Jugement dans l'affaire dite Luxair

En date du 27 mars 2012, le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière correctionnelle, a rendu le jugement qui suit.

 

Dans la cause du Ministère Public contre

 

1) P1, né le ...à Luxembourg, demeurant ... ,

2) P2, né le ...à Luxembourg, demeurant ...,

3) P3, né le ... à Anvers (Belgique), demeurant ...,

4) P4, né le ... Luxembourg, demeurant ...,

5) P5, né le ... à Luxembourg, demeurant ...,

6) P6, né le ... à Ersange, demeurant ...,

7) P7, né le ... à Esch/Alzette, demeurant ...,

- p r é v e n u s -

en présence de:

1) Pciv1, ...,

comparant par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l'étude duquel

domicile est élu, assisté de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

2) Pciv2, demeurant ...,

comparant par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en

l'étude duquel domicile est élu,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P4, P5, P6 et P7,

3) Pciv3, demeurant ...,

comparant par Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

4) Pciv4, demeurant ...,

comparant par Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

5) Pciv5, …,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

action civile reprise suite au décès de Pciv5 au cours d’instance par Pciv6, AK et KS, ès-qualités,

6) Pciv6, demeurant …,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

7) la Caisse Nationale d'Assurance Pension, représentée par son organe statuaire, établie 1A

boulevard Prince Henri, L-2096 Luxembourg,

comparant par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l'étude

duquel domicile est élu,

partie civile constituée contre les prévenus P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

8) la Caisse Nationale d'Assurance Pension, représentée par son organe statuaire, établie 1A

boulevard Prince Henri, L-2096 Luxembourg,

comparant par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l'étude

duquel domicile est élu,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

9) Pciv9, …,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

10) Pciv 10, demeurant,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

11) Pciv11, demeurant …,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

12) Pciv12, demeurant … ,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7,

 

13) Pciv13, demeurant … ,

comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à

Luxembourg,

partie civile constituée contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

FAITS:

Par citation du 29 juin 2011, Monsieur le Procureur d'Etat près le Tribunal d'arrondissement

de Luxembourg a requis les prévenus de comparaître aux audiences publiques des 10, 11, 12,

13, 17, 18, 19, 20, 24, 25, 26 et 27 octobre, 7, 8, 9, 10, 14, 15, 16, 17, 21, 22, 23 et 24

novembre 2011 devant le Tribunal correctionnel de ce siège pour y entendre statuer sur les

préventions suivantes:

Infractions aux articles 25 et 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la

réglementation de la navigation aérienne; infractions aux articles 418, 419 et 420 du

Code pénal.

A l’audience publique du 10 octobre 2011, Monsieur le premier vice-président constata

l'identité des prévenus P1, P3, P4, P5, P6 et P7 et leur donna connaissance de l'acte qui a saisi

le Tribunal.

Sabine CREMER, Fabrice ADAM et Christiane COLBETT furent assermentés comme

interprètes.

Le représentant du Ministère Public, Monsieur Serge WAGNER, substitut principal du

Procureur d'Etat, fut entendu en ses déclarations.

Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du

prévenu P1, fut entendu en ses déclarations.

Maître Benoît ENTRINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître

Ludo SAUWEN, avocat à l’ordre flamand du barreau de Bruxelles (Belgique), mandataires

du prévenu P1, fut entendu en ses déclarations.

Le prévenu P2, ne comparaissant pas en personne en date d’aujourd’hui, fut représenté par

Maître Jean HOSS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, lequel développa les moyens

du prévenu P2.

Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître Pol

URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, se constitua partie civile pour et au nom

de Pciv1 contre les prévenus P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

 

Maître Alex KRIEPS donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile pour et au nom de Pciv2 contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P4, P5, P6 et P7.

Maître Christian-Charles LAUER donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Maître Vãnia FERNANDES, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile pour et aux noms de Pciv3 et Pciv4 contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

Maître Vãnia FERNANDES donna lecture des conclusions écrites qu'elle déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Le témoin et expert Vincent FAVE fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le témoin Emile GRAS fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du prévenu et défendeur au civil P7, fut entendu en ses déclarations.

Maître Pol URBANY fut entendu en ses déclarations.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 11 octobre 2011.

A l'audience publique du 11 octobre 2011, l’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 12 octobre 2011.

A l'audience publique du 12 octobre 2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile pour et aux noms de Pciv5 et Pciv6 contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

L’expert Vincent FAVE, toujours sous la foi du serment, fut entendu en ses déclarations orales.

L’expert Richard TAVERNIERS fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 13 octobre 2011.

A l'audience publique du 13 octobre 2011, les experts Richard TAVERNIERS et Vincent FAVE furent entendus en leurs déclarations orales.

Le témoin CG fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 17 octobre 2011.

A l'audience publique du 17 octobre 2011, le témoin Emile GRAS, toujours sous la foi du serment, fut entendu en ses déclarations orales.

Le prévenu et défendeur au civil P5 fut entendu en ses explications.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 18 octobre 2011.

A l'audience publique du 18 octobre 2011, Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile pour et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension contre les prévenus et défendeurs au civil P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

Maître Patrick WEINACHT se constitua partie civile pour et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

Maître Patrick WEINACHT donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Les témoins MW et PO furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 19 octobre 2011.

A l'audience publique du 19 octobre 2011, les témoins GA, PN et GS furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 20 octobre 2011.

A l'audience publique du 20 octobre 2011, les témoins GS et FR furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 24 octobre 2011.

A l'audience publique du 24 octobre 2011, les experts Vincent FAVE et Richard TAVERNIERS, toujours sous la foi du serment, furent entendus en leurs déclarations orales.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 25 octobre 2011.

A l'audience publique du 25 octobre 2011, les experts Richard TAVERNIERS et Vincent FAVE furent entendus en leurs déclarations orales.

Les témoins GS et MK furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 26 octobre 2011.

A l'audience publique du 26 octobre 2011, les témoins MK et PR furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 27 octobre 2011.

A l'audience publique du 27 octobre 2011, les témoins MW et CW furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 7 novembre 2011.

A l'audience publique du 7 novembre 2011, le témoin CM fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le Tribunal procéda à la projection de l’enregistrement du «cockpit voice recorder». Maître Pol URBANY fut entendu en ses explications.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 8 novembre 2011.

A l'audience publique du 8 novembre 2011, le Tribunal procéda à la projection de la vidéo «Maastricht».

Le prévenu et défendeur au civil P1 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 9 novembre 2011.

A l'audience publique du 9 novembre 2011, le prévenu et défendeur au civil P1 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 10 novembre 2011.

A l'audience publique du 10 novembre 2011, le prévenu et défendeur au civil P1 fut représenté par Maître Pierre MEDINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.

Les prévenus et défendeurs au civil P3, P4 et P5 furent entendus en leurs explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 14 novembre 2011.

A l'audience publique du 14 novembre 2011, le témoin PF fut entendu en ses déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu par la loi.

Le prévenu et défendeur au civil P2 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Le prévenu et défendeur au civil P5 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 15 novembre 2011.

A l'audience publique du 15 novembre 2011, Jessica DOMINGUES-MOURO fut assermentée comme interprète.

Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile pour et aux noms de Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13 contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7.

Maître Marco FRITSCH donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Maître Marco FRITSCH, en remplacement de Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, demanda acte de la reprise d’instance volontaire de Pciv6 et AK, en leur qualité d’héritiers de Pciv5, décédé le 11 novembre 2011, en leurs noms et pour compte de partie civile contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7, déposée le 12 octobre 2011.

Maître Marco FRITSCH donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa sur le bureau du Tribunal qui furent signées par Monsieur le premier vice-président et le greffier et jointes au présent jugement.

Le prévenu et défendeur au civil P5 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 16 novembre 2011.

A l'audience publique du 16 novembre 2011, Jacquot WATGEN fut assermenté comme interprète.

Les prévenus et défendeurs au civil P5, P6 et P7 furent entendus en leurs explications et moyens de défense.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 17 novembre 2011.

A l'audience publique du 17 novembre 2011, le prévenu et défendeur au civil P7 fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Maître Guy LOESCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, fut entendu en ses moyens.

Maître Patrick WEINACHT développa plus amplement les moyens de la demanderesse au civil la Caisse Nationale d’Assurance Pension.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 21 novembre 2011.

A l'audience publique du 21 novembre 2011, Maître Marco FRITSCH développa plus amplement les moyens des demandeurs au civil Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13.

Maître Guy LOESCH fut entendu en ses moyens.

Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY fut entendu en ses moyens.

Maître Pol URBANY développa plus amplement les moyens du demandeur au civil Pciv1.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 22 novembre 2011.

A l'audience publique du 22 novembre 2011, Maître Jean HOSS, Maître Guy LOESCH, Maître Pol URBANY, Maître Pierre MEDINGER et le représentant du Ministère Public furent entendus en leurs moyens.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 23 novembre 2011.

A l'audience publique du 23 novembre 2011, le Tribunal procéda à la projection de l’enregistrement du «cockpit voice recorder».

Maître Pol URBANY fut entendu en ses moyens.

Maître Robert REICHERTS, avocat, demeurant à Luxembourg, en remplacement de Maître Alexandre CHATEAUX, versa des pièces et développa plus amplement les moyens des demandeurs au civil Pciv3 et Pciv4.

Maître Christian-Charles LAUER versa des pièces et développa plus amplement les moyens de la demanderesse au civil Pciv2.

Maître Benoît ENTRINGER et Maître Yvette HAMILIUS furent entendus en leurs explications.

Maître Georges PIERRET développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P1.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 24 novembre 2011.

A l'audience publique du 24 novembre 2011, le prévenu et défendeur au civil P1fut entendu en ses explications et moyens de défense.

Maître Georges PIERRET et Maître Pierre MEDINGER développèrent plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P1.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 28 novembre 2011.

A l'audience publique du 28 novembre 2011, Maître Ludo SAUWEN et Maître Benoît ENTRINGER développèrent plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P3.

Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, versa des pièces, et Maître Shirine AZIZI, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développèrent plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P4.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 29 novembre 2011.

A l'audience publique du 29 novembre 2011, Maître Jean HOSS développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P2.

Maître Yvette HAMILIUS développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P5.

Maître André LUTGEN développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P7.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 30 novembre 2011.

A l'audience publique du 30 novembre 2011, Maître André LUTGEN développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P7.

Maître Frank WIES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, versa des pièces et développa plus amplement les moyens du prévenu et défendeur au civil P6.

Maître Guy LOESCH fut entendu en ses moyens.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 1er décembre 2011.

A l'audience publique du 1er décembre 2011, Maître Pol URBANY déposa une modification et un complément à la constitution de partie civile déposée le 10 octobre 2011 sur le bureau du Tribunal.

Maître Guy LOESCH fut entendu en ses moyens.

Maître Georges PIERRET, Maître Patrick WEINACHT, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, Maître Vãnia FERNANDES, en remplacement de Maître Alexandre CHATEAUX, Maître Julio STUPPIA, en remplacement de Maître Marco FRITSCH, furent entendus en leurs moyens.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 2 décembre 2011.

A l'audience publique du 2 décembre 2011, Edgar BEYER fut assermenté comme interprète. Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY demanda acte de la reprise d’instance volontaire de KS , agissant en qualité de représentante et administratrice légale de la personne et des biens de leur fille commune mineure E. K., née le 27 octobre 1998, en sa qualité d’héritier de Pciv5, décédé le 11 novembre 2011, en son nom et pour compte de partie civile contre les prévenus et défendeurs au civil P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7, déposée le 12 octobre 2011.

Maître Christian-Charles LAUER exposa ses moyens.

Maître Pol URBANY exposa ses moyens.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 5 décembre 2011.

A l'audience publique du 5 décembre 2011, Pascale SCHROEDER fut assermentée comme interprète.

Le représentant du Ministère Public, Monsieur Serge WAGNER, substitut principal du Procureur d'Etat, résuma l’affaire et fut entendu en son réquisitoire.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 6 décembre 2011.

A l'audience publique du 6 décembre 2011, le représentant du Ministère Public, Monsieur Serge WAGNER, exposa la suite de son réquisitoire.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 7 décembre 2011.

A l'audience publique du 7 décembre 2011, Véronique ZAPP-SCHMITT fut assermentée comme interprète.

Le représentant du Ministère Public, Monsieur Serge WAGNER, exposa la suite de son réquisitoire.

Maître Georges PIERRET, Maître Yvette HAMILIUS, Maître Frank WIES, Maître Pierre HURT, en remplacement de Maître André LUTGEN, et Maître Patrick KINSCH furent entendus en leurs répliques.

Le Tribunal ordonna la suspension des débats et la continuation de l'affaire à l'audience publique du 8 décembre 2011.

A l'audience publique du 8 décembre 2011, Marlène PETER-SCHMIT fut assermentée comme interprète.

Maître Pol URBANY, Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, en remplacement de Maître André LUTGEN, furent entendus en leurs répliques.

Le Tribunal prit l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique de ce jour, date à laquelle le prononcé avait été fixé,

L e j u g e m e n t q u i s u i t :

Vu l’arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’Appel n° 746/10 du 12.10.2010, confirmant l’ordonnance de la Chambre du conseil n° 1416/10 du 06.07.2010, renvoyant les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 devant une chambre correctionnelle du Tribunal de ce siège pour y répondre notamment des préventions d’homicide involontaire et de coups et blessures involontaires sur une pluralité de victimes, ainsi que d’infraction aux articles 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne;

Vu l’ensemble de l’information judiciaire à laquelle il a été procédé en cause;

Vu l’instruction de l’affaire au cours de 32 audiences de ce Tribunal entre le 10 octobre 2011 et le 8 décembre 2011;

Vu le jugement interlocutoire n° 3288/2011;

Vu notamment les rapports des experts commis en cause Vincent FAVÉ et Richard TAVERNIERS, rapports développés en audience publique, ainsi que leurs réponses aux questions leur posées tant par le Tribunal que par le Ministère Public ainsi que par les avocats de la défense des prévenus et par les mandataires des parties civiles constituées;

Vu encore les déclarations des témoins cités à l’audience tant par le Ministère Public que par la défense.

Vu les déclarations, les arguments et les explications des prévenus et de leurs défenseurs, vu les conclusions des mandataires des parties civiles et des défendeurs au civil, vu enfin les réquisitions du Ministère Public:

 

LES FAITS:

Les faits décrits ci-après, dégagés par l’information judiciaire et confirmés au cours de l’instruction aux audiences du Tribunal, doivent être considérés comme établis à suffisance de droit:

Le 6 novembre 2002, vers 10.06 heure locale (09.06 heures UTC), l’avion de marque FOKKER F50 immatriculé LX-LGB, exploité par la compagnie aérienne LUXAIR s.a. pour assurer ce jour là la liaison aérienne entre LUXEMBOURG et BERLIN, revenant de BERLIN-Tempelhof vers LUXEMBOURG (vol LG4962/LH2420), s’est écrasé pendant l’approche finale en vue de l’atterrissage à l’aéroport du Findel.

L’avion a d’abord touché le sol avec la partie arrière de son fuselage dans un champ en bordure de la route RN1 reliant les localités de ROODT/SYRE et de NIEDERANVEN, à 3,4 kilomètres de l’entrée de piste 24, à quelques 700 mètres au nord de son axe, a glissé en diagonale sur la chaussée de la RN1 avant de heurter violemment un talus d’une hauteur (à cet endroit) de deux à trois mètres. Ce dernier choc semble avoir arraché le train d’atterrissage principal sorti et causé des dégâts très importants à la structure de l’avion. En effet, après ce choc, l’empennage et une partie de l’extrémité de l’aile droite se sont désolidarisés, l’arrière du fuselage s’est retourné sur la droite et l’avion s’est immobilisé quelques vingt-cinq mètres plus loin dans un champ labouré. La partie ventrale arrière de l’avion a été particulièrement enfoncée, au premier contact avec le sol du champ ou/et lors du passage du talus.

Le fuselage et les ailes sont restés solidaires. La partie arrière comprenant la dérive et le plan horizontal s’est détachée. Quelques instants après son immobilisation, l’avion a pris feu et la partie centrale du fuselage a brûlé.

A bord de l’avion se trouvaient vingt-deux personnes, à savoir trois membres d’équipage et dix-neuf passagers. Dix-huit passagers ainsi que deux des membres de l’équipage ont été tués; seuls le pilote et un passager ont survécu à leurs très graves blessures.

Immédiatement, Monsieur le Procureur d’Etat à Luxembourg a requis l’ouverture d’une information judiciaire et une descente sur les lieux a été opérée par le juge d’instruction chargé de l’information judiciaire en compagnie de Monsieur le Procureur d’Etat, de Monsieur le Procureur d’Etat adjoint et de membres de la Police Judiciaire. Le juge d’instruction a immédiatement pris les mesures nécessaires à la conservation du site de l’accident, de l’épave et des pièces éparpillées de cette dernière. En même temps, il a émis toute une série d’ordonnances de perquisition et/ou de saisie, notamment de l’épave et de ses pièces, dont les enregistreurs de bord, des bagages et effets des passagers pouvant servir à l’identification de ceux-ci, des documents, objets, effets et supports à la tour de contrôle en relation avec le vol de l’avion accidenté et les conditions météo du matin du jour de l’accident, des documents et supports informatiques en relation avec la maintenance de l’avion accidenté depuis sa mise en service. Il a encore ordonné l’audition de toutes personnes pouvant témoigner sur les circonstances du sinistre ou fournir des renseignements utiles à la manifestation de la vérité, tels les membres des services de secours, les témoins oculaires et autres au sol, le personnel du service de contrôle du trafic aérien, le commandant de bord, le passager survivant, les responsables de la LUXAIR s.a. pouvant fournir des renseignements sur l’équipement technique de l’avion et les prescriptions à observer par les pilotes.

Le juge d’instruction a encore et surtout commis comme expert en cause le sieur Vincent FAVÉ avec la mission de se prononcer sur la genèse et les causes de l’accident de l’avion.

Dans la suite de l’information judiciaire, l’expert Vincent FAVÉ a encore été chargé d’une mission d’expertise complémentaire par ordonnance du juge d’instruction du 13.01.2009, pour fournir des réponses à différentes questions apparues au cours de l’instruction, et par une ordonnance du 12.02.2009, Monsieur Richard TAVERNIERS a été nommé comme coexpert.

Enfin, à la demande du Ministère Public, l’expert Vincent FAVÉ a été invité à verser aux débats deux rapports complémentaires sur ses présentations à l’audience.

Parallèlement à l’information judiciaire et aux travaux de l’expert judiciaire Vincent FAVÉ, une commission d’enquête technique, nommée par arrêté ministériel en application de l‘article 26 de la Convention de Chicago de l'OACI et de son annexe 13, a débuté ses travaux pour déterminer les circonstances et les causes de l’accident.

Les deux enquêtes, administrative et judiciaire, ont été conduites en coopération pendant la phase de recueil des informations, elles ont ensuite été conduites séparément. Les travaux de l’expert judiciaire et ceux de l’enquête de la commission désignée par le Ministre des Transports ont ainsi été étroitement coordonnés pendant la phase de recueil des données, incluant les examens des matériels (par les constructeurs) et les dépouillements des enregistreurs de bord (par le Bureau des Enquêtes et Analyses BEA du Bourget), ceci dans le respect des procédures et des objectifs des deux enquêtes. Les deux entités ont ensuite procédé à leur propre analyse de l’accident.

1) L’avion.

Le Fokker 50 est un avion développé à partir de la série des Fokker 27 Friendship au cours de la première moitié des années ’80, sa commercialisation débutant en 1987. Jusqu’en 1996, date de la faillite de Fokker, quelques 208 exemplaires avaient été construits.

Si extérieurement, il accuse une très forte ressemblance avec son prédécesseur, le Fokker F27, il s’en distingue néanmoins notamment par l’introduction de turbines Pratt & Whitney Canada PW125 et d’hélices modernes à six pales de type R352/6-123-F/1 construites par Dowty Propellers, le remplacement des circuits pneumatiques par des circuits hydrauliques et l’installation d’une avionique moderne.

Son poids maximum au décollage est de 20.820 kg. et sa capacité, en configuration habituelle est de 50 passagers.

Le modèle avait reçu sa certification de type aux Pays-Bas le 15.05.1987 et aux Etats-Unis le 08.02.1989

L’avion en cause (n° de série 20221), immatriculé LX-LGB, avait été acheté neuf par LUXAIR, et le 26.06.1991, il avait reçu son certificat de navigabilité individuel de la Direction de l’Aviation Civile (DAC) validé par la suite jusqu’au 19.06.2003. Le jour de l’accident, il avait à son actif 21.836 heures de vol en 24.068 cycles.

L’information judiciaire, notamment par les rapports d’expertise, a rapporté la preuve que tout au long de ses années de service, l’avion en cause avait été régulièrement maintenu dans un état de parfaite navigabilité et que le jour des faits, sa cellule, les éléments de propulsion, de direction, de communications et de navigation, y compris le pilote automatique, étaient tous en parfait état de marche et qu’a priori, l’état technique et la configuration de l’avion aurait dû permettre un vol et un atterrissage subséquent parfaitement normal.

Dans cet ordre d’idées, il y a lieu de relever dès-à-présent que les allégations avancées lors de l’instruction ainsi qu’à l’audience tendant à voir accréditer l’idée que la LUXAIR aurait, à un moment ou un autre, voire de façon systématique, négligé de soigner la maintenance de l’avion, et aurait opéré dans l’optique de faire des économies douteuses susceptibles d’influer négativement sur la navigabilité de l’avion et/ou qu’une désorganisation interne éventuelle, momentanée ou systémique, aurait eu ou pu avoir une influence négative sur la navigabilité en toute sécurité de l'avion, se sont avérées être sans le moindre fondement.

Le Fokker 50 présentait toutefois une particularité qui le distinguait, au moins à l’époque de sa première mise en service, de tous les autres avions comparables dans le monde, y compris le Fokker F27 Friendship.

En effet, il avait été noté dans le passé, (et le phénomène s’est d’ailleurs répété jusque dans un passé fort récent) que des pilotes d’avions à turbopropulseurs avaient, accidentellement voire volontairement, délibérément reculé en vol les manettes de puissance en-deçà de la position de ralenti/vol (Flight Idle) dans la position ralenti/sol (Ground Idle) et même plus loin dans la position reverse, comparable dans ses effets à l’inversion de poussée sur les turboréacteurs. Les manettes de puissance commandant dans ces positions sur les avions à turbopropulseurs non seulement le régime moteur, mais encore la position des pales des hélices à pas variable, le positionnement de ces manettes amenaient alors les pales d’un angle de 15° par rapport au plan de rotation de l’hélice (ralenti/vol) à un angle entre 12° et -2° (ralenti/sol), annihilant ainsi toute force propulsive et créant un frein aérodynamique très important. Un recul supplémentaire des leviers en position reverse (-4° à -17°) inversait la force propulsive vers l’avant, freinant ainsi l’avion brutalement. La conséquence d’un pareil positionnement des pales, aberrant en vol, était régulièrement la perte de contrôle irréversible de l’appareil. Pareille manoeuvre, évidemment strictement interdite à tous les pilotes, étant effectuée (accidentellement ou délibérément) dans le but de réduire la vitesse de l’avion en approche finale, la proximité du sol entraînait tout aussi régulièrement l’écrasement au sol de l’avion avec la perte de vies humaines.

Tous les pilotes de ce type d’appareils ont dû apprendre au cours de leur formation que les positions de ralenti/sol et de reverse ne devaient jamais être sélectionnées en vol et étaient strictement réservées au freinage de l’avion après le contact du train d’atterrissage avec la piste.

Avant l’introduction du F50, les avions comparables n’étaient équipés soit d’aucune sécurité empêchant le passage en vol des leviers de puissance en position ralenti/sol et reverse, soit d’une sécurité purement mécanique (ground range selectors), aisément enlevée par la main du pilote.

Il semble que Fokker ait été le premier constructeur au monde à avoir introduit une sécurité supplémentaire, électromécanique cette fois (Automatic Flight Idle Stop) , qui ne pouvait (en principe du moins), pas être désamorcée (accidentellement ou délibérément) par l’équipage en vol.Pareille sécurité, qui à l’époque n’était nullement obligatoire ni nécessaire à la certification de l’appareil, était installé d’office sur tous les exemplaires de ce type et faisait donc partie, comme élément intégral de l’avion, des éléments considérés pour la certification de type.

Il consistait en un dispositif, installé à demeure dans la nacelle de chaque engin, qui, au moyen d’un verrou mobile actionné par un solénoïde, bloquait mécaniquement en vol les cames de la commande de pas empêchant ainsi le passage du pas des hélices en mode ralenti/sol voire en reverse. Ce n’est que lorsque la composante électronique ou module Skid Control Unit (SCU) captait alternativement un signal électrique que le train d’atterrissage se comprimait sous le poids de l’avion ou que les roues du train d’atterrissage principal tournaient à une vitesse équivalant à une vitesse au sol de 20 milles par heure, donc un signal indiquant que l’avion avait pris contact avec la piste, que le module SCU envoyait un signal électrique à la Ground Control Unit qui à son tour activait les solénoïdes, amenant ces derniers à retirer les verrous vers le haut, libérant les cames (lock levers) et dégageant ainsi le blocage mécanique des commandes de pas des pales d’hélices et permettant l’engagement des positions ralenti/sol et reverse.

Il y a lieu de noter que d’après la conception de ce dispositif, il était impossible pour le pilote de reculer les leviers de puissance en-deçà de la position ralenti/vol tant que les roues du train d’atterrissage principal n’avaient pas pris contact avec la piste. Il pouvait débloquer la sécurité mécanique primaire toujours installée sur les leviers de puissance en soulevant les ground range selectors (leviers de verrouillage), mais cette action, si elle produisait un bruit parfaitement audible et discernable, ne devait avoir aucun effet sur le pas des hélices, la course des manettes de puissance restant bloquée par les verrous de la sécurité secondaire. Ce dispositif de sécurité supplémentaire a fonctionné, en apparence sans être pris en défaut, pendant toute la carrière opérationnelle de l’avion en cause, et d’ailleurs de tous les F50 construits par Fokker. A tout le moins, il n’a pas été à l’origine de catastrophes aériennes jusqu’au jour des faits en cause, cet accident se répétant d’ailleurs suivant un scénario similaire et pour des causes identiques en 2004 (accident de la KISH AIR).

Cette apparence était cependant trompeuse parce que l’information judiciaire et les travaux des experts commis a révélé à l’exclusion de tout doute que c’est précisément cette sécurité secondaire dans sa composante électronique (SCU) qui a été à l’origine de la catastrophe, ainsi qu’il sera détaillé plus loin.

2) L’équipage.

L’équipage se composait du personnel navigant, en l’espèce du pilote commandant de bord P1et du copilote JA, ainsi que de l’équipage dit commercial, à savoir l’unique hôtesse de l’air PMDR.

M. P1:

Né le …, sa première licence est une licence Commercial Pilot IFR FAA n° 250/396 délivrée le 16.11.1994. Il a ensuite suivi un cours ATPL chez CROSSAIR entre le 2 janvier et le 8 mai 1995. Son premier contrat avec LUXAIR a été signé le 01.04.1995. La DAC l’a autorisé le 5 avril 1995 à piloter les avions immatriculés au Grand Duché dans les limites des privilèges de sa licence étrangère en cours de validité. Le 15 mai 1995, avec 192,6 heures de vol au total, dont 32,6 heures en IFR, il passait le proficiency check LUXAIR sur Fokker 50 et volait en ligne sur Fokker 50 à partir du 11.07 1995. Le 7 novembre 1995, il obtenait le commercial pilot suisse n° 36314 et le type rating Fokker 50. Son contrat définitif avec LUXAIR a été conclu le 10.02.1996. Sa licence suisse était validée par la DAC le 20.02.1996.

En septembre 1997, il était testé au simulateur Boeing 737, il avait alors au total 1.690 heures de vol, dont 1.570 en IFR. Il était ensuite copilote sur Boeing 737. Il effectuait son stage simulateur Commandant de bord auprès de la compagnie MAS (Malaysian Air System) avec des instructeurs MAS. Le test simulateur avait lieu le 14.02.1999. Le test sur avion pour son passage Commandant de bord était réalisé le 22.02.1999 lors d’un vol local Luxembourg - Luxembourg d’une durée de 0 h 53. Le test en ligne avait lieu le 30.03.1999.

Le 10 mars 1999, il sollicitait du FOCA suisse (Federal Office for Civil Aviation) une licence ATPL qui lui était accordée le 16 mars 1999 avec la mention F50 pilot in command.

Le jour de l’accident, le prévenu P1avait à son actif au total 4.242 heures de vol, dont 2.864 sur Fokker 50. Dans les 3 derniers jours précédant l’accident, il avait seulement effectué le vol Luxembourg- Berlin de 1 heure et 36 minutes, et dans le dernier mois en tout 57 heures de vol.

Le jour-même de l’accident, il avait seulement effectué le vol Luxembourg - Berlin de 1 heure et 36 minutes. Il avait repris les vols le matin de l’accident après une période de standby de 91 heures. Ses derniers contrôles sur F50 avaient été réalisés aux dates suivantes: le Proficiency check le 01.06.2002, le Recurrent training le 02.06.2002, le Line check le 12.06.2002 et la Type rating revalidation le 03.11.2001. Il avait passé sa dernière visite médicale aéronautique le 19.06.2002 et elle était valide jusqu’au 5 juillet 2003.

Ses derniers cours de CRM (Cockpit Ressource Management) avaient eu lieu le 25.10. 2002. Il paraît qu’il a passé aussi les tests psychotechniques de façon satisfaisante.

En résumé, s’il est exact que le prévenu P1 avait été promu commandant de bord très jeune, rien dans l’évolution de sa formation et de sa carrière, ni d’ailleurs dans sa réputation au sein de la LUXAIR et parmi ses collègues pilotes, ne permet de soutenir qu’il n’aurait pas été parfaitement qualifié et apte à remplir ses fonctions le jour de l’accident. Les allégations plus au moins ouvertement lancées par d’aucuns pour insinuer qu’il aurait bénéficié d’un traitement de faveur en raison de la position de son père au sein de l’entreprise (celui-ci avait été Directeur des Opérations pendant un certain temps) se sont avérées sans fondement sérieux et n’auraient eu au demeurant aucune incidence sur les faits ni sur sa responsabilité. On peut encore mentionner pour être complet sur ce point que l’instruction a établi qu’il était au moment des faits sous l’influence ni de boissons alcooliques ni de substances inhibitives ou psychotropes.

Le copilote JA:

Né le … , il avait été engagé par LUXAIR le 04.12.2000. Il était à ce moment détenteur d’une licence PPL de pilote privé luxembourgeoise délivrée le 30.08.1996, qui comportait les qualifications IFR et voltige. Sa première licence était une CPL (Commercial Pilot Licence) délivrée par la FAA le 28.04.1995. Un programme de formation personnalisé lui avait permis d’obtenir l’ATPL allemand le 19.01.2001.

Le jour de l’accident, JA avait à son actif au total 1.156 heures de vol, dont 443 sur F50. Il n’avait pas volé pendant les trois jours précédant l’accident, mais avait fait 54 heures de vol au cours du dernier mois. Le jour de l’accident, il avait seulement effectué, ensemble le prévenu P1, le vol aller Luxembourg-BERLIN.

Ses derniers contrôles avaient été réalisés aux dates suivantes: le Proficiency check le 22.06.2002, le Recurrent training le 23.06.2002, le Line check le 13.06.2002 et la Type Rating validation le 19.06.2001. Sa dernière visite médicale avait eu lieu le 30 novembre 2001, elle était valide jusqu’au 14.01.2003.

De même que pour le prévenu P1, l’enquête a établi que le copilote JA avait à la fois la formation et la qualification requises pour exercer ses fonctions de copilote sur l’avion en cause, et avait également l’aptitude de le faire.

La chef de cabine PMDR:

Âgée de 32 ans, elle avait été engagée par la LUXAIR le 16.02.1995. Son dernier contrôle avait eu lieu le 18.05.2002. Elle était le seul membre d’équipage en cabine sur ce vol.

Il y a lieu de noter que le jour des faits, le vol aller retour LUXEMBOURG-BERLINLuxembourg, dont l’arrivée était prévue pour 10.06 heure locale environ, devait être le seul vol à effectuer par cet équipage, celui-ci étant libre pour le reste de la journée.

3) Le vol.

Le Fokker 50 immatriculé LX-LGB avait décollé de Luxembourg pour Berlin le 6 novembre 2002 à 05 h 41 sous le numéro de vol LGL9641. L’atterrissage à Berlin avait eu lieu à 7 h 11 et le décollage de Berlin pour le vol retour vers Luxembourg à 7 h 40. L’avion était exploité par LUXAIR sur la ligne Berlin-Luxembourg en code sharing (partage de code) avec Lufthansa, un actionnaire de LUXAIR, de sorte que le vol retour portait les deux numéros, LGL9642 (pour LUXAIR) et LH 2420 (pour Lufthansa).

Tant le vol en direction de Berlin et l’atterrissage à Berlin que le décollage subséquent ainsi que le retour vers Luxembourg s’étaient déroulés sans que la moindre anomalie n’ait été révélée par l’équipage, que ce soit dans la conduite du vol ou dans le fonctionnement technique de l’appareil.

L’exploitation et l’analyse, au cours de l’enquête judiciaire, des enregistrements sonores du Cockpit Voice Recorder (CVR) et les enregistrements des paramètres de vol par le Digital Flight Data Recorder (DFDR), récupérés pour ainsi dire intacts après l’accident, ensemble les enregistrements des échanges radiotéléphoniques à partir de la Tour de contrôle de l’aéroport de Luxembourg et ceux du radar d’approche de Luxembourg, ont permis de reconstituer avec une très grande précision la dernière phase du vol (jusqu’à environ les dernières trente secondes précédant l’écrasement au sol de l’appareil), et ont ainsi contribué d’une façon essentielle à l’élucidation des causes de l’accident.

