Jugement du tribunal administratif Nr 33910 du rôle - Recours contre le PAG de Mamer

Vu la requête inscrite sous le numéro 33910 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2014 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite par actions ..., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro …, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’ : 

1) une décision du conseil communal de la Commune de Mamer du 24 septembre 2012 émettant un vote positif au sujet du projet d’aménagement général et mandatant le collège des bourgmestre et échevins à entamer la procédure de modification du plan d’aménagement général et

2) une décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant la modification du projet d’aménagement général et

3) une décision du ministre de l'Intérieur et à la Grande Région du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 ; 

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 21 janvier 2014, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mamer, établie à L-8252 Mamer, Place de l’Indépendance, représentée par le collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ; 

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2014 par Maître Anne Ferry, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’Administration communale de Mamer ; 

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2014 par Maître Anne Ferry pour le compte de l’Administration communale de Mamer, lequel mémoire fut signifié en date du même jour au mandataire de la société en commandite par actions ... ; 

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2014 ; 

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mai 2014 par Maître André Lutgen pour compte de la société en commandite par actions ... ledit mémoire ayant été signifié en date du même jour au mandataire de l’administration communale de Mamer ; 

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2014 par Maître Anne Ferry pour le compte de l’Administration communale de Mamer, ledit mémoire ayant été notifié en date du même jour au mandataire de la société en commandite par actions ... ; 

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif rendue en date du 5 septembre 2014, autorisant tant la société en commandite par actions ..., que l’administration communale de Mamer et le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région à déposer un mémoire supplémentaire ayant pour seule finalité de prendre position par rapport à la question de l’éventuel effet sur la présente affaire du jugement du tribunal administratif du 3 juillet 2014, inscrit sous le numéro 32175 du rôle ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 octobre 2014 par Maître André Lutgen pour compte de la société en commandite par actions ..., ledit mémoire ayant été signifié en date du même jour au mandataire de l’administration communale de Mamer ; 

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2014 par Maître Anne Ferry pour le compte de l’Administration communale de Mamer, ledit mémoire ayant été notifié en date du même jour au mandataire de la société en commandite par actions ... ;

 Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ; 

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jeanne Feltgen en remplacement de Maître André Lutgen, Maître Anne Ferry assistée de Maître Charles Hurt, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2014. 

Lors de sa séance publique du 24 septembre 2012 le conseil communal de Mamer, désigné ci-après par le « conseil communal », émit à l’unanimité un vote positif au sujet d’un nouveau plan d'aménagement général pour la commune de Mamer et mandata le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 ». 

Par courriers de son mandataire des 31 octobre et 15 novembre 2012, la société en commandite par actions ..., désignée ci-après par « la société ... », propriétaire de différentes parcelles situées sur le territoire de la commune de Mamer, introduisit une réclamation auprès du collège des bourgmestre et échevins de Mamer contre la décision précitée du conseil communal du 24 septembre 2012.

En vue de l’aplanissement des difficultés, le collège échevinal de Mamer entendit lors de plusieurs réunions organisées entre le 2 et le 19 janvier 2013 les différentes personnes ayant introduit une réclamation contre la décision précitée du 24 septembre 2012, dont notamment le mandataire de la ... en date du 18 janvier 2013. 

Lors de sa séance publique du 4 mars 2013, le conseil communal de la Ville de Mamer décida avec sept contre trois voix d’approuver : 

« • la partie graphique du plan d'aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, l’avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par les plans « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :10000-14 septembre 2012-toute la commune-PAG PROJET 26022013.DWG-01.03.2013- AO », « Plan d'aménagement général – vote du conseil communal le 4 mars 2013- échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Mamer », « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Capellen » et « Plan d'aménagement général-vote du conseil communal le 4 mars 2013-échelle 1 :2500-14 septembre 2012-Holzem », élaborée par … ; 

• de la partie écrite du plan d'aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, les avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par 18 pages, numérotées de 3 à 20 avec date 14 septembre 2012 ». 

Par courrier de son mandataire du 21 mars 2013, la société ... introduisit une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, désigné ci-après par « le ministre », contre la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013, portant approbation du plan d’aménagement général. 

Par décision du 22 octobre 2013, notifiée par courrier recommandé, envoyé le 31 octobre 2013, au mandataire de la société ..., le ministre approuva la délibération du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 portant adoption du plan d’aménagement général et déclara recevable mais non fondée, notamment la réclamation introduite par la société .... Ladite décision ministérielle est libellée comme suit : 

« (…) Art. 1er La délibération du 4 mars 2013 du conseil communal de Mamer portant adoption définitive du projet d'aménagement général de la commune de Mamer, parties graphique et écrite, est approuvée ; 

Art. 2. Les réclamations émanant de … sont recevables en la pure forme mais non-fondées ; 

Art. 3. La réclamation émanant de l'Administration des Bâtiments publics est irrecevable ; 

Art. 4. Les réclamations émanant de … sont irrecevables ; 

Art.4. Le présent arrêté sort ses effets sans préjudice d'autres dispositions légales et réglementaires ; (…) ». 

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2014, la société ... fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du conseil communal de Mamer du 24 septembre 2012, de la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant le projet d’aménagement général et, enfin, de la décision précitée du ministre du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision précitée du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013. 

Quant à la loi applicable

 A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », a été modifiée par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45 en date du 1er août 2011. Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011, « (1) La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011. ». En l’espèce, il est constant que les décisions déférées ont trait à l’approbation de la refonte du plan d'aménagement général de Mamer. Il est encore constant en cause que le conseil communal a émis son vote positif au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 en date du 24 septembre 2012, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004. Il ressort d’ailleurs sans équivoque d’un accusé de réception signé par un agent du ministère de l’Intérieur et à la Grande Région et versé en cause sur demande du tribunal à l’audience publique des plaidoiries, que la commission d’aménagement a été saisie par l’administration communale de Mamer du projet de plan d'aménagement général en date du 2 octobre 2012. Il s’ensuit que la procédure d’adoption de la refonte du plan d'aménagement général de Mamer tombe sous l’application de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011. 

 

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours 

Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration l’acte approuvé. 

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit par la société .... Ledit recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

 

Quant au fond 

La société demanderesse soulève deux moyens ayant trait à la légalité externe des décisions déférées, tirés, d’une part, d’une violation de l’article 20 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, désignée ci-après par « la loi communale », et, d’autre part, d’une absence de motivation de la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013, qu’il y a lieu d’analyser préalablement à l’examen du bien-fondé desdites décisions.

 

• Quant à la légalité externe des décisions déférées prises par le conseil communal de Mamer en date des 24 septembre 2012 et 4 mars 2013. 

La société demanderesse reproche en premier lieu aux décisions déférées du conseil communal de Mamer d’avoir été prises au mépris des dispositions de l’article 20 de la loi communale. Elle affirme ainsi qu’en dépit de l’interdiction édictée par l’article 20 de la loi communale deux conseillers communaux, à savoir, Monsieur ... et Madame ... auraient participé à la prise de la décision déférée du conseil communal du 24 septembre 2012 ainsi qu’aux délibérations lors de la séance du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 au sujet de l’approbation définitive du plan d'aménagement général, alors même qu’un allié, respectivement le conjoint aurait eu un intérêt personnel et direct au résultat de la procédure d’adoption du plan d'aménagement général. Elle soutient que le conflit d’intérêts dans le chef de Monsieur ... serait établi par le fait que ce dernier se serait retiré dans l’enceinte du public au moment du vote définitif du plan d'aménagement général et que le conflit d’intérêts dans le chef de Madame ... résulterait du fait que son mari aurait introduit une réclamation contre la décision déférée du conseil communal du 24 septembre 2012 qu’il aurait de surplus refusée de retirer lorsqu’il aurait été invité à le faire lors de la réunion en vue de l’aplanissement des difficultés afin d’éviter un conflit d’intérêt dans le chef de son épouse, Madame ... au moment des délibérations et du vote définitif du plan d'aménagement général par le conseil communal. De même, Madame ..., épouse du conseiller communal ... aurait refusé de suivre l’invitation de retirer la réclamation qu’elle avait introduite contre la décision déférée du conseil communal du 24 septembre 2012. 

Dans ce contexte, la société demanderesse renvoie encore à un courrier adressé par le ministre au bourgmestre de la commune de Roeser le 20 octobre 2011 pour lui signaler que la procédure de modification du plan d'aménagement général serait susceptible d’être annulée en ... d’une situation de conflit d’intérêts. 

Le délégué du gouvernement s’étant limité dans le cadre de son mémoire en réponse à se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne l’intégralité du recours sous examen, n’a pas pris position quant au moyen de légalité externe des décisions déférées, soulevé par la société demanderesse. 

L’administration communale de Mamer répond que dans la mesure où l’interdiction prévue à l’article 20 de la loi communale ne serait pas assortie d’une sanction en cas de violation de ses dispositions, une délibération irrégulière du conseil communal ne serait pas nulle de droit mais uniquement annulable pour des raisons d’intérêt public, c’est-à-dire dans l’hypothèse où l’intérêt privé aurait prévalu sur l’intérêt public. Elle conclut qu’il y aurait lieu en l’espèce de vérifier si un intérêt privé et direct aurait été en cause et si ce dernier aurait prévalu sur l’intérêt général. Elle donne encore à considérer que l’exclusion des délibérations et du vote d’un conseiller communal constituerait une sanction extrêmement grave au regard du fonctionnement démocratique des institutions qui aurait en l’occurrence conduit à écarter la majeure partie des membres de l’opposition du vote. Une telle exclusion revêtirait à l’égard du conseiller communal concerné un caractère décisionnel faisant grief. Au vu de ces raisons, le bourgmestre de la commune de Mamer aurait déclaré faire de son possible pour éviter l’exclusion des conseillers concernés en l’espèce. L’administration communale de Mamer conclut qu’il y aurait lieu d’interpréter de manière stricte les interdictions prévues à l’article 20 de la loi communale afin d’éviter l’exclusion d’un grand nombre de conseillers communaux des délibérations et votes et d’entraver ainsi sérieusement le fonctionnement des institutions communales pourtant démocratiquement élues. 

L’administration communale de Mamer donne encore à considérer qu’en l’espèce, l’exclusion des conseillers communaux ..., ... et ... n’aurait produit aucune incidence concrète sur l’issue du vote relatif à l’adoption définitive du plan d'aménagement général de Mamer. Ainsi, Monsieur ..., n’aurait de toute façon pas participé au vote définitif, alors qu’il se serait retiré dans l’enceinte du public. De plus, même si les conseillers communaux ... et ... n’auraient pas participé au vote, le quorum de majorité aurait été respecté par la présence de 8 conseillers sur 13 et dans cette hypothèse, le plan d'aménagement général aurait été adopté à une majorité supérieure de 7 contre 1 voix. 

En se référant à un jugement du tribunal administratif du 21 mars 2007 inscrit sous le numéro 21480 du rôle, ainsi qu’aux travaux parlementaires ayant mené à l’adoption de la loi communale, l’administration communale soutient que l’intérêt personnel et direct au sens de l’article 20 de la loi communale serait à entendre comme intérêt matériel et actuel appréciable en argent, contrairement à un intérêt indirect et éventuel. De plus, l’intérêt direct et personnel devrait être vérifié en la personne même du conseiller communal concerné ou dans celle d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclusivement. 

En l’espèce, cependant, les conditions précitées ne seraient pas remplies. Ainsi, en ce qui concerne Monsieur ..., l’administration communale rappelle qu’il aurait participé au premier vote du 24 septembre 2012 ainsi qu’aux délibérations en vue du vote sur l’approbation définitive du plan d'aménagement général, mais non point audit vote lui-même du 4 mars 2013. 

L’administration communale de Mamer ajoute qu’en ce qui concerne Monsieur ..., un lien d’alliance pourrait tout au plus résulter, d’une part, des liens de mariage existant entre Madame ..., propriétaire de différentes parcelles sur le territoire de la commune de Mamer, et Monsieur ..., frère du conseiller communal .... Or, ce lien d’allience aurait été rompu par le décès de Monsieur ... survenu le 28 août 2010, soit plus de deux ans avant le premier vote relatif au plan d'aménagement général de Mamer. L’administration communale de Mamer se réfère à l’article 196 de la loi électorale modifiée du 18 février 2003 pour soutenir que le lien d’alliance ne saurait exister au-delà de la mort d’un des conjoints, de sorte qu’à défaut d’alliance, aucun conflit d’intérêts au sens de l’article 20 de la loi communale ne saurait exister en l’espèce. 

