du fonctionnaire précité définit l’étendue de cette obligation de discrétion et réserve l’application « éventuelle » d’une sanction pénale.

Or, « à défaut de référence expresse à l’article [du Code pénal incriminant la violation de secret professionnel], il est en pareille situation impossible de conclure à l’existence du secret professionnel » au sens pénal (Jurisclasseur pénal, Art. 226-13, fasc. 20, n° 18).

Il faut encore relever que lors des travaux parlementaires aboutissant à l’article 11 du Statut, le législateur s’est uniquement intéressé à l’aspect déontologique de cette obligation et n’a à aucun moment évoqué un éventuel aspect pénal ; il s’agissait en 1978 de clarifier l’obligation de discrétion par rapport à la législation antérieure qui remontait à 1872 (Projet de loi n° 1907).

Cette conclusion s’impose d’autant plus que pour certains acteurs du système éducatif, le législateur a explicitement référencé l’article 458 du Code pénal (voir p.ex. Art. 10 de la loi du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures ; Art. 8 de la loi du 13 juillet 2006 portant réorganisation du centre de psychologie et d’orientation scolaires (CPOS)).

La culpabilité pénale des prévenues est ainsi à apprécier au seul regard de l’article 458 du Code pénal.

Si le fait pour un professeur de porter à la connaissance de tiers, notamment d’autres professeurs, d’éléments confidentiels relatifs aux épreuves du baccalauréat constitue un manquement à l’obligation de discrétion professionnelle à laquelle l'intéressé est assujetti et pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire (p.ex. CAA Nantes, 3e ch., 8 mars 2007, n°             06NT01199), cela n’implique cependant pas en soi qu’il s’agisse également d’une faute pénale ; il n’y a pas d’identité entre la faute pénale et la faute disciplinaire.

2.2. Notion de secret

Il est constant en cause que le Ministère de l’Education a transmis à un nombre limité et prédéterminé d’enseignants une information sous pli fermé, remis dans leur case, à savoir les épreuves et corrigés.

Un fonctionnaire d’Etat est susceptible de devenir un confident nécessaire tenu au secret professionnel de par sa profession, notamment lorsque l’administré lui confie des informations de nature privée ou s’il a accès à de telles données.

Il ne fait également pas de doute qu’il existe en l’espèce un intérêt public à la non-divulgation des informations, puisque tous les élèves doivent être soumis aux mêmes conditions de départ afin que l’égalité des chances et l’équité du système scolaire soient garanties. Une divulgation de l’information aurait pour effet de fausser l’appréciation des commissions d’orientation, ainsi que les statistiques traitées par le Ministère de l’Education nationale.

Il y a lieu de réfuter la thèse de la défense selon laquelle seules des informations confiées par un « particulier », personne physique, seraient couvertes par le secret professionnel. Il est admis en jurisprudence que l’article 458 Code pénal peut englober les secrets confiés par une personne morale, telle en l’espèce l’Etat (un Ministère). Il suffit pour s’en convaincre de citer le cas d’une société ou autre personne morale qui contacte un avocat pour se faire assister dans une affaire judiciaire, situation qui oblige l’avocat au secret professionnel. Ainsi, le domaine couvert par le secret professionnel « bénéficie autant aux personnes morales que privées et, à cet égard, l’on n’aperçoit pas de motif admissible de distinguer les personnes morales de droit public de celles de droit privé » (Pierre LAMBERT, op.cit., n° 360).

Il convient encore de déterminer si des sujets et corrigés d’examens sont susceptibles de constituer un « secret » au sens de l’article 458 du Code pénal.

Le principe de légalité des délits et des peines, clef de voûte du droit pénal et de la procédure pénale, qui est consacré par l’article 2 du Code pénal, ainsi que par l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, interdit à toute autorité et en particulier au juge de créer des délits et des peines ou d’interpréter les infractions et les peines de manière extensive. Il n’appartient ainsi pas aux tribunaux répressifs de prononcer par induction, analogie ou pour des motifs d’intérêt général, une peine ne pouvant être appliquée que si elle est édictée par la loi et pour les faits qu’elle incrimine (CSJ, corr., 26 octobre 2010, n° 424/10 V).

L’article 458 du Code pénal luxembourgeois est presque identique à l’article 378 du Code pénal français de 1810[1]. Pour instituer cette nouvelle infraction, le législateur s’interrogeait: « ne doit-on pas en effet considérer comme un délit grave des révélations qui souvent ne tendent à rien moins qu’à compromettre la réputation de la personne dont le secret est trahi, à détruire en elle une confiance devenue plus nuisible qu’utile … » (Code pénal de 1810, exposé des motifs relatif au chapitre Ier du titre II du livre III).

Le Tribunal relève encore que l’article 458 du Code pénal figure dans le chapitre VIbis intitulé « De quelques autres délits contre les personnes » et dans le titre VIII intitulé « Des crimes et des délits contre les personnes ». La disposition ne figure en particulier pas dans le titre relatif aux infractions contre l’ordre public commis par des fonctionnaires.

« Ainsi, quelles que soient les limites assignées suivant les professions à l’obligation de silence, on doit, semble-t-il poser en principe que la révélation ne tombe sous le coup de l’article 226-13 [du Code pénal français, dont le libellé est plus large que son équivalent luxembourgeois] que pour autant qu’elle a pour objet des faits concernant la vie privée. Cette solution résulte de la place assignée à cette incrimination par le code pénal qui la range parmi les délits portant atteinte à la dignité des personnes. Il faut en conclure qu’elle ne concerne par les révélations portant atteinte aux intérêts de l’Etat en général et au secret de la défense nationale en particulier » (Répertoire pénal Dalloz, v° Secret professionnel, n° 55).

Par choses secrètes on entend des faits ignorés, de nature à porter atteinte à l'honneur, la considération, la réputation ou dont la non-révélation a été demandée : ce sont des faits que l'on a un intérêt légitime à tenir cachés (CSJ corr. 27 juin 2012, 341/12 X).

L’information secrète doit en principe porter sur la personne du confident. N’est par exemple pas couverte par le secret une information portant sur un tiers (Répertoire pénal Dalloz, v° Secret professionnel, n° 61, citant Cass. Fr., crim., 23 janvier 1996).

