Arrêt n° 38174C de la Cour administrative concernant un appel formé contre une délibération du conseil communal de Reisdorf et une décision du ministre de l'Intérieur en matière de PAG

Audience publique du 15 décembre 2016

 Appel formé par

les époux … et …, …,

contre un jugement du tribunal administratif

du 9 juin 2016 (n° 35788 du rôle) ayant statué sur leur recours

contre une délibération du conseil communal de Reisdorf et

une décision du ministre de l’Intérieur 

en matière de plan d’aménagement général

Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 38174C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 juillet 2016 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, et …, demeurant ensemble à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 9 juin 2016 (n° 35788 du rôle) ayant déclaré non fondé leur recours en annulation de la délibération du conseil communal de Reisdorf du 29 mars 2014 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Reisdorf et d’une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 23 octobre 2014, plus particulièrement en ce que leur réclamation concernant le classement de la maison d’habitation et du moulin de Reisdorf inscrits au cadastre de la commune de Reisdorf, section C du chef-lieu, sous les numéros 444/2800 et 446/2545 en tant que « bâtiments protégés » dans le secteur protégé d’intérêt communal environnement construit n’a pas été retenue, de même que leur réclamation portant sur le reclassement des parcelles inscrites, même commune, même section, sous les numéros 838/3020 et 839/2998 depuis la zone verte en « zone destinée à être urbanisée » n’a pas été déclarée fondée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, immatriculé auprès du tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, du 20 juillet 2016 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Reisdorf, établie en sa maison communale à L-9391 Reisdorf, 2, place de l’Eglise, représentée par ses bourgmestre et échevins en fonctions avec signification en la personne du bourgmestre ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 septembre 2016 par Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, inscrit au table de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de Reisdorf ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2016 par Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2016 par Maître André HARPES au nom des appelants;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 21 novembre 2016 par Maître Daniel CRAVATTE au nom de l’administration communale de Reisdorf ;

Vu la requête de Maître André HARPES, au nom des appelants du 24 novembre 2016 tendant à l’autorisation de produire un mémoire supplémentaire suite au mémoire en duplique fourni au nom de la commune de Reisdorf ;

Vu l’accord trouvé en chambre du conseil à la date du 29 novembre 2016 par les mandataires des parties par devant le président de la Cour tendant à ce que, en l’état de l’instruction, aucune demande en obtention d’un mémoire supplémentaire ne sera plus maintenue, plus particulièrement par les appelants ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Diana FERREIRA RAIMUNDO, en remplacement de Maître André HARPES et Daniel CRAVATTE, de même que  Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 2016.

Lors de sa séance publique du 13 septembre 2013 le conseil communal de Reisdorf, désigné ci-après par le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Reisdorf, ci-après « le PAG ».

Par courrier du 10 octobre 2013, les époux … et …, ci-après « les époux … », propriétaires des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Reisdorf, section C de Reisdorf, sous les numéros resepectifs 444/2800 et 446/2545, maison d’habitation et moulin de Reisdorf, de même que 838/3020 et 839/2998, introduisirent une objection auprès du collège des bourgmestre et échevins de Reisdorf en vue de voir obtenir des classements différents de ceux prévus au niveau du PAG voté par le conseil communal.

Lors de sa séance publique du 29 mars 2014, le conseil communal de Reisdorf déclara d’adopter le PAG, notamment plus particulièrement en ce qui concerne la localité de Reisdorf avec 4 voix pour et 2 voix contre, tout en déclarant l’objection des époux ... recevable mais non fondée avec 5 voix pour et 3 voix contre en décidant de « maintenir le classement de la maison d’habitation et du moulin à Reisdorf (parcelles n°446/2545 et n°444/2800) en tant que « bâtiments protégés » dans le « secteur protégé d’intérêt communal – environnement construit ».

En effet, ces bâtisses appartiennent au patrimoine bâti et contribuent à l'image du noyau villageois et à l'histoire locale de Reisdorf que le collège échevinal entend conserver. Elles sont protégées du fait de l'authenticité de la substance bâtie et représentent un témoignage pour l'histoire locale.