Un lien d’alliance pourrait, d’autre part, résulter de la relation entre Monsieur ... et ses trois neveux, issus du mariage entre Madame ... et Monsieur .... A cet égard, l’administration communale avance que lesdits neveux ne seraient pas propriétaires des terrains situés sur le territoire de la commune de Mamer, étant donné que Madame ... et Monsieur ... auraient conclu une convention de mariage instaurant un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au survivant. Il n’existerait dès lors aucun intérêt direct et personnel dans le chef des neveux de Monsieur ... et même à supposer qu’un tel intérêt existerait, il serait purement hypothétique et surtout indirect. Dans ce contexte, l’administration communale de Mamer renvoie encore à un jugement du tribunal administratif du 6 février 2002, inscrit sous le numéro 15784 du rôle, suivant lequel l’intérêt pour des enfants de s’installer dans leur village natal à un moment non encore déterminé dans l’avenir sur un terrain appartenant au moment de l’introduction du recours à leurs parents, ne serait pour le moins pas né et actuel. L’administration communale signale encore que le courrier daté au 20 octobre 2011 du ministre au bourgmestre de la commune de Roeser, cité par la société demanderesse, aurait eu trait à une situation distincte de celle actuellement litigieuse, dans la mesure où une échevine aurait eu un intérêt personnel et direct au vote sur l’adoption du plan d'aménagement général, étant donné que son mari et le frère de ce dernier auraient été propriétaires de 68,47% des terrains concernés par la modification du plan d'aménagement général. 

Enfin, l’administration communale de Mamer fait valoir que le fait que Monsieur ... se serait retiré dans l’enceinte du public au moment du vote définitif sur le plan d'aménagement général de Mamer ne constituerait nullement une preuve de l’existence d’un conflit d’intérêts dans son chef, mais aurait été le résultat de pressions politiques exercées à son égard par un parti politique. Ainsi, lors des délibérations du 4 mars 2013, un conseiller communal appartenant à un parti d’opposition serait intervenu pour inciter tous les conseillers communaux à voter contre le plan d'aménagement général en raison d’une suspicion de l’existence d’une violation de l’article 20 de la loi communale. Dans une telle atmosphère de méfiance, il ne serait pas étonnant que Monsieur ... se soit retiré dans l’enceinte du public. 

Concernant l’allégation de l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef des conseillers communaux ... et ..., l’administration communale de Mamer explique d’abord que Madame ... serait conseillère communale à Mamer et que son mari, Monsieur ... aurait introduit, en date du 1er novembre 2012, une réclamation devant le collège des bourgmestre et échevins contre le premier vote du projet d'aménagement général du 24 septembre 2012. Le 20 mars 2013, Monsieur ... aurait introduit une réclamation auprès du ministre contre le second vote du 4 mars 2013. Madame ... aurait participé aussi bien aux délibérations, qu'aux votes successifs du projet d'aménagement général. 

L’administration communale de Mamer explique encore que l'épouse de Monsieur le conseiller communal ..., Madame ..., aurait à son tour introduit, en date du 28 octobre 2012, une réclamation à l'encontre du premier vote et qu’en date du 22 mars 2013, elle aurait introduit une réclamation par devant le ministre. 

L’administration communale donne à considérer que le bourgmestre de la commune aurait lors de la délibération publique du conseil communal du 3 décembre 2012 d’ores et déjà attiré l’attention sur des éventuels conflits d’intérêts pouvant exister dans le chef des conseillers communaux ... et ... du fait des réclamations introduites par leurs époux. 

Ainsi, afin d'éviter des discussions quant à une éventuelle impossibilité pour leurs conjoints conseillers communaux d'assister aux votes, Monsieur ... et Madame ... auraient été invités à retirer leurs réclamations lors de la réunion du 5 janvier 2013 sur l'aplanissement des différends dans le cadre des réclamations présentées contre le projet d'aménagement général de la Commune de Mamer. Les deux réclamants auraient toutefois refusé d’obtempérer. 

L’administration communale de Mamer affirme que les deux conseillers communaux concernés n’auraient par la suite participé ni aux délibérations ni aux votes concernant le plan d'aménagement général que puisqu’il aurait été retenu que l’interdiction prévue par l'article 20 de la loi communale ne leur serait pas applicable, étant donné qu’elle ne pourrait conduire à l’annulation de l’acte concerné si la raison d’intérêt public et de moralité administrative sur laquelle se fonde l’article 20 de la loi communale l'exige, c'est-à-dire s’il est permis de supposer que la présence irrégulière d'un des conseillers a pu avoir pour effet de faire prévaloir l'intérêt privé sur l’intérêt public. 

En effet, les réclamations de Madame ... et de Monsieur ... auraient trait à des considérations générales d'ordre politique et ne sauraient concerner une question d’intérêt privé. Il s’agirait de réclamations d'ordre politique, mettant en question les choix politiques effectués par le collège des bourgmestre et échevins et critiquant la procédure et l'existence de conflits d'intérêts. Ainsi, les conjoints des réclamants n'auraient pu, en favorisant les réclamations de leurs époux, atteindre ni pour eux-mêmes, ni pour leurs conjoints, un intérêt direct et surtout personnel tel qu'exigé par l'article 20 de la loi communale. 

L’administration communale de Mamer conclut partant au rejet du moyen tiré d’une violation de l’article 20 de la loi communale. 

La société demanderesse réplique que le législateur aurait justement, dans le souci d'un fonctionnement démocratique des institutions, été amené, dès 1843, à introduire dans la loi communale les interdictions actuellement sous examen. A l'évidence, toute situation dans laquelle l'objet d'une délibération ou d'un vote du conseil communal présenterait pour un membre de ce corps, voire de ses parents ou alliés un intérêt personnel et direct impliquerait le risque que l’intéressé fasse prévaloir cet intérêt individuel sur l'intérêt général de sorte à abuser de son pouvoir de représentation à des fins personnelles. Les prises de position et le vote desdites personnes seraient ainsi susceptibles de fausser l'expression démocratique de la volonté des électeurs et les interdictions visées auraient été posées dans un souci de sauvegarde de cette expression démocratique. En aucun cas, il ne saurait être question d'une « sanction extrêmement grave au regard du fonctionnement démocratique des institutions ». La société ... ajoute qu’en aucun cas, lesdites interdictions ne sauraient être assorties de restrictions ou d'atténuations non prévues par le législateur. Ainsi, une éventuelle mise à l'écart « de la majeure partie des membres de l'opposition » ne ferait pas obstacle à une mise en œuvre des interdictions prévues au texte sous examen. Dans le même ordre d'idées, la thèse adverse suivant laquelle les suites à réserver aux dispositions de l'article 20 de la loi communale dépendrait des « possibles incidences (de cette mise en oeuvre) sur le vote » reviendrait à introduire une distinction que la loi ne ferait pas et serait partant à rejeter. Une considération telle que « La participation aux délibérations ainsi qu'au vote des conseillers ... et ... n'ont dès lors aucunement affecté l'issue du vote » serait manifestement dénuée de toute portée. 

La société demanderesse estime encore que, d'un point de vue pratique, il y aurait lieu de constater qu’au moment où il convient de déterminer si telle personne est autorisée à participer à une délibération et à un vote, les votes à émettre par les autres participants ne seraient en principe pas connus avec certitude, de sorte qu’une éventuelle absence d'incidence de la participation de la personne visée aux délibérations ou votes en question ne saurait en aucun cas être affirmée avec certitude audit stade. 

Par ailleurs, si le bourgmestre de la commune de Mamer aurait expliqué qu'il ferait de son possible pour éviter l'exclusion de conseillers des délibérations et votes relatifs au plan d'aménagement général, il aurait visé la situation des conseillers ... et ... dont les conjoints auraient exprimé leur intérêt direct et personnel quant au plan en discussion à travers des réclamations. Or, des conflits d'intérêts existeraient de droit lorsque des parents et alliés des membres du conseil communal seraient propriétaires de parcelles intégrées dans le projet d'aménagement général et ces situations échapperaient à l’évidence à la maîtrise du bourgmestre. 

En ce qui concerne le conseiller communal ..., la société ... rappelle qu’il aurait participé au vote positif émis par le conseil communal lors de sa séance du 24 septembre 2012 et qu'il aurait assisté aux délibérations ayant précédé le vote d'approbation définitive tout en se retirant dans l'enceinte du public lors dudit vote.

La société demanderesse affirme encore qu’il ressortirait des explications de l’administration communale de Mamer que Madame ..., épouse de feu sieur ..., frère du sieur ..., serait propriétaire de diverses parcelles englobées dans le plan d'aménagement général de la commune de Mamer. De plus, le rapport sur l'aplanissement des différends renseignerait que l'intéressée aurait introduit une réclamation dans le cadre de la procédure d'approbation du plan d'aménagement général. 

La société ... fait plaider qu’il ne pourrait pas être déduit de l’article 196 de la loi électorale que le lien d'alliance ne saurait exister au-delà de la mort d'un des conjoints. Il suffirait à cet égard de consulter les auteurs classiques qui affirmeraient quasi-unanimement en se référant à une jurisprudence abondante, qu'en principe, à l’exception de certaines situations bien définies, le décès de l'un des conjoints ne mettrait pas fin au lien d'alliance. De plus, le fait que le législateur aurait dû préciser que l'interdiction faite à deux membres d'un conseil communal alliés de siéger ensemble cesserait en cas de décès du conjoint du chef duquel l'alliance provient, impliquerait qu'en l'absence de précision expresse, l'interdiction aurait, nonobstant le décès du conjoint visé, subsisté. La demanderesse en conclut que le décès du conjoint ne mettrait pas fin à l'alliance, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir en l’espèce que Madame ... n'aurait pas perdu sa qualité d'alliée de Monsieur ... du fait du décès de son époux Monsieur .... 

La société demanderesse conteste encore que le régime matrimonial de la communauté universelle avec attribution intégrale au survivant conclu entre les époux ...-... impliquerait l'absence d'un intérêt tel que visé à l'article 20 de la loi communale dans le chef des enfants desdits époux, neveux du conseiller .... Elle fait plaider à cet égard que l’article 20 de la loi communale viserait un intérêt « personnel et direct » sans ajouter les caractéristiques « né et actuel » requises s'agissant de l'intérêt à agir en justice. Ainsi, la référence opérée par l’administration communale de Mamer au jugement précité du tribunal administratif du 6 février 2002 ne serait pas pertinente. Elle affirme que les enfants dont l'un des parents serait décédé, seraient non seulement héritiers réservataires mais auraient, par ailleurs, vocation à l'intégralité de la succession de leur parent. Elle rappelle encore qu'à l'exception du concours des descendants du premier ordre successoral avec le conjoint survivant, les personnes d'un ordre successoral précédent exclueraient celles appartenant à l'ordre suivant. Par ailleurs, d'éventuels droits de tiers sur les propriétés visées ne se trouveraient nullement établis en l'espèce. 

La société demanderesse met encore en doute les explications de Monsieur ... à propos de sa situation, à savoir qu'il ne serait lié, ni par un lien de parenté, ni par un lien d'alliance, à des propriétaires dont les propriétés auraient été intégrées dans le plan d'aménagement général et qu'il se serait abstenu de participer au vote définitif en raison de prétendues « pressions politiques ». En effet, une application correcte de l'article 20 de la loi communale, devrait se faire sur base des réalités factuelles et juridiques. 

Quant à la participation des conseillers communaux ... et ... aux délibérations et votes concernant le plan d'aménagement général, la société ... soutient que les réclamations introduites par leurs époux respectifs n’auraient nullement eu trait à « des considérations générales d'ordre politique » de sorte que l’administration communale de Mamer aurait soutenu à tort qu' « il ne saurait être question d'un intérêt privé ». 

