Vu la requête inscrite sous le numéro 33918 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2014 par Maître Florence Turk-Torquebiau, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., demeurant à L-…, de Madame ... et de son époux Monsieur ..., demeurant ensemble à L-… et de Monsieur ..., demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l'Intérieur et à la Grande Région du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant la modification du plan d'aménagement général de Mamer ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 31 janvier 2014, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mamer, établie à L-8252 Mamer, Place de l’Indépendance, représentée par le collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ainsi qu’au ministre de la Culture dont les bureaux sont établis à L-2450 Luxembourg, 4, boulevard F-D Roosevelt ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2014 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2014 par Maître Anne Ferry, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembour au nom de l’Administration communale de Mamer, lequel mémoire fut signifié en date du même jour au mandataire de Monsieur ..., de Madame ... et de son époux Monsieur ..., ainsi que de Monsieur ... ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2014 par Maître Florence Turk-Torquebiau pour compte de Monsieur ..., de Madame ... et de son époux Monsieur ..., ainsi que de Monsieur ... ledit mémoire ayant été signifié en date du même jour au mandataire de l’administration communale de Mamer ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2014 par Maître Anne Ferry pour le compte de l’Administration communale de Mamer, ledit mémoire ayant été notifié en date du même jour au mandataire de Monsieur ..., de Madame ... et de son époux Monsieur ..., ainsi que de Monsieur ... ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que la décision attaquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Florence Turk-Torquebiau, Maître Anne Ferry assistée de Maître Charles Hurt, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2014.
Lors de sa séance publique du 24 septembre 2012 le conseil communal de Mamer, désigné ci-après par le « conseil communal », émit à l’unanimité un vote positif au sujet d’un nouveau plan d'aménagement général pour la commune de Mamer et mandata le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 ».
Par courriers séparés des 14, 30 et 31 octobre 2012, Madame ... et son époux Monsieur ..., Monsieur ..., respectivement Monsieur ..., introduisirent des réclamations auprès du collège des bourgmestre et échevins de Mamer contre la décision précitée du conseil communal du 24 septembre 2012.
En vue de l’aplanissement des difficultés, le collège échevinal de Mamer entendit lors de plusieurs réunions organisées entre le 2 et le 19 janvier 2013 les différentes personnes ayant introduit une réclamation contre la décision précitée du 24 septembre 2012, dont notamment les époux ... le 2 janvier 2013 et Monsieur ... le 19 janvier 2013. Monsieur ... convoqué à une réunion en vue de l’aplanissement des difficultés le 17 janvier 2013 s’excusa de ne pas pouvoir s’y présenter.
Lors de sa séance publique du 4 mars 2013, le conseil communal de la Ville de Mamer décida avec sept contre trois voix d’approuver :
« • la partie graphique du plan d'aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, l’avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par les plans « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :10000-14 septembre 2012-toute la commune-PAG PROJET 26022013.DWG-01.03.2013-AO », « Plan d'aménagement général- vote du conseil communal le 4 mars 2013- échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Mamer », « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Capellen » et « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Holzem », élaborée par … ;
• de la partie écrite du plan d'aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, les avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par 18 pages, numérotées de 3 à 20 avec date 14 septembre 2012 ».
Par courriers séparés des 17, 19 et 22 mars 2013, Monsieur ..., les époux ..., ainsi que Monsieur ... introduisirent une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, désigné ci-après par « le ministre » contre la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013, portant approbation du plan d’aménagement général.
Par décision du 22 octobre 2013, le ministre approuva la délibération du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 portant adoption du plan d’aménagement général et déclara recevables mais non fondées, notamment les réclamations introduites par Monsieur ..., les époux ..., ainsi que Monsieur .... Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :
« (…) Art. 1er La délibération du 4 mars 2013 du conseil communal de Mamer portant adoption définitive du projet d'aménagement général de la commune de Mamer, parties graphique et écrite, est approuvée ;
Art. 2. Les réclamations émanant de … sont recevables en la pure forme mais non-fondées ;
Art. 3. La réclamation émanant de l'Administration des Bâtiments publics est irrecevable ;
Art. 4. Les réclamations émanant de … sont irrecevables ;
Art.4. Le présent arrêté sort ses effets sans préjudice d'autres dispositions légales et réglementaires ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2014, Monsieur ..., les époux ..., ainsi que Monsieur ..., désignés ci-après par « Monsieur ... et consorts », introduisirent un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013.
