Arrêt 127 de la Cour constitutionnelle - autorisation construction paddocks

La Cour constitutionnelle a rendu en date du 9 décembre 2016 un arrêt dans l’affaire n° 00127 du registre ayant pour objet une question préjudicielle introduite, conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, par le tribunal administratif suivant jugement rendu le 20 juillet 2016, numéros 35864 et 36761 du rôle, parvenue au greffe de la Cour constitutionnelle le 22 juillet 2016, dans le cadre d’un litige opposant 

 

X, et Y,  à

 

l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg,

 

à propos d’une décision du ministre de l’Environnement du 11 mai 2015 autorisant la construction d’un mur en gabions et d’un remblai pour la construction de 10 paddocks sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Bech, sous le numéro 6/1514, section F de Marscherwald, au lieu-dit « Hersberger Marscherwald », tout en limitant l’usage desdits paddocks « à des fins strictement agricoles, c-à-d à la détention de juments poulinières et, le cas échéant, d'étalons reproducteurs et l'élevage de poulains nés sur place, tout comme l'élevage de poulains »,

 

 

La Cour,

 

composée de

 

Jean-Claude WIWINIUS, président,

Francis DELAPORTE, vice-président,

Henri CAMPILL, conseiller,

Nico EDON, conseiller,

Eliane EICHER, conseiller,

 

greffière : Lily WAMPACH

 

Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour le 19 août 2016 par Madame la déléguée du gouvernement (...) pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, et le 25 août 2016 par Maître Trixi LANNERS, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, pour Mesdames X et Y, et les conclusions additionnelles déposées le 29 septembre 2016 par Madame la déléguée du gouvernement Marie-Anne KETTER pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, 

ayant entendu les mandataires des parties en leurs plaidoiries à l’audience publique du 28 octobre 2016, 

rend le présent arrêt : 

Considérant qu’il se dégage du jugement du tribunal administratif du 20 juillet 2016, que le 11 août 2015, les consorts X et Y, en leur qualité respectivement de propriétaire et d’exploitant d’un centre équestre, ont saisi ledit tribunal d’un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 11 mai 2015 dans la mesure où il leur a accordé ex post l’autorisation de construire un mur en gabions et d’aménager un remblai pour la construction de 10 paddocks sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Bech, sous le numéro 6/1514, section F de Marscherwald, au lieu-dit « Hersberger Marscherwald », tout en limitant l’utilisation des 10 paddocks « à des fins strictement agricoles, c-à-d à la détention de juments poulinières et, le cas échéant, d'étalons reproducteurs et l'élevage de poulains nés sur place, tout comme l'élevage de poulains »; 

que dans son susdit jugement, le tribunal administratif a rappelé qu’en vertu de l’article 5, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, seules peuvent être érigées en zone verte, sur autorisation du ministre compétent, des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique; 

que le tribunal administratif a encore relevé que sont à considérer comme étant conformes à l’affectation d’une zone agricole, les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole, c'est-à-dire qui sont utilisées pour la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d’animaux de rente et que ces constructions et installations doivent avoir un lien fonctionnel direct avec l’exploitation agricole; 

que le tribunal administratif a de plus retenu que l’élevage de chevaux, comportant notamment la détention de juments poulinières et, le cas échéant, d’étalons reproducteurs et l’élevage des poulains nés sur place, tout comme l’élevage de poulains ou de jeunes chevaux appartenant à des tiers, ainsi que, le cas échéant, le débourrage des jeunes chevaux à la selle ou à l’attelage, relèvent d’une activité agricole, tandis que la seule garde de chevaux à des fins commerciales ou à des fins de loisir, sans exploitation agricole, tout comme la pratique du sport équestre sans rapport avec l’agriculture, ne sont pas admis comme autorisables en zone verte; 

Considérant que sur ce, le tribunal administratif a posé à la Cour constitutionnelle la question suivante : 

« L’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, en ce qu’il limite les constructions autorisables en zone verte aux seules constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique, et en excluant les activités équestres, est-il conforme à l’article 11bis de la Constitution ? »

Considérant qu’en vertu de l’article 5, alinéa 2, de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles: «Dans les communes régies par un projet d’aménagement général couvrant l’ensemble de leur territoire, toute construction, incorporée au sol ou non, n’est autorisée que dans les zones affectées à l’habitation, à l’exploitation de commerces, à l’implantation d’industries, aux installations et constructions sportives et assimilées, ainsi qu’à d’autres destinations nécessitant en ordre principal des constructions immobilières sur la totalité de l’aire concernée»; 

que l’alinéa 3 dudit article 5 dispose: «Dans les parties du territoire de ces communes situées en dehors des zones définies à l’alinéa qui précède, parties dénommées «zone verte» dans la présente loi, seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique. Les constructions restent cependant soumises à l’autorisation du Ministre»; 

Considérant que l’article 11bis, paragraphe 1er, de la Constitution garantit la protection de l’environnement humain et naturel;

Considérant que par arrêt du 26 septembre 2008, affaire n° 00046 du registre, la Cour constitutionnelle a retenu qu’en édictant une législation qui restreint la possibilité de construire des ouvrages dans certaines zones dignes de protection, l’Etat exécute la mission lui conférée par l’article 11bis, paragraphe 1er, de la Constitution;

Considérant que l’article 11bis, paragraphe 2, de la Constitution, appelle l’Etat à promouvoir la protection et le bien-être des animaux; 

Que cette norme constitutionnelle vise à assurer le respect de l’animal, pour soi-même, dans la manière de l’utiliser et de le traiter; 

Considérant qu’en n’autorisant pas les constructions nouvelles d’immeubles destinés à des activités équestres de nature commerciale ou de loisir, dans des zones définies qui ne couvrent pas l’ensemble du territoire, l’Etat ne pose pas de mesure qui contrevient à la norme constitutionnelle de promotion de la protection et du bien-être des animaux; 

qu’il y a partant lieu de dire que par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004, qui fait partie de la législation ayant pour objet la protection de l’environnement humain et naturel, n’est pas contraire à l’article 11bis de la Constitution; 

 

                                                           Par ces motifs :

 

dit que par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles n’est pas contraire à l’article 11bis de la Constitution; 

dit que dans les trente jours de son prononcé l’arrêt sera publié au Mémorial, recueil de législation; 

dit qu’il sera fait abstraction des noms et prénoms de X et Y lors de la publication de l’arrêt au Mémorial ; 

dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au greffe du tribunal administratif, juridiction dont émane la saisine, et qu’une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction. 

Lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique extraordinaire par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de la greffière Lily WAMPACH.

 

 

                                Le président,                                              Le greffier,

                   s. Jean-Claude WIWINIUS                               s. Lily WAMPACH

 

 

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