Ainsi, à côté de diverses considérations tendant effectivement à mettre en cause certains choix politiques des autorités communales, Madame ... aurait avancé des doléances dont elle-même soulignerait le caractère personnel. Dans son courrier du 28 octobre 2012 à l'adresse du conseil communal, elle se serait ainsi exprimée en tant que « Holzemer Bürgerin » en soulevant que : « Zu der geplanten Hauptzufahrt, gegenüber unserem Haus, kann ich aus Erfahrung (...) sagen, dass diese mehr als problematisch werden wird (...) » et que « Die Zunahme des Verkehrs wegen all der neuen Wohnungen (zum Teil fernab vom ÖPNV, wie hier in Holzem) wird die Luftqualität mindern und den Lärmpegel weiter ansteigen lassen (...) »

La demanderesse conclut que les considérations avancées par Madame ... dans sa réclamation toucheraient indéniablement a son intérêt personnel, voire à l’intérêt du couple ...-..., de sorte qu’il serait permis d'affirmer que le vote exprimé par le conseiller ... à propos de l'approbation définitive du 4 mars 2013 aurait été déterminé, par le prédit intérêt personnel. 

De même, les réclamations introduites par Monsieur ..., époux de Madame le conseiller communal ..., n’auraient pas exclusivement trait à des considérations générales d'ordre politique mais certaines toucheraient directement aux intérêts personnels de Monsieur ..., voire du couple .... 

La société demanderesse conclut partant à l'annulation des décisions attaquées pour violation de l'article 20 de la loi communale. 

Dans le cadre de son mémoire en duplique, l’administration communale de Mamer insiste sur le fait que l'exclusion d'un élu au suffrage universel direct des délibérations ainsi que du vote du conseil communal constituerait une sanction extrêmement grave au regard du fonctionnement démocratique de ces institutions. Elle cite la doctrine belge pour affirmer que ce serait d'ailleurs la raison pour laquelle de telles incapacités ne se présumeraient point, mais devraient être écrites dans la loi et ne pourraient s'étendre par analogie à des cas non prévus

L’administration communale estime encore qu’en l'absence d'une nullité de plein droit, il conviendrait de vérifier, en cas de violation avérée de l'article 20 de la loi communale, si cette violation aurait causé grief, c’est-à-dire si en l'absence d'une telle violation de l'article 20 la délibération critiquée aurait été autre. Afin d’apprécier ladite incidence sur l'issue du vote, le ministre devrait se placer au moment où, saisi d'une réclamation relative à l'article 20 de la loi communale, il décida d'approuver l'acte critiqué. 

Quant à la question de l’existence d’un lien d’alliance entre Madame ... et le conseiller communal Monsieur ..., l’administration communale de Mamer estime que la référence à l’article 196 de la loi électorale serait pertinente. Afin de nier l’existence d’un intérêt personnel et direct dans le chef des neveux de Monsieur ..., l’administration communale de Mamer renvoie au jugement du tribunal administratif du 6 février 2002 cité dans son mémoire en réponse pour affirmer que l’intérêt devrait être né et actuel. Or, en ... du contrat de mariage avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant conclu entre les époux ...-..., leurs enfants communs ne pourraient accéder à la succession de leur père qu’au moment du décès de leur mère, de sorte qu’il n’existerait pas d’intérêt né et actuel dans leur chef. 

Quant aux réclamations introduites par les époux respectifs de Madame ... et de Monsieur ..., l’administration communale de Mamer affirme que le fait pour l’époux d’un élu local d’introduire une réclamation contre un projet d'aménagement général ne signifierait pas automatiquement que le réclamant et par ricochet l'élu local, aient un intérêt personnel et direct, matériel et appréciable en argent au plan d'aménagement général. En effet, les réclamations de Madame ... et de Monsieur ... porteraient sur de pures considérations d'ordre politique. 

L’administration communale de Mamer conteste partant toute violation de l’article 20 de la loi communale et conclut au rejet du moyen afférent. 

Aux termes de l’article 20 de la loi communale : « Il est interdit à tout membre du corps communal, au secrétaire et receveur:

1° d'être présent aux délibérations du conseil communal et du collège des bourgmestre et échevins sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d'affaires ou fondé de pouvoir ou auxquels ses parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclusivement ont un intérêt personnel et direct. Cette interdiction s'applique tant aux discussions qu'au vote ; (…) ». 

Les interdictions de participer respectivement aux discussions et vote dans le chef de tous les membres du conseil communal, y compris les bourgmestre et échevins, sont de celles qui relèvent des devoirs de délicatesse des administrateurs communaux et ne constituent pas des incompatibilités de principe, mais des incompatibilités au cas d’espèce, s’appliquant dans les conditions visées audit paragraphe 1er de l’article 20 en question. Si le législateur a pris le soin d’interdire la présence même lors des délibérations et non seulement lors du vote, il a voulu empêcher que les personnes intéressées puissent influencer leurs collègues[1]

Par ailleurs, l’article 20 précité est d’interprétation stricte de sorte qu’il ne peut être appliqué qu’à la lettre, sans raisonnement analogique. Dès lors, ratione materiae, seules les situations énoncées débouchent sur l’interdiction et ratione personae, il concerne les membres du corps communal, le secrétaire et le receveur[2]. 

Dans ce contexte, il convient de dégager les contours de l’hypothèse légale visée par les objets des délibérations auxquelles le conseiller a « un intérêt direct », dans la mesure où le texte légal se limite à préciser que l’interdiction s’applique tant aux discussions qu’au vote. A cet égard, les travaux préparatoires de la loi communale renseignent que « par intérêt direct, au sens de la loi, on entend un intérêt matériel, né et actuel, appréciable en argent » par opposition à « un intérêt indirect et éventuel » lequel ne suffirait pas pour donner lieu à l’interdiction prévue par l’article 20, paragraphe 1er [3]. Ainsi, l’intérêt direct et personnel est l’intérêt « qui résulte directement et immédiatement de la décision prise et qui affecte exclusivement le patrimoine du conseiller ou de ses proches. Cette notion s’oppose à l’intérêt collectif qui résulte de la qualité d’habitant de la commune ou de l’appartenance à une catégorie d’habitants de la commune ». L’intérêt matériel « doit être compris comme un avantage dont la valeur peut s’exprimer en argent. Cette notion s’oppose à l’intérêt moral, qui ne suffit pas à empêcher le mandataire de siéger ». Enfin, le fait que l’intérêt « doit être né et actuel, implique qu’il doit être présent au moment de la délibération. Il ne peut consister en une éventualité »[4]. 

L’intérêt direct ainsi visé ne donne lieu à l’interdiction prévue par l’article 20, paragraphe 1er sous analyse, que s’il se vérifie soit en la personne même d’un membre du conseil communal concerné, soit dans celle d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclusivement. 

Il s’ensuit qu’il y a notamment violation des dispositions de l’article 20, paragraphe 1er de la loi communale, dans l’hypothèse où des conseillers communaux, bourgmestre et échevins inclus, participent à la délibération ou à un vote au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, ou au vote portant adoption définitive d’un plan d’aménagement général qui implique qu’au moins un des terrains leur appartenant, sinon appartenant à un de leurs parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement, est affecté par ledit plan d'aménagement général de manière à causer, soit un avantage soit un préjudice appréciable en argent au conseiller communal, voire à ses parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement. 

La sanction de pareille violation consiste en l’annulation de ladite délibération à prononcer par le ministre dans le cadre de son contrôle tutélaire prévu par l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, le vice se répercutant sur la décision ministérielle d’approbation en cas de non-sanction par le ministre[5]. Toujours est-il que l’annulation pour inobservation de l’article 20 de la loi communal ne doit être prononcée que « si la raison d’intérêt public et de moralité administrative sur laquelle se fonde cet article l’exige, c’est-à-dire s’il est permis de supposer que la présence irrégulière d’un des conseillers a pu avoir pour effet de faire prévaloir l’intérêt privé sur l’intérêt public »[6]

Au vu des considérations et principes ci-avant dégagés, il y a partant lieu d’analyser la question opposant les parties en l’espèce, à savoir, si l’interdiction prévue à l’article 20 de la loi communale aurait dû s’appliquer aux conseillers communaux ..., ... et ... et le cas échéant, si les décisions déférées devraient encourir l’annulation pour violation de la loi. 

  • En ce qui concerne tout d’abord le conseiller communal ..., il est constant en cause qu’il a participé aux délibérations et au vote du conseil communal de la Commune de Mamer du 24 septembre 2012, ainsi qu’aux délibérations ayant précédé le vote du 4 mars 2013 portant adoption définitive du plan d'aménagement général. Lors dudit vote il s’est cependant retiré dans l’enceinte réservé au public. Dans la mesure où Monsieur ... s’est uniquement retiré lors du vote du 4 mars 2013, mais qu’il a participé tant aux délibérations qu’au vote du 24 septembre 2012 de même qu’aux délibérations du 4 mars 2013, l’article 20 de la loi communale reste d’application à son égard, étant donné que ledit article précise expressément qu’il s’applique tant aux discussions qu’au vote. 

Il y a partant lieu de déterminer si Monsieur ... ou ses parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ont eu un intérêt personnel et direct au plan d'aménagement général litigieux. 

A cet égard, il n’est pas contesté par les parties en cause que Monsieur ... n’avait aucun intérêt personnel au plan d'aménagement général. Toutefois, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si un lien d’alliance existe entre Monsieur ... et Madame ... et les enfants de cette dernière et, le cas échéant, s’il existe un intérêt personnel et direct au plan d'aménagement général dans le chef desdites personnes. 

Il est constant en cause que Madame ... est la veuve de Monsieur ..., décédé le 28 août 2010 et frère du conseiller communal .... 

La société demanderesse conteste l’argumentation de l’administration communale de Mamer fondée sur l’article 196 de la loi électorale selon laquelle le lien d’alliance ayant existé entre Madame ... et Monsieur ... du chef du mariage entre Madame ... et Monsieur ... aurait été dissout du fait du décès de Monsieur .... 

Aux termes de l’article 196 de la loi communale : « Les membres du conseil communal ne peuvent être parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement, ni être unis par les liens du mariage ou vivre en partenariat en vertu d’une déclaration ad hoc. 

Si deux personnes tombant dans l’une des catégories visées par l’alinéa premier sont élues, préférence est accordée à la personne qui a obtenu le plus de voix. 

En cas de parité des voix, le président du bureau principal procède par tirage au sort à la proclamation du candidat élu, en présence des autres membres du bureau et des témoins. 

Si ces parents, alliés, conjoints ou partenaires ont été proclamés élus, il sera procédé au tirage au sort par le président du bureau de vote principal de la commune en présence des autres membres du bureau et des témoins. 

Une alliance ou un partenariat survenu ultérieurement entre les membres du conseil n’emporte pas révocation de leur mandat. 

L’alliance est censée dissoute par le décès du conjoint du chef duquel elle provient. Le partenariat est censé dissout par le décès du partenaire du chef duquel il provient. » 

Force est à cet égard au tribunal de constater que cette disposition est d’application stricte de sorte qu’elle ne peut pas être étendue par analogie à d’autres matières. Ce n’est en effet « qu’en matière d’élection communale que la loi prévoit la dissolution de l’alliance par le décès de la [personne] du chef de laquelle elle provient. (…) Il s’ensuit qu’elle ne peut être appliquée aux prohibitions édictées par l’article [20] de la loi communale »[7]. 

Il s’ensuit qu’il existe un lien d’alliance entre Monsieur ... et Madame ... qui n’a pas été affecté par le décès de Monsieur .... 

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si Madame ... a un intérêt personnel et direct au plan d'aménagement général litigieux, il échet au tribunal de constater que les parties en cause se limitent à affirmer que Madame ... serait propriétaire foncier dans la commune de Mamer, sans cependant sous-tendre concrètement ces affirmations. En effet, aucun élément soumis au tribunal ne fournit des informations concrètes sur le nombre de parcelles dont Madame ... serait propriétaire sur le territoire de la commune de Mamer, sur la situation du ou des terrains concernés, ni, enfin, sur la question essentielle de savoir si le ou les terrains sont affectés que ce soit positivement ou négativement par le plan d'aménagement général. 

S’il ressort certes du rapport sur la réunion en vue de l’aplanissement des différends organisée dans le cadre des réclamations introduites auprès du collège des bourgmestre et échevins contre le projet d’aménagement général, que Madame « ...-... » avait introduit une réclamation auprès du collège des bourgmestre et échevins contre le projet d’aménagement général, il n’en ressort toutefois aucune information sur l’objet de ladite réclamation, ni sur la, voire les parcelles dont Madame ... serait éventuellement propriétaire. En effet, l’inscription au rapport sur la réunion en vue de l’aplanissement des difficultés est de la teneur suivante : « Le collège des bourgmestre et échevins retient ce qui suit :

-          en vue de pouvoir réaliser le projet en cours longeant la rue …, suivant plan annexé à la réclamation, cette partie de zone est à reclasser en Quartier Existant (QE). » 

Au vu des documents et pièces soumis au tribunal, le lien éventuel entre Madame ... et les terrains « longeant la rue … » à Mamer ne peut pas être déterminé. S’y ajoute que selon la version du plan d'aménagement général de la commune de Mamer du 20 novembre 2006, versée en cause par la partie demanderesse, les parcelles longeant la rue ... étaient classées en « zone d’habitation- secteur de faible densité », voire en « zone d’habitation 1 » et que selon la version actuellement querellée du plan d'aménagement général lesdites parcelles sont toujours classées en « zone habitation 1 ». Il s’ensuit qu’au stade actuel de l’instruction du dossier il ne peut être constaté aucune modification apportée par le plan d'aménagement général litigieux au classement des parcelles longeant directement la rue ..., de sorte qu’il n’est pas établi que le plan d'aménagement général litigieux ait affecté positivement ou négativement le classement desdits terrains. 

Dans le même ordre d’idées il y a lieu de retenir qu’au stade actuel de l’instruction du dossier et au vu des explications ainsi que des pièces et éléments soumis au tribunal par les parties en cause, il ne peut être constaté que le plan d'aménagement général litigieux ait causé soit un avantage soit un préjudice appréciable en argent à Madame ..., alliée de Monsieur le conseiller communal ..., voire a fortiori aux neveux de Monsieur .... 

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 20 de la loi communale en ... de la participation de Monsieur ... à la délibération et au vote du 24 septembre 2012 ainsi qu’à la délibération du 4 mars 2013 est à rejeter pour ne pas être fondé, alors qu’il n’est pas établi en cause que les intérêts de Madame ... soient affectés par le plan d'aménagement général déféré. 

  • En ce qui concerne ensuite les conseillers communaux Madame ... et Monsieur ..., il est constant en cause que leurs époux respectifs, à savoir Monsieur ... et Madame ... ont chacun introduit une réclamation auprès du collège des bourgmestre et échevins contre le projet d’aménagement général de la commune de Mamer. Dans la mesure où les interdictions prévues à l’article 20 de la loi communale ne s’appliquent pas seulement dans l’hypothèse où l’intérêt d’un conseiller communal est en cause, mais également dans celle où l’intérêt d’un de ses parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement est en cause et dans la mesure où il est constant que Monsieur ... et Madame ..., respectivement Monsieur ... et Madame ... sont unis par les liens du mariage, ils sont en principe susceptibles de tomber sous les prévisions de l’article 20 de la loi communale. 

A cet égard, le tribunal vient de retenir que l’intérêt personnel et direct visé par l’article 20 de la loi communale s’entend comme intérêt matériel, né et actuel, appréciable en argent, c’est-à-dire comme intérêt qui résulte directement et immédiatement de la décision prise et qui affecte exclusivement le patrimoine du conseiller ou de ses proches. Cette notion s’oppose à l’intérêt collectif qui résulte de la qualité d’habitant de la commune ou de l’appartenance à une catégorie d’habitants de la commune. 

Il y a partant lieu d’analyser en l’espèce concrètement le contenu des réclamations introduites par Madame ... et Monsieur ... afin de déterminer s’ils ont fait état d’un intérêt personnel et direct au sens de l’article 20 de la loi communal, c’est-à-dire d’un intérêt affectant, soit comme avantage, soit comme préjudice, leur patrimoine, afin de déterminer si l’interdiction prévue à l’article 20 de la loi communale aurait dû s’appliquer et si leurs époux respectifs auraient dû se retirer lors des discussions et des votes concernant le plan d'aménagement général de la commune de Mamer. 

Or, force est au tribunal de constater que les réclamations introduites, tant par Monsieur ..., que par Madame ... ont trait à des considérations purement générales d’ordre politique. Ainsi, elles dénoncent notamment une croissance trop importante de la population de la commune de Mamer qui serait entre autres incompatible avec le caractère villageois de la localité de Holzem, une offre inadaptée d’infrastructures publiques et de moyens de transport public, une mauvaise intégration des nouveaux quartiers dans le tissu urbain existant, des effets néfastes du plan d'aménagement général sur la faune, la flore et l’environnement pouvant se caractériser notamment par un scellement du sol, des inondations et la destruction de biotopes et de zones naturelles protégées, une détérioration de la qualité de l’eau potable en ... de l’accroissement de la pollution, ainsi qu’une augmentation du trafic. 

S’il est certes vrai que Madame ... s’exprime en sa qualité de « Holzemer Bürgerin » et que Monsieur ... s’est référé à une réunion du 15 novembre 2012, non autrement déterminée, à laquelle il aurait été invité personnellement ainsi qu’au nom du parti politique Dei Greng et lors de laquelle chacun aurait eu des intérêts particuliers, il n’en demeure pas moins que leurs réclamations respectives ne font état que de considérations politiques d’ordre général ayant trait à l’intérêt de la commune et de ses habitants dans son ensemble et qu’ils n’ont fait valoir aucun intérêt privé en rapport avec un avantage ou un préjudice dans leur chef appréciable en argent. Les intérêts ainsi avancés dans leurs réclamations sont purement collectifs et non point privés. Il s’ensuit que l’interdiction prévue à l’article 20 de la loi communale n’est pas d’application en l’espèce et que les conseillers communaux ... et ... ont valablement pu siéger lors des discussions et des votes du conseil communal de Mamer du 24 septembre 2012 et du 4 mars 2013. 

Enfin, la société demanderesse se réfère encore à titre d’illustration à un courrier du ministre adressé le 20 octobre 2011 au bourgmestre de la commune de Roeser pour attirer son attention sur une situation de conflit d’intérêts. Force est toutefois au tribunal de constater que la situation ayant amené le ministre à s’adresser audit bourgmestre diffère foncièrement de celle actuellement litigieuse et n’est partant pas transposable en l’espèce. 

Le moyen d’annulation tiré d’une violation de l’article 20 de la loi communale du fait de la participation de Madame ... et de Monsieur ... aux délibérations et votes du conseil communal de Mamer des 24 septembre 2012 et 4 mars 2013, est partant à rejeter. 

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen d’annulation des décisions déférées tiré d’une violation de l’article 20 de la loi communale est à rejeter dans son intégralité pour ne pas être fondé. 

 

• Quant à la légalité externe de la décision déférée du ministre du 22 octobre 2013 

La société demanderesse reproche en substance à la décision ministérielle déférée une absence de toute motivation à sa base, dans la mesure où elle se serait limitée à approuver la décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 et à déclarer recevable mais non fondée sa réclamation sans renseigner le moindre motif ni quant à l’un, ni quant à l’autre de ces éléments. Elle se réfère à des jurisprudences des juridictions administratives pour soutenir que l’obligation de motivation existerait également pour les actes administratifs à caractère réglementaire. 

A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la société demanderesse a encore soutenu que la décision ministérielle déférée serait restée dépourvue d’une indication des motifs à sa base tout au long de la procédure contentieuse, étant donné que le délégué du gouvernement se serait limité à se rapporter à prudence de justice dans le cadre de son mémoire en réponse et qu’il aurait déclaré à l’audience des plaidoiries que la partie étatique ne souhaiterait pas prendre position dans l’affaire sous examen. 

La société demanderesse conclut ainsi que, dans la mesure où la décision ministérielle serait dépourvue de toute motivation à sa base, elle serait entachée d’un vice de forme et devrait encourir l’annulation. 

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position quant au moyen d’annulation ainsi avancé par la société demanderesse dans la mesure où dans le cadre de son mémoire en réponse il s’est limité à indiquer que : « Le Gouvernement se rapporte pour l’intégralité du recours précité, à prudence de justice tant en ce qui concerne la forme que le fond. » et où il a rappelé à l’audience publique des plaidoiries que la partie étatique se rapportait à prudence de justice quant au recours sous examen, tout en insistant, sur question expresse du tribunal, sur le fait que la partie étatique ne voulait pas prendre position dans la présente affaire. 

L’administration communale de Mamer répond que les décisions des autorités communales auraient été justifiées par l’intérêt général de sorte que ce serait à bon droit que le ministre les aurait approuvées. D’ailleurs, les explications qu’elle fournirait dans le cadre du recours sous examen établiraient à suffisance de droit l’existence de motifs légaux à la base des décisions attaquées. A l’audience des plaidoiries, le litismandataire de l’administration communale de Mamer a encore ajouté que l’administration communale de Mamer aurait au cours de la procédure contentieuse apporté les motifs à la base des décisions déférées et que par ailleurs le ministre se serait prononcé en s’appuyant sur l’avis de la commission d’aménagement qui serait amplement motivé. 

Aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version applicable au présent litige : « Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général. 

Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 21 mai 1999.» 

A titre liminaire, le tribunal est amené à rappeler, que, tel que retenu ci-avant, la décision du ministre s’inscrivant dans le cadre de l’article 18 précité de la loi du 19 juillet 2004 portant approbation d’un plan d'aménagement général et statuant sur les réclamations introduites à son encontre, s’analyse en un acte administratif à caractère réglementaire. 

S’il est certes vrai qu’aucune disposition légale ou réglementaire spécifique n’exige l’indication formelle de la motivation gisant à la base d’un acte administratif à caractère réglementaire, il n’en demeure pas moins que ces derniers doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l'existence que la légalité. Ces motifs doivent être rétraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l'exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi[8]

S’agissant plus particulièrement de l’adoption d’un plan d'aménagement général qui s’effectue à travers une procédure d’aplanissement des difficultés, la Cour administrative a retenu dans un arrêt du 20 mars 2014, inscrit sous le numéro 33588C du rôle, que l’absence de prise de position du ministre est radicalement contraire à l’esprit de la loi et méconnaît fondamentalement le mécanisme de participation et de collaboration y contenu, ouvert à tous les intéressés[9]. 

En l’espèce, force est au tribunal de constater que la société demanderesse avance à juste titre que la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 est dépourvue de toute indication des motifs à sa base. En effet, ladite décision, citée ci-avant dans son intégralité, se limite à approuver la délibération du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 portant adoption définitive du projet d’aménagement général de la commune de Mamer, parties graphique et écrite, ainsi qu’à déclarer recevables et non fondées diverses réclamations, dont celle émanant de la société demanderesse et finalement à déclarer irrecevables certaines autres réclamations, sans aucune autre précision ni explication quant au bien-fondé desdites décisions. Il s’ensuit qu’a priori la décision ministérielle déférée pèche pour n’être nullement motivée. 

A cet égard, la Cour administrative a encore retenu dans son arrêt précité, rendu le 20 mars 2014, que bien que la décision ministérielle déférée s’analyse comme acte participant à un acte réglementaire dont elle épouse elle-même la forme, la procédure d’aplanissement des difficultés se trouve à tel point proche d’un processus de participation et de collaboration administrative, tel que parallèlement prévu pour la prise de décisions individuelles, que la solution jurisprudentielle consacrée en matière de refus implicite pour silence gardé par l’administration durant plus de trois mois, permettant une fourniture de motifs pour la première fois en phase contentieuse, pourvu que les éléments afférents aient existé au moment de la prise de la décision critiquée, doit être entrevue comme étant transposable ponctuellement et précisément au cas de l’omission par le ministre de statuer sur une réclamation dans le cadre de la procédure d’adoption d’un plan d'aménagement général ou d’un plan d’aménagement particulier. 

En l’espèce, le tribunal est cependant amené à constater qu’au cours de la procédure contentieuse l’administration n’a apporté aucun élément de motivation à la base de la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013. En effet, tel que précisé ci-avant, le délégué du gouvernement s’est contenté, dans le cadre de son mémoire en réponse, ainsi qu’à l’audience publique des plaidoiries, d’affirmer que le gouvernement se rapportait à prudence de justice tant quant à la forme que quant au fond du recours sous examen, tout en ajoutant explicitement sur question expresse du tribunal à l’audience publique des plaidoiries que la partie étatique ne souhaitait pas prendre position par rapport à la décision ministérielle critiquée. 

En l’absence de toute indication de la motivation à sa base, voire en présence d’un refus explicite de l’indication de la motivation, force est au tribunal de constater que la décision ministérielle déférée du 22 octobre 2013 est entachée d’un vice de forme, auquel il n’a pas été remédié au cours de la procédure contentieuse, de sorte qu’elle encourt l’annulation de ce chef. 

La conclusion qui précède n’est pas énervée par les tentatives de l’administration communale de Mamer de justifier les motifs à la base de la décision ministérielle déférée. En effet, il est bien évident qu’il n’appartient pas à l’autorité communale d’indiquer les motifs à la base de la décision de l’autorité ministérielle de tutelle, précisément amenée à contrôler la légalité d’une décision de l’autorité communale. Par ailleurs, l’administration communale de Mamer affirme à juste titre que le fait de se rapporter à prudence de justice par la partie étatique est à considérer du moins comme contestation des moyens invoqués par la partie adverse, toutefois, le simple fait de contester le recours introduit par la partie demanderesse, n’équivaut pas à l’indication de la motivation gisant à la base de la décision ministérielle déférée, de sorte que cette dernière reste entachée d’un vice de forme pour défaut d’indication des motifs à sa base. 

Seule la décision déférée ministérielle encourant l’annulation, il y a encore lieu d’analyser les moyens de la société demanderesse ayant trait au bien-fondé des décisions déférées du conseil communal de Mamer du 24 septembre 2012 et 4 mars 2013.

 

• Quant à la légalité interne des décisions déférées prises par le conseil communal de Mamer en date des 24 septembre 2012 et 4 mars 2013.

 La société ..., propriétaire de différentes parcelles sur le territoire de la commune de Mamer, ne figurant pas dans le périmètre d’agglomération de Mamer, tel que retenu par le plan d'aménagement général actuellement litigieux, reproche en substance aux autorités communales d’avoir été guidées en ce qui concerne le classement de ses parcelles non point par des considérations d’ordre urbanistiques, mais par des considérations ayant trait d’une part à sa propre personne et d’autre part à la personne d’un tiers dont elles auraient voulu protéger les intérêts personnels. 

Elle affirme ainsi premièrement que les autorités communales auraient commis un détournement du pouvoir leur confié en tant que responsables communaux pour empêcher toute utilisation des parcelles appartenant à un promoteur qui est l’administrateur-délégué de son associé commandité, à savoir de la société anonyme .... Les autorités communales de Mamer auraient ainsi fait prévaloir des considérations correspondant ni de près ni de loin à l’intérêt général de la commune, mais relevant de l’arbitraire et destinées à favoriser leur image et leur popularité, dans la mesure où elles auraient tenté de la sorte à se distancier dudit promoteur. A l’appui de ses affirmations, la société demanderesse se réfère à une déclaration fait par le bourgmestre de la commune de Mamer lors d’une réunion d’information du 15 octobre 2012 de la teneur suivante : « Mir hun hei net d’Solution de facilité gewielt an een Promoteur mat 36ha Terrain privilégiéiert. Dei politesch Responsabel wellen sech matt all dem waat 2011 geschitt ass keng ze grouss Proximitéit gegeniwer engem bestemmten Promoteur nosoen loossen. Ech well elo keen Numm nennen, mé dir wesst jo bestemmt all vun wat ech schwetzen. » 

En second lieu, la société demanderesse soutient que ses parcelles situées au lieu-dit «  » à l’entrée de la zone d’activité de Capellen auraient été maintenues en dehors du périmètre d’agglomération pour des considérations étrangères à l’intérêt général. Elle se réfère ainsi à la réunion en vue de l’aplanissement des différends le 18 janvier 2013 entre le collège des bourgmestre et échevins et elle-même, lors de laquelle le bourgmestre auraient estimé que lesdites parcelles de la demanderesse ne pourraient pas être intégrées au périmètre d’agglomération, puisqu’un tel reclassement irait à l’encontre d’un accord oral l’engageant à l’égard de son prédécesseur Monsieur …, auquel il aurait donné sa parole lors de la passation des pouvoirs que les terrains situés derrière sa maison resteraient non-bâtis. 

Afin de voir confirmé ses allégations relatives à la commission d’un détournement de pouvoir par les autorités communales de Mamer, la société demanderesse sollicite l’audition de différents témoins. 

La société conclut que ses parcelles sises sur le territoire de la commune de Mamer auraient été exclues purement et simplement du périmètre d’agglomération pour des considérations parfaitement étrangères à l’intérêt général. 

Par ailleurs, la société ... affirme que l’intégration des parcelles lui appartenant, situées aux lieux-dits «  », d’une surface totale de 21,12 hectares ; «  », d’une surface totale de 7,56 hectares et «  », d’une surface totale de 6,76 hectares, selon les cas en zone habitation 1, en zone habitation 2, en zone d’activités économiques communale ou en zone d’aménagement différé, aurait été dans l’intérêt général. 

A l’appui de ces affirmations, la demanderesse explique d’abord de manière générale que face à une perspective de croissance de la population de la commune de Mamer de 3,34% par an, les autorités communales n’auraient eu cesse de souligner la nécessité de disposer, voire de créer des logements en nombre suffisants. 

Plus concrètement, quant à la cinquantaine de parcelles d’une surface totale de 21,12 hectares dont elle serait propriétaire, au lieu-dit « ... », la demanderesse fait valoir qu’elles seraient directement adjacentes à la localité de Mamer et que leur intégration dans le périmètre d’agglomération répondrait manifestement au besoin de création de logements, qui serait d’ailleurs établi à suffisance par l’étude préparatoire du plan d'aménagement général. D’ailleurs, le classement desdits terrains en zone habitation 1 ou 2, voire en zone d’aménagement différée pourrait facilement et sans complications se réaliser puisqu’à part une seule parcelle, ils seraient tous entre les mains d’un seul propriétaire, ce qui éviterait de devoir réaliser un remembrement amiable ou forcé de terrains nécessitant souvent plusieurs années. Du point de vue de sa localisation géographique, le site du lieu-dit « ... » serait parfaitement situé, dans la mesure où un futur lotissement qui y serait installé complèterait le tissu urbain, sans pour autant en créer une extension tentaculaire. Enfin, le site concerné serait bien connecté au réseau du transport en commun puisqu’il se trouverait à moins de 400 mètres de l’arrêt du chemin de fer de Mamer. De plus, le site serait situé le long du tracé du contournement envisagé de Mamer.

 Quant aux parcelles lui appartenant et situées au lieu-dit « ... », la société demanderesse fait valoir essentiellement les mêmes arguments en faveur de leur intégration dans le périmètre d’agglomération qu’en ce qui concerne les parcelles situées au lieu-dit « ... ». Il s’agirait ainsi de terrains situés en face du lieu-dit « ... », directement adjacents à la localité de Mamer, appartenant à un seul propriétaire, susceptibles de compléter le tissu urbain et longeant le tracé du futur contournement de Mamer. Une intégration desdits terrains en zone habitation 1 ou 2, voire en zone d’aménagement différée, se justifierait partant parfaitement. 

Enfin, quant aux parcelles lui appartenant, situées au lieu-dit « ... », d’une surface totale de 6,76 hectares, la demanderesse fait valoir qu’elles se trouveraient pour partie à l’entrée de la zone artisanale de Capellen, zone de plein essor, et qu’elles borderaient ainsi directement les infrastructures routières existantes desservant ladite zone. Le classement desdits terrains en zone d’activité économique communale aurait partant été cohérent, voire même utile, dans la mesure le besoin de développer les zones d’activités communales et en particulier la zone artisanale de Capellen se trouverait documenté par l’étude préparatoire du plan d'aménagement général 

La demanderesse ajoute que les terrains lui appartenant, situés au lieu-dit « ... » auraient été classés en zone de paysage protégé par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déclarant zone protégée d’intérêt national la réserve naturelle et le paysage protégé, la vallée « ... », désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 3 juillet 2014 », contre lequel elle aurait introduit un recours contentieux qui se serait soldé par un jugement du tribunal administratif rendu le 3 juillet 2014 qui aurait prononcé l’annulation dudit règlement grand-ducal. 

Enfin, elle estime que le classement desdites parcelles en zone de protection ne se justifierait pas et se réfère à cet égard à un rapport d’un bureau d’études suivant lequel lesdits terrains ne répondraient pas aux caractéristiques des zones à protéger et qu’ils ne pourraient pas figurer comme zone tampon entre les zones urbanisées et la faune et la flore en raison de la distance séparant la zone spéciale de conservation du parc d’activités de Capellen, permettant d’exclure toute incidence négative de celui-ci sur les objectifs de protection de cette zone. 

La société demanderesse conclut que même si les autorités communales avaient été guidées par des considérations urbanistiques d’intérêt général, celles-ci seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que les décisions communales déférées devraient encourir l’annulation. 

L’administration communale répond en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives selon laquelle il serait communément admis que l'annulation pour détournement de pouvoir tendrait à sanctionner l'obligation pour les autorités administratives d'agir exclusivement dans l’intérêt général, de sorte que le détournement de pouvoir consisterait dans le fait pour l'administration d'exercer une compétence dans un but autre que celui pour lequel cette compétence lui a été conférée. Par ailleurs, la modification d'un plan d'aménagement général serait, dans son essence même, prise dans l'intérêt général, et cette caractéristique serait présumée jusqu'à preuve du contraire. Il appartiendrait dès lors en l’espèce à la société demanderesse de rapporter cette preuve. 

Quant aux reproches d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, l’administration communale de Mamer se réfère à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 selon lequel les communes auraient pour mission de garantir le respect de l'intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal. Pour ce faire, l'administration communale bénéficierait d'une large marge d'appréciation ce qui serait d’ailleurs confirmé par la jurisprudence des juridictions administratives. 

Plus concrètement, l’administration communale de Mamer fait valoir que les décisions prises par elle dans le cadre de l’adoption du plan d'aménagement général auraient correspondu à des choix stratégiques justifiés par l’intérêt général. A l’appui de ses affirmations, elle renvoie à l’étude préparatoire du plan d'aménagement général qui aurait fondé la stratégie de développement de la commune de Mamer non seulement sur l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004, mais encore sur le cadre donné à cet effet par le programme directeur d'aménagement du territoire et sur l'étude IVL (Integratives Verkehrs-und Landesentwicklungskonzept für Luxemburg), en retenant que la commune de Mamer joue un rôle de centre de délestage pour la Ville de Luxembourg. 

L'étude préparatoire aurait ainsi recommandé à la commune de Mamer de « (…) consolider ses centres de proximité, de densifier certains secteurs stratégiques, notamment ceux bien desservis par les transports publics proches des axes de communication importants, d'encourager les déplacements en transport en commun et de préserver et valoriser le patrimoine naturel aussi bien à l'intérieur du périmètre d'agglomération qu'à l'extérieur». La stratégie de développement « (…) repose sur une densification douce du tissu bâti existant sur le développement des parcelles libres « Baulücken » et sur la mise en valeur des nouvelles surfaces couvertes d'un PAP à l'intérieur de l'agglomération du Plan d'Aménagement Général en vigueur ». De plus, l'étude préparatoire, contiendrait un nouveau concept de mobilité et la commune de Mamer aurait fait le choix résolu d'utiliser, d'améliorer et de compléter les infrastructures existantes que ce soit au niveau des routes, des chemins de fer ou encore des lignes d'autobus. Elaborer un nouveau plan d'aménagement général autour de ces priorités aurait ainsi exigé de la part des autorités communales des choix stratégiques. 

Le projet d'aménagement général tel qu'approuvé par le premier vote du 24 septembre 2012 aurait été fondé sur un potentiel de développement de 85,73 hectares. Or, la commission d'aménagement aurait critiqué l'étendue du projet d'aménagement général initial. En raison de ces objections, la commune aurait procédé à la suppression de 18,84 hectares de surfaces de développement et à un classement en zone d’aménagement différé de 22,69 hectares. Le potentiel de développement de nouvelles zones mixtes ou d'habitation s'élèverait à 44,20 hectares en ce compris quelques 13,67 hectares se trouvant d'ores et déjà en zones viabilisées respectivement dans le tissu urbain existant notamment au centre de Mamer ou encore le long de la route d'Arlon à Mamer et à Capellen. Le potentiel de développement pour nouvelles zones mixtes ou d'habitation, soumises à un plan d'aménagement particulier « nouveau quartier », aurait dès lors été substantiellement réduite. 

L’administration communale de Mamer explique qu’en raison des considérations précédentes certaines parcelles prévues par le projet d'aménagement général ne seraient plus du tout reprises, ou le seraient sous une autre catégorie de zone, dans le plan d'aménagement général actuellement litigieux. A titre d’exemple, elle renvoie à la zone de développement prévue au lieu-dit «…» qui aurait complètement été enlevée du projet d'aménagement général à l'exception d'une partie d'environ 1,49 hectares située à proximité immédiate de la gare ferroviaire au lieu-dit «…». 

L’administration communale explique encore que d'une manière générale, elle aurait fait le choix de développer à partir de l'existant, de consolider ses centres de proximité et de densifier le tissu bâti existant. Les zones de développement se situeraient ainsi dans le prolongement naturel des quartiers en cours de réalisation sous forme de plans d’aménagement particulier approuvés en cours de réalisation. Dans ce contexte, l’administration communale renvoie à titre d’exemple aux parcelles situées au lieu-dit « ... », ainsi qu’à celles situées entre la rue … et la rue … au lieu-dit « … » et, enfin à celles situées au lieu-dit «…»  

La commune ajoute encore que les parcelles situées aux lieux-dits « …, …, … » initialement destinées à être classés en zone d'habitation 2, auraient été classés en zone différée conformément à l'avis de la commission d'aménagement du 12 décembre 2012. 

Enfin, elle affirme avoir poursuivi, dans l'optique d'une densification douce du tissu bâti existant, l'objectif d'inclure de nombreuses « Baulücken » dans le nouveau plan d'aménagement général. 

L’administration communale conclut que les choix stratégiques opérés par elle auraient été mus par l'intérêt général et rencontreraient les objectifs fixés à l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004. Ce constat à lui seul serait de nature à entraîner le rejet du recours introduit en ce que la commune serait libre de ses choix politiques, notamment urbanistiques, sous la réserve que ces choix fussent dans l'intérêt général ce qui résulterait des développements qui précèdent. 

Plus particulièrement quant aux reproches de la demanderesse relatifs à la non-inclusion de ses parcelles dans le périmètre d’agglomération, l’administration communale de Mamer fait valoir qu’elle se limiterait à ériger en postulat que la prise en compte de ses parcelles aurait été dans l'intérêt général et que, dès lors, ses parcelles auraient dû être intégrées dans le plan d'aménagement général. Or, tout autre propriétaire dont les parcelles n'ont pas été intégrées dans le plan d'aménagement général pourrait argumenter de la même façon ce qui ne prouverait toujours pas en quoi l'inclusion dans le plan d'aménagement général des parcelles choisies par la commune serait contraire à l'intérêt général. Si les propriétaires n’ont pas de droit acquis quant au maintien d'une réglementation qui leur est favorable, ils n’auraient a fortiori pas non plus un droit à l'établissement d'une telle réglementation. 

En ce qui concerne plus concrètement les parcelles de la société ... sises au lieu-dit «  » et « ... », l’administration communale de Mamer conteste d’abord formellement avoir exclu le principe même d'une intégration de ces parcelles dans le plan d'aménagement général. 

Le lieu-dit «  » serait situé dans une zone agricole qui serait importante au niveau écologique ce qui ressortirait d’ailleurs de l'étude préparatoire du projet d'aménagement général qui soulignerait différents points tels que « die Erholungsfunktion », « Erreichbarkeit der umliegenden Erholungsräume vom Siedlungsbereich aus », « Weiterhin wird im Südwesten von Mamer der aus … und den Offenlandbereichen … häufig für wohnungsnahe Freizeitaktivitäten genutzt und stellt sowohl für Mamer als auch für Holzem einen bedeutenden siedlungsnahen Erholungsbereich dar, in dem auch die Radwegeverbindung nach Garnich verläuft ». 

Contrairement aux affirmations de la demanderesse, les parcelles sises au lieu-dit « ... » auraient donc été prises en considération dans le cadre de l'étude préparatoire et le plan d'aménagement général s’inscrirait dans la logique des points b) et d) de l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004 prévoyant un développement harmonieux des structures urbaines et rurales ainsi qu’un développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d'une mixité et d'une densification permettant d'améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités. 

L’administration communale conteste encore que lesdites parcelles présenteraient des avantages en matière de mobilité, dans la mesure où il découlerait des plans versés en cause qu’elles se situeraient à une distance de la gare variant entre 550 et 900 mètres. En revanche, les parcelles intégrées dans le périmètre d’agglomération par le plan d'aménagement général seraient situées à un endroit bien plus proche des transports en commun que celles de la demanderesse. Ainsi, à titre d'exemple, les parcelles sises au lieu-dit « ...» seraient situées à proximité immédiate de la gare de Marner et des arrêts de bus. 

L’administration communale de Mamer argumente encore que la réalisation du futur contournement de Mamer, nécessaire à la viabilisation des parcelles de la demanderesse situées au lieu-dit « ... » et « ... », serait, à l'heure actuelle, purement hypothétique puisqu’elle dépendrait dans une très large mesure des priorités en matière de mobilité prévues par les autorités gouvernementales. Ni l'étude IVL, ni le programme directeur d'aménagement du territoire, ni le projet de plan sectoriel directeur « transports », ni la stratégie pour une mobilité durable (MODU) ne prévoiraient un tel contournement. 

La réalisation de l'accès routier aux lieux-dits « ... » et « ... » serait donc plus qu'hypothétique de sorte que les autorités communales de Mamer n'en auraient raisonnablement pas pu tenir compte. Le fait que le bourgmestre se soit exprimé en faveur de la réalisation d'un tel contournement ne changerait rien à cette situation. 

Contrairement à ce qui est retenu dans ce contexte par la société ..., l’administration communale de Mamer argumente enfin que l’intégration des parcelles aux lieux-dits « ... » et « ... » par le plan d'aménagement général dans le périmètre d’agglomération aurait généré une extension tentaculaire du tissu urbain. 

Quant aux parcelles appartenant à la demanderesse, situées au lieu-dit « ... », l’administration communale de Mamer explique que lors de la réunion en vue de l'aplanissement des différends du 18 janvier 2013, le collège des bourgmestre et échevins aurait clairement attiré l'attention de la demanderesse sur le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012. Les parcelles de la demanderesse feraient partie de ladite zone protégée de sorte que les autorités communales n’auraient pas pu décider autrement en ce qui concerne les parcelles sises à cet endroit, sous peine de violer la législation applicable et d'encourir de ce fait la sanction du tribunal. 

Le fait que la demanderesse ait introduit un recours contentieux contre le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 importerait peu à cet égard, dans la mesure où la légalité dudit règlement grand-ducal sera vérifié dans le cadre du recours y relatif. Ainsi, l'étude d’un bureau d’expertise versée en cause par la demanderesse pour démontrer que le classement des parcelles en zones protégées serait sans valeur aucune quant au présent recours. D’ailleurs, le tribunal serait saisi d’un recours en annulation, l’amenant à statuer en appréciant la légalité de l'acte administratif par rapport aux normes existantes au moment où l'acte a été pris et non sur la base de normes en vigueur au moment où il statue. 

Enfin, l’administration communale de Mamer estime qu’il résulterait de ses explications que la non-inclusion dans le périmètre d’agglomération des parcelles concernées de la demanderesse aurait été dictée à la commune par l'existence d'un règlement grand-ducal fixant leur destination, de sorte que l'offre de preuve tendant à prouver par témoins que le classement en zone protégée aurait été décidé suite à une promesse faite par le bourgmestre actuel de la commune de Mamer à son prédécesseur serait à rejeter en ce que les faits offerts en preuve seraient contredit par les éléments acquis en cause. 

En dernier lieu et à titre subsidiaire, l’administration communale de Mamer conteste que les parcelles appartenant à la société ... n’auraient pas été intégrées dans le périmètre d’agglomération par le plan d'aménagement général en raison de considérations liées à la personne même de la demanderesse. 

En effet, le fait de ne pas avoir opté pour la solution consistant à intégrer les terrains de la demanderesse dans le périmètre d’agglomération prouverait à l'évidence que les autorités communales n’auraient pas fait un choix gouverné par l'identité des propriétaires des parcelles que ce soit celle de la demanderesse ou encore celles d’autres propriétaires concernés mais qu'elles auraient agi dans l'intérêt général. 

Elle se réfère aux propos du bourgmestre de la commune de Mamer qui aurait affirmé que la commune n’aurait pas opté pour la solution de facilité qui aurait consisté à privilégier un promoteur propriétaire de 36 hectares de terrains, pour expliquer que la « solution de facilité » au détriment de l'intérêt général aurait précisément été d'inclure les parcelles de la demanderesse dans le plan d'aménagement général. Ainsi, tel que la société demanderesse le préciserait elle-même à plusieurs reprises, les terrains situés aux lieux-dits « ... » et « ... » appartiendraient au même propriétaire, à savoir à la demanderesse. La demanderesse expliquerait encore elle-même à quel point le remembrement de terrains appartenant à plusieurs propriétaires serait difficile et qu'une pareille procédure pourrait prendre des décennies comme l'exemple du lotissement « ... » a Luxembourg-Belair l'aurait montré. 

Enfin, l’administration communale de Mamer conclut au rejet de l’offre de preuve sollicitée par la demanderesse. 

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la demanderesse reprend en substance ses développements en insistant toutefois sur le fait que le motif du classement des terrains lui appartenant, situés au lieu-dit « ... », en zone de protection suivant règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 n’aurait en réalité été nullement déterminant pour les autorités communales. Même en l’absence dudit règlement grand-ducal ses parcelles n’auraient pas été intégrées dans le périmètre d’agglomération, en raison de la promesse du bourgmestre de Mamer à son prédécesseur de maintenir lesdits terrains en zone non-constructible. D’ailleurs, lors du premier vote du conseil communal, le 24 septembre 2012, le règlement grand-ducal du 30 décembre 2012 n’aurait pas encore été adopté. 

Enfin, dans le cadre de son mémoire supplémentaire, la société demanderesse explique que par jugement du 3 juillet 2014, inscrit sous le numéro 32175 du rôle, le tribunal administratif aurait annulé le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012. Contre le prédit jugement, la partie étatique aurait interjeté appel le 8 août 2014, inscrit sous le numéro 35034C du rôle. A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de surseoir à statuer en attendant l’issue de l’affaire pendante devant la Cour administrative. 

L’administration communale de Mamer répond dans le cadre de son mémoire en duplique qu’il appartiendrait à la demanderesse de rapporter positivement la preuve que le conseil communal dans son entièreté se serait rendu coupable d’un détournement de pouvoir. Par ailleurs, le reproche du détournement de pouvoir ne serait pas à dissocier de la question de savoir si les décisions déférées auraient été prises dans l’intérêt général. Ainsi, le fait que le bourgmestre et un échevin de la commune de Mamer auraient expliqué que les parcelles d’un certain promoteur, en l’occurrence de la société demanderesse, ne seraient pas incluses dans le périmètre d’agglomération, ne voudrait pas dire que le plan d'aménagement général aurait été motivé par des considérations étrangères à l’intérêt général. 

Quant aux terrains appartenant à la société demanderesse, sis au lieu-dit « ... », l’administration communale de Mamer explique que si certes le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déclarant la vallée de ... zone protégée n’aurait pas encore été adopté au moment du vote du conseil communal du 24 septembre 2012, il n’en demeurerait pas moins que la vallée de la Mamer et de l’Eisch aurait été érigée en zone de protection par l’annexe 5 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 ». Il serait ainsi normal que l’administration communale ait tenu compte du règlement grand-ducal à intervenir sur base de la loi modifiée du 19 janvier 2004, concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Ainsi, le plan national pour la protection de la nature aurait été adopté par le gouvernement le 11 mai 2007 et prévoirait que la zone « ... » figurerait parmi les « sites alternatifs en vue d’être déclarés zones protégés en réserve forestière ». L’administration communale estime qu’il serait partant normal qu’elle aurait pris en compte le règlement grand-ducal à intervenir sur base de la loi du 19 janvier 2004 et sur base du plan national concernant la protection de la nature. 

En ce qui concerne le jugement du tribunal administratif rendu en date du 3 juillet 2014, l’administration communale de Mamer insiste sur le fait que le tribunal serait en l’espèce saisi d’un recours en annulation et qu’il devrait partant apprécier la légalité des décisions déférées en prenant en compte la situation de droit et de fait au moment de l’adoption desdites décisions. Pour l’hypothèse où le tribunal devait estimer que le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 ait déterminé le sort des terrains sis au lieu-dit « ... », elle estime qu’il y aurait lieu de surseoir à statuer en attendant l’arrêt de la Cour administrative. 

A titre liminaire, le tribunal rappelle que la mission du juge de la légalité lui conférée à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. 

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité[10]

En effet, les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations. 

Le détournement de pouvoir consiste dans l’utilisation d’une compétence du pouvoir réglementaire communal dans un but autre que celui pour lequel elle est conférée[11]. Concrètement en matière d’aménagement communal et plus particulièrement de plan d'aménagement général, un détournement de pouvoir est vérifié notamment si le mobile véritable de l’administration ne correspond pas à celui qu’elle a indiqué comme motif à la base de l’adoption du plan d'aménagement général. 

Toujours est-il que les décisions portant adoption, voire modification d'un plan d'aménagement général sont, dans leur essence même, prises dans l'intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu'à preuve du contraire[12], étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits incriminés. Dans le même contexte, il échet encore de préciser qu’il n’y a pas lieu de démontrer que la décision ait été prise exclusivement dans l’intérêt général, mais, en revanche, que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général[13]. 

A ce titre, c’est à bon droit que l’administration communale de Mamer fait valoir que la société demanderesse n’aurait à aucun moment expliqué en quoi l’adoption du plan d'aménagement général aurait heurté l’intérêt général. 

Ainsi, la société demanderesse affirme que l’administration communale de Mamer n’aurait pas intégré les parcelles lui appartenant dans le périmètre d’agglomération de Mamer en raison de considérations étrangères à l’intérêt général, mais, liées, d’une part, à la personne de la demanderesse elle-même et, d’autre part, à la personne de l’ancien bourgmestre de la commune de Mamer. 

Toutefois, le tribunal est d’abord amené à constater en ce qui concerne les parcelles sises aux lieux-dits « ... » et « ... », que la société demanderesse ne lui a soumis aucun élément permettant d’établir que l’administration communale de Mamer aurait pu tirer un quelconque bénéfice du fait de ne pas intégrer dans le périmètre d’agglomération lesdites parcelles appartenant à un promoteur déterminé, en l’occurrence à la demanderesse elle-même. Si cette dernière fait valoir que les responsables communaux auraient agi de la sorte dans le but de favoriser leur image, l’intérêt qu’elle tente ainsi à attribuer aux responsables communaux reste purement hypothétique, dans la mesure où il n’est pas établi de quelle manière les décisions déférées auraient pu contribuer à améliorer l’image du conseil communal de Mamer, voire des responsables communaux. 

Le tribunal est encore amené à constater qu’il ne ressort d’aucun élément lui soumis, d’une part, que le nouveau plan d'aménagement général de la commune de Mamer ait été adopté dans l’intérêt exclusif des responsables communaux, sinon, en ce qui concerne plus particulièrement les terrains sis au lieu-dit « ... », dans l’intérêt exclusif du prédécesseur du bourgmestre actuel de la commune de Mamer et, d’autre part, que les décisions déférées soient contraires à l’intérêt général. 

Bien au contraire, eu égard aux extraits de la partie graphique du plan d'aménagement général, aux vues aériennes établie par l’administration du Cadastre et de la Topographie, telles que versées en cause, ainsi qu’aux explications concordantes de l’administration communale de Mamer non utilement énervées, le tribunal administratif est amené à constater que le tracé des limites du périmètre d’agglomération de la commune de Mamer, tel que retenu par le plan d'aménagement général litigieux et excluant du périmètre d’agglomération les parcelles sises aux lieux-dits « ... » et « ... », ainsi que celles sises au lieu-dit « ... », se justifie par des considérations d’ordre urbanistiques tendant à une finalité d’intérêt général. 

Ainsi, de manière générale, force est au tribunal de constater au vu de la comparaison entre l’ancienne version de la partie graphique du plan d'aménagement général de Mamer et la partie graphique du plan d'aménagement général actuellement litigieux, que la commune de Mamer a procédé, tel qu’affirmé dans le cadre de ses mémoires en réponse et en duplique, à une augmentation de la surface de son périmètre d’agglomération à travers une densification du tissu d’ores et déjà urbanisé, c’est-à-dire, en intégrant prioritairement dans le périmètre d’agglomération des parcelles situées à l’intérieur, voire même au centre des localités existantes, mais qui n’avaient pas été déclarées constructibles jusqu’à présent. Il ressort encore d’une comparaison des différentes versions des parties graphiques du plan d'aménagement général de Mamer qu’en ce qui concerne les parcelles situées en dehors des localités, l’administration communale a veillé à intégrer dans le périmètre d’agglomération des ensembles de terrains se situant dans le prolongement logique des surfaces d’ores et déjà urbanisées. 

Concernant plus particulièrement les parcelles de la société demanderesse, sises aux lieux-dits « ... » et « ... », force est d’abord au tribunal de constater que les arguments de la société demanderesse plaidant en faveur de leur intégration dans le périmètre d’agglomération, à savoir, le fait qu’elles seraient adjacentes à la localité de Mamer, que leur urbanisation pourrait répondre au besoin de création de logements, qu’elles appartiendraient à un seul propriétaire et qu’elles seraient bien reliées au réseau des transports en commun ainsi qu’au réseau routier, ne sont pas de nature à établir que leur non-intégration dans le périmètre d’agglomération serait contraire à l’intérêt général. 

Force est encore au tribunal de constater en ce qui concerne les parcelles précitées qu’il ressort des parties graphiques du plan d'aménagement général versées en cause qu’elles se situent à l’extrémité de la rue …, respectivement de la rue … et de la rue …, constituant le tracé de la limite Nord-Ouest du périmètre d’agglomération de la commune de Mamer. En effet, il ressort des parties graphiques du plan d'aménagement général versées en cause, qu’actuellement la limite du périmètre d’agglomération suit une ligne continue dans la mesure où l’intégralité des terrains situés du côté Nord-Ouest de la rue …, respectivement de la rue … et de la rue … n’est pas intégrée dans le périmètre d’agglomération. Ainsi, le tracé de la limite du périmètre d’agglomération apparaît comme cohérent et harmonieux. 

Une intégration dans le périmètre d’agglomération des terrains appartenant à la demanderesse engendrerait partant une extension dudit périmètre vers le Nord-Ouest. Une telle intégration ne contribuerait pas à la densification du tissu urbain d’ores et déjà existant, mais conduirait à la viabilisation de parcelles jusqu’alors classées en zone agricole et non constructibles. S’y ajoute qu’une telle intégration ne permettrait pas d’agrandir harmonieusement le tissu urbain existant, mais conduirait comme soutenu par l’administration communale de Mamer dans le cadre de ses mémoires en réponse et en duplique à un développement désordonné, voire tentaculaire de la localité de Mamer. En effet, lesdits terrains ne sont qu’en partie directement adjacents aux quartiers urbanisés existant d’ores et déjà de sorte que la surface urbanisée ne s’étendrait pas de manière uniforme, mais serait à plusieurs endroits interrompue par des espaces non constructibles. Il ressort ainsi de la partie graphique du plan d'aménagement général que notamment les parcelles non intégrées dans le périmètre d’agglomération, situées aux lieux-dits «  », «  », «  », «  » et «  », séparent les parcelles appartenant à la demanderesse du tracé de la limite du périmètre d’agglomération et des surfaces d’ores et déjà urbanisées. 

Par conséquent une intégration des parcelles de la demanderesse dans le périmètre d’agglomération serait de nature à rompre la cohérence actuelle de la limite du périmètre d’agglomération et conduirait à un développement urbain désordonné en direction Nord-Ouest, dans la mesure où seuls les terrains de la demanderesse seraient intégrés dans le périmètre d’agglomération et non point les parcelles avoisinantes appartenant à d’autres propriétaires et séparant partiellement les parcelles de la demanderesse du tracé actuel de la limite du périmètre d’agglomération. 

En n’intégrant pas les parcelles de la demanderesse situées aux lieux-dits « ... » et « ... » dans le périmètre d’agglomération de la commune, l’administration communale de Mamer a partant marqué son intention de respecter le tracé cohérent de la limite Nord-Ouest de la localité de Mamer existant actuellement et de ne pas procéder à une extension du périmètre d’agglomération vers le Nord-Ouest de ladite localité. 

Partant, le choix fait par les autorités communales de ne pas intégrer les parcelles sises aux lieux-dits « ... » et « ... » dans le périmètre d’agglomération n’est pas à considérer comme arbitraire, mais se justifie par des arguments vérifiés quant à leur matérialité, tirés d’une saine urbanisation et tendant à une finalité d’intérêt général, à savoir un développement cohérent et harmonieux de la localité de Mamer dans la commune de Mamer. 

Eu égard aux développements qui précèdent, les moyens d’annulation soulevés dans le contexte du classement des parcelles sises aux lieux-dits « ... » et « ... » et tirés d’un détournement de pouvoir, ainsi que du fait que les limites du plan d'aménagement général n’auraient pas été fixées selon des considérations urbanistiques, sont partant à rejeter pour ne pas être fondés. 

Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement la non-intégration dans le périmètre d’agglomération des parcelles appartenant à la société demanderesse et sises au lieu-dit « ... », le tribunal est d’abord amené à constater que, tout comme pour les parcelles sises aux lieux-dits « ... » et « ... », les arguments de la société demanderesse plaidant en faveur de leur intégration dans le périmètre d’agglomération, ne sont pas de nature à établir que leur non-intégration dans le périmètre d’agglomération serait contraire à l’intérêt général. 

La société demanderesse affirme ainsi que l’intégration desdites parcelles dans le périmètre d’agglomération aurait été cohérente et utile au vu de leur situation pour partie à l’entrée de la zone artisanale de Capellen, donc à l’entrée d’une zone en plein essor, bordant directement les infrastructures routières existantes desservant ladite zone. Par ailleurs, elle affirme qu’elle aurait introduit un recours contentieux contre le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 ayant classé notamment lesdites parcelles en zone de paysage protégé, recours ayant abouti à l’annulation dudit règlement grand-ducal par le jugement précité du tribunal administratif du 3 juillet 2014 et que de surplus, lesdites parcelles ne rempliraient pas les conditions pour être classées en zone protégée. Ainsi, leur classement en zone de protection serait dépourvu de tout fondement. A ce titre elle se réfère encore au rapport dressé par un bureau d’études spécialisé en matière environnementale, qu’elle a elle-même chargé d’émettre un avis sur le classement des parcelles lui appartenant et selon lequel lesdites parcelles ne répondraient pas aux caractéristiques des zones à protéger, de sorte qu’elle critique la légalité du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012. Dans ce contexte et sur question afférente du tribunal à l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la société demanderesse a confirmé qu’à travers son moyen, elle entendait soulever par la voie de l’exception l’illégalité du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 sur base de l’article 95 de la Constitution. Dans le cadre du mémoire supplémentaire, que les parties en cause ont été autorisées à déposer pour prendre spécifiquement position sur l’incidence du jugement du tribunal administratif du 3 juillet 2014 sur le recours sous examen, la société demanderesse demande au tribunal de surseoir à statuer en attendant que la Cour administrative se soit prononcée sur l’appel entretemps interjeté contre le prédit jugement du tribunal administratif, tout en précisant que l’affaire est fixée pour être plaidée à l’audience de la Cour administrative du 18 décembre 2014. 

L’administration communale de Mamer explique qu’elle n’a pas intégré les parcelles de la société demanderesse dans le périmètre d’agglomération en raison du fait qu’elles seraient classées en zone protégée par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 et que même si ce dernier n’avait pas encore été adopté au moment de son premier vote du 24 septembre 2012 elle aurait valablement pu prendre en considération son entrée en vigueur future dans la mesure où la loi du 19 juillet 2004 ainsi que le plan national concernant la protection de la nature, désigné ci-après par le « PNPN », feraient figurer la zone du « ... » parmi les sites en vue d’être déclarés zone protégées. Dans le cadre de son mémoire supplémentaire, l’administration communale rappelle que le tribunal est saisi en l’espèce d’un recours en annulation, l’amenant à apprécier la légalité des décisions déférées au moment de leur adoption, de sorte que le jugement du 3 juillet 2014 ne serait d’aucune pertinence en l’espèce, étant donné qu’il serait postérieur à la prise des décisions déférées et qu’il ne pourrait partant pas être pris en considération. Elle demande ainsi le rejet de la demande tendant à surseoir à statuer.

 Force est au tribunal de constater que l’administration communale de Mamer affirme à juste titre qu’il est saisi en l’espèce d’un recours en annulation de sorte qu’il est amené à analyser la situation de droit et de fait au moment de la prise des décisions déférées et qu’il n’y a a priori pas lieu de prendre en considération en l’espèce le jugement du tribunal administratif du 3 juillet 2014, dans la mesure où il est postérieur à la prise des décisions déférées. 

Toujours est-il qu’en se référant précisément à la solution dégagée par le jugement précité du 3 juillet 2014 et en contestant le classement par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 de ses parcelles en zone protégée au motif qu’elles ne présenteraient pas les caractéristiques requises pour un tel classement, la société demanderesse, tel que confirmé par son litismandataire à l’audience publique des plaidoiries, conteste la conformité dudit règlement grand-ducal à sa base légale habilitante. Le tribunal est partant saisi par la voie de l’exception de la question de la légalité du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 au sens de l’article 95 de la Constitution disposant que : « Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. (…) ». 

A cet égard il échet de préciser que l'administré qui estime ses intérêts lésés par un acte règlementaire illégal, dispose au-delà de la faculté d'introduire un recours direct contre cet acte, afin d'en faire prononcer l'annulation par le tribunal administratif, de la faculté d'exercer un recours contentieux contre une décision administrative prise sur base de cet acte réglementaire, estimé illégal, et d'invoquer dans ce cadre une exception tirée de l'illégalité de l'acte. Dans la dernière hypothèse, la reconnaissance de l'illégalité de l'acte réglementaire entraînera la nullité de la décision administrative basée sur ledit acte[14]

Quant à la question de la conformité du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 à sa base légale habilitante, le tribunal a été amené à retenir précisément dans le cadre du jugement précité du 3 juillet 2014 que : « la base habilitante du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012, est constituée par les articles 39 à 45 de la loi du 19 janvier 2004, composant le chapitre 6 de ladite loi, intitulé « Zones protégées d’intérêt national ». Aux termes de l’article 40 de ladite loi : « (…), des parties du territoire peuvent être définies et déclarées zones protégées d’intérêt national, soit sous forme de réserve naturelle, soit sous forme de paysage protégé et comme telles être grevées de servitudes et de charges en vue d’assurer soit la sauvegarde des habitats ainsi que de la faune et de la flore, soit la sauvegarde du paysage ou le bien-être de la population. 

Cette mesure d’exécution devra répondre à la politique en matière de protection de la nature telle qu’elle est définie par le plan national concernant la protection de la nature établi conformément à l’article 51 ou, à défaut, au plan d’aménagement partiel concernant l’environnement naturel intitulée «déclaration d’intention générale» pris sur base de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire. (…) ». ». Le tribunal a partant retenu que dans le cadre du recours ayant abouti au jugement du 3 juillet 2014 la partie demanderesse avait à juste titre affirmé : « qu’en vertu de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, des parties du territoire ne peuvent être déclarées zone protégée d’intérêt national que si ce classement correspond à la politique en matière de protection de la nature, retenue par un PNPN, ou, à défaut, par un plan d’aménagement partiel concernant l’environnement naturel », tout en continuant qu’il : « ressort des visas du règlement grand-ducal déféré qu’il se fonde sur une décision du gouvernement en Conseil du 11 mai 2007 relative au plan national concernant la protection de la nature et ayant trait à sa première partie intitulée « Plan d’action national pour la protection de la nature ». Dès lors, le règlement grand-ducal déféré a été pris en exécution de la politique en matière de protection de la nature définie par un PNPN et non point par un plan d’aménagement partiel concernant l’environnement naturel. », de sorte qu’il y aurait lieu : « de vérifier si, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004 précité, la politique en matière de protection de la nature telle que définie par le PNPN adopté par la décision du gouvernement en Conseil du 11 mai 2007 précitée, a porté sur les territoires de la vallée du ... déclarés zone protégée d’intérêt national par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déféré. » 

Enfin, le tribunal a conclu dans le cadre du jugement du 3 juillet 2014 que le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 devait encourir l’annulation en retenant que  : « Concernant concrètement les parties du territoire destinées, selon la politique du PNPN telle qu’adoptée par le gouvernement en Conseil le 11 mai 2007, à être déclarées zone protégée d’intérêt national, force est au tribunal de constater que la vallée du « ... » ne figure audit PNPN qu’à l’annexe A, énumérant les sites à déclarer zone protégée d’intérêt national, sous le point 4 intitulé : « Liste alternative/complémentaires de sites en vue d’être déclarés zones protégées en réserve forestière intégrale (RFI) ». Par ailleurs, ledit PNPN indique que ladite zone, à déclarer réserve forestière intégrale, porterait sur une superficie de 285ha. 

Toutefois, le règlement grand-ducal déféré porte, quant à lui, selon son article 2 sur des parcelles d’une étendue totale de 2.378,63ha situées à la vallée ..., dépassant ainsi largement la superficie de la zone intitulée ... visée par le PNPN tel qu’adopté par le gouvernement en Conseil le 11 mai 2007. De plus, le règlement grand-ducal ne prévoit pas de réserve forestière intégrale, telle que visée par le PNPN précité, mais déclare la zone ... en zone protégée d’intérêt national en la divisant en deux parties, dont une première partie A, dite réserve naturelle, et une seconde partie B, dite paysage protégé. 

Il s’ensuit que la déclaration de la vallée du ... en zone protégée d’intérêt national ne correspond pas à la politique de protection de la nature telle que définie par le PNPN adopté par décision du gouvernement en Conseil le 11 mai 2007. Dès lors, le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 n’est pas conforme à sa base légale habilitante, à savoir l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, en ce qu’il déclare des parties du territoire zone protégée d’intérêt national, sans que ladite classification desdites parties du territoire en une telle zone n’ait été prévue par le PNPN tel qu’adopté par le gouvernement en Conseil le 11 mai 2007. Par conséquent, le règlement grand-ducal déféré encourt l’annulation pour violation de la loi. ». 

S’il est certes vrai que le jugement du 3 juillet 2014 n’est pas coulé en force de chose jugée, et qu’un appel a été interjeté à son encontre devant la Cour administrative et qu’en vertu de l’article 45 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il est sursis à l’exécution des jugements ayant annulé ou réformé les décisions attaquées, il n’en demeure pas moins que le tribunal ne dispose pas, en l’état actuel de l’instruction du dossier, de suffisamment d’éléments, voire de nouveaux éléments, l’amenant à se départager de la solution retenue dans le cadre de son jugement précité du 3 juillet 2014, de sorte qu’il y a lieu de constater que le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 n’est pas conforme à sa base légale habilitante et qu’il n’y a partant pas lieu de l’appliquer dans le cadre du recours sous examen. 

L’illégalité ainsi reconnue du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012, au sens de l’article 95 de la Constitution, entraîne l’annulation des décisions communales déférées dans la mesure où elles motivent l’exclusion du périmètre d’agglomération des parcelles de la société demanderesse exclusivement par le fait que lesdites parcelles seraient classées en zone protégée par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012, de sorte que ledit règlement grand-ducal illégal se trouve à la base des décisions communales en ce qu’elles visent le classement des parcelles sises au lieu-dit « ... » appartenant à la demanderesse. 

Il s’ensuit que les décisions communales déférées des 24 septembre 2012 et 4 mars 2013 encourent l’annulation dans l’unique mesure où elles ont refusé d’intégrer dans le périmètre d’agglomération de la commune de Mamer les parcelles appartenant à la société ..., sises au lieu-dit « ... » en se fondant sur le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 

Au vu de l’issue du litige il y a lieu de faire masse des frais et dépens et de les imposer pour un tiers à la partie demanderesse, pour un tiers à la partie étatique et pour un tiers à l’administration communale de Mamer, en application de l’article 32 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, suivant lequel : « Toute partie qui succombera sera condamnée au dépens, sauf au tribunal à laisser la totalité, ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie par décision spéciale et motivée. ».

 

Par ces motifs,

 

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ; 

reçoit le recours en annulation en la forme ; 

au fond, le déclare partiellement justifié ; 

partant annule la décision du ministre de l'Intérieur et à la Grande Région du 22 octobre 2013 portant approbation de la décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant la modification du projet d’aménagement général ; 

annule la décision du conseil communal de Mamer du 24 septembre 2012 émettant un vote positif au sujet du projet d’aménagement général et mandatant le collège des bourgmestre et échevins à entamer la procédure de modification du plan d’aménagement général, ainsi que la décision du conseil communal de Mamer du 4 mars 2013 approuvant la modification du plan d'aménagement général de la commune de Mamer dans l’unique mesure où elles ont refusé d’intégrer dans le périmètre d’agglomération de la commune de Mamer les parcelles appartenant à la société en commandite par actions ..., sises au lieu dit « ... » en se fondant sur le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 ; 

renvoie le dossier dans cette mesure au conseil communal de Mamer ; 

rejette le recours pour le surplus ; 

fait masse des frais et dépens et les impose pour un tiers à la société en commandite par actions ..., pour un tiers à la partie étatique et pour un tiers à l’administration communale de Mamer ; 

Ainsi jugé par : 

Françoise Eberhard,  vice-président,

Anne Gosset, premier juge,

Daniel Weber, juge,

 

et lu à l’audience publique du 8 décembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill. 

s. Monique Thill                                                                    s. Françoise Eberhard

 

Reproduction certifiée conforme à l’original

Luxembourg, le 8.12. 2014

Le greffier du tribunal administratif 



[1] Victor de Tollenaere, Nouveau commentaire de la Loi communale, tome 1, éditions Larcier, Bruxelles 1955, p. 218, n°84.

[2] Charles Havard, Manuel pratique de droit communal, éditions La charte, 2000, p.130,  n° 89.

[3] doc. parl. numéro 2675, Exposé des motifs, page 23.

[4] Charles Havard, op. cit., p.130 et 131, n° 90.1 ; voir dans le même sens : Victor de Tollenaere, op.cit., p.218, n° 84 : « L’intérêt direct (…) doit s’entendre d’un intérêt matériel, appréciable en argent (…). (…) il faut que l’intérêt soit direct, né et actuel ; il ne suffit pas qu’il soit indirect et purement éventuel. (…) Il y a intérêt direct quand la chose affecte particulièrement le patrimoine d’un conseiller, soit comme avantage, soit comme préjudice, sans toucher aux biens des autres habitants de la commune (…). Il n’y a pas d’intérêt direct quand une classe ou une catégorie d’individus, et non une personnalité déterminée, se trouve en cause (…). » ; voir également dans le même sens : C. Wilquet, La loi communale, commentaire pratique, troisième édition, Imprimerie Dufrane-Friart, 1913, p. 79, n° 275s : « Il y a intérêt direct quand la chose affecte particulièrement le patrimoine d’un conseiller, soit comme avantage, soit comme préjudice, sans toucher aux biens des autres habitants de la commune (…). Il n’y a pas intérêt direct, quand une classe ou une catégorie d’individus, et non une personnalité déterminée, se trouve en cause (…). Des conseillers communaux peuvent prendre part à une délibération qui concerne la généralité des habitants et à laquelle ils n’ont qu’un intérêt indirect en tant qu’habitants (…). ».

[5] cf. trib. adm. 24 mars 2004, n° 16556 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Communes, n° 20, ainsi que : trib. adm. 18 avril 2013, n° 29258 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu

[6] Victor de Tollenaere, op.cit., p.227, n° 84, 17° ; voir également en ce sens : trib. adm. 18 avril 2007, n° 21699 du rôle, confirmé par Cour adm. 12 février 2008, n° 22999C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Communes, n° 23

[7] Victor de Tollenaere, op.cit., p.223, n° 84 (10°) « Parents et alliés. ».

[8] Cour adm. 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes réglementaires, n° 24 et autres références y citées.

[9] Cour adm. 20 mars 2014, n° 33588C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu

[10] cf. trib. adm. 27 décembre 2007, n° 22243 du role, confirmé par Cour adm. 23 juillet 2008, n° 24055C du rôle, Pas.adm. 2012, V° Urbanisme, n°153

[11] Trib. adm. 8 octobre 2001, n° 13445 du rôle, confirmé par Cour adm. 7 mai 2002, n° 14197C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation, n° 6 et autres références y citées.

[12] V. en ce sens : trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation n° 7 et autres références y citées.

[13] v. en ce sens : trib. adm. 26 février 2004, n° 16974 du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu

[14] trib. adm. 30 juin 2008, n° 23212, Pas. adm. 2012, V° Actes règlementaires (recours contre les), n°29

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