Ainsi, l’infraction de violation du secret professionnel, requiert en principe la révélation d’une information « de nature intime » (Répertoire DALLOZ, op.cit., n° 57 ; Cour Supérieure de Justice, Cassation, 20 janvier 1893, Pas. 3, 20).

La jurisprudence montre par ailleurs que les condamnations pour violation de secret professionnel n’interviennent que pour des informations portant sur une personne : son état de santé, sa situation financière, le fait qu’elle fait l’objet de poursuites pénales, l’avis ou le vote exprimé par elle, etc.

[1] « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets seront punis …. »

Si tel n’est pas le cas, l’infraction de violation de secret professionnel n’est pas retenue, comme par exemple concernant :

-          les propos de médecins entre eux portant sur des pratiques professionnelles alors qu’aucune information relative à un patient n’a été divulguée (Cass. fr., 25 octobre 2011, n° 10-87.179),

-          les considérations purement techniques d’un expert (Cass. crim., 14 décembre 2010, n° 10-82.862).

Si Pierre LAMBERT (op. cit.) s’exprime dans son ouvrage en faveur d’une interprétation large de l’article 458 du Code pénal en raison de la « nécessité d’assurer le fonctionnement normal et efficace de l’administration », notamment «  à propos de toutes les informations, de tous les documents et toutes les pièces dont la révélation serait de nature à nuire à l’intérêt de l’Etat », il faut cependant noter également qu’au début du paragraphe 359, il distingue précisément entre le secret professionnel au sens pénal et l’obligation de discrétion.  A la fin du paragraphe 360, ce même auteur estime que la nécessaire protection des intérêts de l’Etat « trouve sa consécration dans le nouvel article 10 du Statut » des fonctionnaires, et donc pas dans le Code pénal. En outre, pour tous les exemples qu’il citera par la suite pour illustrer sa thèse, il s’agit d’informations à connotation personnelle (les informations confiées par les administrés à des fins statistiques, les avis exprimés par diverses personnes lors de délibérations, le vote des membres d’un jury, l’appréciation interne de l’offre de soumission d’un concurrent, etc.).

C’est encore dans ce sens que la Cour d’appel a statué dans un arrêt de 1967 (Cour d'appel 19 juin 1967, CREDOC n° 96707928). Il convient de préciser que l’extrait tel que cité dans les Pandectes et repris dans les notes de plaidoiries respectives se compose en réalité pour partie d’une citation extrait dudit arrêt, et pour partie d’une note interprétative qui y était jointe au sein des services du Parquet Général.

La Cour a retenu :

« Attendu que le prévenu, de sa profession maréchal des logis-chef de la gendarmerie, au moment des faits incriminés, était détaché aux services de la Sûreté Publique en qualité d’archiviste ;

Attendu qu’en dehors des secrets intéressant des particuliers, l’article 458 du Code pénal, qui sanctionne la violation du secret professionnel ne peut s’appliquer que dans des cas spéciaux où la loi, dans un but d’ordre public, a imprimé le caractère confidentiel et secret aux actes d’une profession ou d’une fonction publique ;

Attendu qu’en l’espèce X., employé aux archives, s’il peut être passible de poursuites disciplinaires pour avoir commis certaines indiscrétions, ne saurait tomber sous le coup des dispositions de l’article 458 du Code pénal, alors que les renseignements qu’il a fournis, sont d’ordre purement administratif, et ne concernent pas des secrets à lui confiés dans le sens de ladite disposition pénale ; »

La note interprétative figurant dans la base de données LJUS/CREDOC se lit comme suit :

 « Les seuls secrets visés par l'article 458 du code pénal sont ceux qui sont confiés aux professionnels par des particuliers.

Il ne faut pas confondre ces secrets avec les secrets d'Etat, ni avec les secrets administratifs, ni non plus avec ceux qui entourent une procédure pénale.

Il peut arriver que des professionnels soient tenus à la fois au secret administratif et au secret professionnel. Ceci est notamment le cas pour certains fonctionnaires. Si ceux-ci commettent une indiscrétion portant exclusivement sur une affaire de service non liée à la confidence d'un particulier étranger à l'administration, il n'y a pas d'infraction à l'article 458, puisque ce texte présuppose l'existence d'un secret confié par un particulier à un confident nécessaire. Par contre s'ils révèlent un secret qu'un particulier était obligé de leur confier (confident nécessaire) il y a violation du secret professionnel ».

Ÿ Application en l’espèce. Les sujets des épreuves de français et d’allemand ne véhiculent aucune information de nature personnelle concernant la personne qui les a confiés aux enseignants, en l’espèce le Ministère de l’Education. Elle ne renseigne pas sur son fonctionnement interne, sur sa situation financière ou administrative, sur des avis exprimés par le Ministre ou les fonctionnaires, etc.

Si le fait qu’une révélation des épreuves se soit produite peut jeter le discrédit sur le Ministère et ses procédures internes, le contenu en soi des épreuves n’est cependant pas susceptible de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation du Ministère.

Les informations confiées ne véhiculent aucune information personnelle sur le Ministère, qui est le confident.

Même si le Ministère a intérêt à la non-divulgation de ces données, il ne s’agit cependant pas, au sens de l’article 458 du Code pénal, d’un « secret » le concernant et qu’il aurait confié à un tiers.

En effet, il convient de rappeler que le secret professionnel vise la protection des secrets de personnes privées/personnels, tandis que la discrétion professionnelle porte sur l’activité et les missions du service public. Le champ d’application de la discrétion professionnelle est plus large que celui du secret professionnel.

Les prévenus, à l’exception de P3 qui n’est pas fonctionnaire en service, ont d’ailleurs été sanctionnés sur le plan disciplinaire, de sorte que la divulgation d’épreuves d’examens n’est pas autorisée en droit luxembourgeois et  entraîne des sanctions pour le fonctionnaire.

Sur le plan pénal, ce sont d’innombrables textes spécifiques qui incriminent la révélation d’informations confidentielles de nature administrative et impersonnelle, tel le secret de la défense, les secrets en matière de recherche publique, le secret d’instruction, en matière de statistique et de recensement, en matière de régulation de marchés, en matière de prestations sociales, etc.