Il y a cependant lieu de relever déjà ici que cette analyse, plus particulièrement des enregistrements du CVR, s’est poursuivie jusqu’à l’audience du tribunal par les efforts déployés par le mandataire de la partie civile Pciv1 à l’aide de moyens techniques sophistiqués dont par ailleurs ni la méthode ni leur application ni les résultats n’ont été contestés. Cette analyse, soumise au débat contradictoire en audience publique, a permis non seulement d’affiner cet enregistrement sonore et d’améliorer la perception des bruits enregistrés dans le cockpit, mais encore de redresser des erreurs d’interprétation qui s’étaient glissées dans l’analyse originale soumise à la commission d’enquête technique et reprises sans être corrigées par l’expert judiciaire, et qui concernaient l’attribution de certaines paroles prononcées avant l’accident.

L’enregistrement du CVR, qui s’étend de par sa conception sur une durée de trente minutes et qui est effectué sur une bande magnétique sans fin, de sorte que les trente dernières minutes précédant l’accident (et/ou l’arrêt de l’enregistreur) sont préservées, débute à 08.33 min 49 ‘’(heure UTC), à un moment où l’avion se trouve à son altitude de croisière de 18.ooo pieds, soit environ 5.400 mètres (niveau de vol 180). Pendant cette dernière phase de son vol, l’équipage est en contact radiotéléphonique successivement avec le contrôleur en route de Francfort, le contrôle d’approche de Luxembourg et la Tour de contrôle de Luxembourg. Entre 08 h 33’ 49’’ et 08 h 35’ 14’’, le commandant et son copilote ont une conversation sur des détails de leur vie privée, conversation qui a été estimée «non-pertinente au vol». Il sera revenu plus tard sur cette appréciation.A 08 h 35’ 15’’, un message ATIS (Automatic Terminal Information Service) émanant de l’aéroport de Luxembourg annonce (ou plutôt confirme) des conditions de visibilité mauvaises: «RVR de 250 mètres, pas de changement, brouillard». Des conditions météo similaires avaient existé toute la matinée, dès avant le départ de l’avion pour Berlin à 05 h 41’ et n’avaient pas changé depuis.

A ce sujet, il y a lieu de relever que la RVR (Runway Visual Range) est la distance à laquelle les feux au seuil de la piste d’atterrissage sont visibles au pilote. L’avion Fokker 50 étant certifié (et l’équipage qualifié) pour des atterrissages en Cat II pour lesquels la RVR doit être d’au moins 300 mètres, il s’en suit qu’à moins d’une amélioration de la visibilité dans les prochaines trente minutes, un atterrissage à Luxembourg était impossible parce que interdit par la règlementation.

Ceci explique la réaction immédiate du commandant (et non du copilote comme erronément indiqué dans la transcription de l’enregistrement): «two five zero meters,… ech muss awer hém, kaka machen goën, et ass net fir lang hei ze holden», se référant ainsi à l’éventualité d’une mise en circuit d’attente prolongeant le vol.

A 08 h 41’ 08’’, le radar de Francfort assumant le contrôle aérien en route, donne l’instruction à l’équipage de se diriger vers (la balise de) Kirn (près de Bad Kreuznach en Rhénanie-Palatinat) et de descendre au niveau 140, avant de, les instruire à 08 h 44’ 35’’ de mettre le cap directement sur Echo Lima Uniform. A ce sujet, il convient d’insérer ici quelques explications qui aideront à la compréhension de la procédure d’atterrissage en général et de l’évolution de l’avion en cause en particulier. Ces explications se fondent à la fois sur les éclaircissements fournis par les experts judiciaires Vincent FAVÉ et Richard TAVERNIERS dans leurs rapports écrits versés au dossier et dans leurs présentations et leurs exposés verbaux à l’audience, sur les prescriptions afférentes contenues dans le AFM (Aircraft Flight Manual) et les AOM (Aircraft Operating Manual) de Fokker et de LUXAIR, sur une circulaire du 24.01.2000 et toujours en vigueur le 06.11.2002, date de l’accident, cette circulaire destinée à tous les pilotes LUXAIR émanant du Directeur des Opérations à l’époque, le capitaine PO. Enfin, ces explications se fondent sur les cartes JEPPESEN Luxembourg, Cat II ILS DME Rwy 24 et Rwy 24 ILS DME AIP approach chart, respectivement datées du 12.07.2002 et du 05.09.2002, et applicables le jour de l’accident.

L’atterrissage d’un avion comporte normalement trois segments:

- Après l’arrivée dans le secteur où l’avion devra atterrir, la descente, à partir de l’altitude de croisière (18.000 pieds pour la Fokker F50 en cause) vers le IAF (Initial Approach Fix – Point d’approche Initiale) dont l’altitude peut varier puisque cet IAF sert de repère au circuit d’attente (en forme d’hippodrome) aux divers avions destinés à l’atterrissage et qui peuvent se voir assigner individuellement des altitudes différentes par le contrôle d’approche pour assurer leur séparation. Pour l’aéroport de Luxembourg, cet IAF est le VOR DIK. C’est au cours de cette phase du vol au plus tard que l’équipage doit effectuer la check-list suivant le briefing avant approche.

- C’est à partir du IAF ou de ce circuit d’attente et de l’altitude assignée individuellement que les avions seront dirigés successivement par l’intermédiaire d’un IF (Intermediate Fix) en direction de l’aéroport. Cette approche intermédiaire leur permet de se placer dans le prolongement de l’axe de la piste et en même temps de descendre à l’altitude prescrite pour se présenter à l’approche finale. Pour l’aéroport de Luxembourg, l’altitude prescrite pour ce tronçon de l’approche intermédiaire, entre le IAF VOR DIK et le IF est de 3.000 pieds. Cette altitude doit être maintenue jusqu’au FAP (Final Approach Point – Point d’approche finale). Selon leur altitude à l’IAF  respectivement l’ordre ou la priorité leur assignée pour l’atterrissage par le contrôle d’approche, les avions peuvent aussi, déjà pendant la descente, recevoir directement un guidage radar et une altitude prescrite pour rejoindre le FAP sans passer par le IAF. Tel a été le cas en l’espèce le jour de l’accident.

Il y a lieu de relever que suivant les procédures prescrites aux pilotes LUXAIR, et consignées dans les AOM et AFM, dans le cadre de la Monitored Approach (approche contrôlée), c’est le copilote qui doit piloter l’avion à l’aide du pilote automatique à partir de la descente vers le IAF et au plus tard à partir du moment où l’avion reçoit un cap radar du contrôle d’approche, le commandant de bord ne reprenant les commandes que lorsque l’avion se trouve à 100 pieds au-dessus de la piste pour accomplir (manuellement) l’atterrissage. Suivant les mêmes prescriptions, tous les l’atterrissages en Cat II (visibilité réduite) sont obligatoirement effectués suivant la Monitored Approach.

Il y a encore lieu de relever que c’est pendant l’approche intermédiaire, donc bien avant d’arriver au FAP, que l’équipage doit configurer successivement l’avion en vue de l’atterrissage: réduire la puissance des moteurs, réduire la vitesse à la vitesse prescrite (à 130 noeuds pour le Fokker F50), sortir les volets à 10°, annoncer l’atterrissage imminent au reste de l’équipage ainsi qu’aux passagers et s’assurer que la cabine est prête (clear) à l’atterrissage,(au plus tard 10 minutes avant l’atterrissage) configurer le pilote automatique en mode GS (Glide Slope) et enfin sortir le train d’atterrissage.

- Le troisième segment est l’approche finale, la descente à partir du FAP jusque dans la zone d’atterrissage TDZ – (Touch Down Zone) à environ 280 mètres au-delà du seuil de piste. L’aéroport de Luxembourg dispose d’une piste unique de 4.000 mètres orientée Sud-ouest – Nord-est (61° - 241°), équipée d’un système de guidage à l’atterrissage (ILS – Instrument Landing System) opérant dans les deux sens, (Cat. I pour la piste 06 et Cat II et III pour la piste 24). L’aéroport dispose encore d’un radar d’approche qui permet au contrôle d’approche de connaître les positions respectives des avions, d’assurer l’espacement de ceux-ci ainsi que leur guidage. L’image radar est reportée également sur un écran de la Tour de contrôle. Outre le guidage radar, les moyens suivants contribuent aux procédures d’approche/d’atterrissage à partir du secteur Nord-est:

1) Une VOR/DME DIK (VHF Omnidirectionnal Range/ Distance Measuring Equipment ou balise-radio omnidirectionnelle) avec une NDB (balise-radio non-directionnelle), les deux, installées conjointement dans les environs de Diekirch, matérialisant le IAF (Initial Approach Fix). La NDB indique à l’équipage le gisement de la station par rapport à l’avion, et le VOR-DME indique le relèvement de l’avion par rapport à la station.

2) Un ILW situé à 13 milles nautiques au Sud Est de l’IAF et à 10,2 milles au Nord Est de la zone d’atterrissage et qui constitue le IF.

3) Un ILS/DME ILW qui dispose de deux émetteurs: un localizer, installé au-delà du bout de la piste 24 de l’aéroport de Luxembourg qui opère le guidage de l’avion en azimut et un glide qui, installé à côté de la piste à hauteur de la TDZ (zone d’atterrissage), fournit à l’avion en approche finale un plan de descente (Glide Slope) de 3°. L’avion de son côté est équipé de récepteurs qui fournissent sur un écran les indications du localizer, matérialisées par une flèche mobile indiquant l’axe de la piste, et du glide matérialisées sur une échelle verticale. Dès que l’indication du localizer est centrée sur l’écran, l’avion se trouve dans l’axe de la piste; dès que et aussi longtemps que l’indication du glide est centrée, l’avion se trouve sur le plan de descente. Pour assurer un atterrissage, il faut donc maintenir les indications combinées du localizer et du glide centrées sur l’écran, Suivant les prescriptions en vigueur chez LUXAIR, les approches initiales, intermédiaires et finales en Cat II sont toujours effectuées à l’aide du pilote automatique qu’il faut reconfigurer à cet effet du mode NAV en mode GS. La balise DME installée près du glide fournit encore en permanence à l’équipage la distance exacte entre l’avion et le seuil de piste respectivement la TDZ (Touch-down Zone) et permet ainsi à l’équipage de déterminer le FAP (Final Approach Point).

4) Une balise NDB ELU qui se situe à 5,3 milles nautiques du ILS-DME, dans l’axe de la piste, marque, pour les atterrissages en Cat II, le FAP (Final Approach Point), c’est-à-dire le point dans l’espace où le plan de descente idéal coupe la trajectoire en palier de l’avion (à 3.000 pieds) et à partir duquel l’avion doit amorcer sa descente finale en vue de l’atterrissage. Ce FAP se situe à 5,5 milles nautiques de cette balise (sur l’hypoténuse formée par le glide). Il faut évidemment que l’équipage ait réglé au préalable le récepteur de bord sur la fréquence radio de cette balise. Autrefois, celle-ci indiquait seule le FAP; depuis l’installation du DME, elle n’avait pas été désactivée, mais faisait double emploi avec le DME dont elle confirmait l’indication, et constituait ainsi une sécurité supplémentaire. En effet, elle permettait à l’équipage de vérifier lors de son survol, ensemble l’altitude indiquée à l’altimètre barométrique, que l’avion se trouvait à l’altitude exacte prescrite pour le FAP. Le FAP était ainsi déterminé dans l’espace par l’intersection du plan en palier de l’avion (à 3.0000 pieds), avec la verticale de la NDB ELU, l’indication de la distance de 5.5. milles nautiques du DME et le centrage du glide sur l’écran, l’avion étant au demeurant maintenu dans l’axe de la piste par le centrage du localizer.

S’il apparaît de la circulaire du 24.01.2000 du capitaine PO mentionnée ci-avant que l’utilisation de la NDB ELU n’était plus obligatoire (required), elle n’était pas interdite pour autant et effectivement, elle n’en a pas moins continué à être régulièrement utilisée par les pilotes de la LUXAIR à titre de sécurité supplémentaire. La meilleure preuve appert de l’enregistrement du CVR et de sa transcription lors du vol en cause.

Abstraction faite des déductions que l’on sera amené plus tard à tirer sur d’autres plans de cet enregistrement, il y a lieu de retenir que, encore au jour de l’accident, la balise NDB ELU constituait un outil de navigation pour l’approche finale dont l’équipage n’entendait pas se priver. Elle figurait d’ailleurs expressément comme outil de navigation sur les cartes JEPPESEN Luxembourg, Cat II ILS DME Rwy 24 et Rwy 24 ILS DME AIP approach chart mentionnées ci-avant.

5) L’aéroport de Luxembourg dispose encore d’une NDB WLU situé, dans le prolongement de la piste, à l’ouest de la ville de Luxembourg (région de Leudelange), à 8 milles nautiques de l’ILS DME. Cette balise sert aux approches interrompues, mais n’a joué aucun rôle le jour des faits.

L’avion a donc quitté le niveau 180 à 8 h 41’ vers le niveau 140, et à 8 h 44’, sur instructions du centre de contrôle en route de Frankfort, fait route directement sur ELU (Echo Lima Uniform). A 8 h 46, l’équipage est autorisé à descendre au niveau 100, puis au niveau 60 à 8 h 49. A 8 h 50, le centre de Francfort relaye la demande de l’approche de Luxembourg à l’équipage d’arrêter la descente au niveau 90 et de faire route sur le VOR de Diekirch, avant de lui demander à 8 h 52 de contacter l’approche de Luxembourg.

Depuis 08 h 44’53’’, l’équipage s’informe sur les conditions météo à l’aéroport, d’abord par le biais de l’ATIS, ensuite à partir de 08 h 47’39’’ auprès du Dispatch. Les informations sont toujours défavorables: Plafond à 100 mètres visibilité (RVR) 250 mètres, et les chances d’un changement peu probables. Le Dispatch propose d’attendre et de continuer encore un peu, mais évoque la possibilité de dévier l’avion sur l’aéroport de SARREBRUCK où la météo est beaucoup plus favorable.

Le commandant de bord qui pilote l’avion ne fait pas le briefing d’approche prescrit par l’AOM que le copilote lui suggère à 08 h 45’ («Du wolls eppes verziëlen vun enger Cat II, oder waat?»). Le commandant se borne à lui répondre que si la visibilité n’augmente pas, il demandera à se mettre en attente à ELU en vue d’une amélioration, tout en doutant du succès d’une pareille manoeuvre.

A 08 h 48’29’, le commandant appelle encore une fois le Dispatch pour s’enquérir d’un départ éventuel d’un gros porteur de la CARGOLUX. Il espère profiter de l’effet des engins lancés à pleine puissance de cet avion cargo pour dissiper momentanément le brouillard, ce qui lui permettrait d’atterrir dans sa traînée. Le Dispatch semble passablement interloqué, mais de toute façon, ce «plan» ne pourra pas être mis à exécution, le gros porteur étant déjà en train de décoller. Cela n’empêchera pas le commandant, qui affiche ouvertement sa réticence à se faire dévier sur SARREBRUCK, de revenir encore à trois reprises sur le sujet jusqu’à 08 h 59’, et à 09 h 01’ 06’’, il discutera encore avec le copilote au sujet de l’idée de ce dernier de demander au Dispatch de faire effectuer par l’avion cargo un go around pour un passage au-dessus de la piste à basse altitude.

L’équipage contacte l’approche de Luxembourg Findel à 8 h 52’41’’, en descente vers le niveau 90 qu’il va atteindre et maintenir à 8 h 54’. Il est autorisé à entrer dans l’attente de Diekirch (‘l’hippodrome’) avant un guidage radar pour une approche ILS en piste 24. Depuis 08 h 46’ 21’’, l’équipage discute de façon intermittente de la question qui d’entre eux fera l’annonce aux passagers et quel en sera le contenu, et c’est 08 h 53’ 24’’ que le copilote, sur instruction du commandant qui est toujours aux commandes, informe les passagers en trois langues que l’avion va rejoindre un circuit d’attente en attendant une amélioration des conditions météo à Luxembourg. A ce moment, l’avion, d’après le copilote, se trouve dans la région de Bitbourg. Le copilote est manifestement mal à l’aise parce qu’il n’a pas l’habitude de faire des annonces aux passagers, et il demande même à la chef de cabine PMDR, s’enquérant s’il y a un problème, s’il n’a pas dit n’importe quoi. Il l’a rassure en disant qu’il ne manque pas grand-chose à la visibilité et que tout devrait bien se passer. Ce sera la seule communication à partir du cockpit et à aucun moment, ni la chef de cabine ni les passagers ne seront informés que l’équipage va changer d’avis et que l’atterrissage est imminent.

A 8 h 58, le contrôle d’approche de Luxembourg autorise l’équipage à descendre à 3000 pieds avant même d’atteindre le IAF (VOR/DME DIK) et lui demande de virer à gauche au cap 130. C’est donc à partir de ce moment (premier cap radar) que commence l’approche intermédiaire qui est effectuée en forme de lacet en S.

Si le copilote, quelque peu surpris par cette annonce, n’est pas sûr qu’elle vise leur avion et demande à son commandant s’ils vont être dirigés vers l’approche finale où vers un circuit d’attente, le commandant a de suite compris qu’ils doivent se diriger vers l’approche finale. Tant le Dispatch que le contrôle d’approche lui confirmant une visibilité (RVR) à 275 mètres, il semble quelque peu désemparé tout comme son copilote quant à la conduite à tenir.

Cependant ils entrent la valeur de la pression barométrique valable sur l’aéroport dans l’altimètre; le copilote suggère d’allumer le signal lumineux instruisant les passagers de mettre leur ceinture et le commandant trouve qu’éventuellement ce serait une bonne idée, mais curieusement oublie de rappeler au copilote de mettre à son tour son harnais; il entre la valeur de la MDA (Minimum Decision Altitude = 100 pieds) dans l’altimètre radar.

A 9 h 01’ 25’’ le contrôle d’approche lui donne un cap au 220 par la droite pour intercepter le localizer, l’avion est autorisé à l’approche et l’équipage doit rappeler une fois établi sur le localizer. Si cette annonce par le contrôle d’approche a surpris l’équipage, le fait d’être autorisé à l’approche par priorité à tous les autres avions en attente semble avoir paru inespéré et les manoeuvres pour suivre les caps radar n’ont suscité aucune inquiétude si ce n’est celle que tout n’était pas encore gagné et qu’il leur faudrait éventuellement renoncer quand-même à l’atterrissage immédiat si la RVR ne s’améliorait pas.

L’avion traverse alors le niveau 60 en descente avec une vitesse indiquée IAS (Indicated Air Speed) de l’ordre de 200 noeuds. L’équipage, qui conservait jusqu’à cet instant un couple turbine de 25 - 27, réduit la puissance puis à 9 h 02’ positionne les power levers sur flight idle. L’avion est établi sur le localizer et le copilote entre le cap de l’approche manquée pour le cas où l’approche finale devrait être avortée. La dernière RVR (Runway Visibility Range – visibilité des feux à partir du seuil de piste) reçue était de 275 mètres, les minima de l’équipage pour une approche en Cat II étant de 300 mètres. Sans une amélioration de la visibilité, il était à prévoir que l’atterrissage serait réglementairement interdit. A 9 h 02’02’’, le Commandant de bord aux commandes de l’avion rappelle la nécessité de faire la check list approche qui, d’après la procédure LUXAIR, est effectivement tardive («Mir mussen hei fir d’approche ehhhhh»). Elle ne sera terminée qu’après le passage de la balise ELU.

Il annonce au copilote que le localizer est ‘actif’ et ‘capturé’: l’avion a rejoint le prolongement de l’axe de la piste; il poursuit en disant que si à Echo (ELU) la RVR n’atteint pas 300 mètres, il procédera à une remise de gaz sur Diekirch (procédure de la missed approach). Le Copilote, qui assure les communications radio, rappelle l’approche à 9 h 02’ 32’’ pour informer que l’avion est établi sur le localizer, la vitesse indiquée étant en ce moment de 190 noeuds en régression, donc encore nettement trop élevée à cet endroit, et l’altitude à QNH 4800 pieds. Il lui est demandé de contacter la tour, ce qu’il fait immédiatement en précisant que l’avion est maintenant établi sur le ILS Piste 24.

Il est important de constater ici que ce faisant, il oublie à deux reprises de suivre l’instruction du commandant et néglige d’avertir d’abord l’approche, ensuite la Tour de l’intention du commandant de faire un go around selon la procédure de l’approche manquée et de voler vers le circuit d’attente de Diekirch, si à ELU, la RVR n’était pas montée à au moins 300 mètres. Il est tout aussi important de noter que le commandant n’a pas relevé ni corrigé cette double omission, au contraire. Lorsque le copilote s’adresse à la Tour, le commandant lui-même ne s’exprime pas clairement sur ses intentions.

Le copilote signale bien à la Tour qu’ils ont besoin d’une RVR de 300 mètres lorsque le contrôleur lui transmet une RVR de 275 mètres seulement et lui fait savoir en outre que c’est le calme plat, pas de vent, impliquant par là qu’il n’y a guère de chances d’une amélioration imminente. Le contrôleur renforce encore ce point à deux reprises respectivement à 09 h 03’ 25 16’’ («we didn’t have 300 during, uh, the last time») et à 09 h 03’35’’ («we have zero …..knots wind»), mais autorise néanmoins l’équipage à continuer son approche vers ELU.

Lors de l’approche de la balise ELU, on peut noter chez le commandant un atermoiement supplémentaire. En effet, à 09 h 04 ’09’’, il demande au copilote: «Sou, si mir de beacon? he, nach net grad. En ass 5.5.DME». Sur ce, le copilote lui répond: «Da muss é mol e beacon setzen, mai Jong.» A qui écoute l’échange de propos de l’équipage à ce sujet, il apparaît comme évident que le pilote s’est laissé prendre en faute; il avait effectivement oublié de régler le récepteur sur la fréquence de la balise. Même s’il essaye de se tirer d’affaire en affirmant (correctement): «Yo, mé ech hu jo och nach en DME», le copilote n’en est pas dupe ainsi que le révèle son «Ye, Ye, Ye, Ye, Ye, Ye,» dont le ton réprobateur ne saurait échapper à personne. Pour toute réponse, le commandant n’a qu’un rire gêné.

A 09 h 04’33’’, l’avion en descente à 3° est stabilisé en palier à l’altitude de 3.060 pieds par augmentation du torque des moteurs à partir de 09 h 04’37’’, à 5,6 milles nautiques du DME. La balise ELU est survolée et partant le FAP atteint à 09 h 04'39’’. A 09 h 04’46, le commandant annonce l’interruption de l’approche («Yo, bon, mir maachen en go around, missed approach»). L’avion étant à ce moment à 5,2 milles nautiques du DME, en palier et à l’altitude prescrite par la procédure pour rejoindre DIK par WLU. Il est maintenu dans cette configuration sans modification des paramètres, ni du couple des moteurs (et donc de la position des manettes de puissance) ni de son assiette.

A 09 h04’57, la Tour annonce une légère amélioration de la visibilité, la RVR en début de piste étant maintenant de 300 mètres («RVR 300 meters 275 meters…. Stop-end 275 meters»), cette amélioration étant due à un vent léger qui s’est levé. A ce moment précis, l’avion est en train de sortir de la partie (supérieure) exploitable du faisceau du glide et se trouve à 4,7 milles nautiques du DME. Manifestement sans réfléchir ou analyser la situation nouvelle, le commandant prend de suite la décision d’abandonner l’approche manquée annoncée à 09 h 04’46’’ et de reprendre l’approche finale, puisque l’enregistrement du DFDR montre la réduction du couple des moteurs et partant le recul des manettes de puissance au ralenti/vol à 09 h 04’59’’. Une seconde plus tard, le CVR enregistre un bruit qui a été scientifiquement identifié ultérieurement par la BEA (Bureau des Enquêtes et Analyses) comme correspondant au déblocage (soulèvement) des ground range selectors, donc de la sécurité mécanique primaire mentionnée plus haut. Ce bruit a également pu être clairement perçu lors de la démonstration de l’enregistrement du CVR à l’audience.

Il est remarquable de constater que le commandant a pris cette décision seul sans se concerter avec son copilote, puisqu’aucune parole n’a été échangée entre eux à ce propos. Il ne l’annonce d’ailleurs pas davantage à la cabine. Le couple moteurs se trouve réduit à 0 à partir de 09 h 05’02 jusqu’à 09 h 05’19, mais le copilote, qui ne formule aucune objection à l’intention du commandant de poursuivre l’approche, semble toutefois douter de l’efficacité des efforts de ce dernier pour décélérer suffisamment l’avion afin de rattraper le glide par le haut puisqu’il dit à 09 h 05’02’’: «…gét net duër». Effectivement, le profil vertical de leur trajectoire au radar montrera qu’au moment où l’avion commence à amorcer lentement sa descente (09 h 05’05’’ à 09 h 05’07’’), il se trouve à quelques 4,2 milles nautiques du DME et à environ 400 pieds au-dessus du plan de descente. Il va sans dire qu’à ce moment, l’équipage ne reçoit plus les indications du glide qui ne leur est d’aucun secours puisqu’ils se trouvent largement en-dehors de la partie exploitable du faisceau, alors que pourtant la visibilité est nulle.

Le copilote informe néanmoins la Tour «qu’ils continuent donc» et demande au commandant s’il doit sortir les volets, ce que ce dernier confirme à 09 h 05’08’’ en précisant leur sortie à 10°. Au même moment, la Tour les autorise à atterrir (you’re clear to land). A partir de ce moment, tout va se passer très rapidement: A 09.05’11’’, le copilote demande s’il doit sortir le train d’atterrissage ce que le commandant lui confirme dans la seconde qui suit. Une seconde plus tard, à 09 h 05’13’’ le copilote confirme le message de la Tour (clear to land) et 2,5 secondes plus tard, à 09 h 05’16’’10/00, le CVR enregistre le bruit de la manette de commande du train, suivi de celui du train qui sort. A 09 h 05.16’’60/00, le copilote dit encore: «Dât do gët zwar….») mais ne termine plus sa phrase, puisque pour ainsi dire au même moment, le CVR enregistre le bruit d’une augmentation de la vitesse des hélices (09 h 05’17’70/00). A 09 h 05’19’’40/00, le CVR enregistre le bruit des manettes de puissance passant en-deçà du cran du ground idle, ce à quoi le commandant réagit médusé: «Wât ass dât?» puis «Hä?» qui se confond avec un »Oh merde» (09 h 05’22’’80/00) pendant qu’on peut entendre la vitesse de rotation d’hélices diminuer. A 09 h 05’27’’70/00, l’alerte de proximité du sol GPWS se déclenche et 1,5 secondes plus tard, à 09 h 05’29’’10/00, le copilote exhale encore dans un souffle:»Oh merde» C’est là la dernière manifestation de la part de l’équipage avant l’écrasement au sol de l’appareil. Assez curieusement, l’enregistrement du CVR s’interrompt entre 09 h05’ 29’’ 10/00 et 09 h05’40’’10/00, puis révèle une portion très brève de l’enregistrement effectué une demi-heure plus tôt, reprend l’enregistrement à 09 h05’40’’80/00 pour s’arrêter définitivement à 09 h 05’44’’60/00. Cependant, si pendant ce tout dernier segment, à 09 h05’41’’60/00, on entend encore une communication entre un autre avion s’apprêtant à quitter le Terminal et la Tour («Ready for push-back next, Mike Kilo Alpha 123»), et un double signal acoustique à 09 h05’41’’90/00, les dernières 4,5 secondes de l’enregistrement ne renseignent plus aucune manifestation de l’équipage.

4) L’accident et ses causes.

L’analyse du profil de la trajectoire finale de l’avion, tel qu’il résulte des enregistrements du DFDR et du radar au sol, ensemble les tableaux des paramètres généraux et ceux des moteurs et hélices, révèle qu’après avoir volé en palier à 3.060 pieds (altitude QNH Z) et à vitesse pour ainsi dire constante entre 09 h 04’41’’ et 09 h04’59’’ (5,5 – 4,6 milles nautiques de DME), la vitesse diminue de 160 à 140 noeuds jusqu’à 09 h 05’17’’. Ce ralentissement est dû au recul des leviers de puissance contre le flight idle stop avec soulèvement simultané des ground range selectors (sécurité primaire) qui, dans le même temps, entraîne à la fois une chute du couple des moteurs (torque), une baisse des valeurs HP des turbines en-deçà du niveau minimum au flight idle (< 74% jusqu’à 70%) et une légère diminution de l’altitude de 3.060 pieds environ à +/- 2.900 pieds, soit quelques 8 - 9 pieds/seconde, le recul des leviers de puissance faisant suite à l’annonce par la Tour d’une RVR de 300 mètres.

A 09 h 05’16’’, le train d’atterrissage est sorti et une seconde plus tard, l’alerte des pales en low pitch se déclenche. En même temps, l’avion subit à la fois une énorme augmentation de l’accélération verticale de l’ordre de -042 g et une réduction tout aussi brutale de la vitesse horizontale. De plus, l’assiette de l’avion, qui avait déjà une tendance négative depuis la sortie des volets, accentue encore cette tendance (-16°), de sorte que l’avion commence à sérieusement piquer du nez. A cela s’ajoute que le nombre de tours des hélices accuse des valeurs insensées: Après une montée symétrique initiale à 90%, l’hélice gauche, après un passage en low pitch, jusqu’ à -02° se met en drapeau (à 85°) et réduit progressivement le nombre de ses rotations jusqu’à ne plus que mouliner lentement dans le vent, tandis qu’au contraire, l’hélice droite passe en même temps en full reverse et en survitesse à 108% dont le bruit terrifiant est enregistré par le CVR jusqu’à ce que la sécurité automatique réduise le nombre de tours de la turbine.

Pour couronner le tout, la trajectoire de l’avion accuse une descente verticale brutale à quelques 60° qui lui fait perdre une altitude de quelques 200 pieds en 7 secondes. L’équipage a encore aussi désespérément que futilement essayé de remettre les moteurs en marche après les avoir éteints par la coupure de l’alimentation en carburant. Ce dernier point est établi par le fait que l’alarme sonore n’a retenti ni lorsque la valeur des tours du corps de haute pression de la turbine gauche a baissé en-dessous de 60% ni lorsque la génératrice s’est déconnectée. Ces alarmes ne sont pas activées lorsque le moteur est coupé par l’équipage. Le débit de carburant du moteur gauche était à zéro à 09 h 05’25’’ et à 09 h 05’26’’, les deux fuel levers sont enregistrés en position fermée (‘shut)’. Les deux moteurs sont donc arrêtés. La constatation que l’équipage a dû essayer de redémarrer les moteurs se déduit du fait que l’examen de l’épave a montré que les interrupteurs d’allumage des deux moteurs étaient en position ’on’, et les fuel levers étaient de nouveau ouverts.

Il est un fait que les deux hélices ont été trouvées sur l’épave avec des réglages diamétralement opposés: L’hélice gauche (ou plutôt ce qu’il en restait) montrait les pales en position drapeau (à 85°) et les pales de l’hélice droite en full reverse (-17°). Il est encore un fait que lors de l’examen de l’épave, il s’est avéré que les deux manettes de puissance étaient symétriquement en position vol. La défense, plus particulièrement celle du prévenu P1, s’est emparée de ces constatations pour avancer l’hypothèse d’une panne mécanique.

En vérité, il n’en est rien; l’examen de l’épave et spécialement des groupes propulseurs a permis d’exclure toute défaillance mécanique. La raison du phénomène constaté est bien autre.

Les travaux d’expertise ont montré que lorsqu’une manette d’alimentation en carburant est sur une autre position que ‘ouvert’, par exemple sur ‘démarrage’ ou ‘’fermée’, ce qui était le cas pour les deux manettes respectivement à 09 h 95’25’’ et à 09 h 05’26’, la pompe hydraulique de mise en drapeau, alimentée en électricité de façon indépendante, se met en marche, pourvu que le levier de puissance se trouve dans la plage vol (flight idle ou au-delà). Cela a été le cas pour l’hélice gauche, mais non pour celle de droite. La raison n’en est pas à rechercher dans un défaut d’alimentation électrique de la pompe, puisque son alimentation est indépendante. Elle n’est pas non plus à rechercher dans le fait que la manette de puissance droite n’aurait pas été avancée dans la plage vol, empêchant par là la pompe d’entrer en action, comme envisagé entre autres par l’expert ni dans un replacement trop abrupte de la seule manette de puissance droite dans la plage vol, bloquant les orifices du bêta tube, comme cela a été avancé entre autres par DOWTY Propellers, constructeur des hélices.

En effet, ces deux explications se heurtent à l’argument que du moment où l’équipage a réalisé que le problème venait de la position des leviers de puissance, rien ne permet d’affirmer qu’ils auraient manié les deux manettes de manière différente. Au contraire, tout porte à croire que cette réalisation, ensemble la panique devant une situation qu’ils ne maîtrisaient plus, confrontés à une catastrophe imminente qui allait se produire quelques secondes plus tard, les a fait avancer en bloc les deux manettes, ce qui explique aussi aisément la position finale de ces dernières.

En vérité, il est apparu des renseignements de DOWTY Propellers, constructeur des hélices, que s’il est vrai qu’à ce jour, personne n’a encore, du moins délibérément, tenté en pratique l’expérience de soumettre une hélice à la torture d’une position en full reverse et en survitesse contre un vent de 130 noeuds (et pour cause!), le constructeur est néanmoins d’avis que dès que les pales ont dépassé un angle de -4°, la force aérodynamique pousse les pales irrésistiblement vers la position full reverse (-17°) et la pompe de mise en drapeau n’aura en aucun cas la force de réorienter les pales vers le grand pas contre la pression du vent. La position finale des pales s’explique donc par le fait que les pales, sous le contrôle direct des manettes de puissance dans la plage bêta en-dessous du flight idle, ont adopté une position légèrement différente; un peu en-deçà de -04° pour l’hélice gauche, un peu au-delà de -04° pour l’hélice droite. La différence a bien pu être minime, elle n’en a été pas moins réelle et a eu pour effet de rendre possible pour la première le retour en position drapeau et d’entraîner pour la deuxième le passage irrémédiable en full reverse. Que les manettes de puissance n’aient pas été maniées avec une symétrie parfaite résulte d’ailleurs de l’enregistrement du DFDR à 09 h0 5’17’’.