Le conseil communal rappelle qu'en novembre 2012, les propriétaires concernés par des bâtisses reprises dans le secteur protégé au niveau de projet d'aménagement général de la commune, ont pu assister à une réunion d'information avec les représentants du Service des Sites et Monuments Nationaux où les différents critères de protection des immeubles concernés ont été expliqués et précisés. Aucune objection du réclamant contre un classement des bâtisses concernées n'a été faite à ce moment-là.

Tout projet portant sur ces bâtisses est possible dans les limites de la partie écrite du projet d'aménagement général, du PAP « quartier existant » et en concertation avec le Service des Sites et Monuments Nationaux. Il est rappelé que des subventions étatiques peuvent également être demandées lors de travaux de modernisation, rénovation », ainsi que « de ne pas donner de suite favorable à l'objection du réclamant concernant la demande de reclassement des parcelles n°838/3020 et n°839/2998 de « zone verte » en « zone destinée à être urbanisée » pour les raisons suivantes

 

  1. a.     Un reclassement en « zone urbanisée ou destinée à être urbanisée - quartier existant » n'est pas envisageable car des infrastructures techniques, notamment le raccordement à la canalisation, sont absentes. La rue de la Forêt n'est donc pas entièrement viabilisée suivant l'art.25 de la loi modifiée du 19/07/2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

 

  1. b.      Un reclassement en « zone urbanisée ou destinée à être urbanisée - nouveau quartier » n'est pas possible car les propriétaires de la rue de la Forêt qui seraient concernés par le « nouveau quartier » n'ont pas tous fait une objection lors de l'enquête publique du PAG en septembre/octobre 2013. ».

Par courrier de leur mandataire du 17 avril 2014, les époux ... introduisirent une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre, dirigée contre la délibération précitée du conseil communal de Reisdorf du 29 mars 2014.

Par décision du 23 octobre 2014, notifiée au mandataire des époux ... le 3 novembre 2014, le ministre approuva la délibération communale précitée du 29 mars 2014 tout en déclarant recevable mais non fondée leur réclamation. Cette décision ministérielle s’agence comme suit dans ses éléments pertinents pour le présent litige :

« (…) Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;

Vu son article 18 en vertu duquel le Ministre ayant l'aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions décide de l'approbation des projets d'aménagement général ;

Vu la délibération du 29 mars 2014 du conseil communal de Reisdorf portant adoption du projet d'aménagement général, parties écrite et graphique;

Considérant qu'avant de statuer, le Ministre vérifie la conformité du projet d'aménagement général avec les dispositions de la loi précitée et notamment les objectifs énoncés à l'article 2, ainsi qu'avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire ou se trouvant à l'état de projet soumis aux communes;

Considérant qu'aucune irrégularité au niveau de la procédure d'adoption, telle qu'elle est décrite aux articles 10 à 18 de la loi précitée, n'a pu être constatée et que les objectifs définis à l'article 2 de la même loi ont entièrement été respectés ;

Considérant les réclamations émanant de (…) Maître André HARPES au nom et pour Monsieur ... et de Madame ..., (…) ;

Considérant que la réclamation émanant de Maître André HARPES au nom et pour le compte de Monsieur ... et de Madame ..., tendant à reclasser en zone à urbaniser les parcelles cadastrales nos 838/3020 et 839/2998, sises à Reisdorf, est non fondée; qu'en effet, le potentiel de développement, tel que prévu par les autorités communales dans leur projet d'aménagement général, est largement suffisant; qu'aucun argument d'intérêt général ne justifierait actuellement une extension de la zone à urbaniser ;

que les doléances des réclamants quant au classement des parcelles cadastrales nos 446/2545 et 444/2800, sises à Reisdorf, en tant que « bâtiments protégés» dans le « secteur protégé d'intérêt communal-environnement construit» sont non fondées; qu'en effet, les bâtiments y existants méritent une protection efficace, alors qu'ils contribuent largement à la particularité du site et témoignent de l'histoire locale; (…)

                                                Arrête:

Art. 1er:La délibération du 29 mars 2014 du conseil communal de Reisdorf portant adoption du plan d'aménagement général, parties graphiques et écrite, est approuvée;

 

 

Art. 2: Les réclamations émanant de (…) Maître André HARPES au nom et pour le compte de Monsieur ... et de Madame ... (…) ne sont pas fondées ; (…) ».

 

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 2015, les époux ... firent introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision ministérielle du 23 octobre 2014 qui arrête :

 

1)      La délibération du 29 mars 2014 du conseil communal de Reisdorf portant adoption du plan d'aménagement général, partie écrite et graphique approuvée ;

2)      Les réclamations émanant de Maître André HARPES au nom et pour le compte de Monsieur ... et Madame .... ».

 

Par jugement du 9 juin 2016 (n° 35788 du rôle), le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta les époux ... avec charge des frais.

 

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 15 juillet 2016, les époux ... ont fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 9 juin 2016 dont ils sollicitent la réformation dans le sens de voir ordonner une visite des lieux pour apprécier la situation réelle des parcelles précitées portant les numéros cadastraux 444/2800 et 446/2545, ainsi que de voir annuler la délibération communale et la décision ministérielle critiquées avec renvoi du dossier devant l’autorité administrative compétente, la commune et l’Etat étant en tout état de cause à condamner à tous les frais et dépens des deux instances.

 

            Ils s’opposent plus particulièrement à l’argument communal tiré d’une absence d’étude environnementale pour procéder à un changement d’affectation. Suivant les appelants, cet argument serait factice, d’après les appelants, étant donné que si la Cour était amenée à annuler les décisions querellées de la commune et du ministre, il y aurait lieu à renvoi devant les autorités compétentes qui devraient alors pallier à la lacune d’une étude environnementale ayant pour objet précisément les terrains litigieux.

 

            Par ailleurs, les appelants, pour la première fois dans leur réplique en appel, estiment que l’étude environnementale du type screening versée en cause par la commune de manière isolée au niveau de la farde des pièces manquerait de toute preuve de sa légalité au regard des exigences de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la loi du 22 mai 2008 ». Au contraire, la préexistence de pareille étude environnementale à toute option prise en matière environnementale au niveau du projet de PAG laisserait éminemment d’être vérifiée, ce qui vicierait à la base la procédure d’adoption du PAG.

 

            Toujours, suivant les appelants, l’étude environnementale de 2009 non seulement aurait été mise en place en violation des dispositions des articles 2 et 7 de la loi du 22 mai 2008, mais encore n’aurait fait l’objet d’aucune publication et surtout d’aucune mise à disposition du public en temps utile, plus particulièrement sur support informatique.

 

            Plus loin, le droit de regard et de recours à l’encontre de la mise en place de l’étude environnementale de 2009 dans le cadre de l’élaboration du nouveau PAG lancé en 2012 aurait privé les intéressés d’un recours précisément à l’endroit de la décision de mettre en place pareille étude environnementale, âgée à l’époque de trois ans.

 

            En termes de duplique, la commune met en avant l’absence d’urbanisation correspondant à la situation générale des lieux au niveau de la rue de la Forêt.

 

            Dès lors, les maisons de weekend existantes constitueraient des exceptions, de même que la prétention afférente des appelants.

 

            La commune dégage des dispositions de l’article 4 la loi du 22 mai 2008 que l’élaboration d’une mesure pourrait se faire au même moment que celui où les autorités élaborent le contenu du PAG. En l’occurrence, le premier projet du PAG aurait daté de 2010 et aurait été accompagné de la première étude environnementale de la même époque. Cette procédure n’ayant pas abouti, la commune aurait décidé en 2013 de procéder à l’élaboration d’un nouveau projet de PAG avec, parallèlement, adaptation de l’étude environnementale de 2009. Pour la commune, entre 2010 et 2013, les impacts environnementaux sur l’urbanisation n’auraient pas profondément augmenté, voire changé.

 

            De toute manière, l’étude environnementale appelée « Strategische Umweltverträglichkeitsprüfung » (SUP) aurait été complétée, notamment suite à l’avis ministériel du 28 février 2012. Ces résultats auraient ensuite entraîné les modifications et rectifications au niveau du projet de PAG, plus particulièrement lors de la séance du collège échevinal du 3 juillet 2013 traitant des résultats de la SUP modifiée de la sorte. Il serait dès lors faux de prétendre que la SUP aurait préexisté dans son intégralité avant que les autorités communales n’aient élaboré le projet du PAG. L’essentiel de la SUP aurait existé dès 2010 et seulement quelques modifications y auraient été apportées plus tard, en 2013.