Contrairement au droit français, le droit luxembourgeois ne prévoit pas d’incrimination spécifique en cas de révélation du sujet d’une épreuve d’examen (voir la loi française du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics).

Il y a dès lors lieu d’acquitter les prévenues P2, P4 et P1 :

« comme auteur, ayant exécuté l’infraction ou ayant directement coopéré à son exécution, ou

comme co-auteur, ayant par un fait quelconque, prêté pour l’exécution une aide telle que, sans cette assistance, le délit n’eût pu être commis, ou

comme co-auteur, ayant par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ce délit ;

sinon,

comme complice, ayant donné des instructions pour commettre le délit,

ou ayant procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui a servi au délit, sachant qu’ils devaient y servir, ou hors le cas prévu par le paraphe 3 de l’article 66, ayant, avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs du délit dans les faits qui l’ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l’ont consommé,

le 16 mars 2015, dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes et plus précises,

en tant que fonctionnaires d’Etat et professeurs de l’enseignement secondaire,

avoir divulgué et révélé par communication électronique à des personnes non-autorisées à les recevoir, en l’espèce des parents d’élèves, des informations et documents confidentiels dont elles avaient eu connaissance en leur qualité d’enseignant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, partant des secrets dont elles étaient devenus dépositaires nécessaires par leur profession, en l’espèce les sujets et les corrigés des épreuves communes d’évaluation du cycle 4.2. de l’enseignement fondamental pour l’année 2015 (allemand et français), qui devaient encore avoir lieu,

partant, d’avoir, en leur qualité de personnes dépositaires par état ou par profession, révélé des secrets leur confiés, hors le cas du témoignage en justice et de l’obligation légale de faire connaître ces secrets ».

En l’absence d’infraction primaire, l’infraction de recel est à écarter. Il y a dès lors lieu d’acquitter P3 :

« comme auteur, ayant exécuté l’infraction,

le 16 mars 2015, dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes et plus précises,

avoir détenu des informations et documents confidentiels qu’il n’était pas autorisé à connaître, et les avoir communiqué à d’autres personnes non-autorisées à les recevoir, en l’espèce les sujets et corrigés des épreuves communes d’évaluation du cycle 4.2. de l’enseignement fondamental pour l’année 2015 (allemand et français), qui devaient encore avoir lieu, adressés à son épouse P4, professeur de l’enseignement secondaire, en sa qualité de membre d’un conseil d’orientation des élèves de l’école fondamentale, détention résultant de la violation du secret professionnel par P4 auquel celle-ci était tenue par la nature des informations et documents en cause et par sa qualité de fonctionnaire de l’Etat,

partant d’avoir recelé, en tout ou partie, les choses ou les biens incorporels enlevés, détournés ou obtenus à l’aide d’un délit, ou d’avoir sciemment bénéficié du produit d’un délit ».

Au vu de l’acquittement à intervenir tout le matériel informatique saisi, et qui n’avait pas encore fait l’objet d’une restitution (voir accusés de réception des 2 et 6 juillet 2015), sont à restituer.

3. Au civil

3.1. Partie civile de l’Etat contre les prévenues

A l’audience du 11 janvier 2017, Maître MICHEL MOLITOR a réitéré la constitution de partie civile pour compte de l’Etat du grand-Duché de Luxembourg contre P2, P4 et P1

La partie civile souligne la gravité de l’affaire, qui aurait fait scandale et aurait gravement nuit à l’enseignement. La question du rôle de l’enseignant se poserait. Une enveloppe fermée et adressée à une personne déterminée serait confidentielle. Les faits seraient établis et inacceptables. L’article 11 du Statut serait sans équivoque. Même si les prévenues affirment avoir agi dans l’énervement, il faudrait cependant constater qu’une certaine énergie a été mise en œuvre pour numériser et transférer les fichiers. Le but réel de l’opération serait douteux : s’agissait-il effectivement d’améliorer des procédures ou simplement de nuire au Ministère ? En droit, les infractions seraient données.

La partie civile réclame le montant de 1 euro.

Au vu de la décision d’acquittement à intervenir au pénal, le Tribunal est incompétent pour connaître de la demande civile.

Au vu de la décision d’incompétence, les divers moyens développés par les défendeurs au civil pour conclure à l’irrecevabilité de la partie civile de l’Etat deviennent sans objet.

La partie civile sollicite encore une indemnité de procédure.

Au vu de l’issue de l’affaire au pénal, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

3.2. Partie civile de l’Etat contre P3

A l’audience du 11 janvier 2017, Maître MICHEL MOLITOR s’est constitué partie civile pour compte de l’Etat du grand-Duché de Luxembourg contre P3.

Cette partie civile, déposée sur le bureau du Tribunal correctionnel de Luxembourg est conçue comme suit :

 

...

 

Il y a lieu de donner acte au demandeur au civil de sa constitution de partie civile.

La partie civile réclame le montant de 1 euro.

Au vu de la décision d’acquittement à intervenir au pénal, le Tribunal est incompétent pour connaître de la demande civile.

La partie civile sollicite encore une indemnité de procédure de 5.000 euros.

Au vu de l’issue de l’affaire au pénal, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

3.3. Partie civile de PC1

A l’audience du 11 janvier 2017, A s’est oralement constitué partie civile au nom et pour compte de son fils PC1.

La partie civile explique que son fils le plus jeune était au cycle 4.2. et a fait les épreuves. Comme tous les enfants, il aurait été angoissé avant et pendant les tests. Il n’aurait été guère content d’apprendre que certains tests étaient à refaire. Pour son compte, il réclamerait la somme de 5.000 euros totale aux prévenus.

Au vu de la décision d’acquittement à intervenir au pénal, le Tribunal est incompétent pour connaître de la demande civile.