Si les demandeurs tentent d’argumenter dans le cadre de leur mémoire en réplique que le recours sous examen ne viserait pas uniquement la décision ministérielle précitée du 22 octobre 2013, mais également « la décision des délibérations communales » sans autre précision, force est toutefois au tribunal de constater que tant le dispositif du recours, auquel le tribunal est seul tenu, que les moyens invoqués à l’appui du recours, visent sans équivoque la seule décision ministérielle du 22 octobre 2013. L’introduction de la requête introductive d’instance précise ainsi explicitement que « par les présentes, les requérants forment un recours en annulation contre la décision du Ministre de l’Intérieur et de la Grande Région du 22 octobre 2013 approuvant la délibération du 4 mars 2013 du conseil communal de la commune de Mamer (…) », tandis que le dispositif de la requête introductive d’instance vise de manière toute aussi claire et explicite à « annuler la décision du Ministre de l’Intérieur et de la Grande Région du 22 octobre 2013 approuvant la délibération du 4 mars 2013 du conseil communal de la commune de Mamer (…) ». Le tribunal est partant saisi en l’espèce d’un recours en annulation de la seule décision précitée du ministre du 22 octobre 2013.
Quant à la loi applicable
A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », a été modifiée par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45 en date du 1er août 2011. Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011, « (1) La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011. ». En l’espèce, il est constant que les décisions déférées ont trait à l’approbation de la refonte du plan d'aménagement général de Mamer. Il est encore constant en cause que le conseil communal a émis son vote positif au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 en date du 24 septembre 2012, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004. Il ressort d’ailleurs sans équivoque d’un accusé de réception signé par un agent du ministère de l’Intérieur et à la Grande Région et versé en cause sur demande du tribunal à l’audience publique des plaidoiries, que la commission d’aménagement a été saisie par l’administration communale de Mamer du projet de plan d'aménagement général en date du 2 octobre 2012. Il s’ensuit que la procédure d’adoption de la refonte du plan d'aménagement général de Mamer tombe sous l’application de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011.
Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours
Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit par Monsieur ... et consorts.
L’administration communale de Mamer soulève l’irrecevabilité du recours au motif que les demandeurs n’invoqueraient à son appui que des considérations de pur intérêt général, tendant à la protection du patrimoine culturel, au changement de classement de terrains dont ils ne seraient pas les propriétaires ou enfin, une prétendue violation de l’article 20 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, désignée ci-après par « la loi communale ». Ils n’établiraient ainsi aucun intérêt personnel, direct, actuel et certain qui serait en relation avec l’acte attaqué.
Les demandeurs répliquent que le recours s’inscrirait dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un plan d'aménagement général pour laquelle la loi du 19 juillet 2004 prévoirait une série d’étapes, qu’ils auraient toutes utilisées pour réclamer au fur et à mesure contre l’adoption du plan d'aménagement général. Ils estiment en se référant à différentes jurisprudences des juridictions administratives qu’ils disposeraient d’un intérêt à agir contre la décision ministérielle déférée du seul fait que le ministre aurait rejeté leurs réclamations.
Quant à la question de l’intérêt à agir en matière de plan d’aménagement général, le tribunal est amené à relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour administrative[1] que le recours introduit devant le juge administratif contre un projet d’aménagement général communal n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation, entraînant qu’en particulier l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au gouvernement à l’encontre de la délibération portant adoption définitive d’un projet, entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif. En contrepartie, peu importe que cette réclamation ait été déclarée irrecevable ou non fondée par le ministre, le réclamant en question dispose d’un intérêt à voir vérifier la légalité de la décision ministérielle prise à son encontre et, plus loin de la délibération communale ainsi approuvée, de sorte que son recours en annulation est recevable sous l’aspect de l’intérêt à agir au-delà de toutes autres considérations, fussent-elles du domaine politique.
En l’espèce, il est constant que le ministre a approuvé par sa décision déférée du 22 octobre 2013 la délibération du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013, tout en déclarant les réclamations des demandeurs recevables mais non fondées.
Eu égard aux considérations qui précèdent et conformément à la jurisprudence constante de la Cour administrative, les demandeurs disposent partant en l’espèce d’un intérêt à agir par le seul fait que leurs réclamations ont abouti à une décision du ministre et ce, indépendamment de toute considération relative à la question de savoir si leur intérêt à agir est personnel, direct, actuel et certain.
L’administration communale de Mamer conclut encore à l’irrecevabilité du recours sous examen au motif que les demandeurs auraient introduit des réclamations ayant eu des contenus divergents, de sorte qu’il leur aurait appartenu à chacun « ut singuli d’introduire une action tendant à l’annulation de l’acte entrepris ».