Au demeurant, l’effort de l’équipage aurait de toute façon été futile pour ce qui est du moteur droit parce que la position en reverse des pales tournant en survitesse contre la force aérodynamique de l’air traversé à la vitesse de 130 noeuds les avait littéralement décomposées comme des gousses de fèves. Le bruit de cette hélice endommagée a d’ailleurs été perçu par plusieurs témoins au sol qui l’ont comparé à un bruit de mitrailleuse. L’hélice en fait ne servait plus à rien si ce n’est de frein aérodynamique considérable et de surcroit unilatéral au point de faire dévier l’avion dans sa chute fortement (de 700 mètres) vers la droite. Pour ce qui est du moteur gauche, l’effort était tout aussi vain. En effet, au moment où les deux manettes de carburant sont fermées, entraînant d’ailleurs la déconnection de la génératrice et par là l’arrêt du DFDR, l’avion se trouve à 1.200 pieds au dessus de l’élévation de l’aéroport (à 09 h 05’26’’). Les leviers de puissance sont avancés au-delà du ralenti-vol entraînant la mise en drapeau de l’hélice gauche dont le nombre de tours a diminué jusqu’à 5%. L’expert a émis l’opinion que si l’équipage s’était borné à avancer le levier de puissance gauche dans la plage vol sans fermer les manettes de carburant, il aurait pu recouvrer l’usage normal au moins du moteur gauche, même si l’hélice du moteur droit avait été irrémédiablement endommagée.

Il est cependant permis de douter que cette action aurait pu éviter la catastrophe vu le taux de descente extrêmement important et la proximité du sol. Même en tenant compte du fait que le terrain était à ce moment à 1.500 pieds sous l’avion et donc quelques 300 pieds plus bas que le seuil de piste, il est très loin d’être sûr que l’équipage aurait disposé de suffisamment de temps et d’altitude pour redémarrer le moteur gauche, le remettre au régime maximum et ramener l’hélice à un nombre de tours suffisant. Il est encore douteux si dans cette hypothèse, un seul moteur aurait donné suffisamment de puissance pour non seulement arrêter la descente et opérer un rétablissement, mais encore éviter les obstacles jusque et y compris la dénivellation importante entre l’avion et l’aéroport, sans parler de la difficulté supplémentaire résultant de l’effet de freinage provoqué par l’hélice droite toujours en pleine reverse.

De plus, l’équipage avait rentré les volets à 09 h05’21’’ dans l’espoir de redresser la situation Si cette action leur a permis d’augmenter momentanément leur vitesse horizontale (de 115 à 130 noeuds), elle a en revanche diminué la portance et par là augmenté la vitesse de la chute. L’ensemble de ces paramètres traduit l’image d’un avion qui, en plein vol et dans une évolution parfaitement normale, est soudain privé de ses moyens de propulsion, soumis à un freinage brutal et finalement asymétrique, devient incapable de se maintenir en l’air et amorce une chute approchant à la fin de la verticale, seulement freinée par la résistance à l’air que produisent ses ailes, la seule force le faisant encore se déplacer horizontalement résultant de l’inertie cinétique.

Il est inutile de répéter ici la description des conséquences de cette chute sur l’avion et ses occupants à la suite du contact avec le sol; il y a lieu de se référer à ce qui a été écrit à ce sujet plus haut.

 

EN DROIT:

AU PENAL:

I. Les préventions

Le Ministère Public reproche aux prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6:

A) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

Le 6.11.2002, vers 10 h 06 heure locale, (ou 9 h 06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes,

Comme auteurs d’un crime ou d’un délit:

De l’avoir exécuté ou d’avoir coopéré directement à son exécution;

D’avoir, par un fait quelconque, prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime ou le délit n’eût pu être commis;

D’avoir, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ce crime ou à ce délit;

D’avoir, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, provoqué directement à le commettre;

Comme complices d’un crime ou d’un délit:

D’avoir donné des instructions pour le commettre;

D’avoir procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui a servi au crime ou au délit sachant qu’ils devaient y servir;

D’avoir avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs du crime ou du délit dans les faits qui l’ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l’ont consommé;

I) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne

D’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef, a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:

- BJD

II) P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne

D’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef, avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:

- P1, né le ... ,

III) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne

D’avoir, sans nécessité, effectué un vol ou une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef ou les personnes et les biens à la surface du sol,

IV) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction aux articles 418 et 419 du code pénal

D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :

- BG (D),

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

V) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction aux articles 418 et 420 du code pénal

D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- BJD

VI) P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,

En infraction aux articles 418 et 420 du code pénal

D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- P1, né le ... ,

1) Quant aux préventions d’homicide - coups et blessures involontaires:

Art. 418 C.P.

Est coupable d’homicide ou de lésions involontaires celui qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans l’intention d’attenter à la personne d’autrui.

Art. 419 al.1 C.P.

Quiconque aura involontairement cause la mort d’une personne sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 500 euros à 1.000,- euros.

Art. 420 C.P.

S’il n’est résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou des blessures, le coupable sera puni d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 500 euros à 5.000,- euros, ou d’une de ces peines seulement.

2) Quant à la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne:

Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 251 euros à 15.000 euros ou d’une de ces peines seulement, quiconque, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, aura commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef.

S’il est résulté de l’accident des lésions corporelles, le coupable sera puni d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 251 euros à 5.000 euros. Si l’accident a causé la mort, l’emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l’amende de 500 euros à 5.000 euros.

3) Quant à la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne:

24. Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 251 euros à 5.000 euros ou d’une de ces peines seulement, tout commandant qui aura survolé une agglomération ou tout autre lieu fréquenté au moment du vol, tel que plage, hippodrome ou stade, à une altitude inférieure à celle qui est prescrite par les règlements.

25. Seront punis des peines prévues à l’article précédent:

1° Tout commandant qui, sans nécessité, effectue un vol ou une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef ou les personnes et les biens à la surface du sol.

La prévention fondée sur les articles 418, 419 et 420 C.P. pour pouvoir être retenue, doit réunir les éléments constitutifs suivants:

1) Une personne ayant été la victime de coups ou de blessures ayant entraîné sa mort,

2) Une faute commise par l’auteur, cette faute consistant en un défaut de prévoyance ou

de précaution,

3) Une relation causale entre la faute de l’auteur et la mort de la victime.

En l’espèce, il est constant en cause que dans l’accident du 06.11.2002, dix-neuf passagers BG, CJ, HJ, HJO, KM, KO, KM, LD, OJ, PM, PU, SCHS, SCHA, SR, SL, TC, OCL et MM, le copilote JA et l’hôtesse de l’air PMDR ont trouvé la mort, et que le passager JDB, né le …ainsi que le pilote, le prévenu P1, ont été gravement blessés.

L’expression «par un défaut de prévoyance ou de précaution» recouvre dans sa généralité toutes les formes possibles et toutes les modifications de la faute, quelque légère qu’elle soit, que ce soit un fait fautif ou une simple abstention ou omission fautive.

En droit pénal, la faute délictuelle se confond avec la faute prévue par les articles 1382 et 1383 du Code civil. La responsabilité de l’auteur résulte de son fait ou de son abstention fautive personnelle.

Le fait fautif ne doit pas nécessairement avoir causé seul l’entièreté du dommage. Il peut être la cause directe ou indirecte du dommage; lorsque la cause est indirecte ou médiate, la responsabilité de l’auteur ne sera retenue que si celui-ci a raisonnablement pu prévoir les conséquences de sa faute.

Une faute de la victime, antérieure ou concomitante à la production du dommage, ne saurait exonérer l’auteur de la responsabilité de son propre comportement fautif, si les fautes respectives commises par l’un et l’autre ont toutes contribué à la réalisation du dommage.

Le fait dommageable peut résulter des fautes similaires commises par plusieurs individus ou d’une conjonction de plusieurs faits fautifs de nature différente.

Le dommage peut résulter de la conjonction ou combinaison de plusieurs faits fautifs, même si chacun de ces faits fautifs, éventuellement espacés dans le temps, n’avait pas à lui seul été à même de réaliser le dommage. Plusieurs fautes successives, imputables à des auteurs différents, peuvent concourir à la production d’un même dommage.

La faute ne doit pas nécessairement entraîner immédiatement ou directement la production du dommage. Elle peut avoir été commise à un moment bien antérieur à la survenance de celuici.

La faute peut consister dans la violation d’une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle.

Pour analyser le fait allégué de fautif, les tribunaux recourent à la notion abstraite du ‘bon père de famille’. Cette appréciation doit se faire in abstracto, c’est-à-dire du comportement d’un individu normalement prudent et diligent dans une situation donnée. Dans une certaine mesure, il faut tenir compte des spécificités de l’espèce et du métier ainsi que de l’environnement dans lequel les prévenus ont développé leurs activités professionnelles qui obéissent à un ensemble de règlements bien particuliers. Dans ce domaine, le comportement du ‘bon père de famille’ est celui qui montre un bon ‘airmanship’, notion qu’on peut traduire par professionnalisme aéronautique. Sous cet aspect, l’appréciation se fait dans une certaine mesure également in concreto.

Ces critères s’appliquent indistinctement tant à la prévention d’homicide involontaire qu’à celle des coups ou blessures (lésions corporelles) involontaires. Ils doivent s’appliquer également à la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne qui ne constitue qu’une application particulière au domaine de la navigation aérienne des principes régissant les articles 418, 419 et 420 du Code pénal, à l’instar de l’article 422 du Code pénal qui s’applique au domaine de la circulation par rail, mais prévoyant des sanctions différentes. A la lumière des critères énoncés ci-avant, il y a lieu d’examiner les faits dégagés par l’information judiciaire et l’instruction à l’audience, détaillés ci-avant et considérés comme établis en l’espèce, pour déterminer le degré de responsabilité dans les faits des différents prévenus au regard des préventions mises à leur charge.

L’ensemble des travaux accomplis lors de l’information judiciaire et de l’instruction à l’audience a permis de déterminer avec certitude que la cause immédiate de la perte de contrôle de l’appareil et de sa chute se trouve dans le changement du pas des hélices vers et dans une position (plage bêta) ne permettant plus de maintenir l’appareil en l’air dans un vol contrôlé, lui enlevant partant sa navigabilité.

Il est apparu comme tout aussi évident et à l’abri de toute contestation un tant soit peu raisonnable que cette perte de contrôle et partant de navigabilité a été directement et exclusivement induite par le déplacement en vol, par le pilote aux commandes de l’appareil, des manettes de puissance contre les butées de la sécurité secondaire suite à un déverrouillage de la sécurité primaire par soulèvement des ground range selectors, puis leur recul en plage bêta, en position de ground idle et finalement en reverse, aucune défaillance mécanique ne s’étant produite qui aurait pu modifier le pas des hélices.

Ces constatations ont alors immédiatement attiré l’attention des experts sur le fonctionnement de la sécurité électromécanique secondaire mentionnée plus haut (Automatic Flight Idle Stop) dont le but, et même la raison d’être était précisément d’empêcher le passage en vol des manettes de puissance dans la plage bêta, et sur le fonctionnement de la composante électronique Skid Control Unit (SCU) qui intervient dans l’activation de cette sécurité secondaire.

L’examen en atelier, effectué par les experts sur le dispositif mécanique de la sécurité secondaire (cames, verrous et solénoïdes) a permis de vérifier que celle-ci était non seulement intacte sur les deux moteurs, mais était parfaitement réglée selon les normes prescrites par le constructeur et fonctionnait à la perfection.

Il s’est toutefois avéré que la Skid Control Unit de l’avion accidenté, construite par le producteur de composantes, la société américaine ABSc, souffrait non d’une panne, mais d’un défaut inhérent à sa conception.

Il s’est révélé au fil de l’examen de la documentation fournie par Fokker et par ABSC, et confirmés par des essais en laboratoire postérieurs à l’accident du 06.11.2002, que cette composante électronique n’était pas suffisamment protégée contre des signaux électriques parasites provenant de sources diverses.

Une première information en rapport avec ce problème avait été émise par ABSc au moyen d’un Service Bulletin à destination de toutes les compagnies aériennes (Operators) exploitant le Fokker F50, y compris LUXAIR, le 01.08.1992. Dans ce Service Bulletin, ABSc se borna toutefois à annoncer aux Operators disposant sur leurs appareils de la composante Control Unit 6004125 la mise sur le marché d’une nouvelle version de cette composante (Control Unit 6004125-1). En même temps, ABSc fournissait une instruction détaillée et même minutieuse sur 7 pages comment les opérateurs pouvaient faire modifier ou éventuellement modifier eux-mêmes les unités existantes pour les conformer au nouveau standard. Tout en assurant les opérateurs que la nouvelle version respectivement la modification indiquée n’affectait en rien les fonctions de test ni les fonctions antiskids, ABSc précisait qu’elle consistait simplement dans l’addition d’une résistance et d’une diode sur chacune des deux platines (wheel boards), dédiées aux côtés gauche et droit du train principal, et que le but de cette modification, dont le coût matériel était insignifiant, était d’assurer que la déconnexion des capteurs de roues (enregistrant la vitesse de rotation des roues) soit correctement détectée. Cette modification, si elle pouvait être considérée comme une amélioration par rapport à l’unité antérieure, n’était d’après le texte du Service Bulletin, nullement urgente puisqu’elle pouvait être effectuée au moment du remplacement de l’unité existante ou à l’occasion d’une quelconque réparation de celle-ci pour d’autres motifs. Elle n’était pas davantage obligatoire, mais laissée à la simple discrétion et aux frais (‘at the option and expense’) de l’opérateur.

Plus spécialement, cette information ne mentionnait aucun risque relatif à la navigabilité de l’avion et surtout ne soufflait mot sur le problème conceptuel dont cette composante était affectée et qui sera la cause (ou au moins une des causes) de l’accident du 06.11.2002. De plus, cette information de ABSc n’était ni mentionnée ni approuvée ou confirmée par Fokker en tant constructeur alors que cependant il semble que Fokker ait été à l’origine de cette modification qu’elle a provoquée. En effet, le problème avait été signalé à Fokker dès 1988 et Fokker avait correctement identifié le problème amenant ABSc à y remédier par la modification mentionnée.

Quoiqu’il en soit, cette modification proposée n’a été effectuée ni par LUXAIR ni d’ailleurs par les trois quarts des opérateurs exploitant le F50 et ce jusqu’au 06.11.2002.Il est à noter toutefois que cette version modifiée a été de suite montée en série sur tous les avions produits à partir de cette date.

Ce Service Bulletin n’a pas pu être retrouvé dans les archives de LUXAIR.

Un deuxième Service Bulletin a été émis par ABSc le 29.06.1994 sous forme d’une révision du Bulletin mentionné ci-avant. Ce bulletin, qui lui aussi a été émis sur instigation de Fokker sans que cela ne soit mentionné, reprend intégralement le texte du bulletin précédent du 01.08.1992, sauf en ce qui concerne la raison de la modification. Cette fois-ci, le but annoncé de la modification est «de prévenir un état pendant la mise sous tension de la composante Skid Control qui aurait pour conséquence inopinée d’envoyer une impulsion électrique au relais du ground control affectant de cette façon les solénoïdes du flight idle stop”. Ce bulletin était, sauf en ce qui concerne le changement dans le motif de la modification, rigoureusement identique au bulletin du 01.08.1992 et était tout aussi optionnel et dépourvu d’urgence que celui-ci.

Il faut toutefois admettre que dans ce bulletin, le problème est cette fois correctement, bien qu’incomplètement désigné d’un point de vue purement technique. Il est correctement désigné en ce sens qu’il établi un lien entre une influence agissant sur le SCU et une réaction de ce dernier sur les solénoïdes. Il est désigné d’une façon incomplète en ce sens que d’une part, on omet de désigner la source du «signal pulse» et d’autre part on omet de désigner clairement la nature de l’influence sur les dits solénoïdes, alors que pourtant, ainsi que cela est apparu en cours d’instruction, Fokker avait une connaissance très précise de la nature de ce problème.

Si ABSc (et/ou Fokker) avait à l’époque fourni les renseignements clairs et précis dont ils disposaient au moins depuis 1993, date d’un incident en tous points comparable avec les faits du 06.11.2002, sauf que là, l’incident avait, de justesse, connu une issue plus heureuse, le constructeur de la composante ou de l’avion aurait pu préciser que le signal parasite avait son origine dans la déconnexion électrique du mécanisme de verrouillage du train d’atterrissage et que le signal engendré amenait sous certaines conditions le SCU à déverrouiller la sécurité électromécanique secondaire en activant via le relais du ground control les solénoïdes du Automatic Flight Idle Stop. Ce faisant, ils auraient fait un lien entre la phase critique d’atterrissage (sortie du train) et une défaillance éventuelle d’une sécurité destinée précisément à exclure la survenance d’un état critique susceptible d’affecter la navigabilité de l’avion.

Il a fallu attendre encore six mois avant que Fokker cette fois-ci, dans une Service Letter n°137 du 20.12.1994 également adressée à tous les opérateurs de F50, ne s’exprime d’une façon concise certes, mais claire et précise, appuyée par des graphiques, sur le fonctionnement des primary et secondary stops, et sur les défaillances possibles du SCU.

Cette Service Letter mérite que l’on s’y attarde:

A la suite d’un échange d’informations entre Fokker et les services maintenance de LUXAIR, Fokker avait rassuré M. GS, le responsable F50 chez LUXAIR que l’anomalie décelée par celui-ci n’en était pas une, mais lui avait en même temps envoyé directement la SL n°137 qui fut adressée quelques jours plus tard officiellement à LUXAIR. M. GS envoya une copie de cette lettre tant à M. P6, chef du service Engineering, à M.PW, à M. P7, chef du service Avionics ainsi qu’au chef de flotte F50.

Cette lettre se situe dans le chapitre des commandes des moteurs et porte sous l’intitulé:

Engine controls, le sous-titre: Automatic Flight Idle Stop – Operation of the Flight Idle Stops Solenoids during Flight.

Après une description succincte des sûretés primaires (Primary stop = butée d’arrêt mécanique) et secondaires (Automatic Flight Idle Stop = butée d’arrêt automatique, électromécanique), les deux devant empêcher en vol le passage dans la plage sol, Fokker décrit des problèmes qui peuvent se présenter dans le fonctionnement de ces systèmes de sécurité.

1. En ce qui concerne la sûreté mécanique primaire (obligatoire) installé dans le cockpit, il peut arriver que les leviers de sélection sol (qui débloquent la sûreté) soient maniés en vol, par exemple lorsque la main du pilote tient les leviers de sélection pendant une météo turbulente. Ceci peut aboutir à la situation où les manettes de puissance passent en-deçà des butées primaires et arrivent à se caler contre les butées secondaires. Si les commandes moteurs sont incorrectement réglées, ceci peut amener une augmentation du nombre de tours des hélices/ augmentation de la traînée. Si les manettes de puissance sont maintenues contre les butées secondaires, il peut devenir impossible de déplacer les manettes de puissance dans la plage sol en raison de la friction imposée.

Les procédures prévues au manuel de vol recommandent le déplacement des leviers de sélection que lorsque le train avant a touché la piste. En ce qui concerne ce problème, il est considéré qu’il incombe aux opérateurs de prendre le cas échéant les dispositions appropriées.

2. En ce qui concerne la butée automatique (sûreté secondaire) ralenti/vol (Automatic Flight Idle Stop) installée sur chaque moteur, elle empêche le passage de l’hélice dans la plage sol pendant le vol si les leviers de sélection de la plage sol sont accidentellement déclenchés. La localisation de cette butée sur le moteur assure aussi la protection contre une rupture du câble de commande.

Si les solénoïdes des butées ralenti/vol (un sur chaque moteur) sont mis sous tension, les leviers de verrouillage sont retirés des manettes de puissance. Ceci permet de reculer les manettes de puissance dans la plage sol après l’atterrissage. Lorsque le système fonctionne normalement, les solénoïdes seront mis sous tension après l’atterrissage quant l’un des signaux d’entrée est disponible:

- Le signal d’accélération des roues à partir du système de réglage anti-patinage (SCU)

- Le signal ‘au sol’ à partir du relais sol/vol.

Cependant, l’expérience en opérations a révélé que les solénoïdes des butées ralenti/vol peuvent également être mis sous tension, en vol pour une période de 16 secondes dans les circonstances suivantes:

- Quand les deux commutateurs de verrouillage gauche et droit du train d’atterrissage principal sont mis hors tension exactement au même moment. Bien que considéré comme peu probable, ceci peut arriver à chaque vol lorsque le train est sorti. La survenance de ce phénomène peut être évitée avec une modification du module de contrôle anti-patinage et cette modification, lorsqu’elle est effectuée, change le numéro d’identification du module de 6004125 en 6004125-1 et est couverte par le Service Bulletin F059-32-4 de ABSc.

Cette lettre de Fokker signale encore deux autres possibilités de dysfonctionnement du module SCU, la première arrivant en actionnant le bouton ‘Test’ du module, procédure seulement prévue lorsque l’avion est frappé par la foudre pendant l’atterrissage, la deuxième en actionnant le bouton remorquage, cette action n’étant (évidemment) pas prévue en vol. Ces deux dernières possibilités de dysfonctionnement n’ont en fait joué aucun rôle dans l’accident du 06.11.2002.

Il est constant en cause qu’aucune suite n’a été réservée par LUXAIR à cette Service Letter 137 de Fokker jusqu’au jour de l’accident. L’argument a été avancé que puisque l’avion était certifié navigable, les personnes responsables de son exploitation et/ou de son entretien n’auraient pas commis de faute d’imprudence, susceptible d’engager leur responsabilité pénale, en omettant de procéder à l’élimination d’un défaut connu de nature à causer un accident très grave, si cet accident survenu était dû, en tout ou en partie, précisément à ce défaut qu’ils auraient sciemment omis d’éliminer.

Sous ce rapport, on peut renvoyer, même sans aller jusqu’à tirer des conséquences quant à la navigabilité de l’avion, à l’information donnée par l’expert M. FAVÉ que (bien évidemment) le Service d’Entretien a «l’obligation de réparer l’avion selon les règles de l’art approuvés par le constructeur».

Il a encore été affirmé que l’avion ayant été certifié navigable dans son état neuf, et le défaut caché du module SCU monté de série sur l’appareil ayant existé dès la sortie de l’appareil des halles de montage, ils n’auraient pas été obligés d’éliminer un défaut reconnu par eux à moins d’y être contraints (ou autorisés) par le constructeur.

Cet argument se base apparemment sur la nature différente entre les diverses communications écrites leur parvenant de la part du constructeur (Fokker) et les autres constructeurs d’équipements isolés. Ces communications sont rangées en quatre catégories: Les Services Bulletins (SB) dits optionnels, les SB recommandés, les SB obligatoires et les Alert SB. Cette classification a été établie par Fokker dès 1987.

Les Alert Service Bulletins doivent immédiatement être exécutés, il y a péril en la demeure, l’avion ne doit plus prendre l’air avant que la réparation ou modification visée par cette sorte de bulletin ne soit effectuée; l’avion est cloué au sol. Lorsqu’un problème décelé concernait la navigabilité de l’avion, sans revêtir le caractère d’urgence nécessitant un Alert SB, mais qu’à plus ou moins brève échéance, l’avion risquait de voir son certificat de navigabilité suspendu ou révoqué, le constructeur de l’avion envoyait un SB obligatoire, suivi d’une AD (Airworthiness Directive) de la part de l’autorité ayant certifié de type l’appareil en question. Cette AD rend la modification obligatoire endéans un délai déterminé sous peine de suspension du certificat de navigabilité.

Les SB recommandés contenaient des informations quant à des modifications concernant entre autres la rentabilité et la longévité d’un équipement ou par exemple l’économie en carburant. Ces bulletin n’étaient pas obligatoires et ne prévoyaient aucune date limite pour se mettre en conformité.

Finalement, les SB optionnels étaient des informations sans influence dont l’application était laissée au gré de la compagnie.

Pour terminer, il y a encore les Service Letters du constructeur dont ni la nature ni le contenu n’ont été autrement précisés, mais qui en tout cas, et ceci est confirmé par les experts judiciaires, n’étaient jamais destinées à instruire les opérateurs de problèmes qui réclamaient une solution plus ou moins urgente.

Il est tout-à-fait plausible que dans un domaine comme l’aéronautique où la sécurité des opérations est un souci aussi primordial, il n’y a pas lieu de permettre les interventions, réparations et modifications sauvages, c’est-à-dire soustraites au contrôle et à l’approbation du constructeur, qui risqueraient de diminuer la sécurité directement ou indirectement, par leur influence négative sur d’autres composantes de l’avion, influences qu’un opérateur ou un réparateur, même un producteur d’équipements particuliers ne pourront guère apprécier. Il semble alors tout-à-fait normal qu’un avion ainsi modifié perde sa certification.

Si donc ce classement a certainement sa raison d’être et si la rigueur avec laquelle les responsables de LUXAIR entendaient apparemment s’y conformer est compréhensible, il n’en demeure pas moins que des questions subsistent et un constat s’impose:

Si l’opérateur ne pouvait pas se considérer autorisé à procéder à une modification (mineure quant aux coûts impliqués) lui proposée par un producteur d’équipements importants comme ABSc, sans demander l’autorisation du constructeur d’avion, pourquoi ce producteur se donnerait-il encore la peine de contacter lui-même les clients du constructeur de par le monde au lieu de s’adresser directement à celui-ci pour lui laisser le soin d’en informer les clients? Si cette politique de classement des informations est réelle et immuable, pourquoi le producteur ne sollicite-il pas lui-même au préalable l’aval du constructeur? Il a été établi que Fokker avait été au courant des problèmes liés au fonctionnement du module SCU dès 1988 et que la recherche d’une solution remonte à une initiative de Fokker.

De plus, il s’est avéré qu’au moins le SB optionnel de ABSc de 1994 a été publié à la demande de Fokker. Enfin, dans sa Service Letter n° 137 dans laquelle Fokker décrit en détail une série de problèmes liés au primary stop et au secondary stop ainsi qu’au fonctionnement du module SCU, Fokker se réfère expressis verbis aux SB optionnels de ABSc précédents qui contiennent après tout une proposition-recommandation de ABSc. Comment se fait-il que Fokker ne souffle mot de sa propre attitude quant à cette proposition. si son approbation était nécessaire?

Il n’est pas utile de creuser davantage toutes ces questions pour la simple raison que, au moins du point de vue pénal, et dans la détermination des responsabilités éventuellement encourues par les prévenus, elles n’ont guère de relevance en l’espèce.

En effet, il est incontestable, cela a déjà été relevé, que Fokker a été le premier constructeur d’avions à turbo-propulsion au monde à comprendre la nécessité de prévoir un deuxième système de sécurité, automatique et hors de la portée des pilotes pour empêcher le passage en vol des manettes de puissance en plage bêta. Cette innovation était très certainement la réaction appropriée à toute une série d’accidents dus à ce genre de faute de pilotage. Le système conçu au moins en partie par ABSc (sur proposition de Fokker?) devait être le système de la dernière chance, automatique, infaillible, insensible à l’erreur humaine dont il avait la mission d’empêcher les conséquences. Que vaut un tel système de sécurité dont Fokker a certainement vanté les mérites auprès de ses clients, s’il ne remplit sa fonction que de façon aléatoire et, ce qui plus est, s’il peut lâcher de façon sournoise, sans crier gare, sans avertissement et, vu les circonstances dans lesquelles il est susceptible de déployer son utilité, sans laisser une chance d’éviter la catastrophe dans la plupart des cas?

La Service Letter n° 137 montre clairement que Fokker avait bien compris le problème dans toute sa gravité et s’il fallait encore en douter, il suffit de se rappeler le texte du WARNING distribué par Fokker à tous les opérateurs de F50 depuis 1998. De plus Fokker s’est expressément référé à la proposition de ABSc pour indiquer comment remédier à la situation. Quelle valeur attacher, en considération de ces faits, au caractère ‘optionnel’ et ‘noncontraignant’ des SB de ABSc?

Même si la Service Letter n° 137 n’avait, de par sa pure forme, qu’un caractère ‘simplement informatif’, il n’en demeure pas moins que cette ‘simple information’ contenait justement des renseignements inhabituels, d’ordre hautement technique puisqu’ils se rapportaient aux «engine controls» (commandes des moteurs) comme l’indique déjà clairement et en toutes lettres l’intitulé de la SL 137.

Le fait que le sous-titre mentionnait en outre un fonctionnement des solénoïdes de l’Automatic Flight Idle Stop devait déjà non seulement sauter aux yeux du lecteur comme une information extraordinaire pour un simple bulletin d’informations, mais encore contenir une indication quel département du service de maintenance de l’opérateur, à savoir le service électrique et électronique, pouvait être intéressé par le contenu de ce bulletin.

La simple précision dans le même sous-titre que les solénoïdes de cette sécurité secondaire pouvaient être activés en vol auraient dû faire sursauter le lecteur technicien étant donné qu’ils n’étaient précisément pas destinés a priori à fonctionner en vol. Même un lecteur distrait aurait alors pu se sentir piqué de curiosité et s’il avait alors parcouru le texte proprement dit, il se serait rendu compte en un tournemain que le module SCU était affecté d’un sérieux problème. Après tout, la question n’était plus de savoir SI, mais seulement QUAND la catastrophe allait se produire. Il ne faut pas spécialement souligner que les informations y contenus peuvent être comprises sans peine par quiconque a une maîtrise élémentaire de la langue anglaise.

Et même à supposer que les personnes responsables de LUXAIR aient cru devoir s’attacher servilement à la nomenclature de la classification, comment se fait-il que personne parmi ces responsables qui ont lu et compris ce qu’ils lisaient, n’a eu l’idée de passer simplement un coup de fil ou un télex à Fokker pour sonder la possibilité d’un accord du constructeur à la modification proposée par le producteur du module, juste pour parer à toute éventualité? Ceci est d’autant plus incompréhensible que LUXAIR disposait d’un mécanicien-chef, le sieur GS, qui avait accompli une formation très poussée chez Fokker, avait pratiquement assisté à la construction de l’appareil et avait non seulement la réputation de connaître les moindres boulons de l’appareil, mais avait encore gardé d’excellentes relations avec le constructeur avec lequel il était en contact régulier pour ne pas dire permanent.

N’est-il pas proprement sidérant de constater que plus particulièrement aucun technicien, professionnel de la maintenance, ne s’est senti le besoin de réparer (ou faire réparer) une pièce d’équipement entachée d’un défaut? Ils ont bien changé les ampoules défectueuses. A défaut de recevoir la moindre réponse des prévenus à ces dernières questions, le tribunaldevra s’attacher à les trouver.

Ce faisant, il y a lieu d’admettre que Fokker n’aura guère eu envie de jouer à la roulette russe avec ses clients ni avec les passagers de ces derniers, mais que Fokker a estimé s’être clairement exprimé en ce qui concerne la nature du problème et la façon d’y remédier. On aurait tout au plus pu souhaiter que l’auteur de cette Service Letter se fût exprimé aussi clairement sur l’attitude Fokker par rapport à la modification proposée, soit dans le texte soit en choisissant un moyen plus énergique de signaler la nécessité de la faire. Que les responsables de Fokker aient présumé que le message avait été suffisamment clair peut être déduit du fait que lorsque, immédiatement après l’accident, le sieur GS s’est rendu auprès de Fokker, la première question qui lui fut posée était: «Avez-vous appliqué le SB de ABSc?»

Si rien ne permet d’affirmer que Fokker ait froidement fait le calcul qu’il n’y avait lieu de se donner la peine d’effectuer la modification, parce que la probabilité d’une conjugaison d’une faute de pilotage et la mise hors tension simultanée des commutateurs des verrous du train serait trop réduite, rien ne permet d’autre part de supposer que les responsables de LUXAIR aient fait pareil calcul de leur côté, étant donné que LUXAIR (et ses responsables) avaient si possible encore moins d’intérêt à se livrer à ce genre de spéculation sur la vie de leurs passagers.

Il y a cependant lieu de retenir:

- Dès le 20.12.1994, les opérateurs dont la LUXAIR étaient avertis d’une façon précise et dépourvue d’équivoque par Fokker, le constructeur de l’avion, de l’existence de plusieurs possibilités d’un dysfonctionnement du module SCU;

- Que ces problèmes se présentaient sur des modules en parfait état d’entretien, étant donné qu’ils n’étaient pas causés par l’usure ou par un défaut d’entretien, mais par un défaut de conception du module;

- Qu’au moins un de ces problèmes, à savoir celui généré par un signal d’entrée parasite provenant de la mise hors tension simultanée des deux commutateurs de verrouillage gauche et droit du train d’atterrissage principal, survenait de façon aléatoire et à l’insu du personnel navigant;

- Qu’il avait pour effet d’enlever toute efficacité à un système de sécurité de dernier secours supposé indéréglable et infaillible;

- Que sa défaillance inopinée et en quelque sorte sournoise était de nature à créer une situation extrêmement dangereuse vu les circonstances dans lesquelles ce système devait faire ses preuves;

- Que cette défaillance, même si elle était considérée par Fokker comme très peu probable, pouvait se produire à n’importe quel vol et que Fokker avait signalé ce fait dans sa lettre en le relevant spécialement; que ce n’était donc pas tellement une question de savoir si une situation potentiellement catastrophique pouvait se produire, mais seulement quand;

- Que le défaut était considéré suffisamment grave que le constructeur de la pièce, ABSc, avait arrêté la production et la commercialisation de la version affectée de ce défaut, et avait, dès le mois d’août 1992, produit une version améliorée de ce module qui avait été incorporé de série dans tous les avions Fokker F50 construits à partir de cette date;

- Qu’il est patent et résulte d’ailleurs expressément de la lettre 137 de Fokker que l’incorporation de cette nouvelle version du module était connue de Fokker;

- Qu’il y avait cependant moyen de remédier d’une façon satisfaisante, économique et définitive au défaut des anciens modules par incorporation de la modification proposée par ABSc dès le mois d’août 1992;

- Que de toute évidence, pareille incorporation avait reçu l’aval de Fokker, puisque le constructeur y renvoyait expressément et sans la moindre réserve, limitation ou simple mise en garde dans sa lettre.

