La Cour constitutionnelle a rendu en date du 7 juin 2013 un arrêt dans l'affaire n° 00099 du registre, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle. Seul la décision publiée conformément à la loi au Mémorial A fera foi.
La question avait été introtroduite par par le vice-président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme juge des référés, suivant ordonnance numéro 837/2012, n°144753 du rôle, parvenue le 11 décembre 2012 au greffe de la Cour dans le cadre d’un litige opposant
X, femme de charge, demeurant à L-,
Y, employée,
La Cour,
composée de
Georges SANTER, président,
Georges RAVARANI, vice-président,
Francis DELAPORTE, conseiller,
Romain LUDOVICY, conseiller,
Jean-Claude WIWINIUS, conseiller,
greffier : Lily WAMPACH
Sur le rapport du magistrat délégué ;
rend le présent arrêt :
Considérant que le vice-président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme juge des référés, saisi d’une demande, basée sur les dispositions de l’article 374 du Code civil, introduite par X, grand-mère paternelle de l’enfant M ..., contre la mère de l’enfant, Y , aux fins de se voir accorder un droit de visite sur sa petite-fille, a, afin de déterminer si l’action, devant être dirigée contre le détenteur de l’autorité parentale sur l’enfant, a été valablement introduite à l’encontre de la seule mère de l’enfant, déféré, d’office, par ordonnance du 4 décembre 2012, la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle:
« L’article 380, alinéa 1er, 2e phrase du Code civil en tant qu’il érige en principe que l’autorité parentale, comportant à la fois des droits et des devoirs, envers les enfants naturels reconnus par leurs deux auteurs est exercée de plein droit à titre individuel par la mère, et en tant qu’il différencie ainsi la situation de la mère d’un enfant naturel de celle du père, est-il conforme au principe de l’égalité entre femmes et hommes édicté par l’article 11, paragraphe 2 de la Constitution ? »
Considérant que l’article 380, alinéa 1er, du Code civil dispose que sur l'enfant naturel l'autorité parentale est exercée par celui des père et mère qui l'a volontairement reconnu, s'il n'a été reconnu que par l'un d'eux. Si l'un et l'autre l'ont reconnu, l'autorité parentale est exercée par la mère ;
Considérant que l’article 11, paragraphe 2, de la Constitution dispose que les femmes et les hommes sont égaux en droits et en devoirs ;
Considérant que le principe de l’égalité des femmes et des hommes est une application particulière du principe d’égalité devant la loi consacré à l’article 10 bis, paragraphe 1er, de la Constitution ;
Considérant que dans un arrêt du 26 mars 1999, la Cour constitutionnelle a dit que l’article 380, alinéa 1er, du Code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’était pas conforme à l’article 11, paragraphe 2, de la Constitution, lequel consacrait, dans la rédaction de l’époque, le principe de l’égalité des Luxembourgeois devant la loi ;
Considérant que cette solution s'impose toujours à l'heure actuelle au regard du double fait, d’une part, du positionnement du principe de l'égalité entre les femmes et les hommes par rapport au principe d'égalité devant la loi et, d'autre part, du constat que l'article 380, alinéa 1er, du Code civil n'a pas été mis en conformité à la Constitution par le législateur, suite à l'arrêt de référence, précité, du 26 mars 1999 ;
Considérant qu’il s’ensuit que l’article 380, alinéa 1er, du Code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’est pas conforme à l’article 11, paragraphe 2, de la Constitution;
Par ces motifs:
dit que l’article 380, alinéa 1er, du Code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’est pas conforme à l’article 11, paragraphe 2, de la Constitution;
ordonne que, dans les trente jours de son prononcé, l’arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de Législation ;
ordonne qu’il soit fait abstraction, lors de la publication, des données à caractère personnel des parties en cause;
ordonneque l’expédition de l’arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle à la juridiction dont émanait la saisine et qu’une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
Lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur Georges SANTER, président, en présence du greffier Lily WAMPACH.
Le greffier Le président
s. Lily WAMPACH s. Georges SANTER