Les demandeurs répliquent qu’ils pourraient agir de manière groupée, étant donné qu’ils auraient été déboutés par une seule et même décision du ministre et que de cette manière ils pourraient éviter les coûts que représente la procédure, « en conformité avec le principe d’effectivité prévu à la Convention d’Aarhus telle que reprise dans le cadre de la loi du 31 juillet 2005, article 9, points 4 et 5 ».
A défaut par l’administration communale de Mamer d’invoquer la violation d’une quelconque disposition légale à l’appui de son moyen d’irrecevabilité et dans la mesure où les demandeurs ont chacun vu déclarer sa réclamation recevable mais non fondée par la même décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 et dans la mesure où ils formulent les mêmes moyens à l’appui de leurs recours, le tribunal est amené à conclure qu’ils ont valablement pu introduire ledit recours de manière collective sans que ce dernier soit irrecevable. Le moyen d’irrecevabilité afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond
Les demandeurs soulèvent d’abord un moyen ayant trait à la légalité externe de la décision déférée, tiré, d’une absence de motivation de la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013, qu’il y a lieu d’analyser préalablement au bien-fondé de ladite décision.
Les demandeurs reprochent ainsi à la décision ministérielle déférée d’être dépourvue de toute prise de position par rapport aux réclamations adressées au ministre et ce, en violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 imposant au ministre de statuer sur les réclamations lui adressées. Ainsi, en l’espèce, la décision déférée du 22 octobre 2013 ne ferait qu’énumérer les différentes réclamations, en indiquant les noms des réclamants ainsi qu’un résumé sommaire et partiel de l’objet des réclamations, sans pour autant indiquer les motifs à sa base. Dans le cadre de leur mémoire en réplique les demandeurs se réfèrent encore à un arrêt de la Cour administrative du 20 mars 2014, inscrit sous le numéro 33588C du rôle selon lequel la Cour aurait tenu pour inadmissible le défaut de motivation de la décision ministérielle déférée par le recours en question. A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire des demandeurs a ajouté qu’il n’appartiendrait pas à l’administration communale de fournir les motifs à la base de la décision ministérielle déférée.
L’administration communale de Mamer répond que le ministre aurait statué sur base des éléments à sa disposition, à savoir l’avis de la commission d’aménagement, ainsi que celui du conseil communal. Il aurait ainsi valablement statué sur les réclamations en les déclarant recevables mais non fondées. L’administration communale estime encore que la solution retenue par la Cour administrative dans l’arrêt du 20 mars 2014 citée par les demandeurs ne serait pas transposable en l’espèce, étant donné que dans le cadre de ladite affaire, le ministre aurait oublié de statuer sur une réclamation.
Le délégué du gouvernement n’a pas pris position quant au moyen d’annulation ainsi avancé par la société demanderesse dans la mesure où dans le cadre de son mémoire en réponse il s’est limité à indiquer que : « Le Gouvernement se rapporte pour l’intégralité du recours précité, à prudence de justice tant en ce qui concerne la forme que le fond. » et dans la mesure où il a rappelé à l’audience publique des plaidoiries que la partie étatique se rapportait à prudence de justice quant au recours sous examen, tout en insistant, sur question expresse du tribunal, sur le fait que la partie étatique ne voulait pas prendre position dans la présente affaire.
Aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version applicable au présent litige : « Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général.
Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 21 mai 1999.»
A titre liminaire, le tribunal est amené à rappeler, que, tel que retenu ci-avant, la décision du ministre s’inscrivant dans le cadre de l’article 18 précité de la loi du 19 juillet 2004 portant approbation d’un plan d'aménagement général et statuant sur les réclamations introduites à son encontre, s’analyse en un acte administratif à caractère réglementaire.
S’il est certes vrai qu’aucune disposition légale ou réglementaire spécifique n’exige l’indication formelle de la motivation gisant à la base d’un acte administratif à caractère réglementaire, il n’en demeure pas moins que ces derniers doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l'existence que la légalité. Ces motifs doivent être rétraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l'exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi[2].
S’agissant plus particulièrement de l’adoption d’un plan d'aménagement général qui s’effectue à travers une procédure d’aplanissement des difficultés, la Cour administrative a retenu que l’absence de prise de position du ministre est radicalement contraire à l’esprit de la loi et méconnaît fondamentalement le mécanisme de participation et de collaboration y contenu, ouvert à tous les intéressés[3].