Il est apparu d’autre part lors de l’expertise judiciaire que par le passé, de nombreux accidents impliquant des avions à turbo-propulsion de fabrications diverses avaient été provoqués par le passage des manettes de puissance en mode bêta. Ceci avait amené la FAA (Federal Aviation Agency) le 11.08.1998 à imposer à certains constructeurs d’avions, entre autres à Fokker, d’insérer dans le manuel de vol des appareils volant aux Etats-Unis, dont notamment le F50, l’avertissement suivant:

«Warning: Do not attempt to select ground idle in flight. In case of failure of the flight idle stop, this would lead to loss of control from which recovery may not be possible”.

Fokker avait alors décidé la même année d’imposer le même avertissement dans les manuels de vol des F50 volant ailleurs dans le monde, y compris dans ceux opérés par LUXAIR. Effectivement, cet avertissement avait fait l’objet d’une note interne du 22.03.1998, distribuée par le chef de flotte à l’époque, le témoin MW, à tous les pilotes de F50, et inséré ensuite dans tous les AOM des pilotes et dans ceux à bord de chaque avion. Effectivement, l’avion accidenté le 06.11.2002 avait à bord le manuel de vol dans lequel, sous l’intitulé.’Propeller Operating Limits’ figurait cet avertissement, mis en évidence spécialement par un trait en marge.

Certains prévenus ont mis en doute les causes de cette perte de contrôle, dégagées par les experts judiciaires. Ils ont ainsi évoqué la possibilité que le déblocage de la sûreté secondaire ait pu être provoqué par l’opération du bouton test du SCU ou par une influence magnétique extérieure à l’appareil.

En ce qui concerne la fonction test du SCU, il est exact que la mise en route de cette fonction par pression du bouton afférent a pour effet d’envoyer au ground control relay un signal provoquant ce dernier à mettre sous tension les solénoïdes pour une durée de 16 secondes, provoquant ainsi la même réaction que la mise hors tension des commutateurs de déverrouillage du train principal. Cela est spécialement mentionné dans la SL 137.

Il est encore exact que cet effet de la fonction test, qui n’était à exécuter qu’au cas où l’avion avait été frappé par la foudre, avait été porté à la connaissance des pilotes par une circulaire interne LUXAIR. Cette hypothèse de la défense doit cependant être rejetée pour les raisons suivantes:

- La première raison réside dans le fait que l’hypothèse suppose une action délibérée de la part de l’équipage qui aurait ainsi voulu intentionnellement amener en vol les pales dans une position Low Pitch, rigoureusement interdite par la procédure telle que prévue par le manuel de vol LUXAIR. Rien ne permet cependant de supposer dans le chef de l’équipage une telle action délibérée. Ainsi que l’expert judiciaire Vincent FAVÉ l’a exposé lors de sa présentation à l’audience, le CVR n’enregistre pas la moindre mention par l’un ou l’autre des pilotes se rapportant au dit bouton test. Abstraction faite de l’impossibilité relative pour le pilote aux commandes (PF) ayant ses mains sur les commandes d’actionner en plus le bouton test, et de l’extrême improbabilité pour le pilote non aux commandes (PNF) d’actionner ce bouton sans pour le moins en référer au PF à qui ce geste n’aurait pu échapper, il y a surtout le fait, enregistré par le CVR, que le prévenu P1était manifestement totalement pris par surprise par le passage des hélices au Low Pitch, le freinage brutal de l’avion et sa chute tout aussi brutale (»Waat ass daat?» , puis: »Hä?!») ce qui est totalement inconciliable avec la provocation délibérée d’une situation dont les effets lui étaient parfaitement connus.

- La deuxième raison, encore plus décisive et même péremptoire, pour rejeter cette hypothèse réside dans le fait que son inanité est établie à l’exclusion de tout doute par l’enregistrement du DFDR. En effet, en avançant son hypothèse, la défense oublie que l’action du bouton test en vol a non seulement pour effet de mettre sous tension les solénoïdes du Secondary Stop, mais encore et surtout de faire simultanément monter les moteurs au régime de pleine puissance du Go around, ainsi que cela résulte de la Service Letter 137 de Fokker, et de la note envoyée, ensemble son annexe explicative fournie par Fokker, à tous les pilotes le 17.08.1994 par le directeur des Opérations 00Capt. JP et le chef de flotte le Capt. GA. Pareille montée en régime aurait donc dû être enregistrée à partir de 09 h04’59’’. Or il n’en est rien, au contraire. Dès 09 h05’00’’, le DFDR enregistre une baisse abrupte de tous les paramètres relevants: Les valeurs du couple moteurs tombent à zéro, celles de la vitesse de rotation de la partie basse pression comme celles de la partie haute pression des deux turbines, la première tombant à 50%, la dernière à la valeur de 70% correspondant au ground idle suivant les informations fournies par le constructeur des moteurs, les trois catégories de paramètres d’ailleurs en parfaite symétrie avec la valeur du fuel flow tombant à environ la moitié de la valeur précédente, Ces paramètres sont absolument inconciliables avec une montée en régime au go around. En ce qui concerne l’hypothèse d’éventuelles influences électromagnétiques extérieures aux systèmes de l’avion, elle reste à l’état de pure spéculation. Pareille influence électromagnétique, provenant par exemple de la station satellites de Betzdorf incriminée par la défense, et dont la simple existence laisse d’être établie, n’a été enregistrée sur aucun système de l’avion accidenté, et la défense est restée en défaut d’établir seulement que cette station satellites ait jamais eu ou seulement pu avoir une influence négative sur les systèmes électroniques des avions passant à proximité. Il y a lieu de présumer que cela se serait su dans les milieux aéronautiques et que les autorités compétentes auraient veillé à y remédier sans délai depuis longtemps.

La défense aurait tout aussi bien spéculer sur la possibilité d’un passager opérant un appareil électronique muni d’une antenne et doté d’une forte puissance émettrice, ce qu’elle n’a cependant pas fait. En vérité, le recul des manettes de puissance contre le secondary stop, trahi par l’enregistrement au CVR du bruit (“click”) clairement identifié des leviers de sélection de la plage sol, et la simultanéité entre la descente du train et la détérioration abrupte de tous les paramètres moteurs et hélices, ensemble le passage des manettes de puissance en plage Bêta, correspondent parfaitement au phénomène connu et décrit dans la Service Letter 137 de Fokker, de sorte que les causes de l’accident doivent être considérées comme établies à l’abri de tout doute raisonnable.

Le Tribunal retient dès lors que l’accident du 06.11.2002 est dû, ainsi que cela avait été exprimé ci-avant, à la perte de contrôle irréversible et partant de la perte de la navigabilité de l’avion directement et exclusivement induite par le déplacement en vol, par le pilote aux commandes de l’appareil, des manettes de puissance en position de ground idle, puis de reverse, ce déplacement des manettes de puissance ayant lui-même été seulement rendu possible d’une part par le fait du pilote aux commandes de soulever les ground range selectors et par là de débloquer le primary stop et d’autre part par le fait que le module SCU présentait le défaut systémique d’activer, de façon aléatoire, les solénoïdes du Automatic Flight Idle Stop sous l’effet d’un signal d’entrée parasite provenant des commutateurs de verrouillage du train principal.

Il a donc été déterminé par l’analyse des faits que l’accident du 06.11.2002, avec la perte de vies humaines, ainsi que des lésions corporelles subies par les deux occupants de l’avion prémentionnés comme conséquence, est dû à la réunion indivisible et indissociable de deux causes distinctes.

Le prévenu P1:

La responsabilité du prévenu peut être recherchée sur deux plans: D’un côté du point de vue de ses obligations en sa qualité de commandant de bord de l’avion accidenté, et d’autre part du point de vue de celles reposant sur lui en sa qualité de pilote aux commandes du même avion. Ces obligations se chevauchent en partie dans la mesure où il a pu cumuler les deux qualités. Néanmoins, sa qualité de commandant de bord lui a imposé des obligations et donné des pouvoirs distincts de celle du pilote aux commandes (Pilote Flying = PF).

Ces obligations découlent dans un sens général des dispositions légales précitées et sont par ailleurs énoncées de façon claire, précise et minutieuse par les dispositions du LUXAIR Aircraft Operations Manual (= AOM) part A General Basics et Part B Aeroplane Operating Matters notamment ainsi que par le Aircraft Operations Manual de Fokker qui ont été établies sur base des dispositions JAR-OPS 1 transposées dans le droit national.

En ce qui concerne l’AOM de Fokker,, il y a lieu de préciser qu’il fournit au personnel navigant les informations nécessaires sur les systèmes de l’avion, les limitations de celui-ci, les procédures à appliquer, les check-lists, les techniques de vol à employer, les performances, le poids et l’équilibre de l’appareil, donc toutes les données techniques spécifiques de l’avion que l’équipage doit connaître pour piloter en toute sécurité.

Il y a lieu de relever que cet AOM établi par Fokker ne vise non seulement spécialement le modèle Fokker F50, mais précisément et exclusivement ce modèle tel qu’il a été livré à LUXAIR, et est en conséquence unique. (cf. Fokker AOM Introduction sub. list of effective pages al.3) et effectivement, le AOM est établi pour la LUXAIR en tant qu’opérateur et pour les avions spécifiques désignés par leur numéro de série.

Il a été essayé de faire accréditer auprès du Tribunal, notamment par le témoin CG, appelé par la défense du prévenu P1, et qualifié par cette dernière d’«expert en aéronautique», l’allégation que ces dispositions ne constitueraient que des recommandations (guide lines) que les pilotes seraient libres de suivre ou non selon leur propre appréciation et que «de toute façon, il serait bien connu que les gens n’observent pas toujours strictement la réglementation».

Il est pourtant précisé à la première ligne de l’AOM LUXAIR Part A sub 01.01.1.que le LUXAIR Aircraft Operations Manual est publié en conformité avec le Joint Aviation Requirements (JAR-OPS1) et avec les termes et conditions de son Certificat de Transporteur Aérien (AOC). Il est encore précisé que le dit manuel de vol est destiné à l’usage et la direction de tout le personnel d’exploitation qui doit s’assurer que tous les vols de transport commercial seront prévus et exécutés selon les politiques et exigences de la compagnie.

De plus, il est relevé sub 0.1.3 que le Certificat de Transporteur Aérien de la compagnie pourra être suspendue, modifiée ou retirée par l’autorité aérienne nationale, si celle-ci établit que les procédures n’auront pas été suivies ou que les standards n’auront pas été maintenus. Les stipulations du AOM sont partant exigées par la règlementation nationale sur base de laquelle la AOC a été délivrée et elles obligent tous les membres du personnel d’exploitation non seulement en tant qu’instructions émanant de l’employeur (obligation conventionnelle) mais encore en vertu de la règlementation nationale.

Le AOM LUXAIR mentionne de plus sub 0.2.2 que les instructions de la Compagnie se fondent sur la réglementation internationale, nationale et locale et doivent être utilisées pour la préparation et l’exécution de tous les vols de la Compagnie. «Il faut (‘it is necessary’) pour faciliter le travail en équipe d’adhérer strictement aux procédures opérationnelles standard LUXAIR telles que décrites dans le AOM Part A, B et CAM »(cf. GB Part A 8.3.18.300) L’allégation insinuée par la défense et clamée haut et fort par le soi-disant «expert» a été d’ailleurs énergiquement démentie à l’audience non seulement par les experts judiciaires, mais également par d’autres témoins, pilotes de ligne au service de la compagnie LUXAIR respectivement d’autres compagnies, qui ont déclaré que l’ensemble des prescriptions de l’AOM LUXAIR comme de celui de Fokker constituent la ‘bible’ des pilotes et que ceux-ci sont entraînés aux procédures y stipulées ‘avec une précision et une rigueur presque militaire’, pour ne citer qu’un témoin.

Il y a donc lieu de ne pas s’attarder davantage à cette manoeuvre de diversion futile, mais de la rejeter purement et simplement.

Il y a lieu tout au plus de noter en marge que ce témoin «expert» s’est totalement discrédité dans ses efforts de décharger le pilote (PF) en devant avouer à l’audience qu’il avait inventé de toutes pièces l’existence d’un prétendu système de self test dont la défaillance aurait entraîné la défaillance de la sécurité secondaire. Il a dû reconnaître expressément qu’en avançant cette hypothèse à l’audience, il n’avait même pas pris la précaution de vérifier au préalable si un pareil système avait été installé dans l’avion accidenté, ce qui n’avait effectivement pas été le cas.

a) Les responsabilités du prévenu, commandant de bord.

Il jouit de la pleine autorité sur tous les membres de l’équipage de service de vol; il en est de même pour le temps hors ce service, lorsque l’équipage se trouve hors service éloigné de sa base. Il a encore pleine autorité sur tous les passagers pendant le vol, à partir du moment où les portes de l’avion sont fermées après l’embarquement jusqu’au moment où, après l’atterrissage, les portes sont ouvertes à nouveau. Il dispose de l’autorité nécessaire pour donner tous ordres dans l’intérêt de la sécurité des passagers et des biens transportés et toutes les personnes transportées à bord de l’avion doivent obéir à de tels ordres.

Il doit prendre toutes les mesures raisonnables pour:

- Se tenir au courant des de la législation aérienne nationale et internationale et des pratiques et procédures aéronautiques admises;

- Se tenir au courant des dispositions de l’AOM nécessaires pour remplir sa fonction.

Il est responsable (entre autres) pour :

- Effectuer la préparation générale du vol en accord avec les règles et procédures

applicables;

- Effectuer la réception technique et les briefings conformément à l’AOM,

- Assurer une discipline continue et l’ordre à bord pendant le vol;

- Assurer la sécurité des passagers et de l’équipage ainsi que du chargement à bord;

- Assurer la sécurité de son avion, son entretien et la maintenance de sa navigabilité

pendant qu’il opère son vol dans le respect des instructions et limitations contenues à

l’AOM;

- Assurer la sécurité et l’efficacité de l’opération et de la navigation pendant le vol. La conduite du vol doit se faire conformément au AOM, aux check-lists respectives, aux règles et bonnes pratiques d’une bonne discipline aéronautique;

- Prendre toutes mesures raisonnables pour s’assurer qu’avant le décollage et avant l’atterrissage, les membres du personnel navigant et du personnel de cabine soient convenablement sécurisés dans les sièges leur réservés;

- Prendre toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que pendant le roulage, le décollage et l’atterrissage, et chaque fois qu’il l’estime recommandable (p.ex. météo turbulente), tous les passagers sont convenablement sécurisés dans leurs sièges et les bagages à main rangés dans les rangements approuvés;

- Assurer que tout l’équipage est continuellement informé des modifications essentielles du plan de vol ou d’autres irrégularités;

- S’assurer de la présence à bord de tous les documents et manuels requis pour le ou les vols;

Le commandant peut, dans une situation d’urgence qui requiert sa décision et son action immédiates, prendre toute mesure qu’il estime nécessaire dans les circonstances données.

Dans ces cas, il peut dévier des règles, procédures et méthodes d’opération dans l’intérêt de la sécurité

- Il a l’autorité d’appliquer des marges de sécurité plus grandes, y compris quant aux minimas opérationnels des aéroports, s’il l’estime nécessaire.

- Il doit s’assurer que tous les membres de son équipage adhèrent aux procédures standard et aux procédures d’urgence, au sol et en l’air.

- Il prend sous sa responsabilité la décision d’atterrir ou non.

Cette énumération n’est pas complète, mais rapporte seulement les obligations que le prévenu P1a enfreintes en sa qualité de commandant de bord. Certaines d’entre elles se confondent avec les règles et procédures prescrites au pilote aux commandes. En effet, les obligations imposées au commandant de bord ne s’effacent pas lorsqu’il prend lui-même les commandes.

b) Les responsabilités du prévenu comme pilote aux commandes (PF).

Cette analyse est nécessaire étant donné qu’il s’est avéré que le prévenu P1a en réalité piloté lui-même l’avion, au moins depuis le début de l’enregistrement du CVR jusqu’à l’impact de l’avion sur le sol, et qu’il était effectivement aux commandes de l’avion (PF).

La première de ses obligations concerne le manuel de vol LUXAIR qui est remis à chaque membre du personnel navigant opérant sur le F50, et qui prévoit déjà dans sa partie introductive (AOM Part B, 0.2.1 ) que chaque détenteur du manuel est lui-même responsable de tenir à jour avec les mises à jour du manuel qui lui sont remises par le département des Opérations. Au cours de l’information judiciaire, il s’est révélé que si l’avion était effectivement équipé des manuels et documents à jour, requis pour le vol, l’AOM du prévenu était longtemps introuvable, jusqu’à ce que près d’un an après l’ouverture de l’information judiciaire, il apparût, le père du prévenu le versant au dossier. A ce moment, il fut constaté que la dernière mise à jour remontait à 1997, donc près de cinq ans avant l’accident.

Cette constatation devait soutenir évidemment l’affirmation qu’il n’aurait jamais été mis au courant de l’avertissement spécifique mentionné plus haut, et consistant dans l’insertion d’un passage dans l’AOM de Fokker, mettant en garde contre une tentative de sélection du ground idle, pareille action pouvant en cas de défaillance du Flight Idle Stop entraîner une perte de contrôle irréversible.

Cet élément perdit cependant toute relevance à l’audience étant donné que le prévenu P1 a dû admettre qu’il savait très bien, déjà de par sa formation de pilote, qu’il ne fallait absolument pas toucher à cette commande en vol.

Il importe peu dès lors qu’il ait lu ou pris connaissance de cet avertissement spécifique avant l’accident ou non, étant donné qu’il savait de toute façon le jour des faits qu’il ne devait en aucun cas toucher seulement cette commande, et encore moins soulever les verrous de blocage du primary stop. Le fait que le prévenu ait maintenu ses contestations sur ce point avec l’argument qu’il n’aurait pas soulevé les ground range selectors parce que de toute façon, il aurait su que les secondary stops empêcheraient le passage en plage bêta, et que «le passage en plage bêta ne pouvait amener rien de bon», est sans relevance au vu du résultat des travaux des experts du BEA et de l’expertise judiciaire. On peut seulement se demander si derrière cet argument ne se cache pas un lapsus freudien sur lequel il sera revenu plus loin.

Le fait à lui seul que le prévenu ait «oublié» de soigner ses mises à jour n’est pas une cause directe de l’accident, si tant est que l’AOM tel qu’il a été versé au dossier représente son état au jour de l’accident. Il est permis d’en douter puisque la chaîne de possession (chain of custody) de ce manuel a été interrompue. Il n’a cependant pas été possible d’établir la fausseté de l’allégation du prévenu. Il en est de même de son explication quelque peu tortueuse selon laquelle, lors de son passage de copilote du Fokker au siège de copilote du Boeing 737, il aurait prêté son AOM à un collègue, et que lorsqu’il est revenu au Fokker F50 en qualité de commandant de bord, le manuel qu’il aurait reçu en retour n’aurait pas été celui qu’il aurait prêté dans le temps. Cette explication ne saurait cependant rien enlever à la constatation qu’en tant que commandant de bord, il ne s’est manifestement pas préoccupé de vérifier si le manuel, qui a donc dû lui paraître inconnu, avait été régulièrement mis à jour comme le prescrit l’AOM, ou non, et que pendant tout ce temps (depuis la mi-février 1999 jusqu’au jour de l’accident), il aurait alors piloté son avion avec un manuel périmé! Cette désinvolture constitue certainement une faute dans son chef, même si elle ne se trouve pas en relation directe avec l’accident.

Il est cependant permis d’y voir un indice parmi d’autres d’un état d’esprit du prévenu montrant que le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’était pas à cheval sur le règlement. Le jour de l’accident, il a fait preuve de la même attitude désinvolte et fourni toute une série de ces indices.

Il a été important et même nécessaire de capturer l’ensemble des échanges oraux dans le cockpit d’abord pour vérifier la nature des échanges et apprécier leur relevance, ensuite pour pouvoir se remettre dans l’atmosphère qui y a régné, pour connaître l’état d’esprit et le degré de concentration de l’équipage navigant et pour comprendre comment la situation a pu évoluer et dégénérer à la fin. La simple transcription stérile aurait été insuffisante à cet égard. Ensuite, l’examen minutieux de l’enregistrement vocal a révélé que les experts ayant procédé à la transcription, s’étaient à deux endroits trompés dans l’identification des voix, la première fois tout au début, à 08 h35’28’’, la deuxième tout à la fin à 09 h05’29’’10/00. Il résulte de l’ensemble des faits mentionnés plus haut qu’au cours des dernières trente minutes de vol, le prévenu P1a commis tout une série de fautes graves qui toutes ont contribué à la genèse de l’accident, les unes ayant été commises dans les toutes dernières secondes de l’enregistrement du CVR, les autres ayant été commises antérieurement et ayant créé la situation dans laquelle il a été amené à prendre la décision fatale.

1) Pas de stratégie bien définie:

La première constatation qui se déduit de l’enregistrement du CVR est que l’équipage est détendu. Pendant longtemps, trop longtemps en fait, il n’y a pas de vraie préparation mentale à l’atterrissage, ce que les experts judiciaires ont traduit par la constatation que l’équipage, et surtout le commandant de bord, n’avait pas de stratégie préparée à l’avance pour pouvoir s’adapter sans difficultés aux conditions qu’il pouvait rencontrer lors de l’approche, alors que pourtant, vu la saison et l’heure probable de leur arrivée, et surtout les conditions météo ayant régné déjà lors de leur départ, tôt le matin, des problèmes n’étaient pas à exclure.(cf. GB Part A 8.3.25.400). Il s’est révélé ainsi qu’au fil de ces quelques trente minutes que l’équipage, et plus spécialement le prévenu P1, a semblé prendre son travail à la légère, et est apparu assez déconcentré au point d’oublier les étapes strictement prescrites par la procédure d’approche.

2) Pas de briefing d’approche selon la procédure:

Ainsi, il n’y a pas eu de briefing d’approche (cf. GB Part A 8.3.25.600) respectivement un briefing incomplet et tardif (cf. GB Part B 2.2.18). Le copilote essaie de toute évidence de lui rappeler, timidement ou au moins avec beaucoup de tact, la nécessité de procéder à ce briefing, mais le prévenu P1 ne réagit pas. Cette omission constitue à ne pas en douter une faute de pilotage très grave pour un pilote. Si, à elle seule, elle n’a pas causé l’accident, elle constitue néanmoins une manifestation caractérisée, entre autres, de la façon désordonnée, nonchalante et en violation de presque toutes les règles de la procédure d’approche en Cat II, dont ce vol a été mené dans sa phase finale.

Cette omission a contribué dans une mesure non négligeable au fait que, au fur et à mesure que l’avion se rapprochait de la phase de l’approche finale, le temps a commencé à manquer à l’équipage pour terminer le vol selon les règles strictes de leur profession, induisant par là dans leurs actes la précipitation et l’improvisation ainsi que l’absence de réflexion méthodique, caractéristiques qui, sur le fond d’une idée fixe, presque obsessionnelle de vouloir atterrir au plus tôt (‘get-homitis’) ont été directement à l’origine de la décision fatale ayant contribuée de façon décisive à l’accident.

3) Le prévenu P1, commandant de bord est aux commandes (PF):

Si le prévenu était encore à la limite autorisé à piloter l’avion au début de la descente à partir du niveau de vol 180 (18.000 pieds), il savait déjà avant la descente qu’il faudrait s’attendre à un atterrissage en Cat II en raison de la RVR réduite, et que la procédure prescrit impérativement que le copilote doit effectuer la descente à l’aide du pilote automatique au moins depuis le premier vecteur radar donnant un cap de 130° (à 08 h52’40’’) jusqu’à la hauteur de décision (MDA de 100 pieds). Cette répartition des tâches est obligatoire (cf. GB Part A 8.4.4.100, 200 et GB Part B 2.3.18. 100, GB Part B 2.3.20.300). Elle n’est pas exigée pour rien, étant donné qu’elle procède de la nécessité du crew management et évite au commandant de devoir s’occuper de trop de choses à la fois, au lieu de libérer son esprit, d’augmenter sa concentration et de se préparer (ainsi que son acuité visuelle) à un atterrissage dans des conditions de visibilité très mauvaises.

Il est vrai que le prévenu P1a contesté avoir été aux commandes lors de cette dernière phase du vol, d’ailleurs en affirmant en même temps qu’il ne se souvenait plus de rien. Abstraction faite du point que, s’il ne se souvient plus de rien de cette phase du vol, il ne devrait pas à être à même d’affirmer que c’était le copilote qui était aux commandes, (au moins dans la phase ultime du vol), son affirmation, qui a toutes les caractéristiques d’une allégation destinée à l’exonérer de sa responsabilité, ou au moins à l’atténuer, est clairement démentie par l’instruction.

En effet, il appert clairement de l’échange entre le copilote et le prévenu (‘Du flitt’s’) que c’est le commandant de bord qui est aux commandes et que c’est le copilote qui assure les communications radio, même si à deux reprises, et pour une période de quelques secondes seulement, le commandant de bord prend contact avec ATIS. Ce qui est encore plus frappant, c’est qu’à aucun moment, le commandant de bord donne l’instruction à son copilote de prendre les commandes, alors que pourtant les changements de fonctions doivent être spécifiquement annoncés. Mais c’est en définitive l’enregistrement du DFDR qui fournit la preuve de l’inanité de l’affirmation du prévenu: En effet, le DFDR enregistre pendant tout le temps où il fonctionne que le FDC est actif à gauche, sur le côté du commandant.

4) L’idée fixe de vouloir à tout prix atterrir au plus tôt:

Pendant les premières douze minutes, on n’entend pratiquement que le copilote qui d’abord raconte des facéties d’ordre privé, sauf qu’au premier message ATIS annonçant une “RVR de 250 mètres, du brouillard et pas de changement”, c’est le commandant de bord (et non le copilote comme indiqué erronément dans la transcription) qui fait la remarque traduisant bien le fait que si tous les équipages ont naturellement le désir d’amener leur appareil et leurs passagers à destination à l’heure prévue, le commandant de bord avait une raison personnelle pressante de ne pas voir prolonger le vol.

Il ne faut pas insister davantage pour souligner que cette circonstance n’avait rien d’une urgence au sens aéronautique, puisque le commandant de bord aurait encore amplement eu le temps de satisfaire à ses besoins naturels avant l’arrivée au FAP. A tout le moins, en considération de l’arrivée prévue dans un délai de trente minutes, il n’est pas concevable que le besoin aurait été pressant au point de précipiter une arrivée dans des conditions de vue limitées et en violation de la procédure. Finalement, il aurait eu amplement le temps de se soulager si vraiment l’ATC les avait envoyés au holding de Diekirch; il aurait même pu demander à y être envoyé au moment où ils recevaient le cap radar au 130.

On vient à se demander si cette remarque ne constitue pas une façon scabreuse de masquer la véritable raison de l’impatience du prévenu, à savoir la motivation de terminer au plus tôt son service pour la journée, motivation qu’il a bien pu partager avec son copilote. En effet, au fil des échanges, on peut constater que ce désir d’atterrir au plutôt n’avait rien à voir ni avec les intérêts des passagers ni avec ceux de la compagnie aérienne, mais devenait une obsession. Il en est ainsi de sa réticence affichée de se faire envoyer au holding de Diekirch d’abord, de se faire divertir vers l’aéroport de Sarrebruck ensuite. Il en est de même de l’idée envisagée, pour le moins bizarre et à la limite dangereuse, d’atterrir dans le sillage d’un gros porteur pour profiter éventuellement d’une dissipation momentanée du brouillard dense, causée par les engins de cet avion lancés à pleine puissance. Mis à part le caractère assez aléatoire de pareille manoeuvre en raison de la nécessité de prévoir un timing, une corrélation étroite des manoeuvres, le commandant ne semble même pas avoir pris en compte la complication additionnelle d’un atterrissage dans les turbulences causées par la traînée importante de ce gros porteur et de ses engins énormes lancés à pleine puissance, sans parler de toutes les étapes de la procédure d’approche qu’il aurait alors dû évacuer dans un laps de temps raccourci.

Au lieu de se concentrer sur les procédures d’approche leur prescrites et de se préparer à un atterrissage dans des conditions certes plus sévères, mais au demeurant parfaitement maîtrisables, cette idée à la limite hasardeuse d’atterrir dans le sillage du gros porteur a occupé leurs esprits pendant beaucoup trop longtemps, et même encore après qu’il était devenu clair que la manoeuvre ne pouvait se faire, au point de s’entretenir de l’idée, proprement biscornue, de faire demander à l’équipage du gros porteur de faire un tour de piste pour repasser au-dessus de la piste à basse altitude pour leur dégager le brouillard.

L’équipage a de ce fait perdu un temps précieux à envisager une manoeuvre non prévue par l’AOM, au lieu de se concentrer sur la tâche qu’il leur incombait d’accomplir.

5) La communication aux passagers par le copilote:

Suivant l’AOM GB Part A 8.3.16.700, les communications à la cabine à l’attention des passagers sont faites par le commandant de bord. La seule exception prévue se rapporte à la situation où celui-ci ne maîtriserait pas les langues à employer. Cette situation n’était évidemment pas donnée en l’espèce. Le point en cause ne doit pas sembler de peu d’importance étant donné qu’il s’est avéré que le commandant a perdu un temps considérable à instruire le copilote sur ce que celui-ci devait dire, étant donné que celui-ci n’avait, de son propre aveu, pas eu depuis longtemps l’occasion de faire une pareille annonce. Le fait n’est évidemment pas de nature à étonner, au contraire, puisque d’après la procédure, cette tâche ne lui incombait pas!

Cet épisode, outre le fait qu’il témoigne de la façon cavalière qu’avait le commandant de bord de traiter les procédures prescrites, puisqu’il refusait carrément de faire ce que celles-ci lui commandaient, constitue une diversion supplémentaire de sa tâche lui dévolue, à savoir de s’assurer de la bonne marche du vol dans cette phase finale qui s’approchait à grands pas.

6) Pas de port des moyens de sécurité par l’équipage – pas de cabin clear:

Cet épisode (entre 08 h46’21’’et 08 h56’50’’) est encore révélateur en ce sens qu’il en ressort que loin d’être avertis d’un atterrissage qui s’avérera imminent, les passagers (et l’hôtesse de l’air PMDR par la même occasion!) ont été expressément amenés à croire que l’arrivée serait retardée en raison des conditions de visibilité. La cabine n’a donc pas été préparée à l’atterrissage, même si le signal ordonnant l’emploi des ceintures avait été allumé.

Spécialement, il n’a pas pu être assuré que les sièges étaient en position redressée, ni que les tablettes avaient été relevées, ni même que les bagages à main avaient été correctement rangés. L’hôtesse de l’air (Cabin Crew Member = CCM) a même été directement informée d’un retard à l’atterrissage, même si ce retard pouvait bien ne pas être important. Pour assurer que la cabine est prête à l’atterrissage, si le cabin clear n’a pas été annoncé par le CCM, il faut que le personnel navigant fasse clignoter le signal lumineux:’Attachez vos ceintures’ au plus tard 10 minutes avant l’atterrissage (GB Part A 8.3.18.300). Aucun autre message à l’attention de la cabine n’ayant plus été émis avant l’accident, celle-ci n’avait pas été préparée à l’atterrissage comme elle aurait dû l’être. Il n’a pas pu être établi si cette absence de préparation a eu des conséquences négatives sur les passagers qui auraient pu être évitées si l’équipage, et spécialement le prévenu P1s’était tenu au règlement. En revanche, selon toute probabilité pour l’hôtesse de l’air PMDR, et certainement pour le copilote JA, elle a eu des conséquences fatales, puisque, à la différence du commandant, les autres membres de l’équipage n’étaient pas régulièrement attachés, le CCM n’étant pas dans le siège lui réservé, portant sa ceinture de sécurité, et le copilote portant seulement la ceinture ventrale au lieu du harnais strictement prescrit pour l’atterrissage.

L’hôtesse de l’air ayant été trouvée après l’accident gisant sur le sol de la cabine près de la cloison du cockpit, il est probable qu’elle aurait pu survivre le choc initial et éviter des blessures mortelles si elle avait été correctement attachée. Il est encore probable qu’elle aurait pu éviter de ce fait d’être brûlée dans l’incendie subséquent.

Pour le copilote en revanche, il a pu être établi qu’il aurait survécu à l’accident s’il avait porté son harnais de sécurité. En effet, il est apparu à l’audience, à l’audition du témoin, le policier PF, qui était parmi les toutes premières personnes à s’approcher de l’avion en feu, que ce témoin avait remarqué de l’extérieur, par la fenêtre latérale du cockpit, que le pilote donnait encore des signes de vie. Le témoin, avec l’assistance d’un pompier, s’est précipité à l’intérieur de la carlingue en feu pour secourir le pilote. Il a ainsi pu constater que le copilote, qui était mort, ne portait pas son harnais de sécurité et que sa tête et l’avant de son corps s’étaient écrasés contre le tableau de bord. Le témoin a encore été absolument formel pour dire que le copilote n’avait pas été écrasé par le tableau de bord qui se serait replié sur lui, mais que son corps était affalé vers l’avant, laissant un écart important entre ses épaules et le dossier de son siège. Le rapport d’autopsie a confirmé que JA est décédé des lésions traumatiques souffertes à la tête. Le harnais lui ayant maintenu le dos et les épaules contre le dossier du siège s’il l’avait porté, il est établi à l’exclusion de tout doute raisonnable que le copilote aurait pu survivre à l’instar de son commandant, et que le non-port du harnais de sécurité a contribué dans la genèse des blessures mortelles subies par JA.

Or, il faut rappeler dans ce contexte qu’il incombe au commandant de bord de veiller à ce que, avant l’atterrissage notamment, tous les membres d’équipage soient correctement attachés, et que plus spécialement, le personnel navigant porte le harnais de sécurité.

Cette omission fautive du prévenu P1, par la violation de son obligation réglementaire, doit être considérée comme étant en relation causale directe avec la mort au moins de JA. Le fait que ce dernier n’a pas lui-même observé la prescription afférente, ne saurait exonérer le prévenu de sa responsabilité.

7) Pas de collaboration entre équipage – approche manquée reprise – pas de configuration de l’appareil pour l’atterrissage – pas de briefing avant atterrissage - déblocage de la sûreté primaire:

Pendant un certain temps, il a paru que le commandant se soit résigné à ne pas atterrir en raison des conditions de visibilité défavorables. Ainsi il a clairement annoncé à deux reprises à son copilote son intention de ne pas poursuivre l’approche ni de descendre en approche finale, si à hauteur de la balise ELU, la RVR ne s’était pas améliorée. (à 09.h02’12’’, puis à 09 h03’16’’)

A 09 h04’46’’, il annonce expressément sa décision de faire un go around et la procédure d’approche manquée. Cette décision était correcte puisqu’une approche manquée doit être initiée lorsque la RVR au-dessus du Outer Marker où de la position équivalente (ELU) pour les approches de précision est inférieure au minimum applicable (GB Part A 8.4.16. 200), ce point de décision en Cat II étant le point DME 5,5 milles nautiques, matérialisé par la balise ELU.

D’ailleurs, cette décision a été d’autant plus correcte, et même inévitable que l’équipage avait effectivement omis de configurer l’avion pour une approche finale: pas de volets sortis, pas de ralentissement progressif de la vitesse, pas de reconfiguration du pilote automatique en mode GS, pas d’annonce à la cabine, et pas de port de harnais par le copilote. L’avion continua à progresser en palier et à vitesse constante (en configuration ‘lisse’) au-delà de la balise ELU supposée marquer le point de départ de la descente finale et était juste sur le point de quitter le faisceau exploitable du plan de descente lorsqu’intervint le message de la Tour annonçant une RVR de 300 mètres suivi du message ‘cleared to land’ à 09 h.05’08’’. La défense a essayé de s’exonérer, au moins partiellement, en affirmant que la Tour aurait commis une faute en annonçant ce message de la RVR et en autorisant l’atterrissage. En vérité il n’en est rien, étant donné que ces deux messages n’ont aucun caractère contraignant pour l’équipage, mais ont pour but uniquement d’informer celui-ci sur les conditions de visibilité et sur le fait que tant la piste que l’espace aérien au-dessus de la piste et devant eux sont dépourvus d’obstacles. Ce n’est ni un ordre ni même une invitation seulement d’atterrir, mais des informations données au commandant pour lui permettre de prendre en connaissance de cause une décision dont il est seul à juger de son opportunité. C’est le commandant seul qui prend en définitive (après concertation avec son copilote) la décision d’atterrir ou non. C’était au commandant d’analyser tous les paramètres et l’ensemble de la situation et il aurait dû annoncer enfin à la Tour sa décision (correcte) de faire une approche manquée.

Pour empêcher tout malentendu et pour assurer le strict respect des procédures, eu égard au fait que la composition des équipages varient souvent, les membres du personnel navigant doivent (‘it is necessary’) s’informer mutuellement en permanence sur leurs intentions et se contrôler mutuellement (GB Part A 8.3.18.300). Ils doivent communiquer en ce qui concerne les briefings et les call-outs en des termes précis et déterminés, pour ainsi dire sacramentels.

Au contraire, le comportement du commandant de bord, pendant les quelques 20 secondes (de 09.04’59’’ – recul des manettes au primary stop à 09 h0519’’40/00 – Waat ass daat ?) dans lesquelles s’est scellé le sort de l’avion, de son équipage et de ses passagers, s’apparente plus à celui d’un adolescent jouant pour la première fois une simulation de vol sur son PC qu’à celui d’un pilote de ligne responsable de la vie de ses passagers.

Il est sidérant de considérer le nombre et la gravité des fautes commises par l’équipage en l’espace de quelques secondes. Il saute aux yeux à la lecture de la transcription du CVR que la décision d’atterrir est due à la seule initiative du commandant de bord et cette décision a non seulement été prise bien littéralement en l’espace d’une seconde, c’est-à-dire dans la seconde qui a suivi l’annonce par la Tour d’une RVR de 300 mètres (à 09 h04’59’’), mais encore sans concertation avec le copilote et malgré le fait que tous les paramètres l’interdisaient formellement.

Il y a lieu de relever d’une part qu’aucune circonstance n’a justifiée cette décision. Il n’y avait aucune urgence à procéder à ce moment à l’atterrissage et il n’a fait aucune communication ou allusion orale au copilote (ni à la cabine) la concernant. La seule manifestation consistait dans le fait de tirer d’une façon abrupte les leviers de puissance sur la position Flight Idle et de soulever les ground range selectors (à 09 h05’00’’).

Il y a lieu de relever ensuite que le manuel de vol proscrit absolument de tenter de ‘rattraper’ le plan de descente par le haut. En effet, la procédure d’atterrissage en Cat II prescrit de mettre l’avion en configuration d’atterrissage lorsque, l’avion ayant atteint son palier de 3.000 pieds avant l’approche finale, l’indication du plan de descente sur l’écran apparaissant sur l’écran est à deux points (‘dots’) en-dessous de la valeur centrale (idéale). Le plan de descente coupant la trajectoire horizontale suivie par l’avion à 3.000 pieds à un angle de 3°, et le pilote automatique suivant le plan de descente à partir de son interception (à 3.000 pieds) à

condition évidemment d’être configuré à cet effet comme il se doit (ce qu’il n’était pas en l’espèce – une faute supplémentaire), il est matériellement impossible d’intercepter le plan de descente par le haut; il est nécessairement intercepté par en-dessous puisqu’il monte encore bien au-delà de 3.000 pieds.

La défense, appuyée en cela par plusieurs témoins, dont le fameux soi-disant ‘expert’ CG , a essayé de noyer le poisson en soutenant contre meilleur entendement qu’il serait néanmoins possible de prendre le glide par le haut alors que la procédure, à condition qu’on la  respecte, rend le fait matériellement impossible.

Il a encore été soutenu que pareille interception par le haut serait absolument sans danger et parfaitement dans les capacités de l’avion. L’argument manque singulièrement de pertinence, et doit être rejeté avec une certaine dose d’énervement, étant donné qu’il ne s’agit pas de déterminer si l’avion est capable de voler avec un angle de descente supérieur à 3°, ce qui est le cas, mais de suivre la procédure d’approche telle qu’elle est prescrite à Luxembourg. En outre, il y a lieu d’observer que cette descente finale, telle que soutenue par la défense, se ferait sans visibilité et sans l’assistance du pilote automatique (en mode GS), donc en violation de la procédure  d’atterrissage en Cat II, puisque le plan de descente est laissé derrière et en bas de l’avion et n’apparaît plus sur l’écran. Enfin, prendre le plan de descente par le haut aurait entraîné un angle de descente avoisinant les 7°; une pareille ‘steep approach’ aurait dû être autorisée au préalable d’après l’AOM.

Il est vrai que l’action du commandant de bord ne pouvait pas échapper à l’attention du copilote qui s’est cependant borné à protester mollement (‘Geet net duër’ puis ‘Daat do get zwar…), au lieu de signaler l’irrégularité flagrante en train d’être commise et de s’y opposer.

En effet, «une fois que l’approche manquée a été initiée, il est obligatoire de suivre la procédure de l’approche manquée. Une décision d’atterrir après l’initiation d’une approche manquée n’est pas permise» (GB Part A 8.4.16. 100). «Un atterrissage ne doit jamais être tenté quand le go around a été commencé. Si le go around a été décidé tôt, continuez jusqu’au point d’approche manquée même si l’altitude du go around a été atteinte.» (GB Part B 2.3.24.100) «Il est attendu que les pilotes accomplissent la procédure de l’approche manquée strictement suivant la prescription» (GB Part A 8.4.16. 300) Au lieu de protester, le copilote a entériné la décision de son commandant en demandant l’autorisation de sortir les volets d’abord, le train d’atterrissage ensuite. Il faut se rappeler que l’avion n’avait pas été configuré à temps pour l’atterrissage (volets et train) (cf. GB Part B 2.3.19.500) et se trouvait en configuration de vol dite ‘lisse’, trop haut et trop rapide («hot and high»)

Le fait qu’il n’y a eu à aucun moment un briefing avant l’atterrissage (cf. GB Part B 2.2.19) n’est qu’une faute supplémentaire commise dans ces minutes par l’équipage et plus particulièrement par le prévenu P1.

La faute la plus grave est sans nul doute le fait du prévenu P1de débloquer en vol le primary stop en soulevant les ground range selectors et de reculer les manettes de puissance contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop (secondary stop) et de les y maintenir en pesant sur elles.

Cette action avait déjà été formellement interdite par les circulaires internes distribuées aux pilotes avec la recommandation de ne même pas toucher au primary stop (“click”) avant que train d’atterrissage entier n’ait pris fermement contact avec la piste (circulaire NESSER). Elle avait été, si possible, encore plus formellement été interdite par l’avertissement pressant inséré en 1998 de l’AOM Fokker, et de toute façon, les pilotes avaient au cours de leur formation, ainsi qu’à l’occasion des entraînements et examens bisannuels, destinés à maintenir et à parfaire leur niveau de compétences, appris et réappris qu’il ne fallait en aucun cas toucher à ces ground range selectors en vol.

D’ailleurs, ainsi que l’ont rappelé les experts judiciaires dans leur rapport et lors de leur présentation à l’audience, le simple bon sens, et spécialement la prudence d’un bon airmanship, tel qu’on est en droit de l’attendre d’un pilote professionnel, commande déjà de ne pas actionner en vol des commandes destinées seulement à être utilisées au sol.

Le prévenu P1, qui a dû admettre avoir connu cette interdiction, ne s’est pas trompé sur les implications inévitables, ce qui l’a amené à contester, contre meilleur entendement et nonobstant les preuves recueillies, non seulement avoir soulevé les ground range selectors, mais encore à contester avoir été aux commandes dans la phase ultime du vol.

C’est cependant seulement en raison de cette faute dans son chef, qui doit être retenue comme incontestable, que les manettes ont pu être reculées dans la plage/sol, puis au-delà du cran du ralenti/sol (ground idle stop) en reverse, la sécurité secondaire s’étant effacée 16 secondes plus tard sous l’effet des solénoïdes activés inopinément et prématurément par le dysfonctionnement du SCU. En d’autres termes le dysfonctionnement du SCU n’aurait pu avoir le moindre effet négatif si la sécurité primaire était restée en place. Inversement, le déblocage de la sécurité primaire n’aurait pu entraîner la perte de contrôle de l’avion, si les solénoïdes n’avaient pas été activés.

Cette action sur la sécurité primaire et le (léger) recul des manettes de puissance contre le secondary stop n’a pu être que volontaire et intentionnelle. En effet, ainsi que cela a été démontré par les experts, la main du pilote aux commandes reposant sur les manettes de puissance, le pilote doit tendre ses doigts pour pouvoir soulever les sélecteurs, geste qu’il n’a pas à faire avant d’avoir touché le sol. Or il l’a fait à une altitude de 3.000 pieds.

La défense du prévenu P1a bien essayé de rejeter la faute sur le constructeur de l’avion en affirmant une prétendue mauvaise ergonomie des manettes de puissance amenant le pilote à se méprendre et à s’agripper en quelque sorte sur l’ensemble des manettes et secteurs.

L’argument manque singulièrement de sérieux et on peut porter au crédit du prévenu qu’il ne l’a pas affirmé ou confirmé lui-même. En effet, si une pareille méprise grossière était, (et encore seulement à la limite) concevable pour un novice prenant sa toute première leçon de vol, le prévenu avec plus de 4.000 heures de vol ne pouvait plus être considéré comme un novice prenant l’air pour la première fois. En outre, une simple méprise n’expliquerait pas que le pilote a de toute évidence non seulement maintenu les manettes contre le primary stop pendant 16 secondes ni qu’il les ait encore reculés jusqu’en reverse. A cela s’ajoute qu’avec quelque 2.800 heures de vol à son actif sur le seul F50 avec le nombre d’atterrissages correspondant, sans parler de ses séances au simulateur de vol, le prévenu P1 a eu amplement le temps et les occasions de s’entraîner à manier correctement les commandes de son avion et de s’y habituer.

Rien ne permet cependant d’affirmer que le commandant de bord aurait intentionnellement, délibérément reculé les leviers de puissance en arrière dans la plage bêta jusqu’au cran du ralenti/sol ground idle detent et encore plus loin au-delà en reverse, lorsque les sécurités secondaires se sont effacées sous l’effet des solénoïdes mis sous tension par le dysfonctionnement du SCU.

Il est bien vrai que vers 08 h45’12’’, le prévenu P1, en réponse au souci exprimé par le copilote: «Daat do geseit schlecht aus mai Jong», avait déclaré: «De Papp schafft nach mat allen Tricken».

Cette dernière remarque ne permet cependant pas de supposer qu’à ce moment déjà, il aurait su ou simplement pu espérer ou deviner qu’il serait amené à reculer les leviers de puissance au ground flight idle et en reverse pour freiner l’avion suffisamment pour un atterrissage en catastrophe, étant donné qu’au moment de prononcer cette phrase, il ne pouvait pas encore savoir que les sécurités secondaires s’effaceraient. Il y a plutôt lieu d’y voir l’expression d’une niaiserie immature et manquant singulièrement de professionnalisme.

Il y a encore lieu d’admettre que le prévenu a été lui-même surpris par le recul inopiné des manettes de puissance en-deçà de la Automatic Flight Idle Stop auquel il ne s’attendait manifestement pas, et qui, en l’absence d’un fait volontaire non-établi en l’espèce, ne peut que résulter du fait que ses mains, maintenues sur ces commandes, ont dû simplement peser sur ces dernières.

Par contre, il ne fait non seulement aucun doute que le soulèvement des ground range selectors et le recul des manettes contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop a bien été intentionnel. Il s’y ajoute que, les manettes de puissance ne reculant pas sans l’intervention de la main du pilote, lorsque les sécurités secondaires se sont effacées, il faut présumer que le prévenu a maintenu les manettes contre les butées du primary stop avec une certaine force, inférieure à 44,5 N pour les raisons détaillées ci-après.

En effet, à l’audience, des indications sont apparues faisant apparaître que cette action, formellement prohibée en vol par l’AOM (et par le constructeur FOKKER) a été pratiquée plus souvent que le prévenu (et d’autres pilotes cités comme témoins) ont bien voulu l’admettre. Il est bien vrai que l’effet de cette action sur le comportement de l’avion du point de vue de la vitesse de rotation des turbines et donc de la vitesse est assez insignifiant, et que la modification du pas des hélices est insignifiante, ainsi que les experts judiciaires l’ont révélé à l’audience. Il n’en est pas moins réel, puisque la différence dans la position des manettes entre le cran du Flight Idle Stop et leur position acculée contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop (environ un centimètre) correspond à un écart entre la biellette de commande de puissance (cam) et cette butée (locklever) de deux millimètres. Cet écart est prévu par le constructeur pour empêcher le blocage des butées par les biellettes de commande de puissance lorsque le primary stop est en place, et pour assurer que les butées peuvent librement s’effacer lorsque les solénoïdes sont activés.

Il a déjà été mentionné qu’il semble bien que les pilotes de LUXAIR (et d’autres compagnies aériennes) aient été avertis des accidents nombreux causés de par le monde par le passage en plage bêta des manettes de puissance. Après tout, le secondary stop introduit pour la première fois sur le F50 était bien destiné à éviter précisément ce genre d’accident. Il a toutefois été constaté que lorsque les ground range selectors (primary stop) sont soulevés et les manettes de puissance ramenées et maintenus sur les butées du Automatic Flight Idle Stop avec une force supérieure à 44,5 N, les butées ne pouvaient plus être dégagées par les solénoïdes et restaient bloquées aussi longtemps que la pression par le biais des manettes de puissance était maintenue, empêchant le passage en ground idle. Ce phénomène avait d’ailleurs fait l’objet d’un bulletin Fokker n° 38 du 03.01.1996 inséré dans l’AOM Fokker.

Ce bulletin recommanda ainsi fortement de ne pas soulever les ground range selectors avant le contact du train principal avec la piste. En outre, ainsi qu’il a déjà été mentionné, les pilotes de LUXAIR avaient été avertis à plusieurs reprises de façon expresse par circulaire interne de ne même pas soulever les ground range selectors avant le contact complet du train d’atterrissage (y compris la roue avant) avec la piste, ceci pour éviter que des pilotes, passant en plage bêta et puis en reverse dès que le train principal avait pris contact avec la piste, ne plaquent l’avion trop brutalement en reverse sur le tarmac, endommageant par là la suspension de la roue avant. Une pareille note avait été envoyée par le chef de flotte à l’époque, le témoin PN, à tous les pilotes de F50 pas plus tard que le 02.08.2002:

«Therefore I kindly urge you to leave the power levers in Flight Idle (even not lifting the Flight Idle stops «click”) until the nose wheel has positive contact with the ground.”

A cela s’ajoute l’avertissement mentionné plus haut, inséré dans l’AOM Fokker depuis 1998:

«Warning: Do not attempt to select ground idle in flight. In case of failure of the flight idle stop, this would lead to loss of control from which recovery may not be possible”.

A l’audience, le témoin PR a spontanément fait état d’un incident qui lui était arrivé sur le F50 en tant que copilote. Il avait constaté qu’à l’atterrissage, il lui était impossible de reculer les manettes en plage Ground Idle. Il avait de suite signalé le problème à son commandant de bord qui lui cependant n’éprouvait aucun problème à reculer les manettes de puissance. Après l’atterrissage, il avait signalé le problème au Service Maintenance qui, après vérification, n’avait trouvé aucun défaut au système.

Lors de son interrogatoire à l’audience, sur question lui posée, le prévenu P1 s’était souvenu d’avoir rencontré une fois, à une date non autrement déterminée, un problème en tous points identique.

En vérité, le problème tel que décrit tant par le témoin que par le prévenu, correspond parfaitement au scénario décrit par Fokker dans sa Service Letter n° 137 mentionnée ci-avant sous l’intitulé: Primary stop.

Il s’en déduit que dès avant la date de l’accident, des pilotes, dont le prévenu P1, avaient soulevé en vol les ground range selectors et les avaient plaqués contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop, avec, il faut l’admettre, une pression supérieure à 44,5 N, de sorte que les butées étaient bloquées par les cames de commande de puissance. Le témoin PR ayant, selon son récit, transmis les commandes à son commandant de bord, il a nécessairement dû, ce faisant, relâcher la pression sur les manettes de puissance, ce qui a permis l’action libre des solénoïdes soulevant les locklevers désormais débloqués, et le problème avait disparu sans laisser de traces autres que dans la mémoire du témoin.

La seule différence entre ces événements décrits à l’audience et les faits du 06.11.2002 est que ce jour-là, les contacts des verrous du train principal ont été mis hors tension au même moment.

Il est permis de déduire de ces informations que le 06.11.2002, le prévenu, même s’il ne pouvait pas ignorer que le soulèvement en vol des ground range selectors était absolument interdit, a cru pouvoir utiliser tous les moyens imaginables pour réduire à tout prix la vitesse de son avion afin de réaliser un atterrissage qui était au-delà de la limite de ce qui était autorisé, et près de la limite de ce qui était possible. C’est selon toute vraisemblance ce que le copilote a ressenti en disant: «Geet net duër» Le prévenu a cru pouvoir faire fi de la procédure et faire confiance au bon fonctionnement du secondary stop puisqu’il ‘savait’ «qu’il ne pourrait pas reculer les manettes de puissance en plage bêta». Il se dégage de l’ensemble de ce qui précède que le 06.11.2002, le prévenu P1en tant que commandant de bord aux commandes de l’avion accidenté, entrevoyant à tort une possibilité d’atterrir son avion sans délai, a pris cette décision fatale dans la précipitation, sans se concentrer dûment sur la tâche devant lui, sans réfléchir ni se concerter avec le copilote et en violation flagrante de toute une série d’obligations énoncées ci-avant et qui lui étaient pourtant imposées par la règlementation aéronautique en vigueur.

Cette constatation s’applique à l’ensemble des préventions libellées à sa charge.

Le prévenu P1est partant convaincu d’avoir:

Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC : temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:

I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement et par défaut de prévoyance et de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,

a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes:

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM (D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:

- BJD

en l’espèce notamment par le fait de commettre, sans la moindre nécessité et en violation de la procédure prescrite par la règlementation en vigueur pour les atterrissages en Cat II les fautes de pilotage suivantes: ne pas avoir fait à temps un briefing d’approche complet, être resté aux commandes de l’avion pendant l’approche intermédiaire et au-delà du Point d’Approche Finale, avoir repris l’approche finale après avoir décidé de procéder à la procédure d’approche manquée et après avoir initiée cette dernière, avoir omis d’avertir le copilote du changement de ses intentions, avoir omis d’avertir le copilote ainsi que le personnel de cabine et les passager que l’atterrissage serait imminent et avoir omis de s’assurer que la cabine était préparée à l’atterrissage (cabin clear), avoir omis de s’assurer que le copilote portait son harnais de sécurité, avoir amorcé une descente en vue de l’atterrissage à un moment où l’avion avait dépassé de loin le point où l’approche finale en vue de l’atterrissage était autorisée, et où il se trouvait bien au-dessus et largement en dehors du plan de descente indiqué par le glide, avoir amorcé cette descente manuellement par visibilité nulle alors que le pilotage au moyen du pilote automatique était obligatoire, avoir, en violation d’une interdiction formelle de ce faire, délibérément débloqué la sécurité primaire mécanique montée sur les manettes de puissance pour acculer ces dernières endeçà de la position flight idle contre les verrous de la sécurité secondaire, ce qui a eu pour conséquence le déplacement par mégarde des manettes de puissance dans la position de ground idle d’abord, de reverse ensuite, entraînant de ce fait, ensemble la défaillance de la sécurité secondaire Automatic Flight Idle Stop, une perte de contrôle irréversible de l’appareil qui rendait inévitable l’écrasement au sol de celui-ci.

II) en infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigationaérienne:

d’avoir, sans nécessité, effectué une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef et les personnes et les biens à la surface du sol, en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage décrites ci-avant sub I et plus spécialement par l’effet des manoeuvres fautives suivantes: avoir amorcé une descente en vue de l’atterrissage à un moment où l’avion avait dépassé de loin le point où l’approche finale en vue de l’atterrissage était autorisée, et où il se trouvait bien au-dessus et largement en dehors du plan de descente indiqué par le glide, avoir amorcé cette descente manuellement par visibilité nulle alors que le pilotage au moyen du pilote automatique était obligatoire, avoir, en violation d’une interdiction formelle de ce faire, délibérément débloqué la sécurité primaire mécanique montée sur les manettes de puissance pour acculer ces dernières endeçà de la position flight idle contre les verrous de la sécurité secondaire, ce qui a eu pour conséquence le déplacement par mégarde des manettes de puissance dans la position de ground idle d’abord, de reverse ensuite, entraînant de ce fait, ensemble la défaillance de la sécurité secondaire Automatic Flight Idle Stop, une perte de contrôle irréversible de l’appareil qui rendait inévitable l’écrasement au sol de celui-ci.

III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal:

d’avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de:

- BG (D),

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM (D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage énumérées ci-avant sub I.

IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups et fait des blessures à

- BJD, né le ... (F).

en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage énumérées ci-avant sub I.

Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.

Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de quarante-deux mois et une amende de 4.000.- euros.

Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P1n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.

Le prévenu P5:

Le prévenu P5, ingénieur, était Directeur du Service Technique LUXAIR et, à partir de l’introduction des JAR-OPS-1 dans la législation luxembourgeoise, post-holder maintenance de 1992 au 06.11.2002. Il travaillait dans cette qualité sous les ordres du Directeur Général, plus tard Accountable Manager et auquel il faisait rapport. Sa mission de façon générale consistait à surveiller son service et à assurer que le système entier de maintenance opérait conformément aux JAR-OPS section M JAR145 et aux procédures approuvées par les autorités. Son service était subdivisé en service engineering et en service Avionics, à côté du service de maintenance (ateliers) proprement dit.

Il exerçait ses fonctions à la suite d’une délégation de pouvoir conférée par le Directeur Général et dans une autonomie très large organisant ses services et gérant son budget dans le cadre des directives données par le Directeur Général et plus tard dans le cadre prévu par JAR-OPS1 subpart M.

L’information judiciaire n’a pas réussi à contredire les affirmations du prévenu P5, ni à relativiser celles faites par les témoins selon lesquelles le prévenu a pendant dix ans depuis le 01.02.1988, date à laquelle il a été engagé, jusqu’au jour de l’accident, toujours été à la hauteur de ses tâches. Tout au long de ses dix ans de carrière en tant que Directeur du Service Technique, on n’a signalé aucun cas donnant à penser que le prévenu aurait fait preuve de négligence ou d’incurie; pendant toute cette période, aucun incident de quelque gravité, qui aurait pu fonder un pareil reproche n’a été signalé.

En ce qui concerne le problème du traitement des SB constructeurs et SB producteurs d’équipement, il est apparu que ce traitement était de la compétence du prévenu P6, chef du Service Engineering. Le prévenu P5 a affirmé, sans pouvoir être contredit sur ce point, que les SB constructeurs, qu’ils aient été obligatoires ou recommandés, ont toujours été appliqués par LUXAIR suivant les indications données par le constructeur. Il est arrivé que certains SB recommandés n’étaient appliqués qu’après consultation avec le constructeur ou avec d’autres compagnies aériennes exploitant le même type d’avion, tels la KLM et la Lufthansa, qui opéraient des flottes de Fokker F50 bien plus grandes et qui avaient donc une plus grande expérience.

En ce qui concerne les SB obligatoires et recommandés, sans parler des SB suivis de AD (Airworthiness Directive), le prévenu P5 surveillait en permanence leur application. En ce qui concerne les SB optionnels, qui, selon la classification des SB opérés par Fokker ne concernaient jamais des questions de sécurité ou de navigabilité, leur application n’était pas soumise au contrôle régulier ou permanent du prévenu, celui-ci laissant cette appréciation à ses subordonnés qui se concertaient avec lui lorsqu’ils n’étaient pas sûrs de la marche à suivre en ce qui concernait l’application ou la non-application de ces bulletins. Rien ne permet d’affirmer que ce système de surveillance et de concertation ait jamais donné lieu à critique, au moins avant le 6.11.2002.

A côté des bulletins de service, Fokker utilisait aussi la voie des Service Letters (SL) pour communiquer des informations intéressantes ou simplement utiles aux compagnies aériennes. Ces Service Letters ne devaient, tant selon la politique suivie par Fokker que aux yeux de ses clients, dont la LUXAIR, comporter des renseignements intéressant la sécurité ou la navigabilité des avions, ni des modifications techniques susceptibles d’influer sur la certification de types des appareils.

Il n’en demeure pas moins que l’affirmation du prévenu P5, qu’il n’aurait jamais eu connaissance des Service Bulletins de ABSc en cause et qu’il n’aurait appris l’existence de cette Service Letter n°137 qu’après l’accident, n’a pas pu être contredite d’une façon certaine par l’information judiciaire.

Effectivement les experts judiciaires ont confirmé sous ce rapport que la politique de LUXAIR, et plus particulièrement du prévenu P5 en ce qui concerne le contenu des SL était correcte, étant donné que d’après eux, les SL n’étaient pas le moyen approprié d’informer les compagnies aériennes des considérations techniques telles que contenues dans la SL Fokker °137 du 20.12.1994.

Il apparaît ainsi, à la lumière des renseignements recueillis par l’information judiciaire, que s’il est vrai que le prévenu P5 a, par son travail et celui accompli par les quelques 130 membres du personnel sous ses ordres, contribué de façon non négligeable à la réputation flatteuse de LUXAIR dont témoigne l’audit effectué par la Lufthansa quelques trois semaines avant l’accident, et que c’est aussi en partie grâce aux efforts du prévenu et des services sous

ses ordres que LUXAIR a exploité commercialement la navigation aérienne et avec un succès croissant sans le moindre accident sérieux pendant 40 ans, il n’en est pas moins vrai que le prévenu P5 a commis deux erreurs susceptibles d’être qualifiés de fautes d’imprudence.

1) Il a cru pouvoir faire confiance à Fokker que le constructeur se tiendrait sans faille à son propre système de classification des SB, et que plus particulièrement, Fokker n’inclurait jamais des informations importantes d’ordre technique et intéressant la sécurité des avions dans une simple Service Letter. Dès lors, le prévenu P5 se sentait autorisé à ne pas surveiller personnellement, régulièrement, voire d’une façon permanente le traitement à réserver aux dites Service Letters. Il a reconnu sans ambages que la Service Letter °137, si elle ne lui avait jamais été soumise, contenait néanmoins des informations qu’actuellement il considérait comme étant d’une importance capitale. Ainsi il a déclaré à l’audience que s’il avait vu cette lettre au moment où elle est parvenue à LUXAIR, ou à n’importe quel moment avant le 06.11.2002: “Et as kloer, do haet eppes missen gemaach gin.”

2) La deuxième faute peut être recherchée dans le fait du prévenu P5 d’avoir trop fait confiance à ses subordonnés et de ne pas avoir donné d’instructions qu’au moins les Service Bulletins et les Service Letters que ses subordonnés estimaient pouvoir classer sans les appliquer, lui seraient soumis pour contrôle. A tout le moins, il aurait dû donner instruction à ses subordonnés que toutes les informations écrites ayant trait à des problèmes techniques, fassent l’objet d’une concertation commune et qu’au cas où leur contenu ne paraîtrait pas justifier leur application, ces communications écrites feraient l’objet d’une décision motivée succincte qu’il serait aisée de vérifier et de retracer. En d’autres termes, il a trop fait confiance à ses subordonnés que ceux-ci seraient à même de reconnaître sans faille des informations importantes et de les lui rapporter, même si celles-ci leur parvenaient dans une forme non-régulière ou inhabituelle.

Eu égard au nombre aisément gérable des SB et SL reçus au fil du temps par les services de LUXAIR, un contrôle plus strict n’aurait semblé ni impossible ni excessif. Néanmoins, si la faute commise par le prévenu P5 paraît à la fois isolée et relativement légère, en ce sens que selon les résultats acquis par l’instruction le défaut de surveillance dans le chef du prévenu ne semble bien avoir entraîné des effets négatifs qu’en rapport avec le traitement des SB et SL mentionnés ci-avant, elle ne constitue pas moins une violation de son obligation de surveillance du travail de ses subordonnés et a eu en fin de compte des conséquences catastrophiques. Ce qui plus est, le prévenu P5 a raisonnablement pu prévoir les conséquences de sa faute. En tant qu’un ingénieur occupant ce poste à haute responsabilité, il pouvait et devait savoir qu’il ne pouvait et ne devait pas se fier aveuglément à la compétence et à la perspicacité de ses subordonnés dans une matière aussi sensible que la sécurité aéronautique. Il aurait de ce fait pu et dû donner à ses subordonnés des instructions claires, précises et contraignantes ne leur laissant pas sans vérification des marges d’appréciation de l’importance des informations leur parvenant et n’aurait pas dû leur abandonner l’initiative de ranger aux oubliettes des informations leur paraissant insignifiantes.

La meilleure preuve que ce défaut de surveillance de ses services et cette confiance excessive dans la perspicacité des hommes le composant est en relation causale, au moins indirecte avec l’accident du 06.11.2002 résulte de sa déclaration à l’audience que s’il avait vu la Service Letter 137, “on aurait dû faire quelque chose”. Il a ainsi démenti non seulement l’affirmation que l’information fournie par Fokker dans le dit document aurait été obscure, équivoque, ‘alambiquée’, mais encore que la forme dans laquelle l’information avait été transmise aurait empêché de toiser celle-ci à sa juste valeur “si seulement elle lui était parvenue”.

Il s‘en déduit que le prévenu P5 a en fin de compte, par une organisation critiquable de ses services et une faille dans la surveillance du fonctionnement de ces derniers, commis personnellement une faute d’imprudence en relation causale directe avec le fait de maintenir en service une composante électronique dont le dysfonctionnement aléatoire a causé l’accident, faute qui a partant causé de façon indirecte le dommage, était connue de Fokker et portée à la connaissance de LUXAIR par une Service Letter ayant échappée à l’attention du prévenu, alors que pourtant, le prévenu reconnaît que la modification proposée aurait dû être appliquée et que l’accident aurait ainsi été évité.

Si la faute d’imprudence du prévenu ne paraît pas caractérisée et la relation causale avec le dommage indirecte, il doit donc néanmoins être considéré comme auteur des délits d’homicide involontaire et de lésions corporelles involontaires, de même qu’il doit être retenu dans les liens de la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi du 31.01.1948. Il doit par contre être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P5 n’a jamais exercée.

Le prévenu P5 est partant convaincu d’avoir:

Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes, comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même;

I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement et par défaut de prévoyance et de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,

a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:

- BJD,

en l’espèce, par le fait d’avoir cru à tort, imprudemment et par manque de prévoyance, pouvoir faire confiance à Fokker que le constructeur se tiendrait sans faille à son propre système de classification des SB, et que plus particulièrement, Fokker n’inclurait jamais des informations importantes d’ordre technique et intéressant la sécurité des avions dans une simple Service Letter, et d’avoir de ce fait négligé de surveiller personnellement, régulièrement, voire d’une façon permanente le traitement à réserver aux dites Service Letters, et d’avoir négligé de donner des instructions qu’au moins les Service Bulletins et les Service Letters, que ses subordonnés estimaient pouvoir classer sans les appliquer, lui soient soumis pour contrôle, présumant à tort, imprudemment et par manque de prévoyance, que ses subordonnés seraient à même de reconnaître sans faille des informations importantes et de les lui rapporter, même si celles-ci leur parvenaient dans une forme non-régulière ou inhabituelle, ces fautes ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.

II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef, avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:

- P1, né le ...,

en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.

III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.

IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- BJD

en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.

V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- P1, né le ...

en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.

Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article

65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.

Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de dix-huit mois et une amende de 2.000.- euros.

Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P5 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.

Le prévenu P7:

Le prévenu P7, au service de la LUXAIR depuis 1968 en tant que mécanicien, a été nommé chef du service Avionics qui s’occupait des composantes électriques et électroniques des avions.

Le prévenu a déclaré devant le juge d’instruction qu’il n’avait à l’époque pas connaissance des SB de ABSc de 1992 et de 1994. Cela peut paraître étrange alors qu’il était chef du service s’occupant des composantes électroniques et que, déjà de par ses fonctions, il aurait dû en être averti, mais le contraire n’a pas pu lui être démontré. Par contre, il a déclaré avoir reçu la SL n°137 le 16.12.1994 de la part de M. GS, fait qui est confirmé à la fois par la déposition de ce témoin et par la déclaration du prévenu P6.

