Jugement du tribunal administratif Nr 36404 du rôle - Recours formé par la Fédération(...) concernant la chasse aux renards et aux sangliers

 Vu la requête inscrite sous le numéro 36404 du rôle et déposée le 10 juin 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent Metzler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'association sans but lucratif Fédération (...) a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-..., représentée par son conseil d'administration sinon ses organes légaux sinon statuaires actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro F 110, et de Monsieur X. demeurant à ..., tendant à l'annulation du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 concernant l'ouverture de la chasse pour les années cynégétiques 2015/16, publié au Mémorial A, n° 47 du 13 mars 2015, en ce qu'il interdit la chasse au renard pour l'année cynégétique 2015/2016, ainsi que la chasse au sanglier dans les bois entre le 29 février et le 31 mars ;

 Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2015 ;

 Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2015 par Maître Laurent Metzler pour compte de ses mandants ;

 Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2015 ;

 Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal du 9 mars 2015 concernant l'ouverture de la chasse pour les années cynégétiques 2015/16 ; 

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent Metzler et Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne Ketter en leurs plaidoiries respectives.

 Au vu de l'article 9 de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, dénommée ci‑après « la loi du 25 mai 2011 », de l'avis de la Chambre d'agriculture du 23 février 2015, de l'avis du Conseil supérieur de la chasse du 6 février 2015 et de l'avis du Conseil d'Etat du 24 février 2015, le Grand‑Duc, sous le contreseing du ministre de l'Environnement, arrêta en date du 9 mars 2015 un règlement grand-ducal concernant l'ouverture de la chasse pour les années cynégétiques 2015/16, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 9 mars 2015 ». Ledit règlement grand-ducal fut publié au Mémorial A, n° 47, du 13 mars 2015.

 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2015, l'association sans but lucratif Fédération(...) a.s.b.l., dénommée ci-après « la Fédération », et Monsieur X. ont fait introduire sur base de l'article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », un recours tendant à l'annulation du règlement grand-ducal du 9 mars 2015, en ce qu'il interdit la chasse au renard pour l'année cynégétique 2015/2016, ainsi que la chasse au sanglier dans les bois entre le 29 février et le 31 mars, et non pas le 16 avril, comme indiqué erronément dans la requête.

 Le gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours, en soutenant néanmoins tout d'abord que la Fédération resterait en défaut d'établir qu'elle remplit les conditions prévues par l'article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996 et qu'au moment de l'introduction de son recours, elle n'aurait pas versé toutes les pièces telles que visées par l'article 17, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 ».

 En ce qui concerne tout d'abord le moyen d'irrecevabilité tiré d'une prétendue violation de l'article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996, les parties demanderesses rétorquent dans leur mémoire en réplique que la Fédération aurait été créée par la fusion des deux fédérations de chasse luxembourgeoises « FCL » et « SHCL » et qu'elle regrouperait actuellement plus de 2.200 membres répartis sur 16 secteurs nationaux, de sorte qu'il y aurait lieu d'en conclure qu'elle constituerait une association d'importance nationale au sens des dispositions légales précitées. Elles soutiennent par ailleurs que la Fédération aurait respecté les dispositions figurant à l'article 3 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif, dénommée ci-après « la loi du 21 avril 1928 », de sorte à bénéficier de la personnalité civile du fait d'avoir déposé ses statuts, ainsi que les modifications de ceux-ci, au Mémorial, Recueil spécial des sociétés et associations. Il faudrait partant en conclure qu'elle disposerait de la personnalité morale, telle qu'exigée par l'article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996.

 Les parties demanderesses se réfèrent encore aux articles 81 de la loi du 25 mai 2011 et 63 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après dénommée « la loi du 19 janvier 2004 », pour soutenir qu'en application des dispositions légales en question, la Fédération bénéficierait de l'agrément y prévu qui lui aurait été délivré par un arrêté ministériel du 3 octobre 2005.

 Par ailleurs, les demanderesses soutiennent que du fait que le règlement grand‑ducal du 9 mars 2015 a interdit la chasse au renard pendant l'année cynégétique 2015/2016 et limité le droit de chasse au sanglier, ledit règlement grand-ducal aurait porté préjudice aux intérêts collectifs que la Fédération aurait pour objet de défendre en application de l'article 81 de la loi du 25 mai 2011.

 Enfin, quant à ce moyen d'irrecevabilité, les parties demanderesses soutiennent que la Fédération agirait à l'encontre d'un acte administratif à caractère réglementaire, à savoir le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, pris sur base de la loi du 25 mai 2011 dans le cadre de laquelle elle aurait été agréée, en se référant plus particulièrement à cet égard à l'article 81 de la loi en question.

 Pour l'ensemble des motifs expliqués ci-avant, les demanderesses concluent au caractère non fondé du moyen d'irrecevabilité ainsi soulevé à l'encontre de la Fédération.

 En ce qui concerne le moyen d'irrecevabilité tiré d'une prétendue violation de l'article 17, alinéa 2, de la loi du 21 juin 1999, les parties demanderesses soutiennent que la Fédération aurait versé ses statuts coordonnés, tels que publiés au Mémorial et qu'au-delà de l'accomplissement de cette formalité, l'article 17, alinéa 2, n'exigerait pas que « toutes les pièces documentant les qualités de personnalité morale et d'association devraient être versées au moment de l'introduction du recours ».

 Ainsi, les demanderesses estiment que la Fédération devrait être admise à apporter, en cours d'instance contentieuse, une régularisation, voire un complément d'information à ce sujet.

 Pour l'ensemble des motifs visés ci-avant, les parties demanderesses concluent également au caractère non fondé de ce deuxième moyen d'irrecevabilité invoqué à l'encontre de la Fédération.

 Dans son mémoire en duplique, et concernant les moyens d'irrecevabilité opposés à la Fédération, le gouvernement se rapporte à prudence de justice.

 L'article 7, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi 7 novembre 1996 dispose que «  (...) le recours [en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire] est encore ouvert aux associations d'importance nationale, dotées de la personnalité morale et agréées au titre d'une loi spéciale à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction au sens de cette loi spéciale ».

 A cet égard, il échet de se référer à l'article 81 de la loi du 25 mai 2011 qui dispose que « Les associations agréées en application de l'article 63 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles  peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction au sens de la présente loi et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, même si elles ne justifient pas d'un intérêt matériel et même si l'intérêt collectif dans lequel elles agissent se couvre entièrement avec l'intérêt social dont la défense est assurée par le ministère public.

 En aucun cas, les associations agréées ne peuvent poursuivre l'exécution du jugement de condamnation en ce qui concerne le rétablissement des lieux en leur état antérieur. »

 L'article 63 de la loi du 19 janvier 2004, auquel il est ainsi renvoyé par l'article 81 précité de la loi du 25 mai 2011, dispose comme suit : « Les associations d'importance nationale dont les statuts ont été publiés au Mémorial et qui exercent depuis au moins trois ans leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement peuvent faire l'objet d'un agrément du Ministre [à savoir le membre du gouvernement ayant la protection de l'Environnement dans ses attributions].

 (...)

 En outre, ces associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction au sens de la présente loi et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, mais si elles ne justifient pas d'un intérêt matériel et même si l'intérêt collectif dans lequel ils agissent se couvre entièrement avec l'intérêt social dont la défense est assurée par le ministère public ».

 En application de l'article 63 de la loi du 19 janvier 2004, et au vu d'une demande lui présenté par la Fédération en date du 23 janvier 2004, celle-ci fut agréée par un arrêté du ministre de l'Environnement du 3 octobre 2005, tel que cela se dégage des pièces et éléments soumis au tribunal.

 Il échet partant de constater de ce qui précède que la Fédération dispose de l'agrément tel que visé par l'article 7, paragraphe (2), alinéa 2 de la loi du 7 novembre 1996.

 Pour qu'une association sans but lucratif, telle que la Fédération, puisse disposer de la personnalité morale, il lui incombe de se conformer à l'article 3, alinéa 1er de la loi du 21 avril 1928, qui dispose que « La personnalité civile est acquise à l'association à compter du jour où ses statuts sont publiés au Mémorial, Recueil Spécial des sociétés et associations (...) ».

 A cet égard, il échet de constater qu'ensemble avec la requête introductive d'instance, les parties demanderesses avaient remis au tribunal une version coordonnée des statuts de la Fédération, telle que déposée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg en date du 4 avril 2011. Il ressort encore d'une pièce complémentaire versée au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2016, à la suite d'une demande afférente du tribunal, émanant du registre de commerce et des sociétés et du site internet legilux.public.lu, journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, portant la date du 4 février 2016, que les statuts coordonnés, déposés au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg en date du 4 avril 2011 ont été publiés en date du 8 avril de la même année et que depuis cette date, jusqu'à la date d'émission du certificat en question, aucune autre modification des statuts n'a été publiée par la Fédération.

 Il se dégage partant des considérations qui précèdent que la Fédération dispose de la personnalité morale du fait d'avoir accompli les formalités légales lui imposées à cet effet par la loi du 21 avril 1928, aucune violation des articles 2, 3 alinéa 1er et 9 de la loi du 21 avril 1928 ne pouvant être constatée.

 Il échet encore de relever qu'il ressort de l'agrément ministériel du 3 octobre 2005 que la Fédération est à considérer comme constituant une association d'importance nationale, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la partie gouvernementale.

 Enfin, il échet de constater, à la lecture de l'article 4 des statuts coordonnés de la Fédération que celle-ci « a pour objet de promouvoir et de favoriser par tous les moyens légaux les intérêts de la chasse et des chasseurs dans un esprit de saines conceptions cynégétiques, éthiques et respectueuses de la conservation de la Nature. Elle peut poser tous les actes se rapportant directement ou indirectement à son objet. Elle peut notamment prêter son concours et s'intéresser à toute activité similaire à son objet. (...) ».

 

En l'espèce, en attaquant le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, la Fédération critique l'organisation, par le pouvoir exécutif, de la chasse, et plus particulièrement en ce que celle-ci vise la chasse au renard, ainsi que la chasse au sanglier dans les bois. Ainsi, de ce fait, elle agit conformément à son objet social, tel que se dégageant de l'article 4 précité de ses statuts coordonnés, du fait de défendre par le recours en question « les intérêts de la chasse et des chasseurs ». Enfin, il échet de constater que le règlement grand-ducal du 9 mars 2015 a été pris dans le cadre de la base habilitante se dégageant de l'article 9 de la loi du 25 mai 2011, dans le cadre de laquelle la Fédération se trouve agréée, en conformité avec l'article 81 de la même loi. Il échet partant de conclure de l'ensemble de ces éléments que le recours sous examen, en ce qu'il a été introduit par la Fédération, respecte également l'article 7, paragraphe (2), troisième alinéa de la loi du 7 novembre 1996 qui dispose que « Le recours visé ci-avant n'est ouvert dans le chef des associations que pour autant que l'acte administratif à caractère règlementaire attaqué tire sa base légale de la loi spéciale dans le cadre de laquelle l'association requérante a été agréée ».

 Il se dégage de l'ensemble des développements qui précèdent que le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 7 de la loi du 7 novembre 1996 est à écarter pour ne pas être fondé.   

 En ce qui concerne le moyen d'irrecevabilité tiré de la violation de l'article 17, alinéa 2, de la loi du 21 juin 1999, il échet tout d'abord de rappeler que ladite disposition légale dispose comme suit : « En cas de recours introduit par une association sur base de l'article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996, celle-ci doit déposer toutes pièces documentant ses qualités de personnalité morale et d'association agréée au vœu de l'article 7, paragraphe (2), alinéa 2 de la même loi ».

 Or, comme il vient d'être constaté ci-avant, les parties demanderesses avaient déposé, au jour de l'introduction de leur recours, la dernière version coordonnée des statuts de la Fédération, telle que déposée au registre de commerce et des sociétés, en complétant, sur demande du tribunal, ladite documentation, d'une part, par une confirmation émanant dudit registre de commerce et des sociétés qu'il s'agissait bien de la dernière version publiée desdits statuts, ainsi que, d'autre part, par l'agrément ministériel précité du 3 octobre 2005, auquel lesdits statuts coordonnés font d'ailleurs référence et qui n'a pu être ignoré par la partie défenderesse, du fait que l'agrément émane d'un membre du gouvernement. Il échet partant d'en conclure que les exigences posées par ladite disposition légale ont été respectées en l'espèce, de sorte qu'aucune irrecevabilité ne saurait en être tirée. Le moyen afférent est partant à écarter pour ne pas être fondé.

 Aucun autre moyen d'irrecevabilité n'ayant été soulevé à l'égard de la Fédération en ce que le recours sous examen a été introduit par cette dernière, il est à déclarer recevable dans cette mesure, pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. 

Le délégué du gouvernement s'est encore rapporté à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours sous examen, en ce qu'il a été introduit par Monsieur X., en soutenant que ce dernier resterait en défaut d'établir qu'il remplirait les conditions de l'article 7, paragraphe (2), premier alinéa de la loi du 7 novembre 1996, à savoir qu'il justifie d'une lésion ou d'un intérêt personnel, direct, actuel et certain. 

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses soutiennent que Monsieur X. serait chasseur ainsi qu'un membre actif de la Fédération, en étant par ailleurs locataire d'un « droit de chasse ». Ainsi, en ces qualités, il serait soumis aux dispositions du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 dont l'article 4 lui interdirait de chasser le renard pendant toute l'année cynégétique 2015/2016 et dont l'article 5 a) point 6 lui interdirait la chasse au sanglier en forêt entre le 29 février et le 31 mars (et non pas le 16 avril, comme indiqué erronément par les parties demanderesses,) de sorte qu'il y aurait lieu de constater l'existence d'une atteinte « défavorable à ses intérêts ».

 Elles en concluent qu'en sa qualité de chasseur et de locataire d'un « droit de chasse », Monsieur X. disposerait d'un intérêt personnel, direct, actuel et certain d'agir contre les articles 4 et 5 a), point 6 du règlement grand-ducal du 9 mars 2015.

 

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement soutient que Monsieur X. resterait en défaut de démontrer concrètement quelle serait la satisfaction que le recours sous examen serait de nature à lui procurer, de sorte qu'il maintient ses conclusions antérieures en ce qu'il s'est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qu'il a été introduit par Monsieur X..

 L'article 7, paragraphe (2), premier alinéa, de la loi du 7 novembre 1996 dispose qu'un « recours [en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère règlementaire] n'est ouvert qu'aux personnes justifiant d'une lésion ou d'un intérêt personnel, direct, actuel et certain ».

 Il échet tout d'abord de constater que dans la mesure où Monsieur X. ne fait pas état d'une « lésion » qui lui serait occasionnée du fait du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 et plus particulièrement de ses articles 4 et 5 a), point 6, le seul fait d'indiquer dans le mémoire en réplique que ledit règlement grand-ducal affecterait « directement [ses] droits », sans autre précision à cet égard, ne permettant pas de retenir quel type de lésion pourrait être causée à Monsieur X., il n'y a pas lieu de prendre position quant à la question de savoir si cette condition alternative est remplie en l'espèce, de sorte que l'examen du tribunal portera sur la question de savoir si Monsieur X. peut faire état d'un « intérêt personnel, direct, actuel et certain » pour agir contre les dispositions incriminées du règlement grand-ducal du 9 mars 2015.

 Un demandeur doit justifier d'un intérêt personnel distinct de l'intérêt général pour pouvoir introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire. Par ailleurs, concernant le caractère direct de l'intérêt à agir, pour qu'il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère règlementaire, il ne suffit pas qu'un demandeur fasse état d'une affectation de sa situation, mais il doit établir l'existence d'un lien suffisamment direct entre l'acte querellé et sa situation personnelle. Finalement, la condition relative au caractère né et actuel, c'est-à-dire au caractère suffisamment certain, d'un intérêt invoqué implique qu'un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à caractère règlementaire soit déclaré recevable[1]. Ainsi, le recours contentieux contre un acte administratif à caractère règlementaire n'est recevable que si l'annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au demandeur en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s'en trouver améliorée[2].

 En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur X. est un chasseur légalement autorisé à aller à la chasse et qu'il est locataire d'un lot de chasse au pays. Ainsi, en ces qualités, il se trouve directement visé par le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, en ce que celui-ci a notamment pour objet de déterminer les espèces ouvertes à la chasse en énumérant, pour la période cynégétique visée, les différentes espèces que plus particulièrement Monsieur X. est autorisé à chasser. Ainsi, du fait que le règlement grand-ducal litigieux interdise, du fait de ne pas le viser à son article 5, la chasse au renard, et d'interdire la chasse au sanglier dans les bois entre le 29 février et le 31 mars, ledit règlement grand-ducal est de nature à affecter Monsieur X. dans sa situation personnelle, en ce qu'il décide également à son égard les conditions dans lesquelles il est autorisé à chasser les différentes espèces animales, en lui interdisant, en ce qui concerne les dispositions litigieuses, la chasse au renard de façon catégorique, ainsi que la chasse au sanglier sous différentes conditions. Il échet partant de constater l'existence d'un lien direct existant entre l'acte réglementaire querellé et la situation personnelle de Monsieur X..En ce qui concerne le caractère né et actuel de l'intérêt de Monsieur X., alors même s'il échet de constater qu'au jour du présent jugement, le règlement grand-ducal incriminé n'est plus en vigueur, du fait d'avoir cessé ses effets à la date du 31 mars 2016 et d'avoir été remplacé par un nouveau règlement grand-ducal du 15 mars 2016 concernant l'ouverture de la chasse pour l'année cynégétique 2016/2017, et que l'éventuelle annulation non rétroactive en application de l'article 7, paragraphe (3) de la loi du 7 novembre 1996 des dispositions règlementaires incriminées par Monsieur X. dans le cadre du recours sous examen ne serait a priori plus de nature à lui profiter personnellement et directement, en ce sens que même en cas d'annulation des articles portant interdiction de la chasse au renard pour l'année cynégétique 2015/2016 et interdiction de la chasse au sanglier dans les bois entre le 29 février et le 31 mars, une telle annulation ne serait plus de nature à affecter la situation personnelle de Monsieur X., puisque cette annulation interviendrait à un moment où ledit règlement grand-ducal n'est plus en vigueur, et a été remplacé par un nouveau règlement grand-ducal, force est toutefois de retenir que Monsieur X., au vu de ses conclusions au fond relatives à sa responsabilité civile pour les dégâts causés par le gibier, conserve toujours un intérêt à faire annuler le règlement grand-ducal sous examen, de sorte qu'il dispose d'un intérêt à agir né et actuel et que ce moyen d'irrecevabilité est également à rejeter pour ne pas être fondé.

 Quant au fond, et en droit, les parties demanderesses critiquent tout d'abord le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, en ce que par ses dispositions figurant aux articles 4 et 5, il interdit la chasse au renard pendant l'année cynégétique 2015/2016 et limite la chasse au sanglier, en interdisant celle-ci dans les bois entre le 29 février et le 31 mars, en soutenant que ces interdictions ne correspondraient pas à l'intérêt général qui devrait être sous-jacent à toute décision administrative, violant ainsi les articles 2 et 7 de la loi du 25 mai 2011. Elles reprochent à cet égard au gouvernement de ne pas avoir établi que l'interdiction de la chasse au renard pendant toute l'année cynégétique allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 et l'interdiction de la chasse au sanglier en forêt pendant la période allant du 29 février au 31 mars ont été décidées dans un but d'intérêt général. En effet, elles estiment que lesdites mesures d'interdiction ne seraient non seulement contraires à l'intérêt général mais également contraires aux dispositions de la loi du 25 mai 2011, en poursuivant « des buts le cas échéant, idéologiques ou politiques ».

 En ce qui concerne plus particulièrement la chasse au renard, les parties demanderesses soutiennent que celle-ci serait d'intérêt général, en soutenant que le gouvernement n'aurait pas démontré le contraire. Ainsi, cette chasse serait « absolument nécessaire pour garantir un contrôle de la population du renard », ainsi que pour éviter « des conséquences hautement dangereuses aussi bien pour l'homme que pour la nature ». A cet égard, elles font état de ce que l'échinococcose se serait rapidement développée au cours des dernières années sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Ainsi, le nombre de renards qui seraient atteints de cette maladie aurait augmenté de manière « exponentielle » au cours des dernières années, de sorte qu'elles craignaient que ce nombre risquerait encore d'augmenter si la chasse au renard serait interdite. Elles en concluent que l'interdiction de chasser le  renard serait « erronée, voire dangereuse d'un point de vue médico-sanitaire », du fait que l'échinococcose alvéolaire due aux larves du ténia échinocoque du renard serait de nature à entraîner chez l'homme « une affection particulièrement grave » qui serait de nature à faire de toute personne une victime potentielle. Dans ce contexte, elles font encore état de ce que les renards seraient de plus en plus nombreux en milieu urbain où ils risqueraient d'entrer en contact avec des chiens voire des chats et où les déjections infectées par un renard malade risqueraient de contaminer des personnes.

 Les parties demanderesses reprochent ainsi au gouvernement une « insouciance fautive » du fait d'interdire la chasse au renard, en ce qu'il se priverait ainsi d'un moyen efficace pour limiter la propagation de cette maladie potentiellement mortelle. Ainsi, une telle interdiction serait contraire à l'intérêt général. Dans ce contexte, elles craignent également que l'augmentation de la population des renards serait de nature à entraîner la diminution du milieu de vie « des autres espèces, voire d'espèces qui sont déjà à l'heure actuelle menacées d'extinction ». Les demanderesses se réfèrent encore à l'interdiction de la chasse au renard décidée aux Pays-Bas pour une période allant de l'année 2002 à l'année 2006, interdiction à laquelle il aurait toutefois été mis fin par les autorités néerlandaises au vu des « conséquences néfastes » de l'interdiction en question pour des motifs de santé publique et pour les autres espèces animales, notamment les « Bodenbrüter », de sorte que le renard aurait été mis sur la liste des animaux nuisibles et la chasse au renard aurait à nouveau été autorisée par les Pays-Bas.

 Enfin, en ce qui concerne l'interdiction de chasse au renard, les parties demanderesses font état de ce qu'en raison de ce que le gouvernement ne disposerait pas de chiffres voire d'études quant au nombre de renards ayant existé au moment ou peu avant l'entrée en vigueur du règlement grand-ducal litigieux, il ne serait pas en mesure de tirer un bilan des effets de l'interdiction de chasse au renard au bout d'un an, tel que cela aurait pourtant été projeté par le gouvernement.

 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l'interdiction de chasse au sanglier en forêt pour la période allant du 29 février au 31 mars, les parties demanderesses relèvent que les sangliers seraient à l'origine de dégâts aux cultures agricoles et viticoles, ainsi qu'à la forêt, que le locataire d'un lot de chasse devra indemniser en application des articles 44 et 45 de la loi du 25 mai 2011. Du fait que le règlement grand-ducal du 9 mars 2015 ne prévoirait pas de disposition suivant laquelle le locataire du lot de chasse ne serait pas responsable des dégâts causés par les sangliers pendant la période pendant laquelle il est interdit de le chasser en forêt, ledit locataire continuerait à être responsable de ces dégâts, alors même qu'il se trouverait « dans l'impossibilité juridique » d'éviter ou de minimiser les dégâts par la chasse.

 Les parties demanderesses ajoutent que la période d'interdiction de la chasse au sanglier en forêt serait justement celle pendant laquelle les sangliers causeraient le plus de dégâts dans les champs où, il est vrai, la chasse resterait autorisée même pendant la période litigieuse, en relevant toutefois que du fait que les sangliers ne sortiraient généralement pas de la forêt pendant la journée et ne se rendraient dans les champs que pendant la nuit pour retourner en forêt à l'aube, le seul moyen pour un chasseur de tirer un sanglier pendant la période litigieuse serait de tirer sur lui à partir d'un mirador, du fait que la chasse au chien serait interdite du 1er avril au 17 octobre et du 31 janvier au 31 mars et ce, pendant la nuit, à savoir au moment où les sangliers se rendraient en plaine pour se nourrir dans les champs. Or, en application de l'article 10, alinéa 1er de la loi du 25 mai 2011, la chasse ne serait autorisée que pendant le jour, à savoir entre 1 heure avant le lever du soleil et 1 heure après le coucher du soleil. Il en résulterait ainsi de ces deux interdictions, à savoir celle de chasser le sanglier en forêt pendant la période allant du 29 février au 31 mars et celle de chasser pendant la nuit, une impossibilité pour le chasseur d'assurer son rôle de « régulateur », en le rendant toutefois responsable des dommages causés par les sangliers pendant la période en question, ce qui serait parfaitement injuste. La situation serait d'ailleurs d'autant plus inquiétante que le ministre de l'Environnement aurait lui-même admis, par une réponse datée du 30 octobre 2014 à une question parlementaire, qu'il existerait « une augmentation dramatique du nombre de sangliers et des dégâts causés par eux » au Luxembourg, de sorte qu'il y aurait lieu de « réduire le nombre de sangliers ». Il y aurait par conséquent lieu de constater une contradiction entre l'espoir exprimé par le ministre de l'Environnement dans sa réponse du 30 octobre 2014 de vouloir obtenir une réduction des populations de sangliers notamment avec l'aide des chasseurs et l'interdiction litigieuse, telle que figurant à l'article 5 a), point 6 du règlement grand-ducal du 9 mars 2015.

 Le délégué du gouvernement rétorque que, contrairement à l'argumentation développée par les parties demanderesses à l'appui de leur premier moyen en droit, la chasse en elle-même ne serait pas d'intérêt général, en soulignant que l'article 2 de la loi du 25 mai 2011 édicterait simplement que « l'exercice de la chasse doit répondre à l'intérêt général », ce qui ne signifierait pas la même chose.

 Le représentant gouvernemental soutient en outre que les parties demanderesses auraient tort d'invoquer une violation de l'article 7 de la loi du 25 mai 2011, en relevant que seul l'article 9 de ladite loi aurait servi de base légale au règlement grand-ducal sous examen du 9 mars 2015, à l'exclusion de toute autre disposition figurant dans la même loi, et notamment de l'article 7 de celle-ci, de sorte que le moyen devrait être rejeté comme n'étant pas fondé en ce qu'il vise également une violation tirée de l'article 7 de la loi du 25 mai 2011.

 Le délégué du gouvernement tient encore à préciser que le règlement grand-ducal litigieux ne règlerait l'ouverture de la chasse que pour l'année cynégétique 2015/2016, c'est-à-dire pour la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, de sorte que sa durée serait ainsi limitée à un an. Ainsi, un nouveau règlement grand-ducal devrait être pris pour l'année cynégétique 2016/2017 devant débuter en date du 1er avril 2016. Il se réfère encore à l'exposé des motifs du règlement grand-ducal sous examen dont il ressortirait que l'interdiction de la chasse au renard, ainsi que la période de quiétude en forêt en ce qui concerne la chasse au sanglier seraient réévaluées après « une période d'essai ».

 En premier lieu, et en se référant au commentaire de l'article 5 du règlement grand-ducal du 9 mars 2015, à une brochure intitulée « Füchse in Luxemburg » éditée par l'administration de la Nature et des Forêts du ministère du Développement durable et des Infrastructures en l'année 2011, à un article intitulé « Poisoning for production : how effective is fox baiting in south-eastern Australia ? », signé par Matthew N. Gentle, Glen R. Saunders et Chris R. Dickman et publié à la « Mammal Rev. 2007, Volume 37, No. 3 », à la « Stellungnahme zur Position der FSHCL zur beabsichtigten Einstellung der Fuchsjagd in Luxemburg » du Dr. Thomas Kaphegyi du 15 janvier 2015, à un article du Dr Thomas Romig, figurant dans la brochure « Füchse in Luxemburg » précitée, à des graphiques figurant dans le mémoire en réponse gouvernemental, émanant de l'administration des services vétérinaires, à un article du Dr Petra Kern et du Prof. Dr. Peter Kern, figurant également dans la brochure précitée « Füchse in Luxemburg », au propos tenu par le Dr. Thomas Kaphegyi lors de la réunion du Conseil supérieur de la chasse du 25 septembre 2014, à une réponse du ministre de la Santé du 9 février 2015 à une question parlementaire n° 844 de Monsieur le député (...) concernant Echinococcus multilocularis, et à une analyse de la présentation effectuée par Monsieur (...) envoyée par la Fédération aux membres de la commission parlementaire des pétitions dans le contexte d'un débat parlementaire, signée par Dr Laurent Schley, en sa qualité de directeur adjoint de l'administration de la Nature et des Forêts, le délégué du gouvernement soutient que la chasse au renard ne pourrait avoir pour effet de baisser significativement la quantité de ceux-ci qu'à condition d'engager des moyens importants « pas conciliables avec des standards éthiques de notre culture », ce qui risquerait encore de ne pas avoir le résultat voulu puisque « l'espèce renard est très adaptative et compense des réductions de la population avec des taux de reproduction supérieurs ».

 

Le représentant gouvernemental précise en outre que l'urbanisation du renard ne pourrait pas non plus être freinée par la chasse au renard et que même une chasse intensive au renard ne saurait avoir qu'un impact très limité dans le temps sur la taille des populations, en raison d'une reproduction accrue et de la migration des renards des régions voisines, étant entendu que la densité des renards serait essentiellement limitée par la capacité d'accueil du milieu, à savoir par la disponibilité en nourriture et en espace, de sorte que plus la densité des renards serait forte, moins les renardes ne se reproduiraient.

 Le délégué du gouvernement est encore d'avis que la chasse au renard, telle que pratiquée au Luxembourg, ne pourrait avoir un effet régulateur important sur les populations de renards, en soulignant que, dans le passé, la chasse au renard n'aurait pas pu garantir la protection de la petite faune et la prévention d'épizooties, en soutenant à cet égard que même en temps de rage, la chasse n'aurait en aucune façon permis de limiter la transmission de la maladie voire de l'arrêter.