 

            Par ailleurs, l’obligation mise en avant par les appelants tirée de l’article 46 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à la gestion de l’eau, ci-après « la loi du 19 décembre 2008 », ne s’appliquerait pas à l’ensemble du territoire communal, mais uniquement aux parties urbanisées ou destinées à l’être. La commune se dit consciente de ce qu’au moment où les terrains litigieux seraient classés en zone d’habitation, il deviendra nécessaire d’assurer une connexion à un système de canalisation apte à gérer l’afflux des eaux. La commune réfute l’argument des appelants suivant lequel les canalisations seraient d’ores et déjà surchargées à l’endroit de la rue de la Gare. Ce seraient précisément des travaux d’agrandissement et de modification qui devraient être entrepris avant que les terrains litigieux ne puissent être urbanisés.

 

            A travers leur mémoire en réplique en appel, sur la réponse communale, les appelants invoquent ainsi un moyen nouveau, en ce qu’ils reviennent en cela à l’argumentaire de l’appelant dans le rôle 38139C (arrêt parallèle de ce jour), affirmant que pour leurs terrains portant les numéros cadastraux 838/3020 et 839/2998, pour lesquels ils demandent un reclassement depuis la zone verte en « zone destinée à être urbanisée », la procédure pêcherait dans ce sens que la SUP ne se serait précisément pas exprimée par rapport à ces terrains.

 

            Relativement aux parcelles portant les numéros 838/3020 et 839/2998 du cadastre, les appelants estiment en substance que les premiers juges auraient commis une erreur d’appréciation manifeste en refusant leur argumentaire tendant à voir classer ces terrains en zone destinée à être urbanisée plutôt qu’en zone verte.

 

            Il est constant en cause que la SUP litigieuse avait été commencée sous l’ancienne coalition communale en 2009 et avait été arrêtée sans que le projet de PAG de l’époque ne passe l’entièreté de la procédure d’alors. Cette première SUP a été maintenue par les auteurs du nouveau plan de PAG actuellement sous analyse tout en ayant été amendée et complétée par la suite.   

 

            D’après l’article 12 de la loi du 22 mai 2008, un recours en annulation n’est ouvert devant le tribunal administratif que contre les décisions prises au titre respectivement de l’article 2, paragraphe 7, et de l’article 6, paragraphe 3, de la même loi.

 

Contrairement à l’analyse des appelants, aucun recours n’est ouvert par la loi du 22 mai 2008 relativement au contenu d’une SUP.

 

Le seul recours en annulation visé par ledit article 12 concerne le choix porté par l’autorité compétente sur la question de savoir s’il y avait ou non lieu de procéder à pareille étude. Or, cette question a été toisée sans difficulté, quant à son principe, en ce que, nécessairement, les élus communaux tant en 2009 qu’en 2013 ont opté pour la mise en place d’une SUP, dans un contexte de refonte du PAG, opérée dans une optique communale d’inexistence d’un PAG valablement approuvé par l’autorité de tutelle jusque lors.

 

            Les appelants sont dès lors malvenus de se plaindre de ce qu’ils n’auraient pas pu faire valoir utilement leur point de vue quant à la question d’un éventuel recours, qui, d’après les dispositions de la loi du 22 mai 2008, ne se trouvait de toute façon pas ouvert dans le sens dont ils l’entendent aujourd’hui.

 

            En effet, ce que les appelants critiquent c’est tout simplement le fait que leurs terrains litigieux portant les numéros cadastraux 838/3020 et 839/2998 ne se trouvent pas utilement visés par la SUP dont s’agit.

 

            S’ils envisagent la première étude environnementale de 2009, leur argumentaire est sans caractère pertinent, étant donné que le projet de PAG auquel celle-ci se rapporte n’a pas abouti et ne se trouve pas actuellement en discussion.

 

            Si les appelants visent le projet de PAG de 2013 actuellement sous analyse, leur argumentaire n’est pas pertinent sous les aspects prévisés de la décision de mettre en place une SUP – ce que les appelants ne sauraient valablement critiquer en soi, étant donné qu’ils reprochent à l’étude existante de ne pas aller assez loin – ni quant au volet particulièrement soulevé par eux - en ce que celui-ci dépend précisément de la question de savoir si, quant au fond, il y a lieu de faire droit à leur argumentaire et d’envisager une inclusion de leurs terrains litigieux dans le périmètre constructible.

 

            Si au fond, la Cour devait venir à cette conclusion, la conséquence première en serait que le dossier devrait être renvoyé devant le collège échevinal avec la mission première de faire établir une étude environnementale relativement aux terrains litigieux à moins qu’une dispense afférente ne puisse être utilement envisagée, question qui, ici encore serait à discuter au fond.

 

            Dès lors, la Cour vient à la conclusion que l’argumentaire, tel qu’essentiellement présenté par les appelants à travers leur réplique, n’est point justifié en tant que tel à ce stade de la procédure.

 

            Il reste que dans leur réplique les appelants critiquent de manière globale une violation par les autorités communales des articles 2 et 7 de la loi du 22 mai 2008, de même qu’en termes de plaidoiries la représentante des appelants s’est rapportée expressément aux conclusions du mandataire de l’appelant dans le rôle précité n° 38139C en ce qu’il a mis en question la mise à disposition tardive, selon lui, de la SUP et la non-possibilité de faire valoir son point de vue à un moment encore utile lorsque toutes les options concernant les choix d’aménagement et d’urbanisation se trouvaient encore ouvertes.

 

            Afin d’être complète, la Cour voudrait reprendre ci-après sa réponse donnée dans l’arrêt de ce jour dans le rôle 38139C par rapport à l’argumentaire y ainsi déployé.

 

Il convient de partir de l’article 7 de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, faite à Aarhus (Danemark), le 25 juin 1998, en abrégé « la Convention d’Aarhus », approuvée par une loi du 31 juillet 2005 et, plus loin, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la directive 2001/42/CE », ainsi que de la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997 modifiant la directive 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, ci-après « la directive 97/11/CE », à la base de sa modification par sa loi de transposition du 29 mai 2009.

 

A partir des dispositions des articles 6, alinéas 4 et 8 de la même Convention d’Aarhus, la Cour a dégagé le caractère précoce et effectif de la participation du public à la procédure d’élaboration du PAG, de même que cette exigence découle également de la directive 2001/42/CE, dont plus particulièrement son article 8.

 

A partir de là, la Cour a distingué entre des plans de construction qui ne peuvent être valablement établis qu’une fois les options, restées ouvertes avant la participation du public, valablement prises à partir des variantes qui se sont présentées sur le terrain. Telle n’est pas l’hypothèse pour le PAG qui, précisément, prévoit un ordonnancement juridique pour tous les terrains d’un territoire communal donné et pour lesquels un projet de plan en quelque sorte déjà préalable doit pouvoir être utilement confronté aux résultats d’une étude environnementale en temps utile.

 

A partir des exigences de précocité et d’effectivité ainsi posées par l’ordonnancement du droit international applicable, la Cour a approfondi l’analyse sur les nouveautés imposées par la procédure d’élaboration du PAG telle que résultant de la loi du 19 juillet 2004, modifiée par celle du 28 juillet 2011 en mettant l’accent sur le fait que l’arrêt de référence du 30 juin 2011 se plaçait par rapport à l’ancienne procédure d’élaboration du PAG. Or, cette ancienne procédure prévoyait encore deux votes distincts du conseil communal, dont plus particulièrement le premier vote, appelé vote provisoire, à travers lequel le conseil communal s’était déjà, à l’époque, approprié en quelque sorte le contenu du projet de plan d’aménagement. Or, la nouvelle procédure, telle que se dégageant de la loi du 28 juillet 2011, doit être regardée dans le sens que le vote, dorénavant prévu à l’article 10 de cette nouvelle loi, n’est plus qu’à entrevoir qu’en tant que feu vert donné par le conseil communal, une fois le projet global d’instrument de planification lui soumis par le collège échevinal apparaissant comme étant suffisamment prêt pour la suite de la procédure, dont notamment la consultation du public et la prise des différents avis d’organismes publics, compte tenu de l’ensemble des documents nécessaires rassemblés et d’un projet de plan proposé en conséquence par le collège échevinal.

 

Dans cette optique, la première adoption du projet de plan ne se fait plus qu’à travers le vote porté par le conseil communal conformément à l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, tel que résultant de la modification du 28 juillet 2011, une fois que les autorités publiques consultées après le vote prévu par l’article 10 se soient utilement exprimées. Il s’agit ici des avis de la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur, ainsi que du ministre de l’Environnement.

 

Il convient de souligner à cet escient que dans l’ancienne procédure d’avant la loi du 28 juillet 2011, l’avis de la commission d’aménagement était préalable au vote provisoire du conseil communal et qu’à l’époque, le conseil communal, en adoptant provisoirement le projet de PAG, se trouvait face à un document éminemment élaboré plus en avant, compte tenu précisément de cet avis. Il s’y ajoute qu’actuellement, d’après la nouvelle procédure instaurée suite à la loi du 28 juillet 2011, à côté de l’avis précité de la commission d’aménagement également l’avis du ministre de l’Environnement influe, ensemble les éléments de participation du public, avant que l’adoption du projet de PAG par le conseil communal, conformément à l’article 14 de ladite loi, ne s’en suive.

 

La Cour a ainsi pu retenir, au-delà de l’arrêt du 30 juin 2011, rendu dans un autre contexte légal, que la mise à disposition concomitante de la SUP et du projet de PAG par les soins du collège échevinal, suite au vote du conseil communal prévu par l’article 10 de ladite loi, devait pouvoir être admise en conformité avec les exigences de droit international, telles que ci-avant décrites et sous réserve de révélations éventuelles ultérieures y relatives avec en contrepartie l’exigence, au niveau de l’effectivité de la mise à disposition, d’une flexibilité certaine du conseil communal plus particulièrement lors du traitement des éléments de participation du public afin de suffire à l’exigence d’effectivité portée par le droit international pertinent.

 

L’équilibre adéquat consiste en effet en ce que, d’un côté, il peut être admis que la mise à disposition concomitante de la SUP et du projet de PAG est admissible pour suffire à l’exigence de précocité mise en avant par les instruments de droit international précités, du moment que l’exigence d’effectivité y également prévue s’analyse en une flexibilité certaine et suffisante de la part du conseil communal, appelé à apprécier notamment les éléments de participation du public dans le traitement des objections présentées appelées à influer dans le vote du projet de PAG prévu par l’article 14 de ladite loi.

 

Cet élément de flexibilité est également à prévoir au niveau du traitement par le ministre de l’Intérieur des réclamations portées devant lui relativement aux objections qui n’ont pas pu être résorbées à travers la procédure d’aplanissement des difficultés prévue au niveau communal.  

 

            Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’argumentaire des appelants concernant la mise en place de l’étude environnementale laisse d’être fondé sous l’ensemble de ses aspects, sauf, le cas échéant, celui ayant trait à la question de fond pour le cas où il y aurait lieu à annulation concernant le classement des terrains 838/3020 et 839/2998, auquel cas il conviendrait, avant tout autre progrès en cause, de voir étendre l’étude environnementale à ces terrains, sinon de voir dégager, le cas échéant, une dispense afférente.

 

Avant tout autre progrès en cause, concernant l’ensemble des moyens par ailleurs soulevés par les appelants concernant leurs deux séries de terrains litigieux, la Cour décide de procéder à une visite des lieux fixée péremptoirement à une date permettant aux parties de s’y préparer valablement.

 

     Par ces motifs,

 

la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties en cause ;

 

déclare l’appel recevable ;

 

écarte le moyen relatif à l’étude environnementale (SUP) sauf l’aspect au fond pour le cas où il y aurait lieu à annulation concernant le classement des terrains portant les numéros cadastraux 838/3020 et 839/2998 ;

 

pour le surplus et avant tout autre progrès en cause, ordonne une visite des lieux péremptoirement à tenir le … à … heures, rendez-vous au moulin de Reisdorf ;

 

réserve tous droits des parties, ainsi que les dépens.

 

 

Ainsi délibéré et jugé par :

 

Francis Delaporte,  président,

Henri Campill, vice-président,

Lynn Spielmann, conseiller,

 

et lu par le président en l'audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour André Weber.

 

 

 

Weber                                                                                  Delaporte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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