PAR CES MOTIFS :

le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, dix-huitième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les prévenus et leurs mandataires entendus en leurs explications et moyens de défense tant au pénal qu’au civil, le mandataire du demandeur au civil entendu en ses conclusions, le représentant du Ministère Public, entendu en ses réquisitions,

 

statuant au pénal

acquitte P1 de l’infraction non retenue à sa charge et la renvoie des fins de sa poursuite pénale sans frais ni dépens,

laisse les frais de sa poursuite pénale à charge de l'Etat,

 

acquitte P2 de l’infraction non retenue à sa charge et la renvoie des fins de sa poursuite pénale sans frais ni dépens,

laisse les frais de sa poursuite pénale à charge de l'Etat, 

acquitte P3 de l’infraction non retenue à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite pénale sans frais ni dépens,

laisse les frais de sa poursuite pénale à charge de l'Etat,

 

acquitte P4 de l’infraction non retenue à sa charge et la renvoie des fins de sa poursuite pénale sans frais ni dépens,

laisse les frais de sa poursuite pénale à charge de l'Etat,

ordonne la restitution à leurs légitimes propriétaires des objets spécifiés dans les procès-verbaux de saisie suivants dressés par la police Grand-ducale, S.R.E.C. Grevenmacher, pour autant qu’ils n’aient pas d’ores et déjà fait l’objet d’une restitution :

-          procès-verbal de saisie n° 2015/43386-9/WEIM du 31 mars 2015

-          procès-verbal de saisie n° 2015/43386-11/WEIM du 31 mars 2015

-          procès-verbal de saisie n° 2015/43386-13/WEIM du 31 mars 2015

-          procès-verbal de saisie n° 2015/43386-27/WEIM du 3 avril 2015

-          procès-verbal de saisie n° 2015/43386-31/WEIM du 3 avril 2015

 

statuant au civil

1. Partie civile de l’Etat contre P2, P4 et P1

donne acte à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg de sa constitution de partie civile,

se  déclare incompétent pour en connaître,

déclare la demande en obtention d’une indemnité de procédure non fondée,

laisse les frais de la demande civile à charge du demandeur au civil,

 

2. Partie civile de l’Etat contre P3

donne acte à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg de sa constitution de partie civile,

se  déclare incompétent pour en connaître,

déclare la demande en obtention d’une indemnité de procédure non fondée,

laisse les frais de la demande civile à charge du demandeur au civil,

 

3. Partie civile de A au nom et pour compte de son fils mineur PC1. contre P2, P4,  P1 et P3

donne acte A, pris en sa qualité de représentant du mineur PC1, de sa constitution de partie civile,

se  déclare incompétent pour en connaître,

laisse les frais de la demande civile à charge du demandeur au civil.

 

Ainsi fait et jugé par Henri BECKER, vice-président, Christian SCHEER, premier juge et Jean-Luc PUTZ, premier juge, et prononcé en audience publique au Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, assisté de Mike SCHMIT, greffier, en présence de Philipp ZANGERLÉ, substitut du Procureur d’Etat, qui, à l’exception du représentant du Ministère Public, ont signé le présent jugement». 

 

 

 

 

 

Du jugement N° 68/17, appel fut relevé au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 16 février 2017 par le représentant du ministère public. 

Du jugement N° 462/17, appel fut relevé au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 16 février 2017 par le représentant du ministère public et le 23 février 2017 au civil par le mandataire du demandeur au civil l’ETAT DU GRAND-DUCHÉ DU LUXEMBOURG.

 

En vertu de ces appels et par citation du 20 juin 2017, les parties furent régulièrement requises de comparaître aux audiences publiques des 28 novembre et 1er décembre 2017 devant la Cour d'appel de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, pour y entendre statuer sur le mérite des appels interjetés.

 

A l’audience publique du 28 novembre 2017 les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P4 et P3, après avoir été avertis de leur droit de garder le silence, furent entendus en leurs explications et moyens de défense.

 

Monsieur l’avocat général Marc SCHILTZ, assumant les fonctions de ministère public, fut entendu en son réquisitoire.

 

Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens d’appel du demandeur au civil l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG.

 

Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Sébastien TOSI, avocat, les deux demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens de défense de la prévenue et défenderesse au civil P4.

 

Maître Yves KASEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens de défense de la prévenue et défenderesse au civil P1. 

Maître Frank ROLLINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, comparant pour le prévenu et défendeur au civil P3, fut présent. 

Maître Sam RIES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, comparant pour la prévenue et défenderesse au civil P2, fut présent. 

L’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 1er décembre 2017 pour continuation des débats. 

A cette audience Maître Frank ROLLINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens de défense du prévenu et défendeur au civil P3. 

Maître Sam RIES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens de défense de la prévenue et défenderesse au civil P2. 

Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, comparant pour le demandeur au civil l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, fut entendu en ses déclarations. 

Monsieur l’avocat général Marc SCHILTZ, assumant les fonctions de ministère public, fut entendu en ses déclarations. 

Maître Yves KASEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, comparant pour la prévenue et défenderesse au civil P1, fut entendu en ses déclarations. 

Maître Sébastien TOSI, avocat, demeurant à Luxembourg, comparant pour la prévenue et défenderesse au civil P4, fut présent à l’audience. 

Les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P4 et P3 eurent la parole en dernier.

 

L A     C O U R

 

prit l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique du 9 janvier 2018, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit: 

Par déclaration notifiée le 16 février 2017 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le Procureur d’Etat de Luxembourg a interjeté appel contre le jugement sur incident numéro 68/2017, rendu le 10 janvier 2017, et appel au pénal contre le jugement numéro 462/2017, rendu le 9 février 2017, par une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, dont les motivations et les dispositifs sont reproduits aux qualités du présent arrêt. 

Par déclaration au même greffe du 23 février 2017, l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, en tant que partie civile constituée contre les prévenues P1 (ci-après « P1 »), P2 (ci-après « P2 ») et P4 (ci-après « P4 »), et en tant que partie civile constituée contre le prévenu P3 (ci-après « P3 ») a déclaré interjeter appel au civil contre le jugement numéro 462/2017 précité. 

Ces appels, relevés en conformité à l'article 203 du Code de procédure pénale, sont recevables. 