Il doit donc s’agir d’une copie de la lettre directement envoyée a M.GS par Fokker avant que celle-ci ne soit officiellement adressée à LUXAIR le 20.12.1994. Le prévenu P7 a déclaré que M. GS fait correctement son travail en envoyant non seulement cette lettre à son adresse, mais encore à MM. GA, chef de flotte, P6, chef du département Engineering et PW, inspecteur-chef maintenance. Le prévenu P7 a déclaré ne pas se rappeler avoir eu une discussion avec M. GS au sujet de la SL n°137, et a affirmé que son service n’aurait pas été a priori concerné par le problème, ce qui est manifestement inexact parce que la SL n°137 traitait justement d’un problème électrique en relation avec une composante électronique et non pas seulement d’un problème de moteur ou d’hélice.

Il est un fait que le prévenu P7 ne s’est manifestement pas inquiété du problème soulevé par ladite lettre et n’a pas non plus senti le besoin d’en parler à d’autres collègues du service technique. Il a encore et surtout négligé d’en informer seulement le chef de service, le prévenu P5. Il n’y a pas lieu d’insister davantage sur le contenu de cette lettre qui a été reproduite en détail ci avant, ni d’analyser les autres déclarations du prévenu qui ne sont pas pertinentes quant à la question se rapportant aux conséquences qui devaient être tirées de la SL n°137.

Le texte de cette lettre était de toute évidence suffisamment clair et intelligible pour un chef du département Avionics, travaillant depuis 26 ans au service de la LUXAIR, et le fait qu’il ne se soit pas alarmé ou simplement inquiété d’un module électronique présentant un défaut manifeste et potentiellement dangereux, dépasse l’entendement. Ce fait ne peut s’expliquer que par un moment de distraction ou une lecture très superficielle, en diagonale du texte et encore. Le fait que le prévenu reconnaît avoir reçu une copie de la Service Letter n°137 le 16.12.1994, mais n’a manifestement pas songé à rechercher à ce moment les SB ABSc 1992 et 1994 auxquels la lettre se référait, mais seulement plus tard, après l’accident, montre bien qu’à l’époque, il n’avait manifesté aucun intérêt et ne s’est à tort pas senti concerné.

Le fait que le prévenu, encore aujourd’hui croit pouvoir affirmer ne pas avoir été concerné par le problème en question, alors que le contraire aurait manifestement dû être le cas, ne peut guère s’expliquer autrement que par une manoeuvre de diversion pour essayer de s’exonérer de sa responsabilité.

Même si le prévenu P7 n’avait pas la compétence ou le pouvoir de décision pour transposer de sa propre initiative la lettre n°137, ce qui paraît compréhensible au regard du respect scrupuleux des règles établies par Fokker et par la règlementation nationale, interdisant les réparations des composantes sans l’accord du constructeur, il n’en demeure pas moins qu’il aurait été du devoir du prévenu et dans le cadre de sa qualification, soit de prendre ou de faire prendre l’avis de Fokker au sujet de la modification, soit à tout le moins porter le problème à l’attention de son chef, le prévenu P5. Il est cependant en aveu de ne pas s’être seulement entretenu avec M.GS pour voir préciser le contenu de la lettre si tant est qu’il aurait pu l’ignorer.

Le fait qu’il s’est abstenu de faire quoi que ce soit à ce propos, alors que c’était spécialement son propre département qui avait la mission, la compétence et les moyens de veiller à l’entretien en parfait état de fonctionnement de toutes les composantes électriques et électroniques de l’avion, que de par sa formation et de sa pratique professionnelle, il aurait dû être parmi les premiers à remarquer aussi bien l’anomalie du module qu’à comprendre qu’il était urgent d’y parer, qu’il aurait pour le moins dû lire attentivement la lettre que M.GS lui avait fait parvenir et dû au moins signaler le problème, mais qu’il n’a rien fait de tel, entraîne la conclusion qu’il a agi avec une légèreté et un manque de prudence blâmables. Ceci constitue dans son chef une faute d’omission par défaut de prévoyance et de précaution en même temps qu’une violation des devoirs que sa fonction et le règlement LUXAIR lui prescrivait. Elle doit être considérée comme étant en relation causale directe avec l’accident qui  s’est produit des années plus tard en raison de l’équipement défectueux qui n’a jamais été ni modifié ni remplacé, étant donné que si le prévenu P7 avait soit de sa propre autorité, soit après consultation avec son chef hiérarchique ou avec le constructeur des avions, pris la décision qui s’imposait, l’accident n’aurait jamais eu lieu comme il s’est passé.

Il doit être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P7 n’a jamais exercée.

Il se déduit par contre de ce qui précède que le prévenu P7 est convaincu d’avoir:

Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes, comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:

I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,

a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:

- BJD

en l’espèce, en se désintéressant imprudemment, par manque de prévoyance et de précaution, de la Service Letter n°137 et des Service Bulletins de ABSc y mentionnés, en négligeant de soit procéder à la modification y proposée, soit se concerter avec Fokker au sujet du problème indiqué par la Service Letter n°137 soit d’en informer son supérieur hiérarchique, cette faute ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.

II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef, avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

- P1, né le ...,

III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- BJD

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- P1, né le ... .

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.

Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de vingt-quatre mois et une amende de 2.500.- euros.

Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P7 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.

Le prévenu P6:

Le prévenu P6 a été au service de la LUXAIR de 1966 à 2005, date à laquelle il a pris sa retraite. Il a commencé en tant que mécanicien d’avion avec une formation spécifique et il a suivi des formations professionnelles continues auprès des constructeurs d’avions exploités par LUXAIR. Il a exercé les fonctions de chef du service Engineering de 1992 à 1999. Parmi ses attributions figurait le traitement des SB et des SL des constructeurs et des producteurs d’équipement. Il a confirmé que la totalité des SB obligatoires et recommandés ont été exécutés sans discussion et sans égard aux coûts financiers, la sécurité et la conformité des avions aux normes du constructeur étant le souci essentiel des services de LUXAIR. Selon le prévenu P6, il n’y avait en principe pas de procédure particulière pour traiter les SB au temps où il exerçait ses fonctions, mais le service Engineering avait développé une certaine routine au cours des années. Les SL étaient traités de la même façon, mais le contenu en était neutre et ne comportait pas d’obligation ni de recommandation, mais seulement des informations relatives à des SB.

En l’espèce, il est apparu à l’information judiciaire, et confirmé lors de l’instruction que le prévenu P6 avait pris connaissance des Service Bulletins de ABSc ou au moins de celui de 1994, ainsi que de la Service Letter de Fokker du 20.12.1994. Le prévenu est en aveu d’avoir, en sa qualité de chef d’Engineering, reçu les SB et les SL, il a déclaré en avoir pris connaissance du contenu et avoir donné l’instruction soit de les appliquer, soit de ne pas les appliquer après discussion avec le technicien du type d’avion concerné. Interrogé plus particulièrement sur la SL n°137 du 20.12.1994, le prévenu P6 a d’abord exprimé l’avis qu’il «s’agissait d’une simple information» de Fokker sur un problème. Sur question spéciale, il a admis que le problème exposé dans la SL pouvait toucher la navigabilité d’un avion à condition que le pilote fasse une manipulation fautive, qu’il a de même reconnu que Fokker avait dans cette SL également indiqué comment remédier à ce problème. Il a reconnu “qu’il est vrai qu’on aurait pu faire cette application sans passer par la Direction Générale”. Les frais engendrés par cette modification auraient été minimes.

Pour lui, et d’autres personnes non autrement désignées, travaillant auprès de LUXAIR, la manoeuvre du pilote était inconcevable. Il a encore ajouté que selon lui, ABSc aurait dû intervenir plus énergiquement auprès des autorités de tutelle pour rendre son SB obligatoire. Il résulte ainsi de la déposition du prévenu que non seulement il se souvenait parfaitement de la SL n°137 en question et avait l’honnêteté de l’admettre, mais qu’il comprenait parfaitement le contenu. Etant donné que son interrogatoire s’est déroulé presque 6 ans après l’accident, on peut concevoir qu’il avait entretemps eu le temps et l’occasion de peser le contenu de la SL n°137.

Force est d’admettre qu’à l’époque où il a reçu cette SL de la part de M.GS, il n’y a pas prêté la même attention que depuis l’accident puisqu’à aucun moment entre 1994 et 1999, il n’a entrepris la moindre démarche pour revenir sur le document en question pour l’appliquer ou pour au moins signaler le problème à son chef hiérarchique. Cette attitude de la part d’un chef de service chargé du traitement spécifique des SB et SL des constructeurs et producteurs d’équipement est tout aussi incompréhensible et blâmable que celle d’un chef de service Avionics qui apparemment ne s’est jamais senti concerné par un module électronique défectueux.

Le fait que apparemment pour des problèmes personnels, le prévenu P6 s’est vu supplanté dans ses fonctions par le prévenu P7 qui est devenu son supérieur hiérarchique à la tête d’un département Engineering & Planning nouvellement créé, n’a rien changé en ce qui concerne le traitement des SB et SL en cause qui n’avaient pas eu le don d’éveiller leur attention par le passé.

Il se déduit de ce qui précède que  le prévenu P6 ayant reconnu avoir reçu la SL n°137 qu’il avait la charge de traiter, en d’autres termes de décider de son application ou de son nonapplication, a choisi de ne pas l’appliquer, pas plus que les Service Bulletins de ABSc y mentionnés. Il a pris cette décision de toute évidence de sa propre initiative sans consultation interne avec ses collègues des autres départements de maintenance, et sans en référer à son supérieur hiérarchique à l’époque, le prévenu P5. De même, il semble établi que cette décision a également été prise sans se renseigner auprès de Fokker ni même prendre l’avis d’autres compagnies aériennes exploitant le même avion. Compte tenu du contenu explicite et explosif de la SL n°137, le prévenu P6 a agi avec une légèreté et un manque de prudence blâmables. Cette faute doit être considérée comme étant en relation directe avec l’accident du 06.11.2002 étant donné que si le prévenu P6 avait soit de sa propre autorité, soit après consultation avec son chef hiérarchique ou avec le constructeur des avions, pris la décision opposée, l’accident n’aurait jamais eu lieu comme il s’est passé.

Il doit être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P6 n’a jamais exercée.

Le prévenu P6 doit par contre être déclaré convaincu d’avoir:

Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC : temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes, comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:

I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,

a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:

- BJD

en l’espèce, en décidant seul, à tort et par manque de prévoyance et de précaution, sans concertation avec son homologue du département Avionics, et sans en référer à son supérieur hiérarchique, de n’appliquer ni la Service Letter n°137 de Fokker ni les Service Bulletins de ABSc mentionnéss dans la SL n°137, cette faute ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.

II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef, avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles :

- P1, né le ... ,

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :

- BG,

- CJ (D),

- HJ (PL),

- HJO,

- KM(D),

- KO (D),

- KM (D),

- LD,

- OJ (D),

- PM (D),

- PU (D),

- SCHS,

- SCHA (D),

- SR,

- SL (D),

- TC,

- OCL,

- MM,

- AJ,

- MDRPC,

IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- BJD

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à

- P1, né le ...

en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.

Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.

Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de vingt-quatre mois et une amende de 2.500.- euros.

Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P6 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.

Le prévenu P2:

Il y a lieu de remarquer à l’ingrès que dans l’exposé de ses moyens et arguments, développés à l’audience et repris dans la note de plaidoirie volumineuse, le prévenu P2 ne s’est pas borné à présenter sa défense. Au contraire, il a dédié une large partie de ses efforts à la démonstration que selon lui, les membres du personnel ayant travaillé sous ses ordres, dont notamment les co-prévenus à l’exception du prévenu P1, n’auraient commis aucune faute.

Ce faisant, il met en avant toute une série d’affirmations dont la plupart sont également repris surtout par le prévenu P5, de sorte que pour éviter des redites, on pourra se référer en partie à ce qui a été exposé et retenu plus haut au sujet des arguments présentés par le prévenu P2, ainsi qu’à ce qui sera exposé plus loin sur les questions d’une éventuelle violation des droits de la défense en rapport avec le dépassement du délai raisonnable prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La défense du prévenu s’est contredite à propos de ce dernier sujet dans son mémoire en ce qu’elle a affirmé que le prévenu P2 n’aurait pas été et ne serait pas en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé, pour affirmer plus loin que, après le premier interrogatoire, le droit de s’expliquer en toute connaissance de cause lui aurait été refusé.

Il faut dès lors présumer que le prévenu P2 a été, encore après le 04.06.2008, parfaitement en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé. Le tribunal a d’ailleurs pu se rendre compte de ce fait au cours des très nombreuses audiences auxquelles le prévenu P2 a assisté, dont celle où il a eu l’occasion de s’exprimer librement.

Quant aux prétendues lacunes dont serait affecté un dossier instruit «exclusivement à charge» du prévenu P2, il convient de répliquer qu’il ne s’agissait pour le magistrat instructeur, pas plus que pour la juridiction de fond, de retracer l’historique de la société LUXAIR s.a. qui n’est même pas partie au procès ni d’énumérer les mérites du prévenu, accumulés au fil de sa très longue carrière au service de cette société, mais de rechercher les causes de l’accident du 06.11.2002, de cerner les fautes qui ont pu être commises en relation causale avec cet accident, et d’en identifier les auteurs.

Il s’en suit que ce moyen doit être rejeté comme non-fondé.

Quant à la faute prétendument exclusive du pilote:

Il y a lieu de rappeler ce qui a déjà été dit plus haut à ce sujet:

L’instruction de l’affaire dans son ensemble a démontré que l’accident du 06.11.2002 et la perte en vies humaines en conséquence est dû à la réunion indivisible et indissociable de deux causes distinctes, à savoir la faute de pilotage et d’autre part l’utilisation fautive d’un module électronique présentant un vice caché, chaque faute prise individuellement ayant été incapable de réaliser le dommage qui n’a pu se produire que par la conjugaison indivisible des deux fautes. Dans ce cas, toutes les personnes ayant concouru de façon certaine par leurs fautes individuelles à la réalisation du dommage encourent la responsabilité pénale en tant qu’auteurs de l’infraction en raison de leur action ou mission fautive. En l’espèce, il y a donc lieu de déterminer qui, outre le pilote, avait, par son fait ou par sa faute, rendu possible la situation dans laquelle la perte de contrôle fatale de l’avion était inévitable.

Ce moyen est sans mérites et doit être rejeté comme non-fondé.

Quant à la prétendue absence de faute au sein de LUXAIR:

Ce moyen présenté par la défense du prévenu P2 se fonde en premier lieu sur la question de la navigabilité de l’avion. Il y a lieu de répliquer que cet argument ne saurait valoir simplement en raison de son manque de pertinence.

Pour pouvoir prétendre à la navigabilité de son avion, un constructeur doit satisfaire à un nombre considérable d’exigences techniques, de caractéristiques de l’appareil réparties dans un assez grand nombre de catégories qu’il serait fastidieux et inutile d’énumérer ici. La catégorie qui intéresse en l’espèce est évidemment la sécurité. L’avion doit être construit (et entretenu) de façon à ce que son exploitation comme moyen de transport aérien ne comporte pas de risques prévisibles et évitables. Dès lors que l’appareil satisfait à ces exigences, il reçoit son certificat de navigabilité.

Tel a été sans contestation possible le cas pour l’avion accidenté qui avait à la fois reçu son certificat de type par les autorités compétentes néerlandaises que son certificat individuel de navigabilité par la DAC, autorité compétente à l’époque pour le Grand-duché de Luxembourg. Il était donc autorisé à voler et la LUXAIR avait l’autorisation administrative de l’exploiter en ligne pour le transport de passagers. C’était d’ailleurs ce que la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel avait retenu dans son arrêt.

La question de savoir si l’avion aurait pu perdre son certificat de navigabilité, si l’autorité ayant accordé la certification de type ou celle qui avait certifié sa navigabilité individuelle avait appris le défaut dont un système important pour la sécurité de l’avion était affecté, est sans relevance aucune dans la mesure où il y a lieu de toiser les faits tels qu’ils se sont présentés le 06.11.2002.

Cette question de la navigabilité est tout-à-fait indépendante des préventions reprochées aux divers prévenus, puisque le Ministère Public ne leur reproche pas d’avoir mis ou laissé en service un avion dont la navigabilité n’aurait pas été assurée, parce qu’elle l’était.

Le tribunal est arrivé à la conclusion que cette omission de remédier à un défaut du module susceptible de produire la catastrophe d’une façon inopinée et à un moment indéterminable s’explique d’une façon parfaitement banale par la lecture distraite de la lettre qui n’a pas permis de se concentrer sur la portée et les implications de son contenu, combinée au fait que, une fois la lettre rangée sur le tas des autres Service Letters auxquelles aucune suite ne fut donnée, elle fut oubliée jusqu’au 06.11.2002 et qu’il n’existait aucun système de vérification permettant à des tiers, plus élevés dans la hiérarchie, de s’assurer que la décision de classer sans suite les Service Letters en général, et celle portant le numéro 137 en particulier, avait été prise à bon escient.

Pareil comportement constitue une faute d’imprudence susceptible d’entraîner la responsabilité de son auteur.

Ainsi qu’il a été expliqué ci-avant, le fait de ne pas avoir appliqué les Service Bulletins de ABSc de 1992 et de 1994, même après avoir été informé par Fokker au moyen de la Service Letter n° 137 du 20.12.1994 des dangers potentiels pouvant résulter pour l’exploitation de l’avion en ligne de l’utilisation continuée du module SCU sans procéder à la modification proposée par ABSc constitue une faute ayant directement contribué à la réalisation de l’accident en cause et partant à la commission des infractions, même si cette faute a été commise bien avant la survenance du sinistre.

Il est ainsi reproché au prévenu P2 d’avoir contribué à l’accident, partant d’avoir commis les infractions mises à sa charge par le fait d’une part de ne pas avoir appliqué les Service Bulletins émanant de ABSc en 1992 et 1994 et ni d’avoir fait redresser le plus rapidement possible l’anomalie constatée et décrite en détail dans la Service Letter n° 137 de Fokker de 20.12.1994.

Le prévenu P2 avait été aux services de la LUXAIR en tant directeur général de 1961 jusqu’au 11.05.1998.Depuis la création de la société LUXAIR s.a., la société disposait d’une structure organisée à l’origine par des membres qualifiés du personnel de la compagnie belge KLM ainsi que de la société néerlandaise FOKKER. Cette structure comportait au début un département s’occupant du service en ligne, le Service des Operations et d’autre part un département s’occupant de l’entretien des avions, appelé Service Technique. A ces deux services se sont ajoutés au fil des ans et selon les besoins de la société d’autres départements financier, commercial et administratif. Chaque service ou département avait à sa tête un Directeur qui répondait au Conseil d’administration respectivement au prévenu en sa qualité de Directeur Général. Le service des opérations et le service technique avaient été calqués sur la structure des sociétés KLM et Fokker et profitaient du savoir-faire et des compétences des personnes déléguées par ces sociétés et qui ont assumé les fonctions de Directeurs de ces  départements.

Pendant toute son activité au sein de LUXAIR, le prévenu a assumé la gestion des affaires courantes. Selon la définition admise, on entend par le terme ‘affaires courantes’ la gestion journalière consistant dans l’accomplissement des actes qui ne sont que l’exécution quotidienne de la ligne de conduite tracée par le conseil (CA 10.05.1929, Pas. 11, p.459).

Il n’a pas été contesté que de par sa formation, et de par ses charges au sein de la société, le prévenu P2 s’occupait de la gestion administrative et financière de la société et n’avait pas la compétence pour prendre des décisions au niveau technique ou opérationnel, si ce n’est de façon oblique en faisant libérer les crédits nécessaires au fonctionnement de ce service comme d’ailleurs des autres services aussi. Ce fait est tout aussi normal dans une société comme LUXAIR, dont l’envergure croissait assez régulièrement à cette époque, qu’il est parfaitement dépourvu de relevance en l’espèce. En effet, il a pu être clairement établi par l’information que la question de l’application ou non des SB de ABSc et de la Service Letter n° 137 de Fokker n’impliquait pas de considérations financières, vu le coût ridiculement bas de la modification à effectuer.

L’information judiciaire, pas plus que l’instruction à l’audience n’a permis de rapporter la preuve que le prévenu P2 ait eu une connaissance personnelle des documents en cause se rapportant aux problèmes avec le module SCU, que ce soient les Service Bulletins émanant de ABSc en 1992 et 1994 ou la Service Letter n° 137 de Fokker. De même il n’a pas été établi qu’il aurait à un moment quelconque pris une décision au sujet de ces informations et se rapportant aux anomalies du module SCU, et plus spécialement qu’il aurait donné l’instruction de ne pas suivre les recommandations ou suggestions de ABSc et/ou de Fokker.

Il y a partant lieu de retenir que le prévenu, n’ayant pas personnellement pris de décision au sujet du problème litigieux qu’il ignorait et lié au fonctionnement du module SCU, n’a pas personnellement commis de faute susceptible d’entraîner sa responsabilité par une participation à la commission des infractions sous ce rapport.

Dans la mesure où le Ministère Public recherche sa responsabilité en tant que chef d’entreprise, le prévenu a fait invoquer le principe de la délégation de pouvoirs. « Sauf si la Loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas pris part personnellement à la réalisation de l’infraction, peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence de l’autorité et des moyens nécessaires». (B.BOULOC, Droit pénal général, 19e éd., Dalloz 2005, p.315) Ce principe est admis tant en droit luxembourgeois qu’en droit belge et français. Il est applicable aussi bien en matière pénale qu’en matière civile. Au pénal, on parle de délégation des pouvoirs lorsqu’un délégant transfère au délégataire une tâche de direction ou de surveillance qui lui impose une responsabilité pénale.

Celui qui se prévaut de la délégation de pouvoir pour s’exonérer de sa propre responsabilité pénale, a en principe la charge de la preuve. La délégation de pouvoirs emporte sous certaines conditions la délégation de responsabilité. Pour être efficace sous ce rapport, il faut que la personne à qui les pouvoirs particuliers et bien définis sont délégués, jouisse de l’autorité, des compétences et des moyens nécessaires pour assurer la tâche lui confiée.

- Quant à la compétence:

Le délégataire doit donc disposer, dans le cadre des matières ou charges déléguées, du même pouvoir de décision autonome et de direction que le responsable déléguant. Cela entraîne que le délégataire doit disposer des  compétences générales et techniques propres lui permettant d’exercer les pouvoirs délégués dans le cadre de l’activité qu’il sera amené à exercer. Cette compétence ne comprend pas seulement les connaissances techniques et professionnelles nécessaires, mais encore la connaissance de la règlementation en vigueur et les moyens d’assurer le respect de celle-ci.

Les compétences techniques et professionnelles sous ce rapport du délégataire mis en place à la tête du Service Technique, à savoir le prévenu P5 apparaissent déjà de sa formation d’ingénieur en électromécanique avec l’option construction aéronautique ainsi que de son expérience de trois ans en tant que directeur technique avant d’entrer au service de la LUXAIR. Il a été exercé les fonctions de directeur technique responsable de la navigabilité des avions LUXAIR de juin 1991 au 10.02.2007. Il faisait en outre partie du comité de direction de 1990 jusqu’à 1998, moment où il a été nommé postholder-maintenance avec l’introduction des Jar-OPS 1 dans la législation luxembourgeoise.

Sa compétence professionnelle ne résulte pas seulement de sa longue carrière passée dans ce poste à haute responsabilité, mais aussi des audits du Bureau Veritas et de la Lufthansa très flatteurs, le dernier établi pas plus tard que trois semaines avant l’accident en cause. Elle résulte enfin de toutes les déclarations recueillies au cours de l’information et aucun élément n’est apparu permettant de mettre sa compétence en doute.

- Quant à l’autorité:

Le prévenu P5 se trouvait à la tête du Département Technique qui comprenait avec ses différentes sections en tout 131 personnes. Il apparaît de l’ensemble des informations au dossier qu’il gérait son service pendant toute la période de son activité d’une façon presque autonome, et savait se faire respecter par ses subordonnés. Le prévenu P2 a affirmé ne jamais s’être immiscé dans les décisions techniques et de avoir rencontré le prévenu P5 uniquement pour des questions financières, au cas où l’engagement de frais envisagé par le Département Technique menaçait de faire exploser le budget. Cette affirmation a été confirmée par P5 et aucun élément du dossier n’est venu la contredire.

- Quant aux moyens fournis:

Le prévenu P5 disposant du budget de son service ainsi que des ressources humaines nécessaires au bon fonctionnement de ce dernier ne devait intervenir auprès du prévenu P2 que lorsque certains travaux ou programmes dépassaient nettement le budget alloué à son service, ce qui a été rarement le cas. Il est vrai qu’en 1999, le prévenu avait signalé que le nombre des personnes occupé au service Engineering, placé sous ses ordres devait être augmenté. De même, il a à ce moment formulé le reproche que le service Engineering ne recevrait pas l’attention ou l’estime dont il avait besoin. Il s’est cependant avéré que la situation à la base de ces critiques, aussi justifiées qu’elles aient pu être, n’a joué aucun rôle dans le fait en rapport avec les causes de l’accident du 06.11.2002.

Les prévenus P6 et P7 travaillaient seulement de façon indirecte sous ses ordres dans des départements qui dépendaient du Service Technique sous la direction du prévenu P5. P6 comme chef du Service Engineering de 1992 à 1999, P7 en tant que chef du Service Avionics comprenant le service radio et le service électrique. En 2000, ce dernier a été nommé chef du Engineering et planning en remplacement du prévenu P6, apparemment en raison de problèmes personnels de ce dernier. Celui-ci ne s’occupait plus des avions Fokker à partir de ce moment.

Tant P6 et P7 ne peuvent être considérés comme délégataires du prévenu P2 étant donné que, comme subordonnés travaillant sous les ordres du prévenu P5, il leur manquait à la fois l’indépendance, le pouvoir de décision et le budget autonome. Il ne saurait être raisonnablement soutenu que le prévenu P2 ait à un moment quelconque négligé son devoir de surveillance, et ce pour la simple raison qu’au cours de toutes ces années, il n’y a eu aucun événement donnant à penser que le prévenu P2 ou d’ailleurs ses successeurs aient négligé la surveillance nécessaire et appropriée de leur délégataire. Le défaut dans l’organisation du service maintenance, décrit plus haut à propos du prévenu P5 ne saurait être imputé au prévenu P2 ni d’ailleurs à ses successeurs.

Il est vrai qu’à un moment, il a été fait état de ce que le successeur dans les fonctions du prévenu P2, le sieur P4 a fait procéder à un audit par les soins du témoin FR qui aurait dans son rapport fait état d’un certain nombre de critiques quant à l’organisation et au fonctionnement interne de la société, et proposé des solutions pour y remédier.

Il est cependant un fait que d’une part, ces critiques se sont avérées sans rapport avec les faits en cause et les circonstances exactes à l’origine de ces faits, et que d’autre part le témoin FR a très largement relativisé ses déclarations passées lors de sa déposition à l’audience. Il y a encore lieu de noter dans ce contexte que les critiques en partie acerbes manifestées dans le temps par le témoin n’ont pas pu être confirmées par d’autres sources. Quoi qu’il en ait été, s’il n’est pas exclu que le fonctionnement de la société ait été perfectible comme celui de toute autre société, il n’en reste pas moins qu’aucun lien n’a pu être établi avec les faits qui ont amené l’accident du 06.11.2002.

La réalité de la délégation de pouvoirs par le prévenu P2 au prévenu P5 pour to ut ce qui concernait les aspects techniques des activités de la société, y compris le détail de l’organisation du service technique, et qui était déjà rendue nécessaire en raison de la taille de la société, de ses activités complexes et variées, ainsi que du manque de compétences techniques aussi manifeste que reconnu par le prévenu P2 lui-même, ne saurait ainsi être sérieusement mise en doute. Cette réalité n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation.

Il se déduit de ce qui précède que le prévenu P2 n’a commis aucune faute personnelle et que du fait de la délégation de pouvoirs au prévenu P5, sa responsabilité pénale dans les faits qui causé l’accident du 06.11 2002 ne se trouve pas engagée.

Il y a partant lieu d’acquitter le prévenu P2 de toutes les préventions mises à sa charge y compris de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P2 n’a jamais exercée, et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.

Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.

Le prévenu P4:

Le prévenu P4 avait pris la succession du prévenu P2 à partir de février 1998, assumant ses fonctions effectivement à partir du 11.05.1998 jusqu’au 31.12.2000. Il faut relever à l’ingrès que la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948 ne se trouve pas donnée dans son chef étant donné que cette prévention vise exclusivement le commandant de bord d’un avion, qualité dont le prévenu P4 n’était jamais pourvu.

Cette prévention n’étant pas donnée en ce qui le concerne, le prévenu devra en conséquence être acquitté de ce chef. Ainsi qu’il a été relevé ci-avant, en matière d’homicide ou de lésions corporelles involontaires, la responsabilité de l’auteur présumé doit toujours être personnelle, et nécessite, pour être retenue, l’identification d’une faute par commission ou par omission dans le chef du prévenu, l’imprudence la plus légère suffisant à constituer l’infraction. Il y a lieu d’examiner si le prévenu P4 a commis une faute personnelle contribuant à la réalisation du dommage.

Il n’a pas pu être prouvé que, à un moment quelconque, il aurait été mis au courant des Service Bulletins de ABSc mentionnés ou de la question s’il fallait les appliquer, pas plus qu’il n’a été informé de la Service Letter de Fokker de décembre 1994, ou qu’il aurait pris une décision quelle conque à leur sujet, déjà pour la simple raison que ces documents avaient été reçus bien avant l’arrivée en fonctions du prévenu P4 et n’étaient plus des sujets réclamant une attention continue, la décision de ne pas les appliquer ayant été prise bien antérieurement au mois de février 1998.. Ce qui plus est, il s’est confirmé que la question de l’application des SB et SL n’était pas du domaine de la compétence du accountable manager, mais du Service technique. De même, il n’a pas été saisi ni informé du warning émis par

Fokker en 1998 et n’avait pas à l’être pour les mêmes raisons. Ses efforts dans le but de promouvoir la modernisation et la sécurité du fonctionnement de l’entreprise étaient réels et ont pu être vérifiés. Il a nommé le sieur FR directeur -adjoint avec la mission de promouvoir la coordination des services maintenance et opérations, avant de le charger d’un audit interne. Il a délégué, comme son prédécesseur, les fonctions pour lesquelles il n’avait pas la compétence, à des personnes compétentes, entre autres le service technique au postholder M. P5 et le service opérations au Cpt. JP, plus tard remplacé par le Cpt. PO.

Ces délégations ont rempli toutes les conditions énumérées ci-avant pour opérer non seulement le transfert des pouvoirs spécifiques, mais encore le transfert de la responsabilité pénale aux délégataires respectifs. Le domaine des compétences du prévenu P4 était la gestion (financière) de l’entreprise, puisqu’il était économiste de formation et avait longtemps travaillé dans une banque. Pas plus que sous son prédécesseur, les chefs de service ou les membres du personnel avaient eu à se plaindre d’un manque de ressources, financières ou autres, et les exigences de la sécurité ne devaient jamais céder le pas aux considérations financières, ainsi que l’a confirmé le témoin FR à l’audience.

Il peut dès lors être raisonnablement retenu qu’il n’a pas été établi en l’espèce que dans l’exercice de ses fonctions, le prévenu P4 aurait personnellement fait preuve de légèreté ou de négligence dans la surveillance des activités des différents départements de la société. Il s’en déduit que la délégation des pouvoirs aux postholders et plus particulièrement celle au postholder maintenance a valablement exonéré le prévenu P4 de sa responsabilité pénale en ce qui concerne les fautes qui ont pu être commises au niveau du Service maintenance.

Les préventions d’infraction aux articles 418, 419, 420 du Code pénal et à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 ne sont, elles non plus établies en fait ou en droit, il y a lieu d’acquitter le prévenu P4 de toutes les infractions libellées à sa charge et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.

Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.

Le prévenu P3:

Le prévenu P3 a occupé les fonctions d’accountable manager, de Directeur général et de Président du Comité de direction de la LUXAIR à partir du mois de janvier 2001. Dans ces fonctions, il a été le successeur du prévenu P4.

Lors de ses deux interrogatoires, il a décrit d’une façon détaillée la structure interne de LUXAIR telle qu’il l’avait connue lors de sa prise de fonctions. Il paraît avoir eu une assez grande expérience professionnelle avant de venir chez LUXAIR puisqu’il avait dirigé en tant qu’administrateur-délégué, comme directeur général et comme accountable manager un certain nombre de compagnies aériennes, dont la dernière VLM, exploitait également une flotte de Fokker F50. Ses indications au sujet de la responsabilité des Directeurs généraux respectivement des accountable managers et de la structure et les responsabilités des postholders du Service Technique et du Service Opérations entre autres, les fonctions indépendantes du quality manager et du safety officer correspondent bien à la structure prévue suivant les normes internationales JAR OPS1 introduites dans la législation luxembourgeoise en 1998.

Il confirme tant en ce qui le concerne qu’en ce qui concerne ses prédécesseurs que la fonction de Directeur général et accountable manager comporte exclusivement une mission d’organisation consistant à mettre en oeuvre les moyens financiers et autres pour permettre aux postholders d’accomplir leurs fonctions. N’étant ni technicien ni pilote, l’accountable manager n’a pas à se mêler des décisions des départements gérés par les postholders qu’il rencontrait lors de réunions régulières. Il semble que surtout après l’accident en cause, il a dû faire face à une détérioration du climat entre lui et certains membres du département Opérations et des réticences et qui selon lui faisaient bande à part, le considérant comme un intrus.

Cependant, tous ces problèmes internes n’ont eu aucune influence sur les faits en cause puisqu’ils ne sont apparus que postérieurement à l’accident.

Le prévenu a contesté avoir jamais appris avant l’accident l’existence ni des SB de ABSc ni de la Service Letter n°137 de Fokker, ce qui n’est pas fait pour étonner puisque ces documents semblent ne jamais avoir été mentionnés ni consultés depuis fin 1994 au plus tard.