 Le représentant gouvernemental estime par ailleurs que la chasse au renard ne serait pas efficace pour la conservation d'espèces sur des grandes surfaces et que la chasse au renard ne serait pas un moyen adéquat pour réduire le risque d'infection pour les zoonoses, telle que l'échinococcose ou la rage, alors que non seulement l'élimination des renards ne serait non seulement une opération couteuse et inefficace, mais qu'elle risquerait au contraire une aggravation de la situation. En outre, l'affirmation suivant laquelle l'échinococcose se serait rapidement développée ces dernières années sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, serait démentie par les graphiques produits par le mémoire en réponse, et il ressortirait des informations disponibles que l'échinococcose alvéolaire serait une maladie extrêmement rare avec 0,01 – 0,03 nouveaux cas par 100.000 habitants par année, de sorte que le risque de contracter cette maladie serait petit, du fait qu'il faudrait avaler les œufs frais se trouvant dans les excréments de renards voire d'animaux domestiques et surtout de chiens ayant été infectés, pour que la maladie puisse être transmise à l'homme. Ainsi, le seul moyen efficace pour réduire le nombre de cas de maladie serait de communiquer les consignes d'hygiène élémentaires aux personnes à risque, le délégué du gouvernement signalant à cet égard que seulement deux cas d'infection de cette maladie à déclaration obligatoire auraient été détectés et reportés dans la période allant de l'année 2009 à l'année 2013. Il existerait par ailleurs une séparation entre les renards urbains et les renards ruraux du fait de former deux populations différentes ayant très peu de contacts entre eux, de sorte que même une éventuelle réduction du nombre de renards ruraux pourrait à peine avoir un effet régulateur sur les renards urbains qui risqueraient eux aussi d'être infectés par l'échinococcose alvéolaire, le délégué du gouvernement rappelant dans ce contexte que la chasse en milieu urbain est interdite en application de l'article 7, point b) de la loi du 25 mai 2011. Il précise que le renard serait par ailleurs bénéfique, du fait de consommer des rongeurs en grand nombre, en limitant ainsi la transmission du virus Hanta. D'une manière générale, le seul moyen d'éviter une diminution du milieu de vie des autres espèces, voire d'espèces qui sont déjà à l'heure actuelle menacées d'extinction, serait de procéder temporairement à une chasse intensive des prédateurs, à savoir le renard, ce qui demanderait des efforts de réduction extrêmement intenses ainsi que l'utilisation de méthodes qui ne correspondraient pas aux pratiques de la chasse habituelle voire telle qu'autorisée au Luxembourg. Ainsi, les campagnes de décimation ayant eu lieu au cours des dernières décennies du nombre de renards n'auraient manifestement pas été en mesure de baisser la population de renards en-dessous du seuil de la densité critique pour enrayer la transmission de la rage.

 En ce qui concerne la disparition des oiseaux nichant au sol, le délégué du gouvernement souligne que celle-ci ne serait pas due aux renards, mais résulterait de plusieurs facteurs dont notamment la disparition des habitats de ces espèces, de sorte que les efforts de réduction des prédateurs devraient être considérés comme un mauvais investissement en temps et en ressources surtout si, en même temps, il n'y aurait pas eu d'amélioration significative des habitats, en rappelant que l'augmentation des populations de renards, après l'élimination de la rage vulpine, n'aurait pas conduit à des problèmes importants, de sorte qu'on ne pourrait pas parler de véritable « problème des renards », dont les effectifs seraient d'ailleurs de nature à subir de fortes fluctuations d'année en année. Ainsi, un suivi des populations de renards n'aurait pas été considéré comme constituant une priorité expliquant ainsi l'absence de chiffres quant au nombre de renards existant au moment ou peu avant l'entrée en vigueur du règlement grand-ducal litigieux.

 En deuxième lieu, et quant à l'instauration d'une période de quiétude en forêt concernant plus particulièrement l'interdiction de la chasse au sanglier en forêt pendant une période de 6 semaines, allant du 29 février au 16 avril d'une même année, le délégué du gouvernement estime qu'une telle période de quiétude s'imposerait, au début du printemps, du fait que cette période serait « très délicate pour la plupart des animaux en forêt », en ce que la faune sauvage reprendrait à cette période un cycle plus actif notamment en matière de reproduction. Ainsi, la quiétude ainsi imposée serait bénéfique notamment pour les oiseaux nicheurs en forêt qui, du fait de débuter leur comportement territorial à cette période de l'année, seraient particulièrement sensibles à tout dérangement. Par ailleurs, la mesure ainsi contenue au règlement grand-ducal du 9 mars 2015 serait conforme à l'objectif poursuivi par l'article 2 de la loi du 25 mai 2011, en ce que celui-ci aurait pour objet de contribuer à garantir la pérennité de la faune et de la flore sauvages et de leurs habitats naturels, de sorte que toute critique de la part des parties demanderesses quant au non-respect de l'intérêt général par le pouvoir règlementaire serait à rejeter. Quant aux critiques émises par les parties demanderesses suivant lesquelles, du fait de la mesure ainsi imposée, il ne serait pas possible de contrecarrer les dégâts que les sangliers seraient susceptibles de causer aux cultures agricoles, le délégué du gouvernement relève que l'interdiction ainsi décidée par le règlement grand-ducal sous examen concernerait la seule chasse en forêt, de sorte que la chasse en plaine resterait ouverte. Le représentant gouvernemental conteste par ailleurs l'affirmation émise par les parties demanderesses suivant laquelle ce serait justement entre le 29 février et le 16 avril que les champs subiraient le plus de dégâts causés par les sangliers. Le délégué du gouvernement précise encore qu'au cours des mois de mars et avril, un nombre moins élevé de sangliers serait tiré, ce qui serait dû au fait que les chasseurs souhaiteraient éviter tirer sur des femelles « suitées ou en fin de gestation ». Il conteste encore l'existence de toute restriction de nature à entraver les chasseurs à remplir leurs obligations en vertu de la loi du 25 mai 2011.

 D'une manière générale, le délégué du gouvernement conteste que le pouvoir règlementaire aurait poursuivi des buts d'ordre idéologique voire politique, en soutenant que les objectifs poursuivis par le règlement grand-ducal sous examen seraient en conformité avec l'intérêt général.

 

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses persistent dans leurs conclusions suivant lesquelles l'Etat resterait en défaut de démontrer en quoi l'interdiction de la chasse au renard serait de nature à servir l'intérêt général. Elles ajoutent que contrairement aux conclusions du délégué du gouvernement, l'article 7 de la loi du 25 mai 2011 devrait également être pris en considération dans le cadre de l'examen de la légalité de l'interdiction de la chasse au renard, telle que prévue par le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, malgré le fait que celui-ci ne mentionne comme base légale que l'article 9 de la loi en question, du fait que l'article 7 figurerait dans une norme d'un degré supérieur au règlement grand-ducal, de sorte que ce dernier devrait également être conforme à l'article 7 en question. Elles auraient partant valablement pu invoquer un moyen tiré d'une violation de l'article 7 de la loi du 25 mai 2011, disposant que l'exercice du droit de chasse pourrait seulement être interdit « pour des raisons d'intérêt général ».

 Les parties demanderesses se réfèrent encore à l'avis de la Chambre d'agriculture du 23 février 2015 faisant état des problèmes que causeraient les renards aux agriculteurs qui, du fait que le piégeage serait interdit au Luxembourg, n'auraient d'autre possibilité de se protéger contre l'invasion et la prédation du renard ainsi que contre la transmission de maladies à leurs cheptels qu'en procédant à la chasse au renard.

 Par ailleurs, les parties demanderesses soutiennent que l'analyse critique effectuée par le Dr. Laurent Schley quant aux conclusions de Monsieur (...) ne serait basée sur aucune argumentation scientifique vérifiable et qu'il contesterait à tort l'objectivité de l'exposé de Monsieur (...).

 Les parties demanderesses reprochent à nouveau au gouvernement de ne pas avoir procédé à une évaluation de la situation de départ des populations des renards au Luxembourg avant la prise d'effet du règlement grand-ducal sous examen et de ne pas s'être donné des critères pour justifier son interdiction de la chasse au renard. Ainsi, et de ce fait, aucune conclusion scientifiquement valable ne pourrait être tirée de l'interdiction de la chasse au renard pendant la période litigieuse, ce qui établirait « une nouvelle fois » que la décision litigieuse serait « purement idéologique ».

 Les parties demanderesses constatent que l'Etat ne contesterait ni l'existence d'un impact de la chasse au renard sur la taille des populations ni l'existence d'un effet régulateur de la chasse, en ce que le délégué du gouvernement aurait relevé « un impact très limité sur la densité de renards » du fait de la chasse à ceux-ci. Ainsi, contrairement à la position gouvernementale, les parties demanderesses soutiennent que la chasse au renard permettrait de limiter de façon sensible la taille des populations de renards et elle présenterait de ce fait un effet régulateur efficace entraînant une protection adéquate contre des maladies graves telles que les zoonoses.

 Elles contestent encore que les réductions de la population de renards seraient compensées par les migrations de renards des régions avoisinantes, au motif que ce phénomène serait « inexistant » si, pour la région donnée, la politique de réduction serait partout la même. Il y aurait partant lieu d'en conclure que la chasse aurait un impact réel et considérable sur la densité des renards. Elles ajoutent dans ce contexte que l'Etat n'établirait en aucune façon son affirmation suivant laquelle les populations de renards « ruraux » et « urbains » ne se mélangeraient pas. Il serait partant impossible de catégoriser les renards en deux populations différentes, d'autant plus qu'il existerait un risque pour les humains ainsi que pour les animaux domestiques que les renards « des forêts » entreraient dans les villages.

 Quant au risque de la transmission d'épizooties à l'homme, les parties demanderesses soutiennent que les études auxquelles s'est référé le délégué du gouvernement dans le cadre de son mémoire en réponse ne seraient pas de nature à évaluer l'impact d'une augmentation de la population des renards suite à l'arrêt de toute régulation des populations en question. Ainsi, ces études ne seraient pas de nature à contrecarrer la crainte exprimée par elles quant aux problèmes qui risqueraient d'être causés par les renards qu'elles estiment être d'autant plus importants si leur population augmente. En ce qui concerne la recommandation étatique ayant trait à de simples mesures hygiéniques à proposer à la population humaine afin d'éviter ainsi toute contamination avec des maladies qui risqueraient d'être transportées notamment par les renards, les parties demanderesses soutiennent que ces mesures seraient souvent impossibles à réaliser, voire illusoires, en relevant que bon nombre de citoyens ignoreraient l'existence de maladies graves telles que les zoonoses, voire n'auraient pas la possibilité, dans un laps de temps assez court après la contamination, de se laver les mains. Elles soutiennent dans ce contexte que les œufs des échinocoques pourraient survivre pendant des mois voire des années dans la terre voire sur des plantes et dans l'eau et pourraient rester infectieux pour l'homme, sans que celui-ci ne se rende compte d'être entré en contact avec les œufs en question, de sorte que la chasse au renard occuperait un rôle central dans la lutte et la protection contre l'échinococcose alvéolaire et que l'interdiction de la chasse au renard aurait des conséquences graves en matière de santé publique, d'autant plus que l'échinococcose se développerait rapidement sur le territoire luxembourgeois. Les parties demanderesses contestent en outre l'information communiquée par le délégué du gouvernement suivant laquelle il y aurait seulement eu deux cas d'infection à l'échinococcose pendant la période allant de l'année 2009 à l'année 2013, en émettant l'hypothèse que tous les cas de cette maladie n'auraient pas été déclarés. Elles font dans ce contexte état de ce que le temps d'incubation de la maladie se situerait entre 5 et 10 ans et que l'infection évoluerait de façon progressive, tout en ajoutant que le diagnostic de la majorité des patients aurait été effectué à l'étranger, de même que le traitement de la maladie. Ainsi, et de ce fait, la plupart des cas ne se retrouverait pas dans les statistiques nationales, de sorte qu'il y aurait lieu de supposer qu'il existerait « plus de cas au Luxembourg que les deux détectés et reportés entre 2009 et 2013 ».

 Contrairement aux développements gouvernementaux, les parties demanderesses soutiennent que le renard constituerait un réel danger pour les espèces nichant au sol, en se référant par ailleurs à la politique poursuivie par la « Landesregierung » du Saarland qui aurait « clairement opté en faveur de la chasse au renard ».

 En deuxième lieu, du fait que le chasseur s'installerait dans un mirador, il n'aurait comme but que de faire le moins de bruit possible, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de porter atteinte à la période de quiétude voulue par le pouvoir exécutif. En outre, les parties demanderesses reconnaissent que pendant les six semaines litigieuses, telles que visées par le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, les activités de chasse seraient « très rares » et elles se résumeraient « à quelques rares interventions pour endiguer des dégâts débordants », de sorte que l'argumentation étatique ne serait « ni pertinente ni concluante ».

 Pour le surplus, les parties demanderesses soutiennent que la mesure ainsi décidée par le gouvernement serait tout à fait « inefficace » quant à la limitation des dégâts en milieu ouvert, en rappelant que les sangliers ne sortiraient généralement pas de la forêt pendant la journée mais se rendraient dans les champs uniquement au cours de la nuit. Or, l'article 10 de la loi du 25 mai 2011 n'autoriserait la chasse que pendant le jour, de sorte qu'il existerait ainsi une impossibilité d'exercer la chasse au sanglier entre le 29 février et le 16 avril, et ce, d'une manière générale. Ceci serait toutefois d'autant plus injuste que même pendant cette période, le chasseur resterait responsable des dégâts causés par les sangliers au cours de la période de quiétude en question. 

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement fait tout d'abord état de ce que les affirmations des parties demanderesses ne reposeraient sur aucune preuve scientifique et qu'il s'agirait partant de simples allégations non autrement étayées. Il conteste par ailleurs la sériosité du rapport de Monsieur Wim Knol, en se référant, à nouveau, au commentaire y afférent du Dr Laurent Schley qui, en sa qualité de fonctionnaire d'Etat, devrait être considéré comme disposant non seulement des compétences scientifiques requises, mais également de l'impartialité nécessaire pour effectuer une telle étude.

 Le représentant gouvernemental critique encore le contenu de l'avis de la Chambre d'agriculture auquel se sont référées les parties demanderesses, pour soutenir que celui-ci n'indiquerait pas les références voire des rapports d'expert sur lesquels il s'est basé, ce qui lui enlèverait ainsi toute valeur scientifique.

De même que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient à nouveau que l'article 7 de la loi du 25 mai 2011 aurait pour seul objet d'interdire voire de limiter la chasse « dans un laps de temps ou dans un endroit déterminé », en visant ainsi des cas exceptionnels, de sorte qu'il y aurait lieu d'en conclure que cet article n'aurait pas pu se trouver à la base du règlement grand-ducal du 9 mars 2015, puisque son objectif serait différent de l'article 9 dans le cadre duquel le règlement litigieux a été pris.

 Ensuite, du fait que la chair du renard ne serait pas consommée au Luxembourg, que sa fourrure ne serait utilisée que de manière très marginale et qu'il ne causerait pas des dégâts à l'agriculture ou à la sylviculture, le délégué du gouvernement soutient qu'il n'existerait aucune justification d'autoriser la chasse au renard et il s'interroge ainsi sur l'utilité de tirer 3.000 renards « pour ensuite les jeter à la poubelle ».

 En ce qui concerne l'échinococcose alvéolaire, le délégué du gouvernement soutient que non seulement la contamination par des êtres humains serait très rare et que même au cas où une telle contamination se produirait, un traitement médical existerait de nos jours, de sorte à réduire les cas de mortalité chez les humains qui seraient en réalité « extrêmement rares ». En outre, il attire l'attention sur le fait que la répartition géographique historique du parasite aurait connu une expansion géographique massive à travers l'Europe pendant les 30 dernières années et que cette expansion serait d'ailleurs toujours en cours. De même, au cours de la période allant de l'année 1985 à l'année 2000, le renard roux aurait augmenté ses populations dans une grande partie de l'Europe, donc également au Luxembourg ainsi que dans les pays limitrophes, et cette augmentation de la population aurait été le résultat de campagnes de vaccinations des renards contre la rage en Europe de l'Ouest, résultant en la disparition de la rage en tant que facteur de mortalité des renards. Il y aurait encore lieu de noter que depuis une quinzaine d'années, les populations des renards semblent être en régression en Europe, et en même temps, le renard roux aurait pu coloniser depuis des décennies les villages et même les grandes villes en Europe. Il y aurait partant lieu de conclure à partir des éléments qui précèdent que l'expansion géographique de l'échinocoque « Echinococcus multilocularis » aurait augmenté ensemble avec l'augmentation des populations de renards, entraînant ainsi un risque plus élevé pour la santé humaine, alors même que celui-ci serait resté « infime ». Il faudrait partant également en tirer la conclusion que l'expansion géographique de l'échinocoque aurait augmenté de manière importante, malgré le fait que la chasse au renard roux était autorisée tout au long des années de ladite expansion ainsi que dans toute l'aire de répartition de la maladie, et ce, quasiment sans restrictions. En outre, il y aurait lieu d'en conclure que la chasse au renard roux n'aurait pas été de nature à réduire, voire à arrêter l'augmentation massive des populations de renards au cours de la période allant de l'année 1985 à l'année 2000. Au contraire, il y aurait lieu de constater que les évolutions à long terme des statistiques de tirs laisseraient plutôt supposer que les évolutions à long terme des populations de renards seraient influencées non pas par la chasse, mais par d'autres facteurs, comme l'aurait relevé Monsieur Nicolas Negretti dans un article publié dans la revue « Fëscher, Jeeër an Hondsfrënn », dans son numéro 2/2015, aux pages 21 à 23.

 En conclusion à ces développements, le délégué du gouvernement soutient que la chasse n'aurait donc empêché ni l'augmentation rapide des populations de renards en Europe entre 1980 et 2000 ni l'expansion géographique et l'augmentation en fréquence de l'échinocoque « Echinococcus multilocularis » entre 1990 et 2013.

 Il s'ensuivrait que le seul moyen de nature à donner de l'espoir en vue de la diminution de la prévalence de ce parasite sur une certaine surface constituerait un traitement régulier des renards avec des vermifuges, en relevant toutefois que cette approche serait « évidemment couteuse, nécessitant des ressources financières et humaines importantes à des intervalles de quelques semaines », sans que pour autant un tel traitement serait de nature à aboutir à une éradication complète du parasite en question.

 Le représentant gouvernemental constate encore que les parties demanderesses ne se seraient pas basées sur une étude scientifique sérieuse démontrant que la chasse au renard roux puisse avoir un effet de réduction sur une population de cette espèce de canidé, en supposant que le défaut de se baser sur une telle étude serait probablement la preuve qu'une telle étude n'existerait pas, car sinon elle aurait été versée par elles.

 Quant au risque de disparition des espèces nichant au sol, le délégué du gouvernement soutient qu'il ne serait aucunement démontré que la chasse au renard serait de nature à freiner ladite disparition, en soutenant que celle-ci aurait comme raison primaire l'agriculture qui aurait entraîné un appauvrissement des structures paysagères et des habitats de ces espèces, et ce, depuis les années 1980, en relevant par ailleurs que l'appauvrissement en question aurait eu lieu pendant une période pendant laquelle la chasse au renard était autorisée, de sorte qu'il y aurait lieu d'en conclure que l'effet de la chasse aux prédateurs n'aurait pas été à même de sauver lesdites espèces nichant au sol.

 En deuxième lieu, le délégué du gouvernement énumère, dans son mémoire en duplique, une liste d'oiseaux migrateurs nicheurs en forêt qui pourraient profiter des effets bénéfiques de la période de quiétude décidée par le règlement grand-ducal sous examen, en soutenant que toute présence humaine hors des sentiers, à l'aube et au crépuscule, serait susceptible de constituer une perturbation pour les espèces ainsi visées, qui serait de nature à entraîner une réduction du succès de reproduction des espèces en question, voire un abandon de leur territoire ou nid.

 Le représentant gouvernemental se réfère encore à une thèse portant sur les « effects of supplemental feeding on the body condition and reproductive state of wild boar Sus scrofa in Luxembourg », publiée par Madame (...) en 2008 à l'Université du Sussex, suivant laquelle un nombre moins élevé de sangliers serait tiré au cours des mois de mars et avril. Au vu de cette étude, le délégué du gouvernement vient à la conclusion qu'une grande partie des sangliers serait tiré lors des chasses en battue, qui seraient d'ailleurs de nature à avoir un impact plus important sur la population des sangliers, du fait que la population de ceux-ci serait ainsi réduite avant la période critique des dégâts, ainsi qu'avant leur reproduction.

 Finalement, le délégué du gouvernement rappelle qu'une évaluation de la situation tant de la population des renards que de celle des sangliers serait effectuée « après un an, à savoir à la fin de l'année cynégétique litigieuse », et ce, en considération de « tous les problèmes et doléances [qui ont pu être] répertoriés ». 

Il échet tout d'abord de constater, au vu des visas figurant dans le règlement grand-ducal du 9 mars 2015, que celui-ci trouve sa base légale habilitante dans l'article 9 de la loi du 25 mai 2011, suivant lequel « un règlement grand-ducal fixe pour une période déterminée, pour l'ensemble ou une partie du territoire, les dates de l'ouverture et de la fermeture de la chasse selon l'espèce, le type ou le sexe du gibier chassable et selon chaque mode et procédé de chasse, de même que les mesures de sécurité à respecter par les chasseurs et les tiers ».

 A part le fait que le règlement grand-ducal litigieux se réfère lui-même à l'article 9 de la loi du 25 mai 2011, à l'exclusion de toute autre disposition légale de nature à habiliter le pouvoir exécutif à prendre des règlements grand-ducaux sur base de la loi en question, il échet d'exclure, contrairement à l'argumentation développée par les parties  demanderesses, l'article 7 de la même loi comme base légale habilitante du règlement grand-ducal en question, étant donné que celui-ci prévoit, à son dernier alinéa, une interdiction générale du droit de chasse qui peut concerner tout ou partie du territoire national et être décrétée soit à durée illimitée soit à durée déterminée, objectifs qui ne sont pas poursuivis par le règlement grand-ducal sous examen. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter pour l'ensemble de ces raisons l'article 7 de la loi du 25 mai 2011 comme constituant également une base légale habilitante du règlement grand-ducal du 9 mars 2015.

 La base légale habilitante du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 étant ainsi clarifiée, il échet encore de rappeler que nonobstant les dispositions de l'article 2 de la loi du 25 mai 2011, l'exercice du pouvoir règlementaire doit toujours se faire dans l'intérêt général. Ainsi, s'il est vrai que le pouvoir exécutif a le droit de prendre des actes administratifs à caractère règlementaire de manière discrétionnaire, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent toujours être pris dans l'intérêt général qui doit pouvoir être vérifié à la lumière des motifs sur lesquels s'est basé ledit acte à caractère règlementaire, motifs que l'autorité administrative compétente doit faire connaître afin que le juge administratif soit mis en mesure de vérifier leur conformité notamment par rapport à l'intérêt général.

 A priori, les actes administratifs à caractère règlementaire sont censés être pris dans l'intérêt général, et il appartient partant à une partie intéressée qui s'estime lésée par un tel acte à démontrer que le but poursuivi par le pouvoir règlementaire est contraire à l'intérêt général. En effet, ce n'est qu'une fois établie une violation de l'intérêt général qu'un acte administratif à caractère réglementaire peut encourir l'annulation totale voire partielle. 

En l'espèce, il échet de constater que seules deux dispositions du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 sont actuellement critiquées par les parties demanderesses, à savoir tout d'abord l'article 5 du règlement grand-ducal en question, en ce que la chasse au renard n'y est pas énumérée, de sorte à être soumise à l'interdiction de principe figurant à l'article 4 du même règlement grand-ducal, ainsi que, plus particulièrement, l'article 5, a), point 6 dudit règlement grand-ducal, en ce que la chasse au sanglier est interdite dans les bois du 29 février au 31 mars, et ce, a contrario de la disposition règlementaire précitée au vu de l'interdiction de principe de l'article 4 précité. Il échet encore de relever qu'il ressort effectivement de l'exposé des motifs du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 que celui-ci contient deux modifications importantes par rapport au règlement grand-ducal ayant réglé l'ouverture de la chasse ayant précédé celui actuellement sous examen, en ce qu'il a été dans l'intention du pouvoir règlementaire d'« introduire une période de quiétude en forêt », de sorte que « la chasse au sanglier n'y commencera que le 16 avril et prendra fin le 29 février » et de suspendre « la chasse au renard (...) pour l'année cynégétique 2015/16 », avec la précision qu'« après une période d'essai, ces fermetures pourront être réévaluées ».

 L'interdiction de la chasse au sanglier dans les bois pendant la période du 29 février au 16 avril est d'ailleurs justifiée suivant le commentaire de l'article 5 du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 comme suit : « Les périodes d'ouverture proposées sont telles qu'elles respectent la biologie des différentes espèces, leur période de reproduction, de gestation et de dépendance. En outre est introduite, pour une première fois, une période de « repos » pour le gibier, sans chasse à l'exception de la chasse au sanglier dans les plaines pour permettre aux chasseurs d'agir en cas de dégâts aux cultures agricoles. Cette période de repos sera réévaluée après examen des résultats de tir. ». Il est en outre précisé audit commentaire de l'article 5 que « la chasse au sanglier en plaine reste ouverte pendant toute l'année, au vu des populations importantes et par conséquent des dégâts importants causés par cette espèce. Pour introduire une période de quiétude en forêt, la chasse au sanglier n'y commencera que le 16 avril et prendra fin le 29 février. La pression de chasse, relativement faible pendant cette période de l'année, sera concentrée en plaine. Combinée à la quiétude en forêt, celle-ci pourra avoir l'effet secondaire que les sangliers évitent les cultures agricoles ».

 

En ce qui concerne l'interdiction de la chasse au renard, le commentaire de l'article 5 du règlement grand-ducal sous examen précise que « La chasse au renard a été suspendue pour l'année cynégétique 2015/16. Avec l'éradication de la rage, les populations de renards ont certes augmenté significativement depuis, mais les tableaux de chasse ne font que baisser que depuis 1998 (de plus de 6.000 à moins de 3.000). L'utilisation des peaux de renards étant tombée en désuétude, ceci ne constitue plus un argument pour le chasser.

 Si la chasse aux renards visait à abaisser significativement la quantité de ceux-ci pour aider à protéger la biodiversité ou prévenir la transmission d'épizooties ce serait, d'après des experts (dont un était venu exposer ses recherches au Conseil supérieur de la chasse) seulement possible au niveau très local et avec des moyens bien supérieurs à ceux investis par la chasse actuelle et pas conciliables avec des standards éthiques de notre culture. En outre, l'espèce renard est très adaptative et compense des réductions de la population avec des taux de reproduction supérieurs.

 L'urbanisation du renard ne pourrait pas non plus être freinée par la chasse et la protection de poulaillers doit être la même n'importe la densité de renards.

 Il s'en suit la conclusion que la chasse au renard ne peut être poursuivie avec un but d'intérêt général ».

 Les parties demanderesses critiquent les motifs se trouvant ainsi à la base des deux dispositions règlementaires visées par elles, en soutenant que contrairement aux motifs invoqués par le pouvoir exécutif comme fondement des deux dispositions en question, ceux-ci iraient à l'encontre de l'intérêt général, de sorte qu'il y aurait lieu de procéder à une annulation partielle du règlement grand-ducal sous examen. 

En ce qui concerne le pouvoir du juge administratif en matière de recours introduit contre un acte administratif à caractère règlementaire, il échet de rappeler que son contrôle est limité à des aspects de légalité tirés de l'incompétence, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés ou encore de l'excès ou du détournement de pouvoir, à l'exclusion des considérations de l'opportunité de la mesure règlementaire prise par les autorités publiques compétentes. S'il est vrai que dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre une norme règlementaire, le juge a le droit et le devoir de vérifier l'existence matérielle des faits gisant à la base de la mesure contestée, ce contrôle ne saurait cependant s'étendre à des questions de pure opportunité politique de la mesure[3].

 Ainsi, le juge administratif ne saurait se livrer à une appréciation de la situation de fait gisant à la base des dispositions d'un règlement grand-ducal et de l'opportunité ou de la faculté à résoudre les problèmes des mesures prises audit règlement. Il n'appartient pas au juge de la légalité d'apprécier le bien-fondé de la pondération relative que le pouvoir règlementaire attribue aux considérations d'intérêt général par rapport aux intérêts des particuliers qui nécessairement sont susceptibles d'être atteints par une mesure d'ordre règlementaire[4]. Il lui appartient toutefois de vérifier si les motifs sur lesquels s'est basé le pouvoir exécutif lors de la prise d'un acte administratif à caractère règlementaire répondent à une finalité d'intérêt général, étant entendu que ce dernier constitue la mesure de toute action des autorités administratives. Ainsi, en vertu du principe de proportionnalité, les mesures que l'administration se propose de prendre doivent être dans la mesure de l'objectif poursuivi[5].

 Il échet encore de rappeler que le contrôle marginal de proportionnalité que le tribunal peut effectuer en matière de recours contre un acte règlementaire permet de s'assurer qu'il n'existe entre l'acte adopté et l'objectif poursuivi un rapport raisonnable de proportionnalité. Ce contrôle ne peut toutefois être poussé au point de trancher entre des intérêts opposés dans l'hypothèse où aucune règle de droit ne donne la primauté à l'un de ces intérêts, sous peine pour le tribunal d'empiéter sur le domaine de la pure opportunité politique[6].

S'il est encore vrai que le juge administratif est un juge « politique », en ce sens qu'il est appelé à juger les actes posés par le pouvoir politique, il n'en demeure pas moins que sa compétence, en tant que juge de l'annulation, est strictement limitée à l'aspect légal des décisions prises par le pouvoir politique, à l'exclusion des considérations d'opportunité, politiques ou autres, dont procèdent ces décisions. Ainsi, s'il est vrai qu'il sera, dans ce cadre, amené à vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement l'acte administratif attaqué, il ne saurait toutefois, sous peine de méconnaître le pouvoir d'appréciation de l'auteur de l'acte administratif attaqué, en ce que celui-ci dispose d'une marge d'appréciation, se placer tout simplement en lieu et place de l'administration et substituer son appréciation à celle de l'administration. Cependant, au cours du contrôle de l'application du droit aux éléments de fait, le juge de l'annulation est appelé à vérifier s'il n'en est résulté aucune erreur d'appréciation se résolvant en dépassement de la marge d'appréciation de l'auteur de l'acte administratif attaqué. Ce n'est que si la marge d'appréciation de l'auteur de la décision a été dépassée, notamment du chef d'une disproportion dans l'application de la règle de droit aux éléments de fait, que l'acte administratif déféré est critiquable et encourt l'annulation pour erreur manifeste d'appréciation. Ce faisant, le juge administratif laisse intact le pouvoir de décision politique et ne s'immisce pas dans l'appréciation de l'opportunité des mesures prises[7]. Le contrôle de légalité du juge de l'annulation s'analyse ainsi en contrôle de proportionnalité, et il ne sera amené à annuler l'acte administratif attaqué qu'au cas où l'autorité administrative a dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose, en constatant une disproportion dans l'application de la règle de droit aux éléments de fait, de sorte à résulter dans une erreur manifeste d'appréciation desdits éléments de fait[8].

 Il échet encore de rappeler que suivant l'article 2 de la loi du 25 mai 2011, « l'exercice de la chasse doit répondre à l'intérêt général », de sorte à ce que, comme il vient d'ailleurs d'être relevé ci-avant, toutes les mesures prises notamment par le pouvoir règlementaire doivent répondre à une finalité d'intérêt général. Il ne saurait toutefois en être conclu que la chasse en elle-même est dictée par l'intérêt général, un tel principe ne pouvant se dégager de la législation et de la règlementation applicables. Il s'ensuit que notamment les chasseurs, c'est-à-dire les personnes titulaires d'un permis de chasser valable délivré conformément aux articles 58 et suivants de la loi du 25 mai 2011, ne peuvent exercer leur droit de chasse qu'à partir du moment où ce dernier répond à l'intérêt général auquel il est ainsi fait référence à l'article 2 de la loi du 25 mai 2011. Il échet encore de rappeler que ledit intérêt général est en principe décidé par les pouvoirs publics voire politiques y habilités, de sorte qu'également en principe, comme il vient d'être rappelé ci-avant, leurs actes pris en conformité avec la législation voire la réglementation applicables, sont censés respecter ladite finalité d'intérêt général, sauf preuve contraire à rapporter par toute personne intéressée. 

Les parties demanderesses reprochent essentiellement au pouvoir exécutif de ne pas avoir démontré en quoi les dispositions litigieuses de la règlementation de la chasse seraient conformes à l'intérêt général. Or, et contrairement à l'argumentation ainsi développée par les parties demanderesses, la charge de la preuve leur revient, de sorte qu'il leur appartient de démontrer que les mesures prises par le pouvoir exécutif ne poursuivent pas une finalité d'intérêt général. 

 Les parties demanderesses font encore état, d'une manière générale, de « considérations idéologiques » qui auraient guidé le pouvoir exécutif lors de la prise des deux mesures litigieuses, en soutenant que ces considérations seraient contraires à l'intérêt général.

 A part le fait qu'à la base de toute politique se trouve toujours une idée, voire une idéologie, et que cette motivation à elle seule n'est pas critiquable et ne saurait de toute façon établir que pour ce seul motif une mesure d'ordre général prise par le pouvoir exécutif ne serait pas de nature à respecter l'intérêt général, il échet de constater, d'une manière générale, que le débat mené dans le cadre de l'instance sous examen constitue un débat d'ordre politique, au sens noble du terme, en ce que deux théories opposées s'affrontent, avec, à leur appui, des débats doctrinaux, voire des études de terrain avec chiffres à l'appui tant sur l'évolution des espèces directement ou indirectement concernées par la règlementation litigieuse que sur les maladies propagées par celles-ci. Or, comme il vient d'être rappelé ci-avant parmi les principes qui doivent guider le juge de l'annulation chargé de l'examen de la légalité d'un acte administratif à caractère règlementaire, il ne lui appartient pas de prendre position dans ce débat politique. Ceci étant précisé, il échet partant, à la suite de ce qui vient d'être dit ci-avant, de vérifier si les parties demanderesses ont soumis au tribunal des éléments permettant d'aboutir à la conclusion que le gouvernement a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits en agissant dans un but autre que celui de l'intérêt général.

 A cet effet, il échet de relever que les parties demanderesses reprochent au gouvernement, en ce qui concerne plus particulièrement l'interdiction de la chasse au renard pendant toute l'année cynégétique allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, que la mesure ainsi décidée serait de nature à entraîner une augmentation du nombre de renards, ainsi qu'une propagation importante de maladies contagieuses transportées par ceux-ci. En outre, elles craignent que l'augmentation de la population de renards pourrait avoir des conséquences quant aux autres espèces d'animaux, notamment celles qui seraient déjà à l'heure actuelle menacées d'extinction. Enfin, elles soutiennent que le fait d'interdire la chasse au renard enlèverait aux agriculteurs tout moyen de se défendre contre les renards, pour protéger leur cheptel.

 La partie défenderesse conclut au rejet des critiques qui lui sont ainsi adressées, en reprochant tout d'abord aux parties demanderesses de ne pas baser leur argumentation sur des études scientifiques, et en exposant, pour le surplus, que, même au cours de la période au cours de laquelle la chasse au renard avait été autorisée, le nombre de renards aurait augmenté, de sorte qu'il y aurait lieu d'en conclure que la chasse au renard ne serait pas de nature à réduire la population des renards, contrairement à ce qui serait exposé par les parties demanderesses. En outre, la partie défenderesse, en ce qui concerne la transmission de maladies portées par les renards, soutient que le risque de contamination de l'homme par ces maladies serait très réduit et pourrait d'ailleurs être évité par des mesures d'hygiène sanitaire. La partie défenderesse fait encore état de ce que la population de renards risquerait d'augmenter en cas de chasse, au vu du comportement reproductif des renards se sentant menacés. Enfin, et d'une manière générale, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que l'interdiction de la chasse au renard a été décidée pour la période d'un an seulement, de sorte qu'à l'expiration de chaque année cynégétique, il pourrait être décidé de modifier la mesure d'interdiction en question, au vu des résultats qui pourraient être constatés sur le terrain. Cette flexibilité permettrait ainsi de réagir rapidement à l'évolution tant de la population des renards que des maladies transportées par eux.

 Il échet tout d'abord de constater que les parties demanderesses se basent, à l'appui de leur argumentation, essentiellement sur un exposé de Monsieur (...), daté du 11 mai d'une année non autrement précisée, et qui consiste essentiellement en des mots clés qui semblent avoir servi de base à une présentation orale qui paraît avoir été adressée aux membres de la commission parlementaire des pétitions de la Chambre des Députés dans le cadre d'un débat qui semble avoir été projeté pour le 11 mai 2015. Or, il se dégage d'une prise de position du directeur adjoint de l'administration de la Nature et des Forêts du 8 mai 2015 que les conclusions auxquelles Monsieur (...) a abouti sont vivement critiquées. Ces critiques sont d'ailleurs confirmées par une prise de position du délégué du gouvernement adressée au greffe du tribunal administratif en date du 24 février 2016, avec une copie au mandataire des parties demanderesses. La partie défenderesse se réfère encore à une étude établie par Monsieur (...) ensemble avec deux autres auteurs, qui aurait été effectuée en l'année 2005 et publiée au cours du mois d'avril 2006, et portant sur la « Prädation bei Wiesenvögeln – Auf der Suche nach möglichen Effekten der Prädation auf den Wiesenvogelbestand », et plus particulièrement sur l'influence de la chasse au renard dans ce domaine, pour contredire l'argumentation développée par les parties demanderesses.

 

Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail des argumentations et théories développées par chacune des parties à l'instance, il échet de rappeler que deux théories différentes s'opposent, chacune des parties essayant de justifier la sienne par référence à des études, articles de presse voire avis émis par des personnes qui ont essayé de comprendre l'influence que la chasse pourrait avoir sur soit l'équilibre des espèces dans la nature soit la transmission de maladies. Dans le cadre de l'instance sous examen, comme il vient d'être relevé ci-avant, il n'appartient pas au tribunal de prendre position pour l'une ou l'autre de ces deux théories, mais d'examiner si les parties demanderesses ont pu établir que le gouvernement a commis une erreur manifeste d'appréciation en interdisant la chasse au renard pour l'intégralité d'une année cynégétique. Or, il échet de constater que la preuve d'une telle erreur n'a pas été rapportée, et ce, d'autant plus qu'il n'est pas contesté en cause, comme l'a relevé la partie défenderesse, qu'au cours de la période à laquelle la chasse au renard avait été autorisée, leur nombre ne cessait d'augmenter et le nombre de renards tirés diminuait. Ce constat à lui seul semble partant être de nature à contredire l'argumentation des parties demanderesses suivant laquelle seule la chasse au renard serait de nature à en diminuer la population. Dans le même ordre d'idées, la partie défenderesse a argumenté de manière crédible que la chasse au renard n'a pas été de nature à éviter la propagation de l'échinococcose et de la rage et que d'autres moyens devraient être utilisés pour combattre ces deux maladies. Il échet encore de préciser que du fait que l'interdiction de la chasse au renard n'était prévue que pour une seule année cynégétique, la mesure ainsi prise par le gouvernement peut, au cas où la politique ainsi poursuivie ne serait pas de nature à obtenir le résultat voulu, changer celle-ci de manière flexible d'année en année, en tenant compte des résultats sur le terrain. 

Il échet partant de conclure de l'ensemble de ces développements que ce premier reproche visant l'interdiction de la chasse au renard dirigé contre le règlement grand‑ducal du 9 mars 2015 est à rejeter pour ne pas être fondé. 

En ce qui concerne l'interdiction de la chasse au sanglier dans les bois au cours de la période allant du 29 février au 31 mars, il échet de relever que les parties demanderesses critiquent cette mesure en substance du fait que pendant la période en question, il ne serait partant pas possible de chasser le sanglier, malgré le fait que celui-ci serait à l'origine de nombreux dégâts dans les champs des agriculteurs pendant cette même période, alors que du fait que le sanglier ne sortirait des forêts que pendant la nuit et que la chasse serait d'une manière générale interdite au cours de la nuit, le fait que la chasse au sanglier serait autorisée dans la plaine pendant ce temps ne serait pas de nature à remédier aux problèmes ainsi soulevés. 

Le délégué du gouvernement soutient tout d'abord que l'objet de l'interdiction de la chasse en forêt pendant la période litigieuse allant du 29 février au 16 avril, en ce qui concerne les sangliers, aurait pour objet d'assurer une période de quiétude au début du printemps, au cours de laquelle la faune sauvage reprendrait son cycle plus actif notamment de la reproduction. Ainsi, une telle période de quiétude serait bénéfique notamment aux oiseaux nicheurs en forêt qui seraient particulièrement sensibles à tout dérangement.

 Il se dégage en substance des développements de la partie défenderesse que celle‑ci a dû procéder à une mise en balance entre l'intérêt de chasser le sanglier en forêt pendant la période litigieuse afin de réduire le cas échéant les dégâts que ceux-ci risquent de causer aux champs et l'intérêt de protéger la reproduction de certaines espèces de la faune au cours de la période en question. A partir de cette mise en balance, s'est dégagée la conclusion que pendant la période en question, il était plus important de protéger le cycle de reproduction de certaines espèces de la faune, quitte à prendre le risque que pendant cette période, moins de sangliers puissent être abattus avec comme corolaire une éventuelle augmentation des dégâts dans les champs pendant la période en question. Cette mise en balance a encore été justifiée par la partie défenderesse, suivant ses propres développements, par la circonstance que la majorité des sangliers serait abattue au cours des battues organisées au cours de l'automne et que le nombre de sangliers abattus au cours de la période litigieuse allant du 29 février au 16 avril serait réduit par rapport au reste de l'année, ce qui est par ailleurs confirmé par les parties demanderesses. Cette mise en balance résulte nécessairement d'un choix politique décidé par le pouvoir exécutif, choix politique qui peut à l'issue de chacune des années cynégétiques être remis en question, au vu des expériences passées. Or, en l'espèce, s'il est vrai que les parties demanderesses ne sont pas d'accord avec le choix politique ainsi décidé par le pouvoir exécutif, elles n'ont toutefois pas soumis au tribunal des éléments permettant de conclure à une erreur manifeste d'appréciation des faits se trouvant à la base des dispositions réglementaires attaquées par elles dans le cadre de la présente instance. Il échet dans ce contexte de relever qu'ici également, comme cela a déjà été retenu quant au volet du recours ayant trait à l'interdiction de la chasse au renard, les parties demanderesses, qui  ne se sont pas référées à des études scientifiques ou autres avis d'experts à ce sujet, ont développé un raisonnement qui, s'il peut être considéré comme étant cohérent et plausible, s'oppose à un raisonnement tout aussi cohérent et plausible sur lequel s'est basé le pouvoir exécutif pour prendre les mesure litigieuses.

 Il échet partant de conclure de ces développements que les parties demanderesses n'ont pas établi une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'interdiction de la chasse au sanglier dans les bois pendant la période allant du 29 février au 31 mars et le moyen afférent est à rejeter dans cette mesure.

 En deuxième lieu, les parties demanderesses reprochent au pouvoir réglementaire d'avoir violé le principe de proportionnalité en interdisant, par les articles 4 et 5 du règlement grand-ducal du 9 mars 2015, la chasse au renard ainsi que la chasse au sanglier dans les bois entre le 29 février et le 31 mars. Elles estiment à cet effet qu'il n'existerait pas de liens raisonnables entre la limitation de la chasse au sanglier ainsi que l'interdiction de la chasse au renard par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi par la réglementation critiquée.

 Les parties demanderesses font état dans ce contexte du fait que ce ne seraient pas les chasseurs qui dérangeraient la quiétude en forêt, mais que celle-ci serait perturbée par d'autres usagers de la forêt auxquels la réglementation sous examen ne serait pas applicable. Elles en concluent que les mesures ainsi édictées ne seraient pas de nature à apporter la quiétude souhaitée en forêt, de sorte qu'il y aurait violation du principe de proportionnalité. Il en serait d'ailleurs de même de l'interdiction de la chasse au renard pendant toute l'année cynégétique, alors qu'une telle interdiction ne serait pas bénéfique pour l'intérêt général.

 Il échet tout d'abord de rappeler qu'en vertu du principe de proportionnalité, les mesures que l'administration se propose de prendre doivent être dans la mesure de l'objectif poursuivi. Le contrôle marginal de proportionnalité que le tribunal peut effectuer en matière de recours contre un acte règlementaire permet de s'assurer qu'il existe entre l'acte adopté et l'objectif poursuivi un rapport raisonnable de proportionnalité. Ce contrôle ne peut toutefois être poussé au point de trancher entre des intérêts opposés dans l'hypothèse où aucune règle de droit ne donne la primauté à l'un de ces intérêts, sous peine pour le tribunal d'empiéter sur le domaine de la pure opportunité politique[9]. 

 C'est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce deuxième moyen, étant donné, comme il vient d'être relevé ci-avant, que le fait de donner la priorité à l'une de ces deux théories amènerait le tribunal à prendre une décision d'opportunité politique qui ne serait pas de sa compétence. Au-delà de ces considérations, il échet de retenir que le tribunal n'a pas relevé des éléments permettant de conclure à une disproportion manifeste au sujet des deux dispositions réglementaires critiquées dans le cadre de la présente instance, de sorte que ce deuxième moyen est également à rejeter pour ne pas être fondé.

 En troisième lieu, les parties demanderesses critiquent les mesures règlementaires sous examen du fait de violer le principe de précaution, en ce que celles-ci auraient des conséquences « hautement dangereuses », en raison du risque accru de la transmission de l'échinococcose alvéolaire, de sorte que ce serait avec une « insouciance manifeste » que le gouvernement accepterait de manière délibérée la propagation de cette maladie et ce, de manière incontrôlée.

 Nonobstant le fait que la partie défenderesse n'a pas pris position par rapport à ce troisième moyen, il échet de rejeter celui-ci comme n'étant pas fondé, en considération, d'une part, de ce que, comme il vient d'être constaté ci-avant, aucune erreur manifeste d'appréciation et aucune disproportion manifeste n'ont pu être retenues par le tribunal au sujet de la prise des mesures réglementaires litigieuses par le gouvernement, et, d'autre part, de ce que suivant les explications non valablement contestées par les parties demanderesses, le risque de transmission de ladite infection aux êtres humains voire à leurs animaux domestiques est assez réduit et peut même être réduit davantage moyennant le respect de simples mesures d'hygiène qui, suivant les explications également non contestées des parties demanderesses, ont été communiquées et continuent à être communiquées au grand public sur base de moyens qui peuvent être considérés comme étant appropriés.

 Enfin, et en quatrième lieu, les parties demanderesses critiquent les mesures litigieuses pour violation de l'article 10bis (1) de la Constitution, en ce que les chasseurs seraient traités de manière différente des autres usagers de la forêt qui se trouveraient dans la même situation. Elles soutiennent dans ce contexte qu'une telle différenciation de traitement ne serait aucunement justifiée par des considérations objectives, de sorte qu'elle devrait être considérée comme étant discriminatoire. Ainsi, plus particulièrement, les parties demanderesses soutiennent, en ce qui concerne l'instauration d'une période de quiétude en forêt, que les chasseurs seraient discriminés par rapport à d'autres usagers de la forêt, à savoir les cyclistes, les randonneurs avec ou sans chien, les coureurs à pied et les géocachers, en ce que l'Etat n'aurait pas limité voire interdit l'exercice de ces autres activités en forêt pendant la période litigieuse allant du 29 février au 31 mars, de sorte que l'objectif poursuivi par le règlement grand-ducal sous examen ne saurait être atteint du fait que les autres dérangements susceptibles de nuire aux oiseaux nicheurs n'auraient pas été interdits.  

 Les parties demanderesses déclarent ne pas partager l'opinion gouvernementale suivant laquelle la chasse serait de nature à nuire à la pérennité de la faune et de la flore sauvages, en soutenant qu'il n'existerait aucune preuve afférente, alors qu'au contraire les autres utilisateurs de la forêt, tels que les randonneurs ou les cyclistes, auraient un impact beaucoup plus important et surtout plus fréquent sur la faune et la flore en question. Il ne saurait partant être retenu que le règlement grand-ducal du 9 mars 2015 serait conforme au principe d'égalité devant la loi tel qu'il est prévu à l'article 10bis de la Constitution.

 Enfin, les chasseurs s'estiment par ailleurs défavorisés par rapport à ces autres catégories d'usagers de la forêt, en soutenant qu'ils seraient les seuls à devoir observer une période de quiétude en forêt et que celle-ci ne pourrait être garantie qu'à partir du moment où tous les usagers de la forêt seraient soumis au même régime. 

Le délégué du gouvernement rétorque que les activités exercées dans la forêt par les autres usagers, tels que visés par les parties demanderesses, seraient réglées par d'autres dispositions légales et réglementaires, et que ceux-ci seraient tenus au respect de certaines règles telles que se dégageant de la législation applicable, lorsqu'ils se promènent voire circulent de toute autre manière en forêt. Les chasseurs ne sauraient partant se plaindre d'une quelconque violation du principe d'égalité devant la loi.

 L'article 10bis de la Constitution dispose à son paragraphe (1) comme suit : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

 Le principe constitutionnel de l'égalité devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise ne s'entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d'égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée[10]. 

Dans le cadre de l'analyse à laquelle le tribunal est amené à procéder afin d'examiner si les dispositions critiquées du règlement grand-ducal du 9 mars 2015 sont de nature à violer l'article 10bis, paragraphe (1) de la Constitution, il échet tout d'abord de vérifier si les chasseurs se trouvent dans la même situation de fait et de droit que les autres personnes par eux visées, à savoir les autres usagers de la forêt.

 Or, il échet de constater, ensemble avec le délégué du gouvernement, qu'alors que les chasseurs tombent sous le champ d'application de la loi du 25 mai 2011, les autres usagers de la forêt, y compris d'ailleurs les chasseurs eux-mêmes pour les activités autres que celles ayant trait à la chasse, tombent sous d'autres dispositions légales, à savoir celles résultant notamment de la loi relative aux chiens, ainsi que de la loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, imposant des limitations quant à l'usage de la forêt par des personnes autres que les propriétaires de celle-ci. Il échet d'ajouter que le rôle et les activités du chasseur sont manifestement différentes de ceux des autres usagers de la forêt et que les objectifs poursuivis par leur activité dans la nature diffèrent manifestement de ceux des autres personnes visées par eux. Il ne saurait partant être question de ce que les chasseurs se trouveraient, dans ce contexte, dans la même situation de droit et de fait que les autres usagers de la forêt, de sorte que la première condition à remplir pour examiner s'il y a une éventuelle violation du principe d'égalité devant la loi, telle que prévue à l'article 10bis de la Constitution, ne se trouve pas être remplie en l'espèce, de sorte à ce que ce moyen est également à rejeter comme n'étant pas fondé, sans qu'il y ait lieu d'examiner si les autres conditions afférentes sont remplies, étant entendu que les conditions sont cumulatives. 

Aucun autre moyen n'ayant été soulevé en cause, le recours sous examen est à rejeter dans son intégralité comme n'étant pas fondé.

 

Par ces motifs,

 

le tribunal administratif, première chambre, statuant à l'égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les parties demanderesses aux frais. 

 

Ainsi jugé par :

 

Carlo Schockweiler,  premier vice-président,

Olivier Poos, juge,

Michèle Stoffel, juge,

 

et lu à l'audience publique du 6 juin 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

 

 

s. Marc Warken                                                                     s. Carlo Schockweiler

Reproduction certifiée conforme à l'original

Luxembourg, le 06/06/2016

Le Greffier du Tribunal administratif

 

 

[1] trib. adm. 15 mai 2002, n° 14420 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 27 et autres références y citées

[2] trib. adm. 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, ibidem

[3] Cour adm. 12 décembre 1998, n° 10452C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes règlementaires (recours contre les), n° 21 et autres références y citées

[4] Cour adm. 29 novembre 2001, n° 13357C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes règlementaires (recours contre les), n° 22

[5] trib. adm. 26 septembre 2001, n° 11992 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes règlementaires (recours contre les), n° 22 et autres références y citées  

[6] trib. adm. 25 juin 2007, n° 20976a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes règlementaires (recours contre les), n° 22, in fine

[7] v. Cour adm. 1er juillet 2014, n° 34122C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 27 

[8] v. Cour adm. 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 29 et autres références y citées

[9] trib. adm. 26 septembre 2001, n° 11992 du rôle et trib. adm. 25 juin 2007, n° 20976a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes règlementaires (recours contre les) n° 22 et autres références y citées

[10] trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle et trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Lois et Règlements, n° 4 et autres références y citées  

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