Le jugement sur incident numéro 68/2017 du 10 janvier 2017 a décidé que rien ne s’opposait à l’assermentation de T8, Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en tant que témoin. En effet, en application de l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile, l’Etat serait assigné en la personne du Ministre d’Etat et, étant donné que le Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ne serait pas le Ministre d’Etat, on ne pourrait pas le considérer comme témoin dans sa propre cause, mais comme tiers au sens de l’article 399 du Nouveau Code de procédure civile. 

Le jugement numéro 462/2017 du 9 février 2017 a acquitté P1, P2 et P4 pour avoir, le 16 mars 2015, dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, en tant que fonctionnaires d’Etat et professeurs de l’enseignement secondaire, divulgué et révélé par communication électronique à des personnes non-autorisées à les recevoir, en l’espèce des parents d’élèves, des informations et documents confidentiels dont elles avaient eu connaissance en leur qualité d’enseignant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, partant des secrets dont elles étaient devenues dépositaires nécessaires par leur profession, en l’espèce les sujets et les corrigés des épreuves communes d’évaluation du cycle 4.2. de l’enseignement fondamental pour l’année 2015 (allemand et français), qui devaient encore avoir lieu, partant, d’avoir, en leur qualité de personnes dépositaires par état ou par profession, révélé des secrets leur confiés, hors le cas du témoignage en justice et de l’obligation légale de faire connaître ces secrets. 

En l’absence d’infraction primaire, le même jugement a acquitté P3 d’avoir, à la même date, détenu des informations et documents confidentiels qu’il n’était pas autorisé à connaître, et les avoir communiqués à d’autres personnes non-autorisées à les recevoir, en l’espèce les sujets et corrigés des épreuves communes d’évaluation du cycle 4.2. de l’enseignement fondamental pour l’année 2015 (allemand et français), qui devaient encore avoir lieu, adressés à son épouse P4, professeur de l’enseignement secondaire, en sa qualité de membre d’un conseil d’orientation des élèves de l’école fondamentale, détention résultant de la violation du secret professionnel par P4 auquel celle-ci était tenue par la nature des informations et documents en cause et par sa qualité de fonctionnaire de l’Etat, partant d’avoir recelé, en tout ou partie, les choses ou les biens incorporels enlevés, détournés ou obtenus à l’aide d’un délit, ou d’avoir sciemment bénéficié du produit d’un délit. 

En substance, l’acquittement est motivé par le fait que même si le Ministère de l’Education nationale aurait intérêt à la non-divulgation des sujets des épreuves d’orientation de français et d’allemand, il ne s’agirait cependant pas, au sens de l’article 458 du Code pénal, d’un « secret » le concernant et qu’il aurait confié à un tiers alors que le secret professionnel viserait la protection des secrets personnels, tandis que la discrétion professionnelle porterait sur l’activité et les missions du service public. Le champ d’application de la discrétion professionnelle serait donc plus large que celui du secret professionnel. Par ailleurs, la divulgation d’épreuves d’examens ne serait pas autorisée en droit luxembourgeois et entraînerait, comme pour les trois prévenues en cause, des sanctions disciplinaires pour le fonctionnaire, mais, contrairement au droit français, le droit luxembourgeois ne prévoirait pas d’incrimination spécifique en cas de révélation du sujet d’une épreuve d’examen. 

A l'audience de la Cour d'appel, le représentant du ministère public a, d’abord, demandé la réformation du jugement sur incident numéro 68/2017 du 10 janvier 2017 au motif que, si la volonté du législateur, en désignant le Ministre d’Etat pour recevoir les assignations, aurait certes été de regrouper le contentieux dans ce ministère au lieu des différents départements ministériels concernés par les différents litiges, l’Etat continuerait toutefois d’agir par ses différents organes. Pour préserver le principe d’égalité des armes, il conviendrait donc de se départir d’une lecture trop formaliste du texte et de juger que le ministre du ressort serait à considérer comme partie au litige, de sorte qu’il ne pourrait pas être entendu sous la foi du serment. 

En ce qui concerne la question du secret professionnel, il y aurait lieu de réexaminer les problématiques de savoir quelles personnes y seraient soumises et quelles informations seraient à considérer comme protégées. 

En ce qui concerne les personnes soumises au secret, le représentant du ministère public cite l’arrêt du 17 décembre 1955 (P. 16, 409) de la Cour d’appel ayant décidé que l’énumération de l’article 458 du Code pénal, visant les personnes liées par le secret professionnel, ne serait pas limitative. Le fonctionnaire n’en serait donc pas exclu par principe et l’existence d’une sanction disciplinaire ne s’opposerait point à une sanction disciplinaire. Le représentant du ministère public renvoie à ce propos à l’article 11 de la loi coordonnée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires d’Etat qui dispose qu’il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature, ainsi qu’à l’article 44 de la même loi qui prévoit que tout manquement à ses devoirs au sens du statut expose le fonctionnaire à une sanction disciplinaire, sans préjudice de l’application éventuelle d’une sanction pénale. 

En ce qui concerne les secrets protégés au sens de l’article 458 du Code pénal, le représentant du ministère public conclut qu’ils peuvent être différents selon leur nature. Le fondement du secret ne serait pas limité aux intérêts individuels mais concernerait également la protection de la société. Il ne faudrait pas non plus une demande expresse de non-révélation, mais il serait évident en l’espèce, que le secret serait au moins sous-entendu. 

Le représentant du ministère public ajoute que les prévenues P1 et P4 devaient connaître par principe les sujets pour avoir été parties à la commission d’orientation et en étaient donc les confidents nécessaires du Ministère. 

En ce qui concerne la prévenue P1, le représentant du ministère public rappelle qu’elle était destinataire des épreuves d’orientation, qu’elle était au courant que ce que sa collègue P2recherchait étaient les questions d’orientation et qu’elle a divulgué librement les épreuves. 

En ce qui concerne P2, le représentant du ministère public relève qu’elle a agi en tant que mère d’un enfant concerné par la procédure d’orientation, et qu’elle a distillé les informations dont elle disposait à la presse et, via son compagnon, au parti politique CSV. Du fait de la divulgation de ces informations à la presse, elle ne serait toutefois pas devenue lanceur d’alerte selon les critères de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle n’aurait ni tenté d’avertir sa hiérarchie, ni ne pourrait-on considérer qu’elle ait été de bonne foi. 

Pour ce qui est de P4, le représentant du ministère public souligne qu’elle a reçu deux fois les épreuves, une fois en tant que membre de la commission dans l’enveloppe du Ministère, et une fois dans le courriel lui adressé par P2. Il ne serait pas établi à l’exclusion de tout doute qu’elle ait transmis les informations à son mari P3, étant donné que ce dernier aurait eu accès à son ordinateur, mais elle serait, pour le moins, à considérer comme coauteur de l’infraction pour avoir informé certains parents d’élèves de la possibilité d’avoir accès aux questions d’orientation. 

En ce qui concerne P3, le représentant du ministère public estime qu’il convient de faire abstraction de ses premières déclarations devant la police, étant donné qu’il n’aurait pas été préalablement informé de ses droits. Il rappelle que ce prévenu n’est pas fonctionnaire. Etant donné qu’il aurait transféré les données dans le Cloud, il aurait donc continué celles-ci à des personnes non autorisées, et il serait plutôt à considérer comme complice de violation de secret professionnel que de receleur de ce secret. 

Il demande à la Cour d’appel de procéder à la réformation et de condamner chacun des prévenus à une amende d’au moins 3.000,- euros. 

L’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, en tant que partie civile, demande également la réformation du jugement du 9 février 2017. Pour lui, les éléments constitutifs de l’infraction de violation du secret professionnel seraient réunis. Il serait notamment établi que les prévenues P1, P2 et P4 auraient révélé les épreuves de français et d’allemand des tests d’orientation en dehors de toute autorisation légale et que ces épreuves présentaient un caractère confidentiel et secret. 

Or, les informations confiées par des personnes morales publiques seraient susceptibles d’être couvertes par l’article 458 du Code pénal et l’intérêt devant être protégé en l’espèce ne serait pas celui du Ministère, mais l’intérêt général, consistant dans l’égalité des chances entre les élèves et l’équité du système scolaire luxembourgeois. Il conviendrait donc de concevoir la répression de la violation du secret professionnel de manière extensive en y incluant tous les documents et toutes les pièces dont la révélation serait de nature à nuire à l’intérêt de l’Etat. 

La partie civile demande la condamnation solidaire des prévenus au paiement du montant symbolique d’un euro. Elle demande également leur condamnation au paiement du montant de 10.000,- euros au titre de l’article 194 du Code de procédure pénale pour les deux instances. 

Le mandataire de P4 conclut à la confirmation du jugement du 9 février 2017. Il estime que la ratio legis de la protection du secret professionnel consiste dans la protection de la vie privée, dans la mesure où la violation du secret confié risquerait de compromettre la réputation de celui dans le secret et de porter atteinte au bon fonctionnement de la société. La loi pénale serait d’interprétation stricte et on ne pourrait étendre l’article 458 du Code pénal au-delà de la sauvegarde de l’espace privé individuel. 

En ce qui concerne les fonctionnaires, l’article 11 de la loi du 16 avril 1979 fixant leur statut général n’emporterait que des conséquences disciplinaires, mais non pénales. L’application de l’article 458 du Code pénal aux fonctionnaires serait limitée aux cas où ils seraient les confidents obligés et nécessaires des secrets qu’on leur confie, au sens de la jurisprudence de la Cour d’appel du 17 décembre 1955. 

Il faudrait par ailleurs également constater que sa mandataire ne serait pas le confident d’un particulier alors que l’article 458 précité serait inséré au titre VIII du Code pénal sous les « crimes et délits contre les personnes ». 

A admettre même que les documents diffusés soient secrets par nature, en raison de l’intérêt public de l’égalité des chances à l’école, encore faudrait-il constater dans ce cas qu’il y a eu une diffusion large, non pas à quelques destinataires choisis, mais à au moins 216 personnes, sans nécessité et pendant les épreuves. 

En ce qui concerne sa mandante, il n’y aurait pas eu divulgation de documents protégés, mais tout au plus tentative non punissable. L’élément moral ne serait par ailleurs pas établi. 

Le mandataire de P1 souligne que sa mandante a uniquement autorisé P2 à se saisir de l’enveloppe déposée dans sa case mais elle n’aurait pas été au courant que sa collègue allait en faire une copie électronique. Elle estime que la juridiction pénale n’est saisie que par la divulgation par communication électronique tel que spécifiée dans l’ordonnance de renvoi. L’infraction reprochée par le ministère public à sa mandante porterait donc tout au plus sur la continuation de messages électroniques à deux personnes. 

Il relève encore que la distribution par le Ministère des épreuves aux enseignants n’était pas nécessaire à la date du 16 mars 2015 et que cette distribution au moyen de simples enveloppes dans les cases ouvertes des enseignants ne plaide pas en faveur d’un secret à protéger. 

En ce qui concerne l’interprétation juridique de l’article 458 du Code pénal, il rejoint l’analyse des codéfendeurs, d’après lesquels la finalité de la loi serait de soumettre au secret le confident nécessaire. Or, en l’occurrence le fonctionnaire ne serait soumis qu’au secret administratif. 

Il insiste encore sur le fait que sa mandante n’aurait eu aucune intention coupable et il demande la confirmation de l’acquittement prononcé en première instance. 

Le mandataire de P3 estime que son mandant n’est pas coupable des faits mis à sa charge. Il n’aurait pas détenu les documents visés par le ministère public, à savoir les documents adressés à P4 en sa qualité de membre d’un conseil d’orientation des élèves de l’école fondamentale. 

Par ailleurs, il faudrait écarter des débats, non seulement l’audition policière de son mandant, mais encore tous les autres éléments de l’instruction menée à l’encontre de celui-ci. 

Il conclut qu’il n’y aurait pas de violation du secret professionnel des trois enseignantes, de sorte qu’il ne saurait y avoir de recel de cette infraction à charge de son mandant. Or, comme le soulignent tous les défenseurs, le fait par un fonctionnaire de révéler des faits définis par l’article 11 du statut du fonctionnaire ne constituerait pas une violation du secret professionnel visée à l’article 458 du Code pénal. 

En l’espèce, des documents auraient été communiqués à l’intérieur de l’appareil étatique et aucun tiers ou particulier ne serait intervenu avant la révélation des épreuves par certains inculpés. Il estime encore, comme certains autres défenseurs, que la communication des épreuves à de nombreuses personnes exclurait l’élément quantitatif du secret professionnel. 

La notion de secret sous-entendrait encore que la chose confiée ait vocation à rester secrète ce qui ne serait évidemment pas le cas pour les épreuves d’orientation visées par la poursuite pénale.

 

Il conviendrait finalement de constater que la partie poursuivante ne serait pas à même de produire ne serait-ce qu’un seul exemple, en droit luxembourgeois, belge ou français, d’une condamnation pour violation de secret professionnel pour un cas semblable à celui de l’espèce, ce qui démontrerait encore que le texte de l’article 458 du Code pénal n’aurait pas vocation à s’appliquer. 

Le mandataire de P3 demande par conséquent la confirmation du jugement d’acquittement déféré. 

Le mandataire de P2 précise que sa mandante ne s’est jamais prévalue d’un quelconque statut de lanceur d’alerte. Il indique encore que celle-ci s’est fait infliger une lourde sanction disciplinaire de 6 mois de suspension sans traitement, ce qui dépasserait largement la sanction pénale requise en l’occurrence. 

Il estime que les épreuves d’orientation n’étaient pas soumises au secret professionnel de l’article 458 du Code pénal pour trois raisons principales, tenant, d’abord, à la forme, en rapport avec la présentation des épreuves, ensuite, au fond, en ce qui concerne leur importance et, enfin, à la ratio legis du texte pénal. 

En ce qui concerne la forme, il rejoint le défenseur de P1 qui a souligné que les épreuves avec leur corrigé étaient envoyées dans des enveloppes simples, sans spécification d’un caractère secret, et déposées dans les cases ouvertes des enseignants. 

En ce qui concerne le fond, il renvoie aux déclarations du Ministre du ressort qui a indiqué que l’importance de ces épreuves d’orientation était surestimée et qu’elles ne pouvaient être assimilées à des épreuves d’examen. Cela ressortirait encore du fait qu’il n’y aurait pas d’épreuves de réserve en cas, par exemple, de maladie d’un élève. 

Les épreuves ne seraient d’ailleurs pas réalisées dans un cadre comparable à celui d’examens mais seraient uniquement entourées de consignes générales et de recommandations, sans renvoi spécifique à un secret. Au Luxembourg, il n’y aurait pas de texte spécifique relatif aux fraudes aux examens, comme en France. 

En ce qui concerne la ratio legis, le mandataire de P2 fait une analyse détaillée de la doctrine belge et française pour démontrer que le secret protégé par l’article 458 du Code pénal ne concernerait que des faits en rapport avec la vie privée et non pas les révélations portant atteinte aux intérêts de l’Etat. 

Il demande par conséquent également la confirmation du jugement de première instance.

 

Quant à l’appel contre le jugement sur incident numéro 68/2017 du 10 janvier 2017 

C’est à bon droit et pour les motifs qu’il convient d’adopter que le tribunal de première instance a jugé que rien ne s’oppose à l’assermentation de T8, Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en tant que témoin devant la juridiction pénale saisie d’une constitution de partie civile de la part de l’Etat. 

En effet, si les parties ne peuvent témoigner dans leur propre cause, la notion de partie civile se définit comme celle qui poursuit la réparation du dommage devant la juridiction pénale devant laquelle comparaît l’auteur du préjudice (voir Cour d’appel 12 février 1916, P. 9, p. 561), en l’occurrence donc l’Etat, et non le ministre du ressort concerné. 

Le jugement sur incident est par conséquent à confirmer.

 

Quant aux appels contre le jugement numéro 462/2017 du 9 février 2017 

Les juges de première instance ont fourni une relation correcte et complète des faits à laquelle il convient de se référer. Le jugement de première instance a encore fait un tour exhaustif des questions de droit qui se posent par rapport à l’application de l’article 458 du Code pénal. 

En ce qui concerne l’infraction en cause, il convient d’abord de constater que si les prévenues P1, P2 et P4 ont certes eu connaissance des épreuves d’orientation litigieuses « en leur qualité d’enseignant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions » comme l’indique la citation, c’est toutefois plus précisément en leur qualité de membres d’un conseil d’orientation que P1 et P4 ont eu communication des enveloppes distribuées aux membres de ces conseils, tandis que P2 a pu prendre connaissance de leur contenu grâce à l’autorisation obtenue de la part de P1. Si le débat mené porte donc incidemment sur le secret professionnel des enseignants dans leur ensemble, l’infraction dont la juridiction pénale est saisie en l’occurrence ne concerne en réalité que le secret professionnel des enseignants qui font partie des conseils d’orientation tels que définis à l’article 4 du règlement grand-ducal du 26 décembre 2012 déterminant les modalités d’admission dans les classes de 7e de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement secondaire technique. 

Il y a également lieu de souligner, comme l’ont fait les juges de première instance, qu’il est évident qu’il existe un intérêt public à la non-divulgation des informations sur les épreuves d’orientation, consistant dans l’égalité des chances entre les élèves concernés. Il est encore établi que la divulgation de ces informations est prohibée en raison de l’obligation générale de discrétion et de réserve des fonctionnaires et qu’elle a été sanctionnée lourdement, d’un point de vue disciplinaire, dans le cas d’espèce. Toutefois, comme il a été relevé à plusieurs reprises, la sanction disciplinaire et la sanction pénale peuvent parfaitement se cumuler, le statut du fonctionnaire précité définissant l’étendue de l’obligation de discrétion en réservant l’application éventuelle d’une sanction pénale. 

En ce qui concerne l’application de l’article 458 du Code pénal, il convient de rejoindre l’analyse du ministère public, d’après laquelle se pose la double question de savoir, d’une part, si les épreuves d’orientation sont des secrets au sens de l’article 458 du Code pénal et, d’autre part, si les membres des conseils d’orientation sont à considérer comme des confidents nécessaires au sens de cet article. 

Par contre, l’article 458 du Code pénal ne s’intéresse pas à la personne qui confie un secret et le jugement de première instance est à approuver en ce qu’il a souligné que des secrets peuvent être confiés à des confidents nécessaires, comme par exemple à des avocats, aussi bien par des personnes physiques que par des personnes morales ou encore par l’Etat. 

En ce qui concerne les personnes soumises au secret, les fonctionnaires ne sont pas énumérés à l’article 458 du Code pénal. Il n’y a toutefois pas de doute qu’ils peuvent devenir des confidents nécessaires au sens de cet article lorsqu’ils sont placés dans une situation qui les amène à recevoir des informations confidentielles privées. 

Ainsi, la loi du 13 juillet 2006 portant réorganisation du centre de psychologie et d’orientation scolaires (CPOS) dispose-t-elle dans son article 8 que « le personnel du Centre, des services, le personnel détaché au Centre et aux services, ainsi que les enseignants détachés au Centre et aux services, qui sont dépositaires de secrets qui leur ont été confiés de par leur état ou leur profession et qui les auront révélés, hors le cas où ils sont appelés à témoigner en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, seront punis des peines prévues à l'article 458 du Code pénal ». 

D’autres dispositions font référence au secret professionnel, mais non à l’article 458 du Code pénal, tel le règlement grand-ducal du 12 mai 2009, fixant le fonctionnement des commissions d’inclusion scolaire régionales qui soumet dans son article 5 ses membres au secret professionnel, tant pour les délibérations de la commission que pour les informations qu’ils obtiennent à l’occasion de leurs fonctions, ainsi que le règlement grand-ducal du 9 janvier 1998 portant organisation du service rééducatif ambulatoire qui soumet dans son article 6 chaque membre du service au secret professionnel pour les informations qu’il obtient dans l’exercice de ses fonctions. 

Dans le domaine d’examens scolaires, certains textes, comme le règlement grand-ducal du 14 octobre 1996 déterminant l’organisation des études et les modalités de l’examen final pour l’obtention du diplôme d’éducateur gradué dans le régime de formation à plein temps (article 33), et plus récemment, le règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 déterminant l’organisation de la classe terminale des études d’éducateur en alternance à l’Ecole de le 2e chance et les modalités de l’examen final pour l’obtention du diplôme d’Etat d’éducateur (article 16) soumettent les membres de la commission d’examen au secret professionnel en ce qui concerne toutes les opérations d’examen, mais sans pour autant se référer expressément à l’article 458 du Code pénal. 

En ce qui concerne le cas d’espèce, aucun texte ne soumet spécifiquement les membres des conseils d’orientation au secret professionnel. 

La sanction de ces membres au titre de l’article 458 du Code pénal exigerait par conséquent qu’ils puissent pouvoir être considérés comme confidents nécessaires au vu de la nature des secrets qui leur sont confiés. 

En ce qui concerne ces secrets, à savoir les questions et les réponses aux épreuves d’orientation, il est établi que leur révélation est susceptible de nuire à l’égalité de chance des élèves concernés et à jeter le discrédit sur le fonctionnement des services concernés. Ces éléments ne sont toutefois pas déterminants pour l’application de l’article 458 du Code pénal. 

Il convient en effet, d’abord, de souligner l’élément de droit, déjà relevé en première instance, consistant dans l’inscription de l’article 458 du Code pénal dans le chapitre VIbis intitulé « De quelques autres délits contre les personnes » et dans le titre VIII intitulé « Des crimes et des délits contre les personnes » qui rend difficilement concevable que le secret protégé pénalement puisse porter sur des informations qui ne concernent pas la personne (physique ou morale) du confident et puisse sortir du contexte de la connotation personnelle ou de la nature intime de cette personne. 

Par ailleurs, dans le cas d’espèce, la distribution des épreuves et de leur solution à au moins 216 personnes, l’envoi dans des enveloppes non spécialement scellées et la distribution dans les cases ouvertes des enseignants, ne plaide pas en faveur de secrets intimes dont la révélation tomberait sous l’article 458 du Code pénal. 

De même, ne faut-il pas perdre de vue que les épreuves d’orientation ne sont pas assimilées par le Ministère de l’Education nationale à des questions d’examen et qu’elles ne sont donc pas soumises à des procédures aussi strictes pour garantir leur non-révélation avant le début des épreuves. 

Au vu de tous ces éléments, il convient de considérer que les épreuves d’orientation ne sont pas des secrets au sens de la loi pénale de sorte que les enseignants en ayant eu connaissance n’ont pas pu devenir des confidents nécessaires au sens de l’article 458 du Code pénal. 

Le jugement de première instance est par conséquent à confirmer en ce qu’il a acquitté les quatre prévenus. En effet, P1, P2 et P4 n’ont pas pu violer de secret qui n’en était pas un au sens de l’article 458 du Code pénal et P3 n’a pas pu le receler ou devenir complice d’une violation. 

Au vu de la confirmation au pénal, ce jugement de première instance est également à confirmer au civil.

 

P A R     C E S     M O T I F S ,

 

la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P4 et P3 entendus en leurs explications et moyens, le demandeur au civil l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG en ses conclusions et le représentant du ministère public en son réquisitoire, 

déclare les appels recevables; 

les dit non fondés; 

confirme les jugements entrepris tant au pénal qu’au civil; 

laisse les frais de la poursuite pénale de P1, P2, P4 et P3 en instance d’appel à charge de l’Etat et ceux de la partie civile à son auteur. 

Par application des textes de loi cités par la juridiction de première instance et par application des articles 199, 202, 203 et 211 du Code de procédure pénale. 

Ainsi fait et jugé par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, composée de Monsieur Jean-Paul HOFFMANN, président de chambre, Madame Marie MACKEL et Monsieur Marc WAGNER, conseillers, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Cornelia SCHMIT. 

La lecture de l'arrêt a été faite en audience publique à la Cité Judiciaire , Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, par Monsieur Jean-Paul HOFFMANN, président de chambre, en présence de Madame Sandra KERSCH, avocat général, et de Madame Cornelia SCHMIT, greffier.

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