S’il a appris que certains pilotes avaient eu des problèmes avec le train d’atterrissage, il est manifeste qu’il fait allusion à la circulaire NESSER du 02.08.2002.

Il doit être considéré comme constant en cause que le prévenu P3, qui avait l’infortune d’être l’accountable manager en fonction le jour de l’accident, na pas commis de faute personnelle, ni dans une décision au sujet des SB et de la SL dont il ignorait tout ni dans ses fonctions de surveillance et de contrôle au sein de LUXAIR.

Il est toutefois intéressant de noter au passage que le prévenu n’avait pas non plus, du temps où il était administrateur délégué de la compagnie aérienne VLM, appris l’existence de ces documents et que VLM n’avait pas non plus appliqué les modifications indiquées par ABSc et par Fokker, pas plus d’ailleurs que Lufthansa ou d’autres compagnies opérant avec le F50.

Il se déduit de ce qui précède qu’il y a lieu d’acquitter le prévenu P3 de toutes les infractions libellées à sa charge et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.

Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.

II. Quant au délai raisonnable:

Quant à la recevabilité des poursuites pénales:

Le prévenu P2 soulève en ordre principal l’irrecevabilité des poursuites pénales à son encontre et fonde cette demande sur une prétendue violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme au motif que la période très longue entre les faits lui reprochés (entre 1992 et 1998) d’une part, son inculpation (04.06.2008) d’autre part, et enfin la date de sa mise en jugement, aurait eu pour effet de le mettre hors d’état d’exercer valablement ses droits de la défense.

En premier lieu, il est indéniable que, effectivement, l’information judiciaire s’est étendue sur une période de temps très longue, et que cette durée devrait normalement être considérée comme inhabituelle et même extraordinairement longue. Il n’en est rien cependant en l’espèce étant donné que l’affaire s’est révélée être d’une complexité tout aussi extraordinaire. Ceci résulte non seulement de la nature de l’affaire, mais également du nombre de personnes mises en cause, des difficultés rencontrées dans la recherche des preuves et du temps nécessaire pour évacuer tous les recours et toutes les interventions que de certains participants au procès ont entrepris dans l’exercice légitime de leurs droits. Le relevé que le Ministère public a versé au dossier en cours d’instance énumère l’ensemble des devoirs accomplis au cours de l’information judiciaire dont il serait fastidieux de répéter l’énumération ici, mais qui démontre que ni les personnes intervenant dans l’information judiciaire, ni les juridictions d’instruction ni le Ministère Public n’ont laissé traîner les choses.

Le même constat se dégage du remarquable effort accompli par le mandataire de la partie civile Pciv1 en établissant un relevé aussi méticuleux que parlant de tous les devoirs et actes de procédure accomplis du jour de l’accident à la mise en jugement ainsi qu’une synthèse des données recueillies montrant qu’aucun reproche au regard d’une inobservation du délai raisonnable au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait valablement être soutenu.

Il n’est pas exact de dire que les organes d’instruction et de poursuite n’auraient pas fait toutes les diligences possibles pour permettre non seulement la mise en jugement des personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité dans les faits à juger, mais également pour permettre aux parties civiles de soumettre leurs demandes au tribunal sur le fondement d’un dossier sérieusement et aussi complètement instruit que possible, et ce dans un délai aussi bref que possible. Par ailleurs, la comparaison avec des affaires similaires concernant des drames impliquant de nombreuses victimes et présentant une complexité technique voisine à celle rencontrée dans la présente affaire montre aisément que le délai nécessaire pour la mise en jugement n’a pas été excessif ou simplement anormal en l’espèce.

Si le tribunal devait néanmoins tenir compte de la longueur absolue de la procédure dans son ensemble, la sanction ne saurait être l’irrecevabilité des poursuites et ceci pour deux raisons:

La première en est qu’aucun texte légal ne donne pouvoir aux juridictions de fond de déclarer irrecevable l’action exercée par le ministère Public en raison de l’écoulement de temps si ce n’est pour des raisons de prescription de l’action publique.

La deuxième raison tient au fait que l’argument à la base de la demande, à savoir que les prévenus de façon générale, et le prévenu P2 en particulier, seraient, du fait de l’écoulement du temps, hors d’état d’exercer valablement ses droits de la défense, n’est pas donné en fait.

La défense du prévenu P2 s’est contredite à ce sujet dans son mémoire en ce qu’elle a affirmé que le prévenu P2 n’aurait pas été et ne serait pas en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé, pour affirmer plus loin que, après le premier interrogatoire, le droit de s’expliquer ‘en toute connaissance de cause lui aurait été refusé.

La même observation vaut pour tous les autres prévenus qui ont tous non seulement assister aux débats, mais encore y ont participé de façon aussi vigoureuse qu’active et lucide.

Le seul prévenu qui ne se soit pas régulièrement manifesté pour présenter ses arguments, pour poser des questions aux témoins et aux experts, encore qu’il n’a pas laissé passer l’occasion de répondre aux questions lui posées lors de son interrogatoire, a été le prévenu P1. Son mutisme assez prononcé pendant la majeure partie des audiences s’explique cependant aisément par le fait qu’il a semblé comme écrasé par le poids de sa responsabilité dans les faits en tant que commandant de bord, ainsi qu’il l’a d‘ailleurs lui-même reconnu. S’il est vrai que le prévenu P1 a déclaré éprouver de grandes difficultés à se souvenir de ce qui s’était passé, cela peut s’expliquer aisément par le choc traumatique considérable subi au moment du crash de l’avion, et n’a en fait rien à voir du tout avec l’écoulement du temps entre les faits et la mise en jugement.

D’autre part, le dossier très volumineux, dont une grande partie pour ne pas dire la majeure partie se compose de classeurs de pièces et documents fournis tant par l’effet des perquisitions, que par les pièces versées par la défense des prévenus, témoigne à suffisance du fait que l’écoulement du temps n’a nullement entraîné une déperdition des preuves, mais au contraire, a permis de documenter, bien au-delà du stricte nécessaire, tous les aspects soulevés par l’instruction. Si le délai fort long a pu susciter des sentiments d’impatience chez d’aucuns, qu’ils soient prévenus ou ayants droit des victimes, il n’a très certainement pas eu d’effets négatifs sur les droits de la défense des prévenus.

A cela s’ajoute finalement que s’il est vrai que le premier rapport de l’expert judiciaire Vincent FAVÉ a été déposé assez rapidement, il est un fait que le même expert a déposé un deuxième rapport le 20.07.2009, que le rapport du co-expert judiciaire M. Richard TAVERNIERS a été déposé le 24.09.2009 et que l’expert judiciaire Vincent FAVÉ a encore déposé un rapport d’expertise complémentaire le 25.11.2009, sans parler de ses présentations aux audiences du tribunal où il a été invité ensemble son confrère M. TAVERNIERS à répondre à d’innombrables questions de la défense notamment.

Il y a dès lors lieu de constater que si le délai entre les faits et la mise en jugement des prévenus a certes été long, il ne saurait être considéré comme déraisonnable au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, eu égard aux circonstances propres de l’espèce décrites ci-avant. Pour la même raison, il a été démontré que le délai prolongé nécessaire à la mise en jugement des prévenus n’a en rien entravé l’exercice des droits de la défense de ceux-ci.

II. Quant à la condamnation aux frais:

La défense du prévenu P7, d’après le dernier état de ses conclusions, a demandé au tribunal de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante, les autres défenseurs des prévenus s’étant ralliés à ces conclusions:

«Est-ce que les termes de l’article 194 C.i.cr. qui imposent aux juridictions répressives de mettre à la charge d’une partie condamnée les frais de la procédure pénale, sont conformes à l’article 14 de la Constitution, dès lors que ces frais sont disproportionnés, voire complètement disproportionnés, par rapport à la peine d’amende infligée, notamment en raison de la solidarité entre co-prévenus édictée par l’article 50 C. pén.et constitue de ce fait une peine non prévue par la loi, en ce que le taux de sévérité de cette peine n’est pas prédéfini par la loi, ni ne permet aux intéressés de mesurer exactement la portée de leur comportement à défaut d’être rattaché à une infraction prédéterminée, et que cette peine est automatique, en cas de condamnation, sans permettre au juge répressif de l’individualiser?»  Aux termes de l’article 194 al.1er C.i.c., «tout jugement de condamnation, rendu contre le prévenu et contre les personnes civilement responsables du délit, ou contre la partie civile, les condamnera aux frais, même envers la partie publique. Les frais seront liquidés par le même jugement.»

Aux termes de l’article 162 C.i.c., «toute partie qui succombera, sera condamnée aux frais, même envers la partie publique. Les dépens seront liquidés par le jugement.» Constitution art. 14: «Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.» En premier lieu, il faut relever que tant l’article 162 que l’article 194 du Code d’instruction criminelle y figurent en application de la loi du 17.11.1808, promulguée le 09.12.1808 et ne semblent pas avoir été modifiés depuis. A supposer pour les besoins de la discussion que pareille condamnation aux frais de la poursuite constituerait une peine au sens légal, juridique du mot, les dispositions afférentes ne seraient pas contraires à l’article 14 de la Constitution puisqu’elles résultent de la loi, comme d’ailleurs l’article 50 du Code pénal.

Il se déduit de l’application combinée des articles 162 et 194 C.i.c. que la partie qui succombera sera condamnée aux frais. Elle doit nécessairement être condamnée aux frais, ce n’est pas une faculté pour la juridiction répressive, mais une obligation stricte. La question est d’ordre public; la condamnation doit toujours être prononcée. (cf. Thiry: Précis d’instruction criminelle en droit luxembourgeois (Editions Lucien De Bourcy, 1971).

La condamnation aux frais n’est, au regard de l’article 194 C.i.c. qu’une conséquence de la condamnation principale, et n’a par conséquent pas besoin d’être appuyée par des motifs spéciaux. (Cass. 26.02.1918, 10, 327)

Le prévenu qui succombe est celui qui se trouve condamné. Tout prévenu condamné doit être condamné au paiement des frais de la poursuite, quelle que soit la peine à laquelle il aura été condamné et peu importe le taux de la peine prononcée, qu’il s’agisse de la peine requise contre lui ou d’une peine inférieure, ou encore que le prévenu soit indigent. La condamnation du prévenu aux frais de sa poursuite pénale n’est pas une peine, mais la réparation d’un préjudice causé à l’Etat par le prévenu condamné qui la subit, et n’est que la conséquence inévitable, l’accessoire inséparable de la condamnation pénale. (cf. Lux.14.11.1917, 10, 199).

Les frais occasionnés par l’instruction ne sont jamais inutiles, même si elles ne donnent pas de résultat utile.(Thiry: op.cit.) Surtout dans l’instruction des affaires pénales importantes, il n’est jamais possible de prévoir le montant des frais qu’elle pourra entraîner en définitive, et ceci déjà pour la simple raison que l’exposition de pareils frais ne dépend pas exclusivement des organes d’instruction et de poursuites, mais sont souvent également occasionnés à la suite de l’attitude adoptée par la défense de l’inculpé et des arguments soulevés par celui-ci qui peuvent rendre nécessaire des investigations aussi poussées qu’onéreuses.

Aucune convention internationale ni aucune disposition légale n’oblige ni le Ministère Public ni d’ailleurs le juge d’instruction à limiter les devoirs accomplis ou à accomplir au cours d’une instruction pénale voire à s’abstenir d’utiliser les ressources qu’ils estiment nécessaires à la manifestation de la vérité, tant à charge qu’à décharge d’un prévenu. Il n’est pas concevable que la partie poursuivante et/ou le juge d’instruction arrêteraient les investigations à un moment déterminé pour des considérations d’ordre purement pécuniaire, que ce soit en considération des dépenses en ressources humaines par le nombre d’enquêteurs à affecter à une enquête, celles occasionnées par l’utilisation de moyens techniques et scientifiques, les visites des lieux, les déplacements à l’étranger sur commissions rogatoires, ou par le recours à l’avis d’hommes de l’art, souvent pour ne pas dire régulièrement trouvés à l’étranger, pour éclairer tant les parties au procès que les juridictions appelées à statuer.

La simple idée que les organes de poursuite devraient, dans leur travail de recherche de la vérité, choisir les moyens d’investigation à leur disposition et limiter les dépenses en fonction de leur coût et des ressources de l’inculpé – prévenu au jour de sa condamnation, est trop extravagante pour être entretenue.

Selon la nature de l’espèce, sa complexité, les difficultés à rassembler les preuves de nature à assoir la conviction des juridictions répressives, les difficultés résultant souvent du mauvais vouloir de l’auteur de l’infraction cherchant à échapper aux poursuites, à sa mise en jugement et à la sanction légale de ses faits, sont souvent non seulement une cause de l’allongement dans le temps considérable des procédures jusqu’à la mise en jugement, mais sont également souvent la cause de dépenses considérables qui, il ne faut pas l’oublier, sont avancés par le Trésor public. Si on ne saurait ni à bon droit ni de bonne conscience reprocher à un inculpé/prévenu d’utiliser tous les stratagèmes de défense pour éviter une condamnation, étant donné qu’a priori il est de par la Loi présumé innocent, et n’a aucune obligation légale de collaborer avec les organes de poursuites, il n’en demeure pas moins que la question de la condamnation aux frais de la poursuite ne concerne que celui qui est reconnu coupable, en tout ou en partie, de la ou des préventions mises à sa charge et qui est condamné en conséquence.

Si à l’issue des débats ou plus tard, l’auteur, reconnu coupable par le jugement subséquent, doit reconnaître qu’il a succombé et que ses dénégations n’ont pas porté leurs fruits escomptés, il ne saurait se plaindre de ce que ses éventuels calculs quant «à la portée et aux conséquences de son comportement» (avant sa mise en jugement) auraient été déjoués pour ensuite espérer pouvoir laisser à charge du Trésor public tout ou partie des frais, souvent considérables, nécessités par l’instruction et l’élucidation des infractions retenues en définitive contre lui.

Il n’y aucun rapport à faire entre la peine prononcée, à fortiori entre une peine d’amende et le montant des frais de poursuites rendu nécessaires pour parvenir à une condamnation et les frais de poursuites ne changent pas de nature pour devenir une ‘peine’ même lorsqu’ils dépassent, comme en l’espèce, très largement le montant de l’amende pouvant être prononcée.

Qu’une condamnation aux frais puisse atteindre un prévenu dans son patrimoine est indéniable, et qu’il puisse ressentir ce fait comme une sanction supplémentaire est compréhensible. Il n’en demeure pas moins que pareille condamnation constitue et reste la récupération des sommes avancées par le Trésor dont la dépense, en dernière analyse, a nécessairement été occasionnée par le condamné.

Le principe à la base de ces considérations n’est ni démenti ni même battu en brèche par l’article 50 du Code pénal, aux termes du quel «tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts. Ils sont tenus solidairement des frais, lorsqu’ils ont été condamnés par le même jugement ou arrêt.

Néanmoins, le juge peut exempter tous ou quelques-uns des condamnés de la solidarité, en indiquant les motifs de cette dispense, et en déterminant la proportion des frais à supporter individuellement par chacun d’eux.»

Même cette disposition ne donne aucune latitude à la juridiction répressive pour adapter la condamnation aux frais de la poursuite aux ressources ou aux convenances personnelles d’un condamné, puisque pareil critère aboutirait forcément à augmenter la part que les autres condamnés auraient à supporter, puisque la possibilité de décharger l’un ou l’autre ou même tous les prévenus condamnés de leur obligation solidaire envers le Trésor public ne signifierait nullement que le total de ces frais serait réduit et que tout ou partie de ce montant serait laissé à charge de l’Etat. En effet, la juridiction de jugement aurait tout au plus la possibilité de modifier en les indiquant, la part de ce montant total que chaque condamné devrait supporter en définitive.

Pareille dérogation du principe légal de la solidarité entre les prévenus quant au paiement des frais de la poursuite ne pourrait certainement pas se justifier sur base des ressources patrimoniales d’un prévenu mais seulement en raison de considérations tenant de l’espèce, comme par exemple, en cas de condamnation, dans un même jugement, pour infractions distinctes auxquelles tous les prévenus n’auraient pas participé. En cas de condamnation par des jugements ou arrêts distincts, la solidarité ne leur serait appliquée que pour les actes de poursuite qui leur sont communs.

Mais même pareille modification ou restriction de l’obligation solidaire des condamnés ne pourrait pas avoir pour effet de changer la nature de cette obligation ou de lui enlever, ne fûtce qu’en partie ou pour un condamné particulier le caractère d’une peine qu’elle n’avait pas au départ.

Il y a lieu de noter qu’aucun des prévenus n’a demandé à être déchargé de la condamnation solidaire aux frais de la poursuite pénale en cas de condamnation.

L’article 194 du Code d’instruction criminelle n’est de toute évidence pas contraire à l’article 14 de la Constitution parce que la condamnation aux frais de la poursuite pénale, que la solidarité entre condamnés s’applique ou non, n’est de toute évidence pas une peine au sens légal, juridique du terme.

En conséquence de ce qui précède, le tribunal est d’avis qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement et que la question de la constitutionalité de l’article 194 du Code d’instruction criminelle est dénuée de tout fondement. Il se déduit de ce qui précède que le moyen invoqué par la défense des prévenus n’est pas fondé.

En l’absence d’une demande en restitution émanant du propriétaire de l’épave de l’avion et de ses composantes détachées, le tribunal ne se voit pas en mesure d’ordonner la restitution de ces objets à leur propriétaire légitime.

AU CIVIL:

I. Les parties civiles

a) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv2, élisant domicile en l’étude de Maître LAUER, contre les prévenus P1, P2, P4, P5, P7 et P6

Il y a lieu de lui en donner acte.

La demanderesse a fait exposer que bien que liée au copilote JA ni par les liens du mariage ni par une convention de partenariat, ils vivaient depuis trois ans en concubinage en compagnie des deux enfants de la demanderesse nés d’un autre lit; que ses enfants considéraient et aimaient JA comme leur père; qu’ils avaient projeté de se marier et avaient déjà, en perspective de ce mariage, acquis ensemble une maison à Horace/Pratz (Bettborn) le 13.10.2001 suivant acte reçu par Me Fernand UNSEN, notaire de résidence à Diekirch. Elle demande la condamnation solidaire des défendeurs au civil à lui payer, selon le dernier état de ses conclusions, au titre de réparation de son préjudice moral (préjudice d’affection) souffert du fait du décès de JA la somme de 100.000.- euros, et au titre de réparation du préjudice matériel la somme de 50.000.- euros, ce préjudice étant constitué par l’ensemble des frais exposés pendant toute la procédure, y compris les frais d’avocat, ces derniers sur base de l’article 194 al. C.i.c..

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2 et P4, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Il y a lieu de relever à l’ingrès que la demande de la dame Pciv2 ne saurait être régie par les dispositions de la Convention de Varsovie ni des dispositions et règlements établis à la suite de cette convention, étant donné que la victime JA, en sa qualité de copilote, ne saurait être considéré comme passager et ne tombe partant pas dans la catégorie des personnes visées par la convention.

Le tribunal est partant compétent pour en connaître, dans la mesure où elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.

Il appert des pièces versées par Me Guy LOESCH que la demanderesse a signé le 20.10.2004 une déclaration aux termes de laquelle «elle renonçait pour son compte ainsi que pour le compte de ses enfants respectivement de ses ayants droit à toute action quelle qu’elle soit civile ou pénale et pour quelque cause que ce soit liée à l’accident de l’avion Fokker en date du 06.11.2002 appartenant à la compagnie aérienne LUXAIR pour le compte de la perte de son concubin le copilote JA contre le sieur P3 et la s.a. LUXAIR contre réception du  montant de 25.000.- euros», cette déclaration n’étant valable qu’après réception du dit montant. Il appert d’autre part d’un virement effectué par le cabinet d’avocats de Me F. ENTRINGER & ass., le 22.10.2004 au compte de l’étude du mandataire de la partie civile avec la mention:

«Partie civile Pciv2 – Dédommagement – pour solde de tous comptes» en vertu duquel il faut présumer que la partie civile, par le biais de son mandataire, a effectivement reçu la somme en question. Le fait a d’ailleurs nullement été contesté par la partie civile.

Me Guy LOESCH entend s’emparer de cette pièce pour soutenir que la demande civile dont la dame Pciv2 a saisi la juridiction répressive, devrait être déclarée irrecevable. Il soutient que la société LUXAIR est au civil le tiers garant des faits de ses préposés et que, la déclaration signée par la dame PCIV2 et acceptée par la société LUXAIR et son Directeur général, le sieur P3, valant transaction, la dame PCIV2 ne saurait être autorisée à «revenir à charge avec les mêmes prétentions contre les préposés». Me Guy LOESCH soutient qu’en «éteignant la créance de dommages- intérêts de la victime, le commettant éteint par là même la dette de réparation de ses préposés, sauf à démontrer un préjudice distinct.

Il y a lieu de relever que la jurisprudence est désormais fixée pour dire que l’octroi de dommages-intérêts n’est pas subordonné à un lien de droit entre le défunt et le demandeur et qu’en conséquence, le préjudice de la concubine du chef de perte de son partenaire est en principe indemnisable tant du point de vue matériel que du point de vue moral, pourvu que les liens d’affection puissent être considérés comme réels et suffisamment profonds, et que le concubinage ait revêtu une certaine stabilité et pérennité (cf. Ravarani: Panorama de jurisprudence en matière d’indemnisation du dommage, Pas. 03/2006 citant: Cour d’appel 11.12.1972, Pas.22, 232; Cour d’appel 17.02.1989 n°45/89).

Sous ce rapport, la LUXAIR n’a jamais entendu contester la réalité du préjudice affirmé par la dame Pciv2 ni le droit de cette dernière a en obtenir réparation. Le mandataire des défendeurs au civil P5, P7 et P6, Me Guy LOESCH, pas plus que Me Georges PIERRET pour le défendeur au civil P1, ne l’ont contesté davantage à l’audience.

S’il est vrai que si la transaction est formulée de manière que, moyennant paiement d’une indemnité dont le montant est suffisamment consistant pour satisfaire à l’exigence de la réciprocité des concessions dans la transaction, la victime renonce à ses prétentions indemnitaires pour des séquelles connues et inconnues pouvant se manifester à l’avenir, il y a lieu d’admettre qu’elle revêt un caractère forfaitaire qui éteint la créance. Encore ne saurait-elle avoir cet effet qu’entre les parties à la transaction.

En l’espèce, ces parties étaient d’une part la dame PCIV2, et à travers elle, ses enfants et ayants droit, et d’autre part la société LUXAIR et son Directeur général. S’il est exact que la dame PCIV2 a déclaré renoncer ………. à toute action quelle qu’elle soit civile ou pénale et pour quelque cause que ce soit liée à l’accident de l’avion Fokker en date du 06.11.2002 appartenant à la compagnie aérienne LUXAIR pour le compte de la perte de son concubin le copilote JA contre le sieur P3 et la s.a. LUXAIR contre réception du montant de 25.000.- euros», et que de ce fait, il faut comprendre qu’elle renonçait dans ce cadre et sous ces conditions à toute autre demande en réparation de son préjudice moral et/ou matériel, il n’en demeure pas moins que la transaction a été conclue entre elle et la société LUXAIR. Le Directeur Général, en qualité de accountable manager, ne représente pas la société à l’égard des tiers, mais assume la responsabilité générale envers les autorités dans la mesure où il lui incombe de veiller à l’observation des dispositions légales et réglementaires ainsi qu’au respect des règles de procédure JAR exigées pour la sécurité des opérations. Il faut dès lors interpréter le fait que le sieur P3 a été nommément visé dans la déclaration transactionnelle en ce sens que les conséquences éventuelles à déduire de la responsabilité personnelle de ce dernier, qui ne pouvait qu’être de nature délictuelle, devaient également être couvertes par la transaction.

Cependant, la renonciation à toute future action en responsabilité par la dame PCIV2 «pour quelque cause que ce soit» s’est limitée à la société LUXAIR et à la personne de P3. Elle a été muette en ce qui concerne toute autre personne dont la responsabilité pénale et civile pouvait être engagée en rapport avec l’accident, et elle a notamment été muette quant à celle du pilote, le prévenu P1, sans parler des autres défendeurs au civil dont la responsabilité en principe a été retenue ci-dessus.

Les renonciations ne se présumant pas, la dame Pciv2 n’est pas forclose à demander réparation de son préjudice à d’autres personnes reconnues civilement responsables. En outre, n’ayant pas travaillé pour compte de LUXAIR ni dans un travail connexe ou non-connexe avec des employés au service de la LUXAIR, elle dispose d’un droit d’action en réparation d’un préjudice personnel contre les défendeurs ayant à l’époque travaillé pour LUXAIR.

Sa demande doit donc être déclarée recevable.

La concubine étant à assimiler à l’épouse sous certaines conditions relevées ci-avant et réunies en l’espèce, le tribunal évalue son préjudice moral souffert du fait de la mort de son partenaire à la somme de 25.000.- euros.

Il doit toutefois paraître évident que le préjudice moral pour perte d’un être cher, comme en l’espèce du concubin, n’augmente ni se multiple forcément par le seul fait que plusieurs auteurs doivent en être déclarés responsables. Au contraire, le montant d’une indemnisation pour un pareil préjudice constitue un montant déterminé, fixé par la juridiction du fond selon les circonstances de l’espèce, et dont le paiement doit être assumé par tous les auteurs du dommage selon les règles édictées par l’article 50 du Code pénal.

La dame Pciv2 ayant été forfaitairement indemnisée de son préjudice à concurrence de 25.000.- euros, il tombe sous le sens qu’elle ne peut actuellement prétendre qu’à la part du préjudice dont elle n’aurait pas encore été indemnisée.

En considération de l’évaluation ex aequo et bono à laquelle le tribunal a procédé ci-avant à l’égard de la demande indemnitaire du chef de préjudice moral, il s’avère que la demanderesse a été complètement remplie dans ses droits par le versement du forfait transactionnel, de sorte que sa demande doit être déclarée non fondée.

La demanderesse demande encore la condamnation des prévenus à lui payer à titre de dommage matériel la somme de 50.000.- euros.

Dans la mesure où ce préjudice allégué serait constitué par des dépenses autres que celles engagées en raison et dans le cours de la procédure, elle n’a cependant ni indiqué la cause de pareilles dépenses ni versé la moindre pièce justifiant ce préjudice en tout ou en partie. En l’absence de la moindre pièce justificative, le tribunal est dans l’impossibilité d’en vérifier l’existence et déterminer le montant. Aucun préjudice matériel de cette sorte n’ayant été établi en l’espèce, la demande afférente est à rejeter comme non fondée.

Dans la mesure où le préjudice matériel consiste dans les frais exposés pendant la procédure judiciaire, et que la demande vise ‘essentiellement’ à recouvrir les frais d’avocat, ainsi que le mandataire de la demanderesse l’a indiqué dans ses dernières conclusions et confirmé à l’audience, pareille demande ne saurait être accueillie sur le fondement de l’article 194 al.3 du Code d’instruction criminelle.

En effet, cette disposition donne au tribunal la faculté, lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, de condamner l’autre partie à lui payer le montant que le tribunal détermine.

Une partie qui s’est vu débouter de tous les chefs de sa demande principale et a donc succombé dans ses prétentions, ne saurait invoquer des raisons d’équité pour justifier la condamnation de la partie adverse qui a obtenu gain de cause, à lui payer tout ou partie des frais exposées par elle et non comprises dans les dépens.

Il s’ensuit que la demande de la dame Pciv2 sur base de l’article 194 al. 3 doit être rejetée comme non fondée.

Les frais de sa demande doivent en conséquence rester à sa charge.

b) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom 1) du sieur Pciv3 et 2) de la dame Pciv4, les deux demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de relever à l’ingrès que les demandes de la dame Pciv4 et du sieur Pciv3 ne sauraient être régies par les dispositions de la Convention de Varsovie ni des dispositions et règlements établis à la suite de cette convention, étant donné que la victime PMDR, en sa qualité d’hôtesse de l’air, ne saurait être considérée comme passagère et ne tombe partant pas dans la catégorie des personnes visées par la convention.

Quant à la demande du sieur Pciv3:

Le demandeur a fait exposer qu’il était le frère cadet de la dame PMDR; qu’ils étaient très liés et vivaient ensemble au domicile de leurs parents; que l’attente avant d’être informé de la dimension de la catastrophe et du décès de sa soeur a été extrêmement pénible et qu’il n’a pas encore réussi à faire son deuil du décès de sa soeur.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Il réclame la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- Au titre de préjudice par ricochet résultant de la vue de la souffrance de toute la famille: 12.500.- euros

- Au titre de préjudice direct:

résultant du choc souffert personnellement à l’annonce de l’accident: 7.500.- euros résultant de la perte d’un être cher:25.000.- euros

- Au titre de préjudice matériel (frais d’avocat): 5.000.- euros

Soit en tout la somme de 50.000.- euros et sous les réserves usuelles de pouvoir augmenter sa demande en cours d’instance.

Par conclusions ampliatives prises en cours d’instance, le demandeur outre les montants énoncés ci-dessus, a encore demandé à titre de réparation du dommage moral résultant des

inquiétudes au sujet de l’avenir de son neveu la somme de 7.500.- euros, soit en tout la somme 57.500.- euros.

Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.

En ordre subsidiaire, pour le cas d’une condamnation pénale de ses mandants, Maître Guy LOESCH fait valoir que le demandeur n’aurait pas établi qu’il n’aurait pas droit à une indemnité de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents (A.A.A.) en tant qu’ayant-droit de la victime décédée à la suite d’un accident de travail par ailleurs reconnu par la A.A.A., citant dans ce contexte un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28.05.2004 déclarant contraire à la Constitution l’article 115 du Code des Assurances Sociales dan la mesure où cette disposition interdit une action en dommages-intérêts aux ayant-droits et héritiers de la victime d’un accident de travail même au cas où ceux-ci n’auraient droit à aucune prestation.

Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du défendeur au civil P1, a déclaré se rallier aux conclusions de Me Guy LOESCH et s’est en ordre subsidiaire rapporté à la sagesse du tribunal quant aux montants à allouer le cas échéant.

Le moyen avancé par Me Guy LOESCH n’est cependant pas fondé.

En effet, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, au moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.

Il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167) Le demandeur Pciv3, frère cadet de la victime, doit être considéré comme ayant droit de la victime poursuivant la réparation d’un préjudice propre.

La Cour constitutionnelle a dans son arrêt du 28.05.2004, déclaré contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation.

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 28.10.2011 versée en cause que Pciv3, frère cadet de la victime, n’a pas touché d’indemnité respectivement de rente de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents suite à l’accident mortel de Mme MDRP.

Il se déduit de ce qui précède que la demande de Pciv3, en droit d’exercer un recours suivant le droit commun contre les auteurs du dommage par lui souffert, en application de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, doit être déclarée recevable.

La demande est également justifiée en principe.

Maître Guy LOESCH a enfin exprimé l’avis qu’une condamnation solidaire ne se justifierait pas, la solidarité ne se présumant pas.

Cet argument est erroné puisqu’il se heurte aux dispositions de l’article 50 du Code pénal, aux termes duquel tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts. Ils sont tenus solidairement des frais lorsqu’ils ont été condamnés par un même jugement ou arrêt.

En considération de ce qui précède, le tribunal évalue ex aequo et bono le montant devant revenir au demandeur Pciv3 du chef de réparation de son préjudice moral souffert à la somme de DIX-SEPT MILLE CINQ CENTS euros (17.500.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice et évalue à la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) le montant lui revenant à titre de réparation du préjudice matériel.

Il y a en conséquence lieu de condamner solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv3 du chef des causes sus-énoncées la somme de DIX-SEPT MILLE CINQ CENTS euros (17.500.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice jusqu’à solde, ainsi que la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde, ainsi qu’au paiement des frais de la demande civile.

Quant à la demande de la dame Pciv4:

La demanderesse a fait exposer qu’elle était la mère de la dame PMDR; que sa fille était toujours très proche de la demanderesse et qu’elle vivait chez ses parents avec son mari et son fils de 14 mois; que la nouvelle du décès l’a très affectée, d’autant plus qu’elle était dans l’attente de nouvelles de sa fille pendant des heures après l’annonce initiale de l’accident; qu’elle n’a pas réussi à ce jour à faire le deuil de sa fille dans l’état d’incertitude induit par la longueur de la procédure; qu’elle s’inquiète de l’état de sa famille à la suite du décès de sa fille et spécialement de l’avenir de son petit-fils.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Elle réclame la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- Au titre de préjudice par ricochet résultant de la vue de la souffrance de toute la famille: 25.000.- euros résultant de ses inquiétudes quant à l’avenir de son petit-fils: 15.000.- euros

- Au titre de préjudice direct:

résultant du choc souffert personnellement à l’annonce de l’accident: 15.000.- euros résultant de la perte d’un être cher: 50.000.- euros

- Au titre de préjudice matériel (frais d’avocat): 5.000.- euros

Soit en tout la somme de 110.000.- euros avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde et sous les réserves usuelles de pouvoir augmenter sa demande en cours d’instance.

Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de

mandataire des tous défendeurs au civil à l’exception du défendeur P1, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.

Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.

En ordre subsidiaire, pour le cas d’une condamnation pénale de ses mandants, Maître Guy LOESCH fait valoir que la demanderesse Pciv4 n’aurait pas établi qu’elle n’aurait pas droit à une indemnité de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents (A.A.A.) en tant qu’ayant-droit de la victime décédée à la suite d’un accident de travail par ailleurs reconnu par la A.A.A.., citant dans ce contexte un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28.05.2004 déclarant contraire à la Constitution l’article 115 du Code des Assurances Sociales dans la mesure où cette disposition interdit une action en dommages-intérêts aux ayant-droits et héritiers de la victime d’un accident de travail même au cas où ceux-ci n’auraient droit à aucune prestation.

Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du défendeur au civil P1, a déclaré se rallier aux conclusions de Me Guy LOESCH et s’est en ordre subsidiaire rapporté à la sagesse du tribunal quant aux montants à allouer le cas échéant.

Le moyen invoqué par Maître Guy LOESCH n’est pas fondé.

En effet, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, au moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.

Il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167) La demanderesse Pciv4, mère de la victime, doit être considérée comme ayant droit de la victime poursuivant la réparation d’un préjudice propre.

La Cour constitutionnelle a dans son arrêt du 28.05.2004, déclaré contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation.

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 28.10.2011 versée en cause que Pciv4, mère de la victime, n’a pas touché d’indemnité respectivement de rente de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents suite à l’accident mortel de Mme MDRP.

Il se déduit de ce qui précède que la demande de Pciv4, en droit d’exercer un recours suivant le droit commun contre les auteurs du dommage par elle souffert, par application de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, doit être déclarée recevable.

En ordre plus subsidiaire, Maître Guy LOESCH soutient que s’il est concevable que dans un accident spectaculaire d’une ampleur considérable comme une catastrophe aérienne entraînant de nombreuses victimes, il estime que les deux postes indemnitaires libellés en tant que préjudice par ricochet se confondraient avec le dommage moral ‘à proprement parler’ et devraient être indemnisés le cas échéant moyennant l’allocation d’un montant forfaitaire global.

Cette argumentation, si elle est correcte en elle-même, doit toutefois être considérée comme spécieuse, étant donnée que la demanderesse a bien réclamé l’allocation d’un montant global, à savoir la somme de 110.000.- euros, et que, en détaillant, montants à l’appui, les raisons à la base de sa demande globale en indemnisation du préjudice moral, loin de vouloir voir reconnaître différentes formes du dommage moral, n’a fait que fournir au tribunal des éléments d’appréciation pour l’évaluation du montant global à allouer. 

Maître Guy LOESCH a enfin exprimé l’avis qu’une condamnation solidaire ne se justifierait pas, la solidarité ne se présumant pas. Cet argument est erroné puisqu’il se heurte aux dispositions de l’article 50 du Code pénal, aux termes duquel tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts. Ils sont tenus solidairement des frais lorsqu’ils ont été condamnés par un même jugement ou arrêt.

La demande est recevable en la forme et justifiée en principe.

En considération de ce qui précède, le tribunal évalue ex aequo et bono le montant devant revenir à la demanderesse Pciv4 du chef de réparation de son préjudice moral souffert à la somme de TRENTE MILLE euros (30.000.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice et évalue à la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) le montant lui revenant à titre de réparation du préjudice matériel.

Il y a en conséquence lieu de condamner solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer Pciv4 du chef des causes sus-énoncées la somme de TRENTE MILLE euros (30.000.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice jusqu’à solde, ainsi que la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde, ainsi qu’au paiement des frais de la demande civile.

c) A l’audience du tribunal du 18.10.2011, Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension (C.N.A.P.), établie à Luxembourg, 1A, Boulevard Prince, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6, et a demandé la condamnation solidaire sinon in solidum des défendeurs au civil à payer à la Caisse Nationale d’Assurance Pension le montant total de 201.847,66.- euros à titre de pension de survie veuf de Monsieur AAF et à titre de pension d’orphelin de JDRF, le tout sur base de l’article 232 C.A.S.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.

Maître Guy LOESCH conclut en premier lieu que la demande serait à toiser d’après la loi nationale, la Convention de Varsovie ne s’appliquant pas puisque feu MDRP, en tant qu’hôtesse de l’air, ne saurait être considérée comme passagère Ensuite il conclut à l’irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles 115 et 232 C.A.S.

La demande de la C.N.A.P. est fondée sur l’article 232 C.A.S:

«Si celui qui compète une pension en vertu du présent livre possède contre des tiers un droit légal à la réparation du dommage résultant pour lui de l’invalidité ou du décès fondant son droit à la pension, le droit à la réparation des dommages de la même espèce que ceux couverts par la pension passe à la caisse de pension jusqu’à concurrence de ses prestations».

Il est de jurisprudence constante que les droits de la victime passent à l’organisme de sécurité sociale en vertu d’une cession légale qui s’opère dès le moment de la naissance du dommage et d’ailleurs indépendamment de toutes prestations de la part de cet organisme. (Ravarani: La responsabilité civile des personnes privées et publiques, n° 1206 et ss.) Tous les recours des différents organismes de sécurité sociale ont la même nature juridique, malgré l’utilisation d’une terminologie différente. L’effet de la cession légale est que les droits auxquels la caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci.

Nonobstant la transmission immédiate de ces droits à la Caisse dès le moment de la réalisation du dommage, ce sont toujours les droits de la victime qui sont transmis, et la Caisse de sécurité sociale, si elle a un droit propre à l’action, ne fait qu’exercer les droits originaires qui sont nés dans le chef de la victime contre l’auteur du dommage. Il faut dès lors, pour que la Caisse puisse exercer son recours, que la victime elle-même ait disposé d’un droit de recours contre le responsable du dommage. Il ne peut y avoir de cession de droits que le cédant n’avait pas à l’origine.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.

Or, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»

Il y a lieu de préciser que pour la victime, pour laquelle le recours contre son employeur pour agir judiciairement en réparation de son dommage était exclu en vertu de l’article 115 C.A.S., le dommage est né dans le cadre d’un travail connexe étant donné que les défendeurs, auteurs du dommage, travaillaient dans la même entreprise que la victime, de sorte que cette dernière ne pouvait pas davantage, en vertu de la même disposition légale, exercer un recours contre ceux-ci, à moins de pouvoir se prévaloir de l’une des exceptions à ce principe prévues par l’article C.A.S. De toute évidence, la première exception, à savoir l’existence d’un jugement pénal contre les défendeurs qui les auraient reconnus coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident, n’est pas donné en l’espèce.

Il se pose la question si le cas échéant, il n’y avait pas lieu d’appliquer l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. qui est de la teneur suivante :

«2. Les conducteurs ou propriétaires de véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que leurs assureurs ou cautions sont responsables, sans les restrictions qui précèdent, toutes les fois qu’il s’agit d’un accident de trajet ou que le conducteur ou le propriétaire du véhicule n’ont pas la qualité d’employeur de la victime de l’accident.»

Force est de constater que l’avion à bord duquel le dommage s’est réalisé, ne tombe pas dans la catégorie des véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques.

La C.N.A.P. a dans ses conclusions brièvement envisagé la possibilité d’assimiler l’avion aux véhicules terrestres sous ce rapport, mais, l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. constituant une exception au principe de l’exclusion du recours de la victime contre l’employeur et, en cas de travail connexe, contre les autres membres de l’association d’assurance contre les accidents, leurs représentants, employés ou ouvriers édicté par la disposition légale précitée, celle-ci, en l’absence d’une disposition légale spécifique, est à interpréter restrictivement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exception au principe par assimilation d’une catégorie de véhicules non visés par la loi.

Il y a encore lieu de relever que l’époux et le fils mineur de la victime sont pareillement exclus d’un recours contre les auteurs du dommage.

En effet, il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167)

En conséquence, tant Monsieur AAF, époux de feu PMDR que le fils mineur commun JDRF doivent être considérés comme ayants droit de la victime.

Etant constant en cause qu’ils ont tous les deux bénéficié de prestations de la part de la C.N.A.P., il paraît évident qu’ils n’appartiennent pas à la catégorie de personnes auxquelles la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt du 28.05.2004, déclarant contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation, ouvert le droit au recours suivant le droit commun.

Il se déduit de ce qui précède que ni la victime ni ses ayants droit n’ayant pu exercer un droit à réparation du préjudice subi, aucun droit n’a pu faire l’objet de la cession légale nécessaire pour ouvrir à la C.N.A.P. la voie du recours contre les auteurs du dommage.

En conséquence, la demande de la C.N.A.P. doit être déclarée irrecevable.

d) A l’audience du tribunal du 18.10.2011, Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension, établie à Luxembourg, 1A, Boulevard Prince, contre les prévenus P2, P4, P3, P5, P7 et P6 et a demandé la condamnation solidaire sinon in solidum des défendeurs au civil à payer à la Caisse Nationale d’Assurance Pension le montant total de 27.517,86.- euros à titre de pension d’invalidité temporaire versée à P1 sur base de l’article 232 C.A.S.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux. Maître Guy LOESCH conclut en premier lieu que la demande serait à toiser d’après la loi nationale, la Convention de Varsovie ne s’appliquant pas puisque P1, en tant que pilote de l’avion accidenté, ne saurait être considérée comme passager.

Ensuite il conclut à l’irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles 115 et 232 C.A.S.

La demande de la C.N.A.P. est fondée sur l’article 232 C.A.S:

«Si celui qui compète une pension en vertu du présent livre possède contre des tiers un droit légal à la réparation du dommage résultant pour lui de l’invalidité ou du décès fondant son droit à la pension, le droit à la réparation des dommages de la même espèce que ceux couverts par la pension passe à la caisse de pension jusqu’à concurrence de ses prestations».

Il est de jurisprudence constante que les droits de la victime passent à l’organisme de sécurité sociale en vertu d’une cession légale qui s’opère dès le moment de la naissance du dommage et d’ailleurs indépendamment de toutes prestations de la part de cet organisme. (Ravarani: La responsabilité civile des personnes privées et publiques, n° 1206 et ss.) Tous les recours des différents organismes de sécurité sociale ont la même nature juridique, malgré l’utilisation d’une terminologie différente. L’effet de la cession légale est que les droits auxquels la caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci.

Nonobstant la transmission immédiate de ces droits à la Caisse dès le moment de la réalisation du dommage, ce sont toujours les droits de la victime qui sont transmis, et la Caisse de sécurité sociale, si elle a un droit propre à l’action, ne fait qu’exercer les droits originaires qui sont nés dans le chef de la victime contre l’auteur du dommage. Il faut dès lors, pour que la Caisse puisse exercer son recours, que la victime elle-même ait disposé d’un droit de recours contre le responsable du dommage. Il ne peut y avoir de cession de droits que le cédant n’avait pas à l’origine.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 21.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime P1a été reconnu comme accident du travail. Or, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»

Il y a lieu de préciser que pour la victime, pour laquelle le recours contre son employeur pour agir judiciairement en réparation de son dommage était exclu en vertu de l’article 115 C.A.S., le dommage est né dans le cadre d’un travail connexe étant donné que les défendeurs, auteurs du dommage, travaillaient dans la même entreprise que la victime, de sorte que cette dernièrene pouvait pas davantage, en vertu de la même disposition légale, exercer un recours contre ceux-ci, à moins de pouvoir se prévaloir de l’une des exceptions à ce principe prévues par l’article 115 C.A.S.

De toute évidence, la première exception, à savoir l’existence d’un jugement pénal contre les défendeurs qui les auraient reconnus coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident, n’est pas donné en l’espèce.

Il se pose la question si le cas échéant, il n’y avait pas lieu d’appliquer l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. qui est de la teneur suivante :

«2. Les conducteurs ou propriétaires de véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que leurs assureurs ou cautions sont responsables, sans les restrictions qui précèdent, toutes les fois qu’il s’agit d’un accident de trajet ou que le conducteur ou le propriétaire du véhicule n’ont pas la qualité d’employeur de la victime de l’accident.»

Force est de constater que l’avion à bord duquel le dommage s’est réalisé, ne tombe pas dans la catégorie des véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques.

La C.N.A.P. a dans ses conclusions brièvement envisagé la possibilité d’assimiler l’avion aux véhicules terrestres sous ce rapport, mais, l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. constituant une exception au principe de l’exclusion du recours de la victime contre l’employeur et, en cas de travail connexe, contre les autres membres de l’association d’assurance contre les accidents, leurs représentants, employés ou ouvriers édicté par la disposition légale précitée, celle-ci, en l’absence d’une disposition légale spécifique, est à interpréter restrictivement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exception au principe par assimilation d’une catégorie de véhicules non visés par la loi.

Il appert de la décision de la C.N.A.P. du 14.07.2005, versée aux débats, que P1 avait bénéficié non seulement d’une rente d’accident payée pour la première fois le 08.04.2003, mais encore d’une rente temporaire d’invalidité lui servie entre le 06.05.2003 et le 31.07.2005.

Etant ainsi constant en cause que P1a bénéficié de prestations de la part tant de la A.A.A. que de la C.N.A.P., il paraît évident qu’il n’appartient pas à la catégorie de personnes auxquelles la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt du 28.05.2004, déclarant contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les personnes assurées victimes d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation, ouvert le droit au recours suivant le droit commun.

Il se déduit de ce qui précède que la victime n’ayant pu exercer un droit à réparation du préjudice subi, aucun droit n’a pu faire l’objet de la cession légale nécessaire pour ouvrir à la C.N.A.P. la voie du recours contre les auteurs du dommage. En conséquence, la demande de la C.N.A.P. doit être déclarée irrecevable.

e) A l’audience du tribunal du 12.10.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom 1) du sieur Pciv5, 2) de la dame Pciv6, les deux demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 Il y a lieu de lui en donner acte.

Quant à la partie civile du sieur Pciv5:

Le demandeur a fait exposer qu’il était le père de MK, né le … décédé le 06.11.2002, et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- À titre de réparation du préjudice matériel la somme de 2.796.- euros;

- A titre de réparation du dommage moral pour perte d’un être cher la somme de 65.000.- euros, pour pretium doloris (actio ex haerede) la somme de 7.500.- euros pour dommage moral résultant des souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude de l’accident au jour de la mise en jugement, la somme de 15.000.- euros, soit la somme totale de 90.296.- euros, ces sommes avec les intérêts légaux du jour de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Quant à la partie civile de la dame Pciv6:

La demanderesse a fait exposer qu’elle était la mère de MK, né le … , décédé le 06.11.2002, et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- À titre de réparation du préjudice matériel la somme de 2.796.- euros;

- A titre de réparation du dommage moral pour perte d’un être cher la somme de 65.000.- euros, pour pretium doloris (actio ex haerede) la somme de 7.500.- euros pour dommage moral résultant des souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude de l’accident au jour de la mise en jugement, la somme de 15.000.- euros, soit la somme totale de 90.296.- euros, ces sommes avec les intérêts légaux du jour de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

f) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv9, demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Elle a fait exposer qu’elle était la mère de UP, né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- A titre de préjudice matériel (frais de séjour) la somme de 3.000.- euros,

- A titre de réparation de dommage moral pour perte d’un être cher 65.000.- euros,

- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce jour la somme de 15.000.- euros.

- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

g) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv10, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Il a fait exposer qu’il était le frère de UP , né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 25.000.- euros, et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce jour la somme de 15.000.- euros.

- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

h) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv11, demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Elle a fait exposer qu’elle était l’épouse de GB, né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 8.648.- euros,

- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 80.000.- euros,

- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce

jour la somme de 15.000.- euros.

- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

i) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv12, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Il a fait exposer qu’il était le fils de GB, né le …, décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 2.902.- euros,

- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 50.000.- euros,

- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce

jour la somme de 15.000.- euros.

- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

j) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv13, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Il a fait exposer qu’il était le fils de GB, né le …, décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:

- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 3.908.- euros,

- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 50.000.- euros,

- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce

jour la somme de 15.000.- euros.

- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.

k) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a déclaré par acte de conclusion déposé à l’audience que la dame TK préqualifiée, et le sieur AK, fils de feu Pciv5 reprenaient en leur qualité d’héritiers de Pciv5, décédé le 11.11.2011, volontairement et en leur nom et pour leur compte la constitution de partie civile formée à l’encontre des prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de leur en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

l) A l’audience du tribunal du 02.12.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a déclaré par acte de conclusion déposé à l’audience que la dame KS, demeurant à … , veuve de MK préqualifié, agissant en qualité de représentante et administratrice légale de la personne et des biens de leur fille commune mineure EK, née le ..., reprend ès-qualité volontairement et au nom et pour le compte de la fille mineure EK et à proportion de la part lui revenant, la constitution de partie civile formée par le sieur Pciv5 le 12.10.2011 à l’encontre des prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6

Il y a lieu de lui en donner acte.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

m) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître Pol URBANY, avocat, demeurant à Diekirch, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv1, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

n) A l’audience du tribunal du 01.12.2011, Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître Pol URBANY, avocat, demeurant à Diekirch, a modifié sa constitution de partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv1, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.

Il y a lieu de lui en donner acte.

Au dernier état de ses conclusions, le demandeur au civil Pciv1 demande la condamnation des défendeurs au civil au paiement des sommes suivantes à titre de réparation du dommage moral: la somme de 7.500,- euros pour incertitude sur l’état de son fils dans les heures après la nouvelle de l’accident, la somme de 25.000,- euros, pour ennuis, tracasseries et énervements dans le cadre de la liquidation des affaires de son fils, la somme de 25.000,- euros pour ennuis, tracasseries et énervements lors de la procédure d’investigation, de la procédure d’instruction et judiciaire et de la sollicitation médiatique, la somme de 50.000,- euros pour perte d’un être cher, et la somme de 20.000,- euros pour dépression, états d’anxiété syndrome de stress post-traumatique, soit 127.500,- euros, cette somme avec les intérêts légaux à partir du jour des faits, 06.11.2002 jusqu’à solde. En outre, le demandeur demande la condamnation des défendeurs au civil au paiement d’une indemnité de procédure de 50.000,- euros sur base de l’article 194, al.3.

Le demandeur entend encore exercer l’actio ex haerede pour les moments d’extrême angoisse soufferts par son fils avant l’écrasement au sol de l’avion et évalue sa part héréditaire lui revenant de ce chef à 1.500,- euros.

Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

A l’audience du tribunal, Me Guy LOESCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg a déclaré avoir été mandaté par les défendeurs au civil P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 pour assumer leur défense au civil.

Il a soulevé en ordre principal l’incompétence ratione materiae du tribunal pour connaître des demandes civiles des parties Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité au motif que les dispositions de la convention internationale de Varsovie du 12.10.1929 s’opposeraient à la compétence du tribunal correctionnel en matière civile.

Le moyen invoqué concernant de façon égale toutes les parties civiles constituées par des ayants cause respectivement des ayants droit de passagers victimes de l’accident en cause, et la compétence de la juridiction appelée à statuer étant une question d’ordre public, il y a lieu d’analyser d’abord le moyen invoqué et d’en déterminer les mérites avant de discuter le cas échéant les mérites et fondements des demandes civiles Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité.

Quant à la compétence ratione materiae:

Le tribunal correctionnel se trouve saisi des faits reprochés à P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 à la suite de l’action publique intentée contre les mêmes prévenus. Les demandes civiles tendant à la réparation du préjudice souffert par les demandeurs au civil énumérés ci-avant sont toutes dirigées’ accessoirement à l’action pénale, contre les mêmes prévenus, défendeurs au civil, sur base de leur responsabilité délictuelle dans la genèse du dommage.

Il a déjà été retenu ci-avant que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître des demandes en ce qu’elles sont dirigées contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.

Le déclinatoire de compétence invoqué par Me Guy LOESCH au nom de ses mandants ne concerne donc que les demandes formulées à l’égard des défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6.

Il est constant en cause que, si le dommage s’est produit lors de l’écrasement au sol de l’avion Fokker F50 immatriculé LX-LGB exploité par la compagnie aérienne LUXAIR, et que tous les demandeurs au civil sont des ayants cause respectivement des ayants droit des passagers, victimes de cet accident, il est tout aussi constant en cause que cet accident s’est déroulé à la fin d’un transport aérien commercial et international de passagers puisque le vol a pris son origine à Berlin et que sa destination était l’aéroport de Luxembourg.

Il est encore constant en cause que tous les défendeurs au civil étaient à l’époque des faits des employés, partant des préposés au service du transporteur aérien LUXAIR.

La Convention internationale pour l’unification de certaines règles relatives au Transport aérien international, signée à Varsovie le 12.10.1929, amendée par le protocole portant modification de cette convention et signé à La Haye le 28.09.1955, est entrée en vigueur au Luxembourg par la loi du 25.07.1949, le protocole de La Haye ayant été approuvé au Luxembourg par la loi du 21.12.1956.

La convention s’applique à tout transport international de personnes, de bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Il ne fait aucun doute que le vol de l’avion le 06.11.2002 tombait dans le champ d’application de la convention qui pour objet de déterminer le cadre, les conditions d’application, les limites et les exclusions de la responsabilité du transporteur aérien, ainsi que les voies, moyens, délais et possibilités de recours d’une action en responsabilité contre le transporteur aérien.

Certaines dispositions de la convention réfèrent à une relation contractuelle, certaines même d’une façon expresse. Le texte de l’article 24, «toute action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions et limites prévues par la présente convention» indique cependant que les rédacteurs n’ont pas voulu exclusivement limiter la portée de la convention à la seule sphère contractuelle.

Il peut arriver, spécialement dans le cas de l’article 17 de la convention, qu’une partie ne puisse se fonder que sur une base quasi-délictuelle. Il a cependant été jugé que «la responsabilité du transporteur aérien ne peut être jugée que dans les conditions et limites de la convention, peu importe les personnes pour qui les demandes sont introduites et peu importe la qualité et l’intérêt sur lesquels elles prétendent se fonder, même si leurs actions ont un fondement délictuel.» (Cass.fr. 02.07.1981, R.F.D.A. 1982, 86) Si, en cas de décès du voyageur, ses ayants cause ou ayants droit, cherchant à s’écarter de la convention en dépit de l’article 24, entendent fonder leur action sur la violation d’un droit propre, il y a lieu de rappeler que la convention a établi un régime de responsabilité propre qui excluait toute action ayant un autre fondement. (Appel Paris, 25.02.1954, R.F.D.A., 1954,

45)

Cette solution semble également prévaloir en RFA. (Bundesgerichtshof, 02.04.1974, R.F.D.A., 1975, 405) Si en cas de poursuites pénales contre le transporteur aérien, la demande est présentée sous forme d’une action devant les juridictions répressives au moyen d’une constitution de partie civile, la jurisprudence en France est venue à la conclusion uniforme, après quelques hésitations que la constitution de partie civile se situe en dehors du champ d’application de la convention et ne peut être régie que par ses propres règles dérogeant fondamentalement de celles établies par la convention de Varsovie pour l’action en responsabilité.

Ainsi il a été jugé que «la convention de Varsovie prohibe dans son article 24 toute action en responsabilité exercée à quelque titre que ce soit en dehors des limites fixées par elle. Si l’action d’une partie civile contre un transporteur aérien en raison uniquement de sa responsabilité pour les actes de ses employés ne peut être intentée conformément aux règles de la convention, il est exclu que la victime d’un accident d’avion s’adresse au juge pénal pour obtenir réparation du transporteur des dommages lui causés par l’accident.»(Cass.fr. 03.12.1969).

Il y a lieu de se demander si la personne s’estimant lésée dans ses droits peut contourner les conditions et limites posées à son action contre le transporteur en actionnant les préposés de ce dernier devant une juridiction répressive, accessoirement à l’action publique exercée contre ce préposé. La réponse doit être négative suivant la jurisprudence française, qui a décidé que «l’action tendant à la mise en cause de la responsabilité civile du pilote et du club d’aviation civilement responsable de ce pilote, ne peut être portée devant les juridictions pénales.»(Cass.fr. 10.05.1977, R.F.D.A., 1977, 279)

Une décision encore plus incisive a déterminé que «le juge pénal n’est pas compétent pour connaître d’une constitution de partie civile contre le pilote, ni pour juger si la faute du défendeur présente un caractère inexcusable.»(Appel Chambéry, 28.03.1974, R.F.D.A., 1974m 289)

Et encore:«l’article 24 interdit toute action en responsabilité contre le transporteur pour quelque raison que ce soit en dehors des conditions et limites de la convention, de sorte qu’il est exclu pour les victimes d’un accident d’avion d’introduire une action devant les juridictions pénales en réparation des dommages qu’ils ont subi. Cela n’est dès lors d’aucun sens pour les victimes d’attendre les résultats d’une enquête pénale. Ils doivent au contraire introduire devant les tribunaux compétents et endéans un délai de deux ans à compter de la date où l’avion aurait atteindre sa destination, une action en responsabilité.»(Appel Paris 05.02.1979, R.F.D.A., 1979, 202)

Finalement, il a été décidé qu’aucun tribunal répressif ne peut statuer sur l’action en responsabilité civile dirigée contre le pilote ou la compagnie (cf. Cass.crim.09.01.1975, RFD aérien, 1975, 181; et encore Cass.crim. 17.05.1976, 10.05.1977 JCP. 1978, 18805)

Les conditions et limites établies par la convention sont aussi applicables aux tribunaux nationaux et ce en raison de la primauté classiquement attribuée par les constitutions des pays européens, dont le Luxembourg, aux traités internationaux par rapport à la loi nationale.

Il est établi en jurisprudence que les rédacteurs de la convention n’ont pas voulu que les héritiers et ayants droit du voyageur puissent faire valoir contre le transporteur plus de droits que le voyageur lui-même. Il est dès lors indifférent que le fondement de l’action soit contractuel ou quasi-délictuel puisque dans chaque cas les règles de la convention restent applicables.

La responsabilité du transporteur étant dès lors clairement réglée par les dispositions de la convention à l’exclusion d’un recours selon le droit commun devant les juridictions répressives, il ne se pose plus la question de la responsabilité des préposés du transporteur aérien. En effet, il n’est pas exclu que des victimes ou ayants droit de victimes essaient de contourner les règles strictes établies par la convention en essayant d’actionner les préposés du transporteur aérien par une plainte au pénal avec constitution de partie civile. D’après la jurisprudence citée, (Cassation criminelle, et Cour d’appel Chambéry) s’il est possible de mettre en mouvement l’action publique par une constitution de partie civile devant le juge d’instruction, il est cependant exclu d’agir en responsabilité civile contre un préposé comme le pilote devant la juridiction répressive qui est incompétente ratione materiae.

Un argument de texte vient étayer cette position de principe, en ce que l’article 25A, introduit dans la convention par le protocole de La Haye mentionné ci-avant calque la responsabilité du préposé sur celle du transporteur, pourvu qu’il ait agi dans l’exercice de ses fonctions, de même que les condamnations civiles encourues par le préposé dans ce cas ne peuvent excéder les limites prévues par la convention, créant ainsi une sorte d’indissolubilité entre les deux responsabilités imposant de les soumettre aux mêmes règles de compétence.

Il semble d’ailleurs que le même principe de l’application de la convention de Varsovie au transporteur aérien et à son préposé soit appliqué également en RFA et aux Etats Unis (D.C. Court of Appeals, 488a 2d 1341/19 Avi 17, 847) comme le relève un commentaire de la convention de Varsovie publié au tome 3 Frankfurter Kommentar zum Luftverkehrsrecht où il est dit que l’article 25a se borne certes à mentionner expressément les limites de la responsabilité en cas d’action contre les préposés du transporteur. Il faut néanmoins admettre que toutes les conditions et limitations de la convention devraient également s’appliquer en cas d’action contre les préposés. Toute autre solution aboutirait à permettre au plaignant de contourner les dispositions de la convention de Varsovie en dirigeant son action contre les préposés du transporteur.

Art.25 (mod. Prot.4): «Dans le transport de passagers et de bagages, les limites de responsabilité prévues à l’article 22 ne s’appliquent pas s’il est prouvé que le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur ou de ses préposés fait, soit avec l’intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résultera probablement, pour autant que, dans le cas d’un acte ou d’une omission de préposés, la preuve soit également apportée que ceux-ci ont agi dans l’exercice de leurs fonctions.»

Art.25A:

1) «Si une action est intentée contre un préposé du transporteur à la suite d’un dommage visé par la présente Convention, ce préposé, s’il prouve qu’il a agi dans l’exercice de ses fonctions, pourra se prévaloir des limites de responsabilité que peut invoquer ce transporteur en vertu de l’article 22.

2) Le montant total de la réparation qui, dans ce cas, peut être obtenu du transporteur et de ses préposés ne doit pas dépasser lesdites limites.»

Par application des solutions jurisprudentielles dégagées notamment en France, il apparaît non seulement que la convention de Varsovie doit exclusivement s’appliquer à la présente espèce mais encore que le tribunal doit se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître des demandes civiles introduites par les héritiers et ayants droit contre les défendeurs au civil, employés et partant préposés du transporteur aérien au sens de la loi.

 

P A R C E S M O T I F S :

le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière correctionnelle dans la composition KLEIN, CONTER, METZLER, WERCOLLIER en application des articles 24 et 39 de la loi modifiée du 07.03.1980 sur l’Organisation Judiciaire, tels que modifiés par la loi du 03.08.2011, statuant contradictoirement,  les

prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 et leurs défenseurs et les parties civiles Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité et la Caisse Nationale d’Assurance Pension par l’organe de leurs mandataires respectifs entendus en leurs conclusions, le représentant du Ministère Public entendu en ses réquisitions,

 

AU PENAL:

D é c l a r e non-fondé le moyen d’irrecevabilité de l’action publique tiré de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;

D é c l a r e non fondé le moyen du délai non raisonnable invoqué sur base de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;

D i t qu’une décision sur la question préjudicielle soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement et que la question de la constitutionalité de l’article 194 du Code d’instruction criminelle est dénuée de tout fondement;

R e j e t t e en conséquence la demande de la défense des prévenus comme non fondée.

Quant au prévenu P2:

A c q u i t t e le prévenu P2 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;

L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.

Quant au prévenu P4:

A c q u i t t e le prévenu P4 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;

L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.

Quant au prévenu P3:

D é c l a r e non-fondé le moyen d’irrecevabilité de l’action publique tiré de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;

A c q u i t t e le prévenu P3 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;

L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.

Quant au prévenu P1:

C o n d a m n e le prévenu P1du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que des infractions aux articles 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de quarante-deux (42) mois et à une amende de QUATRE MILLE (4.000.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;

D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;

F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à quatre-vingt (80) jours.

Quant au prévenu P5:

A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;

C o n d a m n e le prévenu P5 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de dix-huit (18)  mois et à une amende de DEUX MILLE (2.000.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;

D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;

F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à quarante (40) jours.

Quant au prévenu P7:

A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;

C o n d a m n e le prévenu P7 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre (24) mois et à une amende de DEUX MILLE CINQ CENTS (2.500.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;

D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;

F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à cinquante (50) jours.

Quant au prévenu P6:

A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;

C o n d a m n e le prévenu P6 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre (24) mois et à une amende de DEUX MILLE CINQ CENTS (2.500.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;

D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;

F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à cinquante (50) jours.

C o n d a m n e les prévenus P1, P5, P7 et P6 solidairement aux frais de leur poursuite pénale pour les faits commis ensemble, ces frais liquidés à 183.648,28.- euros.

 

AU CIVIL:

1. Quant à la demande de la dame Pciv2:

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux,

S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;

R e ç o i t la demande en la forme;

D i t que la demanderesse s’est trouvée remplie dans tous ses droits;

Partant r e j e t t e comme non fondée la demande en réparation du préjudice moral;

R e j e t t e comme non fondée la demande en réparation du préjudice matériel;

R e j e t t e comme non fondée sur base de l’article 194 al. 3 du Code d’instruction criminelle la demande en remboursement des frais exposés;

L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.

2. Quant à la demande du sieur Pciv3:

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;

R e ç o i t la demande en la forme;

La d é c l a r e justifiée et fondée ex aequo et bono à la somme de QUINZE MILLE (15.000.-) euros du chef de réparation du dommage moral et de la somme de CINQ MILLE (5.000.-) euros à titre de réparation du dommage matériel;

C o n d a m n e partant solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv3 du chef des causes sus-énoncées la somme totale de VINGT MILLE (20.000.-) euros avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice, (10.10.2011) jusqu’à solde;

C o n d a m n e les défendeurs aux frais de cette demande civile.

3. Quant à la demande de la dame Pciv4:

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;

R e ç o i t la demande en la forme;

La d é c l a r e justifiée et fondée ex aequo et bono à la somme de VINGT-CINQ MILLE (25.000.-) euros du chef de réparation du dommage moral et à la somme de CINQ MILLE (5.000.-) euros à titre de réparation du dommage matériel;

C o n d a m n e partant solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv4 du chef des causes sus-énoncées la somme totale de TRENTE MILLE (30.000.-) euros avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde;

C o n d a m n e les défendeurs aux frais de cette demande civile.

4. Quant à la demande de la C.N.A.P. du chef de pension de survie/rente d’orphelin:

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;

D é c l a r e la demande irrecevable et la rejette;

L a i s s e les frais de la demande à charge de la demanderesse.

5. Quant à la demande de la C.N.A.P. du chef de pension d’invalidité temporaire:

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P5, P7 et P6;

D é c l a r e la demande irrecevable et la rejette;

L a i s s e les frais de la demande à charge de la demanderesse.

6. Quant à la demande civile de la dame Pciv6 agissant en nom personnel:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.

7. Quant à la demande civile du sieur Pciv5:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

D o n n e acte aux demandeurs Pciv6 et AK en leur qualité d’héritiers de Pciv5 de leur acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5;

D o n n e acte à la demanderesse KS, veuve de MK, agissant en qualité de représentante de leur fille E. K. de son acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.

8. Quant à la demande civile de la dame Pciv9:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.

9. Quant à la demande civile du sieur Pciv10:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.

10. Quant à la demande civile de la dame Pciv11:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.

11. Quant à la demande civile du sieur Pciv12:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.

12. Quant à la demande civile du sieur Pciv13:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.

13. Quant à la demande civile du sieur Pciv1:

R e ç o i t la demande en la pure forme;

S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;

Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;

L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.

Par application des articles 3, 154, 179, 182, 184, 185, 189, 190, 190-1, 191, 194, 195 et 626 du Code d'Instruction Criminelle; 27, 28, 29, 30, 50, 65, 66, 418, 419, 420 du Code pénal; 24, 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948; 1, 17, 24, 25 et 25A (mod. par le protocole de La Haye) de la Convention de Varsovie; qui furent désignés à l'audience par Monsieur le premier vice-président.

Ainsi fait et jugé par Prosper KLEIN, premier vice-président, Sylvie CONTER, viceprésidente, et Claude METZLER, juge, prononcé en audience publique au Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, Cité Judiciaire, Plateau du Saint Esprit, par Monsieur le premier vice-président, en présence de Robert WELTER, substitut principal du Procureur d'Etat, et de Christophe WAGENER, greffier assumé, qui, à l'exception du représentant du Ministère Public, ont signé le présent jugement.

Dernière mise à jour