En l’espèce, force est au tribunal de constater que les demandeurs avancent, à juste titre, que la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 est dépourvue de toute indication des motifs à sa base. En effet, ladite décision, citée ci-avant dans son intégralité, se limite à approuver la délibération du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 portant adoption définitive du projet d’aménagement général de la commune de Mamer, parties graphique et écrite, ainsi qu’à déclarer recevables et non fondées diverses réclamations, dont celles émanant des demandeurs et finalement à déclarer irrecevables certaines autres réclamations, sans aucune autre précision ni explication quant au bien-fondé desdites décisions. Il s’ensuit qu’a priori la décision ministérielle déférée pèche pour n’être nullement motivée.
A cet égard, la Cour administrative a encore retenu dans son arrêt précité, rendu le 20 mars 2014, que bien que la décision ministérielle déférée s’analyse comme acte participant à un acte réglementaire dont elle épouse elle-même la forme, la procédure d’aplanissement des difficultés se trouve à tel point proche d’un processus de participation et de collaboration administrative, tel que parallèlement prévu pour la prise de décisions individuelles, que la solution jurisprudentielle consacrée en matière de refus implicite pour silence gardé par l’administration durant plus de trois mois, permettant une fourniture de motifs pour la première fois en phase contentieuse, pourvu que les éléments afférents aient existé au moment de la prise de la décision critiquée, doit être entrevue comme étant transposable ponctuellement et précisément au cas de l’omission par le ministre de statuer sur une réclamation dans le cadre de la procédure d’adoption d’un plan d'aménagement général ou d’un plan d’aménagement particulier.
En l’espèce, le tribunal est cependant amené à constater qu’au cours de la procédure contentieuse l’administration n’a apporté aucun élément de motivation à la base de la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013. En effet, tel que précisé ci-avant, le délégué du gouvernement s’est contenté dans le cadre de son mémoire en réponse, ainsi qu’à l’audience publique des plaidoiries, d’affirmer que le gouvernement se rapportait à prudence de justice tant quant à la forme que quant au fond du recours sous examen, tout en ajoutant explicitement sur question expresse du tribunal à l’audience publique des plaidoiries que la partie étatique ne souhaitait pas prendre position par rapport à la décision ministérielle critiquée.
En l’absence de toute indication de la motivation à sa base, voire en présence d’un refus explicite de l’indication de la motivation, force est au tribunal de constater que la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 est entachée d’un vice de forme, auquel il n’a pas été remédié au cours de la procédure contentieuse, de sorte qu’elle encourt l’annulation de ce chef.
La conclusion qui précède n’est pas énervée par les tentatives de l’administration communale de Mamer dans le cadre de ses mémoires ainsi qu’à l’audience publique, de justifier les motifs à la base de la décision ministérielle déférée. En effet, il est bien évident qu’il n’appartient pas à l’autorité communale d’indiquer les motifs à la base de la décision de l’autorité ministérielle de tutelle, précisément amenée à contrôler la légalité d’une décision de l’autorité communale. Par ailleurs, l’administration communale de Mamer affirme à juste titre que le fait de se rapporter à prudence de justice par la partie étatique est à considérer du moins comme contestation des moyens invoqués par la partie adverse, toutefois, le simple fait de contester le recours introduit par la partie demanderesse, n’équivaut pas à l’indication de la motivation gisant à la base de la décision ministérielle déférée, de sorte que cette dernière reste entachée d’un vice de forme pour défaut d’indication des motifs à sa base.
Seule la décision déférée ministérielle ayant été attaquée en l’espèce, le recours est à déclarer fondé et la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 encourt l’annulation.
Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros telle que formulée par les demandeurs, est à rejeter étant donné qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie demanderesse.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule décision du ministre de l'Intérieur et à la Grande Région du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant la modification du plan d'aménagement général de Mamer ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros formulée par les demandeurs ;
condamne la partie étatique aux frais ;
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président,
Anne Gosset, premier juge,
Daniel Weber, juge,
et lu à l’audience publique du 8 décembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 8.12. 2014
Le greffier du tribunal administratif
[1] cf. Cour adm. 17 avril 2008, n° 23846C, 23847C, 23848C, 23849C, 23850C et 238451C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Urbanisme, n° 183 et autres références y citées, ainsi que trib. adm. 24 mars 2004, n° 16556 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 85 et autres références y citées.
[2] Cour adm. 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes réglementaires, n° 24 et autres références y citées.
[3] Cour adm. 20 mars 2014, n° 33588C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu