Jugement dans l'affaire de déclarations dans la presse et le Consistoire israélite

En date du 17 juin 2010, le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle,  a rendu sa décision dans le dossier Prévenue . Cette décision est susceptible d'appel dans les 40 jours de son prononcé.

Jugement dans la cause du Ministère Public contre  

Prévenue

                                   - p r é v e n u e -

en présence du:            

Consistoire Israélite de Luxembourg

comparant par Maître Gaston STEIN, avocat, demeurant à Luxembourg, 

partie civile constituée contre la prévenue Prévenue

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F A I T S :

 

Par jugement par défaut du tribunal correctionnel du 26 mars 2010 les débats relatifs à la citation de Prévenue  furent fixés à l’audience publique du 17 mai 2010

A cette audience, le Madame le vice-président constata l'identité de la prévenue Prévenue  et lui donna connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal. 

Maître Fernand ENTRINGER invoqua la nullité de la citation pour libellé obscur. 

Monsieur le Procureur répliqua. 

La bande avec enregistrement fut entendue. 

Maître Gaston STEIN, avocat, demeurant à Luxembourg, se constitua partie civile au nom et pour compte du Consistoire Israélite du Luxembourg contre Prévenue , préqualifiée, défenderesse au civil. Il donna lecture des conclusions écrites qu'il déposa ensuite sur le bureau du tribunal et qui furent signées par le vice-président et par le greffier. 

Maître Fernand ENTRINGER prit position relative à la recevabilité de cette constitution de partie civile. 

Les témoins T1, T2  et T3 furent entendus en leurs déclarations orales, après avoir prêté le serment prévu à l'article 155 du Code d'instruction criminelle. 

La prévenue Prévenue fut entendue en ses explications et moyens de défense. 

Le représentant du Ministère Public, Monsieur Robert BIEVER, Procureur d'Etat, résuma l’affaire et conclut à la condamnation de la prévenue Prévenue .

Maître Fernand ENTRINGER, avocat, demeurant à Luxembourg, développa alors plus amplement les moyens de défense de Prévenue . 

Le tribunal prit l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique de ce jour, date à laquelle le prononcé avait été fixé, le  

 

J U G E M E N T   qui suit:

 

Revu le jugement du tribunal correctionnel du 26 mars 2010 ; 

Vu la partie civile déposée à l’audience du 17 mai 2010 par le Consistoire israélite de Luxembourg à l’encontre de la prévenue ; 

Il y a lieu de lui en donner acte. 

AU PENAL :

Par courrier adressé le 25 février 2010 au Procureur d’Etat le Consistoire israélite de Luxembourg a formé plainte à l’encontre de Prévenue  en raison de propos qualifiés d’antisémites publiés dans l’édition du PRESSE1 du 7 janvier 2010 et diffusés par PRESSE2 le 14 décembre 2009, ainsi que dans une nouvelle prise de position publiée dans le PRESSE1 du 20 janvier 2010. 

Dans sa plainte, le Consistoire estime que les faits répétés de Prévenue  recouvrent la qualification juridique d’incitation à la haine raciale ou religieuse à l’égard des Juifs en général sanctionnée par l’article 457-1 du code pénal, sinon de diffamation ou d’injure. 

Dans la citation à prévenu du 10 mars 2010, le Ministère Public reproche à Prévenue  les infractions d’incitation à la haine raciale à l’égard du Consistoire israélite de Luxembourg, sinon de la communauté juive et ou des membres de celle-ci, sinon d’avoir injurié le Consistoire, la communauté juive et ou ses membres par les propos tenus, respectivement écrits. 

La défense de Prévenue  soulève in limine litis la nullité de la citation pour libellé obscur. 

En effet, la citation ne serait ni exhaustive, ni précise quant aux faits, ne préciserait pas si les faits indiqués sous « entre autre » valent pour les deux préventions, ne citerait pas les textes de loi applicables aux faits, n’analyserait nullement la volonté de l’auteur des propos, dénaturerait les faits, serait muette sur l’élément moral, n’expliquerait nullement en quoi les propos tenus inciteraient à la haine raciale et ne départagerait pas les interventions orales et manuscrites quant à la prévention subsidiaire d’injure. 

Il y a lieu de lui en donner acte. 

Lors de son audition par le tribunal, Prévenue  déclare expressément renoncer au moyen de nullité soulevé par son mandataire en invoquant qu’elle ne souhaite en tout état de cause un jugement quant au fond. 

Comme le code d’instruction criminelle ne règle pas expressément le régime des nullités, il appartient au tribunal pour apprécier le sort à réserver au moyen de nullité invoqué par la défense de Prévenue  et auquel celle-ci a renoncé, de se référer au nouveau code de procédure civile. 

L’article 264 du nouveau code de procédure civile impose deux conditions à la recevabilité d’une demande en nullité d’un exploit, à savoir le fait de soulever le moyen in limine litis et la nécessité de justifier que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêt de celui qui invoque la nullité.

 A défaut d’observation de la  formalité relative à l’invocation du moyen in limine litis, respectivement de rapporter la preuve d’une atteinte aux intérêts de celui qui invoque la nullité, le moyen de nullité  est couvert. 

Le moyen de nullité pour libellé obscur ne constitue partant pas un moyen d’ordre public, mais un moyen qui dépend strictement de l’initiative de la partie qui l’invoque et de la possible spoliation des intérêts de celle-ci. 

Il en résulte que le demandeur en nullité est maître de son droit et peut librement y renoncer, sans que le tribunal ne reste tenu d’analyser le moyen antérieurement invoqué. 

En l’espèce, Prévenue  a renoncé expressément lors des débats à l’audience au moyen de nullité pour libellé obscur soulevé in limine litis par son mandataire. 

Il y a partant lieu de lui en donner acte. 

Les Faits :

En date du 14 décembre 2009, la station de PRESSE2 diffusa sur ses ondes vers 08.50 heures une « Carte Blanche » de Prévenue  relative à ses réflexions sur les agissements de l’Etat d’Israël à l’encontre des Palestiniens. 

Lors de cette carte blanche, Prévenue  a en particulier tenu les propos suivants, partiellement repris dans la citation du Ministère Public à savoir : 

« Spéitstens elo misst et jidderengem kloer sinn, datt d’israelesch Sionniste vun Ufank u wëlles haten, d’Palästinenser komplett aus Palestina ze verdreiwen oder, wann néideg, auszerotten, fir da ganz Palästina fir sech ze huelen.

60 Joer laang huet d’Welt nogekuckt, ageschüchtert duerch d’immens international Muecht vun de jüddesche Lobbyen a paralyséiert duerch d’Matleed- a Scholdgefiller vis-à-vis vun deene Millioune Judden, déi vun den Nazien ëmbruecht goufen. Mee d’Weltopinioun ass am Gaang ze changéieren. D’israelesch Aschüchterungspolitik duerch d’Shoa verléiert hiren Impakt…..

An d’Leit dobaussen froe sech, op et wierklech duergeet, d’Kanner vun den Nazi-Affer ze sinn, fir onbehellegt Verbrieche géint d’Mënschheet begoen ze kennen. A sou ass et och net verwonnerlech datt hei bei ons vill Leit sech froen, wéi ons jiddesch Matbierger zu all deem stinn.

D’Judde gehéieren bei ons zur wuelsituéierter Bourgeoisie a sinn als Nokomme vun de Shoa-Affer respektéiert Bierger.

Och nach elo ? Net esou secher.

Doduerch, datt se sech net vun der sionistesch-israelescher Politik distanzéieren a souguer verschiddener vun hinnen aktiv mat Israel kollaboréiereen, musse se sech gefallen loossen, als Komplize vun den israeleschen Verbrieche betruecht ze ginn an de Respekt deen se bis elo genoss hunn, grëndlech anzebéissen.

Wir et do net wierklech héchstens Zait, datt souwuel onsen israelitesche Consistoire wéi och d’Lëtzebuerger Judden individuell, an zemol Perséinlechkeeten –wéi zum Beispill déi Hären T1, T4, T5 a T2, an nach vill anerer – Israel ëffentlech erklären géifen, datt se seng mënscherechtswidrech Politik désavouéieren. Se géingen esou net nemmen sech mee och dem Juddentum e groussen Déngscht leeschten. Si géingen nämlech domat verhënneren hellefen, datt d’Juddentum an d’kriminell israelsch Politik an een Dëppe geheit ginn, wat onweigerlech den Antisemitismus vun deene provozéiert, déi op de geféierlechen Amalgam, « Judd = israelesche Sionist » erafalen.

Si géingen och op déi Manéier d’Taktik vun de Sioniste konteren, déi versichen den Antisemitismus ze schiiren, fir als Opfer dovun hir kriminell Aktivitéiten weiderféieren ze kënnen an net agesinn, datt se leschten Enn Affer vun dësem geféierlechen Spill gin.

D’Antisionisten sin keng Antisemiten, am Géigendeel. Vill dichtech antisionistesch Judden kämpfen géint d’kriminell israelesch Expansiounspolitik. Hinnen sollen eis letzebuerger Judden sech uschléissen wann se Israel hellefen wellen an als respektéiert Bierger vun eisem Land konsidéréierte wellen gin”

Comme PRESSE2  retira la carte blanche de Prévenue  de son site d’archives, celle-ci la fit publier en date du 7 janvier 2010 au PRESSE1  dans un article intitulé « Zur Konfrontation der Luxemburger Juden mit der illegalen zionistischen Expansionspolitik Israels » en indiquant 

« Darauf hat Herr T1 in der Nachrichtensendung von PRESSE2  extrem heftig reagiert und auf Intervention der jüdischen Lobby hin hat PRESSE2  meinen Text mitsamt den eingegangenen Kommentaren aus dem Audio-Archiv gelöscht. Meines Erachtens stellt dies nicht nur einen Beweis des Einflusses der Macht der Zionisten dar, sondern auch einen von PRESSE2 -Verantwortlichen ausgeübten Verstoss gegen die Meinungsfreiheit »

Finalement, dans une ultime lettre ouverte à Ben FAYOT publiée au PRESSE1  du 20 janvier 2010, Prévenue  indiqua 

«  Voilà le propos de ma carte blanche : mettre en garde nos juifs luxembourgeois contre ce stratagème savamment créé et orchestré par les sionistes. S’ils veulent échapper et empêcher d’en devenir les victimes, qu’ils clarifient leurs positions….

Je me vois encore obligée de vous contredire quand vous affirmez en défense des juifs luxembourgeois qu’ils « sont des citoyens luxembourgeois comme tout un chacun… qu’ils sont des femmes et des hommes comme nous tous »

Je ne crois pas que les juifs vous permettent de les amputer si allègrement de leur judéité. Rares sont ceux qui en revendiquent pas leur origine et leur appartenance à la culture juive. Ils se considèrent comme juifs de la diaspora, citoyens du pays dans lequel ils vivent, mais membres de la communauté juive mondiale. Cette double appartenance leur confère un statut spécial, en l’occurrence celui de citoyen luxembourgeois, mais d’origine et de culture juives.

 Cette solidarité qu’ils revendiquent et qu’on ne saurait leur dénier a cependant comme contrepartie d’engager leur coresponsabilité avec leurs frères israéliens à propos des activités de ceux-ci. Ce n’est donc pas « du simple fait d’être juif » qu’ils sont complices des sionistes israéliens, comme vous voulez me le faire dire, mais du fait de leur solidarité avec Israël, cette solidarité qu’il y a lieu de présumer faute par eux de la contester….

C’est leur silence que je critique. Jadis ils n’ont pas élevé leurs voix contre le nazisme qui pourtant les menaçait.…. »

A cette lettre ouverte, Prévenue  ajoute en post-scriptum la phrase : « Je tiens à relever le courage du PRESSE1  qui a permis de mener ce débat et de garantir ainsi le droit à la libre expression alors que certains autres journaux, d’accord sur ce principe, n’ont pas osé s’y associer de peur du risque de pertes matérielles. »

En date du 25 février 2010, le Consistoire Israélite de Luxembourg a formé plainte contre Prévenue  auprès du Procureur d’Etat. 

D’après le Consistoire la carte blanche de Prévenue , ainsi que la version écrite de celle-ci publiée au PRESSE1, contiennent des clichés les plus insupportables à l’égard des juifs en utilisant un style digne du national-socialisme allemand, en confondant juifs et sionistes et en faisant les juifs complices pour leur soutien à ces « criminels », en reprenant l’image du complot juif visant à la domination du monde (lobby juif), des arguments de l’antisémitisme économiques de certains milieux d’avant-guerre (le terme bourgeoisie faisant naître l’idée de l’argent des juifs) et celui de la culpabilisation des nations par les juifs en tant que victimes de la Shoah. 

Ces faits seraient constitutifs des infractions d’incitation à la haine raciale ou religieuse à l’égard des juifs, de diffamation ou d’injure. 

Entendu comme témoin à l’audience, T1 déclara qu’à l’écoute des paroles de Prévenue , des émotions fortes furent soulevées auprès de la communauté juive. En tant que personne nommément appelée par Prévenue  à devoir se positionner contre la politique d’Israël, il se serait senti mis au pilori. 

Lui et les autres membres de la communauté israélite auraient été choqués par l’affirmation que les juifs n’auraient pas « élevé leur voix contre le nazisme qui pourtant les menaçait ». Cette affirmation aurait été conçue par lui comme un affront envers ses aïeules.

De même, il se serait senti choqué par l’affirmation que la communauté juive risquerait de perdre leur respect si elle ne suit pas le chemin lui proposé par Prévenue . 

La prise de position de celle-ci aurait véhiculé des  clichés à l’instar de l’idée de la richesse du juif et de la puissance du lobby juif qui ne correspondraient nullement à la réalité. En effet, il y aurait des juifs pauvres et les juifs n’auraient en tant que communauté nullement la puissance leur alléguée.

 En aucun cas, il n’aurait perçu les termes de Prévenue  comme l’expression d’une volonté d’aider la communauté juive au Luxembourg pour qu’elle ne soit pas associée aux faits d’Israël. 

A l’instar T1, le témoin T2 a également déclaré ne pas avoir conçu les paroles de Prévenue  comme une aide envers la communauté juive. 

Lui-même aurait ressenti comme abominable d’être cité personnellement et d’être culpabilisé pour le cas où il ne suivrait pas l’appel à agir lui lancé par la prévenue. 

Le témoin T3 quant à lui a relaté que les dires de Prévenue  agissaient comme un procès en sorcellerie : on accuse un nombre de personnes en leur demandant des comptes, on est contraint de se justifier… 

Tout commercerait par des mots, on nommerait des personnes, on les stigmatiserait, ce procédé serait assez dangereux. En fait, les dires de Prévenue  transmettraient l’idée que les juifs ne sont pas des citoyens comme les autres. 

Dans sa déposition, Prévenue  déclare avoir trouvé nécessaire de réagir au jour anniversaire de la guerre de Gaza. De son avis, face à la détresse de la population de Gaza, elle estimerait que tout un chacun, mais spécialement la communauté juive, devrait réagir. 

Comme autour d’elle des gens faisaient l’amalgame entre la politique d’Israël et les juifs, elle aurait estimé qu’il serait approprié d’indiquer aux juifs le chemin à entreprendre pour qu’ils ne soient pas responsabilisés pour la politique d’Israël. 

Aussi, elle aurait souhaité provoquer un débat public sur le sujet. 

Comme elle saurait qu’T1, T4 et les frères T2 et T5 ont des contacts importants en Israël, elle les aurait nommé personnellement et voulu les inciter à se faire écouter par ces contacts. 

En Droit :

Quant à la compétence du tribunal correctionnel pour connaître de la procédure diligentée à l’encontre de Prévenue  :

D’après l’article 479 du code d’instruction criminelle, les délits commis par des magistrats en dehors de leurs fonctions sans poursuivis devant la Cour d’Appel. 

Comme l’article 479 du code pénal déroge au droit commun, il doit  être interprété restrictivement à savoir comme article instituant un privilège de juridiction pour les magistrats en fonction qui se verraient imputer la commission d’un délit en dehors de leurs fonctions. 

La mise à la retraite d’un magistrat fait cesser les fonctions de celui-ci. 

Aussi, du fait de la cessation des fonctions d’un magistrat avec sa mise à la retraite, l’article 479 du code pénal n’attribue pas de privilège de juridiction aux magistrats en retraite qui relèvent partant des règles de compétence de droit commun. 

En l’espèce, par arrêté grand-ducal du 11 décembre 1995, la mise à la retraite de Prévenue  fut prononcée au 27 décembre 1995. 

Aussi, depuis le 27 décembre 1995, Prévenue  ne bénéficie plus du privilège de juridiction. 

En l’espèce, les faits mis à charge de Prévenue  ont été commis après le 27 décembre 1995. 

Le tribunal correctionnel est partant compétent pour en connaître.

Quant à la recevabilité de la citation en tant qu’elle porte sur des faits commis par voie de presse:

D’après l’article 70 de la loi du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias, l’action publique lorsqu’elle résulte d’une infraction commise par la voie d’un média, se prescrit après trois mois à partir de la date de la première mise à la disposition du public. 

En l’espèce, la carte blanche de Prévenue  fut diffusée sur les ondes de PRESSE2  le 14 décembre 2009 et ses écrits litigieux furent publiés au PRESSE1 le 7 janvier 2010, respectivement le 20 janvier 2010. 

La citation à prévenue du 10 mars 2010 fut notifiée à Prévenue  le 11 mars 2010, soit avant l’expiration du délai de prescription de trois mois. 

Les faits ne furent partant pas prescrits au jour de la citation, si bien que celle-ci est à déclarer recevable sur ce point. 

Quant à la recevabilité de la citation en tant qu’elle à trait à la qualification subsidiaire de l’infraction mise à charge de la prévenue :

A titre subsidiaire, le Ministère Public met à charge de Prévenue  l’infraction d’injures envers le Consistoire, la communauté juive et ou ses membres par les propos tenus, respectivement écrits. 

L’infraction d’injure-délit , prévue par l’article 448 du code pénal, figure au chapitre V du Livre II du code pénal trait aux atteintes portées à l’honneur ou à la considération des personnes. 

D’après l’article 450, les délits prévus au dit chapitre, à l’exception de la dénonciation calomnieuse et des infractions à l’article 444(2), ne pourront être poursuivis s’ils sont commis envers des particuliers que sur la plainte de personne qui se prétendra offensée. 

En l’espèce, la citation du Ministère Public a trait à des injures envers le Consistoire Israélite, sinon la communauté juive et ou ses membres. 

La communauté juive ne dispose pas de la personnalité juridique. 

La prescription de l’article 450 du code pénal trait à l’irrecevabilité de la citation si elle n’est pas précédée d’une plainte de la victime ne peut partant s’appliquer en cas d’injure envers la communauté juive. 

Le Consistoire Israelite a formé plainte du fait qu’il se sentait injurié par les propos de Prévenue  par courrier adressé le 25 février 2010 au Procureur d’Etat. 

La citation du Ministère Public est partant recevable en tant qu’elle a trait à l’infraction d’injures envers le Consistoire Israelite. 

Comme aucun membre de la communauté juive au Luxembourg n’a personnellement formé plainte contre Prévenue  ; la citation est cependant irrecevable en tant qu’elle a trait à l’infraction d’injure envers des membres de la communauté juive. 

Quant à l’infraction d’incitation à la haine envers la communauté juive :

En ordre principal, le Ministère Public met à charge de Prévenue  l’infraction d’incitation à la haine envers la communauté juive au Luxembourg. 

Prévenue  soutient que les propos par elle tenus n’auraient nullement été destinés à inciter quiconque à haïr la communauté juive, mais n’auraient été que l’expression de son opinion et auraient tendu à une mise en garde bien intentionnée des personnes résidant au Luxembourg et de confession judaïque. 

Elle fait de même soulever que le sentiment véhiculé par ses propos ne saurait être qualifié de haine et qu’en aucun cas il pourrait lui être mis à charge la volonté de provoquer une telle haine. 

L’article 457-1 du code pénal sanctionne le fait d’inciter publiquement, dans des discours ou des écrits à la haine à l’égard d’une personne, physique ou morale, d’un groupe ou d’une communauté en se fondant sur un des éléments visés à l’article 454 du code pénal. 

Cet article, qui reprend partiellement le texte d’un article en vigueur antérieurement, reproduit la formulation de l’article 23 de la loi française modifiée du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, identité de formulation expressément voulu par les auteurs de la loi (travaux parlementaires n° 4071, session ordinaire 1994-1995, commentaire des articles, p.11) 

Hormis cette référence à la loi française, les rédacteurs des travaux parlementaires ne portent aucune attention spécifique à l’infraction pénale en question, les réflexions d’ordre général par eux tenus concernant essentiellement l’esprit de la loi et la sanction des comportements discriminatoires par l’article 455 nouveau. 

S’il est incontestable qu’en sanctionnant la tenue publique de paroles incitant à la haine ou à la violence, l’article 457-1 du code pénal entrave partiellement la liberté d’expression de l’auteur des paroles, cette entrave, qui  ne constitue qu’une responsabilisation de l’auteur de ces paroles et la volonté de garantir la liberté à la différence et l’existence sereine dans la différence, n’est cependant nullement injustifiée, ni disproportionnée. 

Pareille entrave dans la législation belge a connu l’aval de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt du 16 juillet 2009 (Féret c/ Belgique), dans la motivation duquel la Cour fait état de ce qu’au vu  des « atteintes aux personnes commises en injuriant, en ridiculisant ou en diffament certaines parties de la population »  il est justifié « que les autorités privilégient la lutte contre les discours racistes face à une liberté d’expression irresponsable et portant atteinte à la dignité … de ces parties, ou de ces groupes de la population » 

Les éléments constitutifs de l’infraction d’incitation à la haine  ou à la violence contre une personne, un groupe ou une communauté sont le fait de tenir des propos susceptibles d’inciter à la haine ou à la violence, que le fait de tenir ceux-ci publiquement, soit directement dans des lieux ou des réunions publiques, soit au moyen d’un support de l’écrit ou de la parole distribué ou d’un autre moyen de communication audiovisuelle, ainsi que la différence entre la personne et le groupe visé et d’autres groupes de la population. 

Si à l’instar de tout délit, l’infraction d'incitation à la haine requière un élément moral, elle est cependant exclusive de bonne foi. 

En effet, l’élément moral de l’infraction n’est pas établi par l’éventuelle mauvaise foi de l’auteur des propos incitant à la haine ou à la violence, mais par le fait de tenir des propos ayant cet effet, alors que cet effet aurait dû être entrevu par l’auteur. 

Si l’entendement amoindri d’un auteur éventuel, n’entrave pas l’établissement éventuel de cet élément moral dans son chef, cet entendement a cependant une incidence sur la gravité de l’infraction commise. 

A contrario, à l’instar d’une éventuelle mauvaise foi, les capacités intellectuelles et des connaissances avérées dans la matière ayant donné lieu aux propos tenus, ont une corrélation directe sur la gravité de l’infraction commise. 

S’il est suffisant, pour que l’infraction soit établie dans le chef d’un prévenu, à défaut d’incitation à la commission d’actes de violences, que les propos sont susceptible d’entrainer un sentiment de haine à l’encontre du groupe de personnes visé, il faut cependant que le sentiment ainsi véhiculé chez l’auditorat ou du moins une partie de celui-ci soit bien un sentiment de haine, à savoir un sentiment violent qui pousse à vouloir du mal ou une aversion profonde. 

La notion de haine a trait à un sentiment subjectif fort, non rationnel, incontrôlable pour celui qui le ressent et constitutif, d’un residuum innommable et immutable d’aversion à l’encontre du groupe de personnes concerné. 

Pour analyser si un tel sentiment peut être conçu dans l’esprit d’au moins une partie de l’auditorat, il y a lieu de tenir compte des spécificités du moyen véhiculaire utilisé pour propager ses paroles. 

En effet, un texte écrit, certes plus incisif que des paroles, constitue un ensemble d’un seul tenant, qui est lu en tant que tel et dont les phrases sont à considérer comme partie d’un ensemble. 

La parole propagée n’est cependant pas nécessairement captée en entier, mais peut être captée par bride par un auditeur inattentif sur l’ensemble de la pensée. 

Aussi, pour analyser une éventuelle propagation d’un sentiment de haine par une expression écrite, l’analyse peut et doit se faire par une prise en considération du texte dans son ensemble, alors que pour celle par une expression orale, l’analyse doit se faire par prise en considération des brides de parole tenues. 

En l’espèce, le tribunal constate que, pour ce qui est de la rédaction écrite de la carte blanche de Prévenue  dans l’édition du PRESSE1 du 7 janvier 2010, les propos par elle tenus sont, en tout état de cause, dilués par le contexte général dans lequel il sont tenus et le souhait expressément prononcé de mise en garde de la communauté juive de risques par elle courus. 

Aussi, indépendamment des propos particuliers, ceux-ci, de par leur insertion dans un écrit entendu comme un élément complet, ne provoquent nullement une aversion à l’encontre de la communauté israélite, le Consistoire ou un membre particulier de la communauté. 

L’infraction mise à charge de Prévenue  n’est partant nullement établie pour ce que celle-ci concerne la transcription de la carte blanche du 14 décembre 2009 dans son article dans l’édition du PRESSE1 du 7 janvier 2010. 

Pour ce qui est de la carte blanche du 14 décembre 2009, le tribunal doit relever qu’une écoute phrase par phrase et bride de phrase par bride de phrase de celle-ci peut incontestablement faire naître dans l’esprit de l’auditeur un sentiment négatif tant à l’encontre de la communauté israélite au Luxembourg, qu’à l’encontre du Consistoire, qu’à l’encontre des personnes nommément désignées dans la carte blanche. 

Si un auditeur avisé et connaisseur de l’histoire d’Israël, de la problématique à laquelle cet Etat est confronté depuis sa création, respectivement de la problématique du sort de la population arabe dans la partie du monde communément appelée Palestine, ne fait aucun cas des paroles tenues, il n’en demeure pas moins que les auditeurs de la Carte blanche n’ont pas nécessairement ces capacités d’entendement et de réflexion. 

Il appartient cependant au tribunal d’analyser si par les propos tenus par Prévenue , repris au corps de la citation du Ministère Public, analysés bride par bride, un auditeur non avisé est susceptible d’être incité à une aversion profonde envers le Consistoire israélite, a communauté juive au Luxembourg, et ou certains de ses membres. 

Force est de constater que si l’utilisation de termes à l’instar « aktiv mat Israel kollaboréieren » « Kompliz vun den israelesch Verbriecher » et « Respektz, deen se bis elo genoss hun, grëndlech anzebéissen » font certes naître un sentiment négatif à l’encontre de la communauté juive au Luxembourg et ou ses membres pris isolément, ce sentiment n’est cependant nullement constitutif d’une aversion profonde. 

En effet, si les termes utilisés véhiculent certes un sentiment négatif, ce sentiment ne remplit cependant pas la force de residuum innommable et immutable d’aversion et ne peut partant être qualifié de haineux. 

L’infraction mise à charge de Prévenue  n’est partant également pas établie pour ce que celle-ci concerne la carte blanche du 14 décembre 2009 dans son article dans l’édition du PRESSE1  du 7 janvier 2010. 

De même,  pour ce qui est de l’introduction de Prévenue  à son article du 7 janvier 2010, l’utilisation des termes « Intervention des jüdischen Lobby » et « Einfluss der Macht der Zionisten », qui ne sont nullement relativés par le contexte dans lequel ils sont écrits, véhiculent le même sentiment négatif sans que ce sentiment ne remplit la force du sentiment haineux. 

L’infraction mise à charge de Prévenue  n’est partant pas non plus établie pour ce que celle-ci concerne l’introduction à la transcription de la carte blanche du 14 décembre 2009 dans l’édition du PRESSE1  du 7 janvier 2010. 

Pour ce qui est des propos dans l’article de Prévenue  dans l’article au PRESSE1  du 20 janvier 2010, l’article même dans son contexte global et notamment les phrases « complices des sionistes israéliens » et «  Jadis, ils n’ont pas élevé leur voix contre le nazisme » véhiculent de même un sentiment négatif. 

Comme ce sentiment ne remplit, dans son degré d’aversion, cependant pas la profondeur requise pour être haineux, l’infraction d’incitation à la haine à l’encontre de la communauté juive n’est pas non plus établie à charge de Prévenue  pour les propos par elle tenus dans le cadre de cet article. 

De même, le post-scriptum ne véhicule aucun sentiment haineux à l’encontre du Consistoire israélite, de la communauté juive et ou ses membres. 

Il y a dès lors lieu d’acquitter Prévenue  de l’infraction : 

Principalement

D’avoir incité à la haine raciale à l’égard du Consistoire israélite de Luxembourg, sinon de la communauté juive et ou des membres de celle-ci, à raison de leur origine, les opinions philosophiques ou politiques, de leur appartenance, vraie ou supposée, à une race ou religion

Pour avoir déclaré entre autres,

Le 14 décembre 2009, vers 08.50 heures, sans préjudice quant à l’heure exacte, dans le cadre de l’émission « Carte blanche » sur les ondes de la radio PRESSE2 , programme en langue luxembourgeoise :

« Spéitstens elo misst et jidderengem kloer sinn, datt d’israelesch Sionniste vun Ufank u wëlles haten, d’Palästinenser komplett aus Palestina ze verdreiwen oder, wann néideg, auszerotten, fir da ganz Palästina fir sech ze huelen.

60 Joer laang huet d’Welt nogekuckt, ageschüchtert duerch d’immens international Muecht vun de jüddesche Lobbyen a paralyséiert duerch d’Matleed- a Scholdgefiller vis-à-vis vun deene Millioune Judden, déi vun den Nazien ëmbruecht goufen. Mee d’Weltopinioun ass am Gaang ze changéieren. D’israelesch Aschüchterungspolitik duerch d’Shoa verléiert hiren Impakt…..

An d’Leit dobaussen froe sech, op et wierklech duergeet, d’Kanner vun den Nazi-Affer ze sinn, fir onbehellegt Verbrieche géint d’Mënschheet begoen ze kennen….

D’Judde gehéieren bei ons zur wuelsituéierter Bourgeoisie a sinn als Nokomme vun de Shoa-Affer respektéiert Bierger.

Och nach elo ? Net esou secher.

Doduerch, datt se sech net vun der sionistesch-israelescher Politik distanzéieren a souguer verschiddener vun hinnen aktiv mat Israel kollaboréiereen, musse se sech gefallen loossen, als Komplize vun den israeleschen Verbrieche betruecht ze ginn an de Respekt deen se bis elo genoss hunn, grëndlech anzebéissen.

Wir et do net wierklech héchstens Zait, datt souwuel onsen israelitesche Consistoire wéi och d’Lëtzebuerger Judden individuell, an zemol Perséinlechkeeten –wéi zum Beispill déi Hären T1, T2, T5 a T2, an nach vill anerer – Israel ëffentlech erklären géifen, datt se seng mënscherechtswidrech Politik désavouéieren ».

Pour avoir fait publier les mêmes passages incriminés ci-avant dans un article publié au quotidien « PRESSE1  » du 7 janvier 20101 en y ajoutant en guise d’introduction :

« Darauf hat Herr T1 in der Nachrichtensendung von PRESSE2  extrem heftig reagiert und auf Intervention der jüdischen Lobby hin hat PRESSE2  meinen Text mitsamt den eingegangenen Kommentaren aus dem Audio-Archiv gelöscht. Meines Erachtens stellt dies nicht nur einen Beweis des Einflusses der Macht der Zionisten dar, sondern auch einen von PRESSE2 -Verantwortlichen ausgeübten Verstoss gegen die Meinungsfreiheit »

Pour avoir fait publier dans le quotidien « PRESSE1  » du 20 janvier 2010 un article contennant notamment les passages suivants :

«  Voilà le propos de ma carte blanche : mettre en garde nos juifs luxembourgeois contre ce stratagème savamment créé et orchestré par les sionistes. S’ils veulent échapper et empêcher d’en devenir les victimes, qu’ils clarifient leurs positions….

Je me vois encore obligée de vous contredire quand vous affirmez en défense des juifs luxembourgeois qu’ils « sont des citoyens luxembourgeois comme tout un chacun… qu’ils sont des femmes et des hommes comme nous tous »

Je ne crois pas que les juifs vous permettent de les amputer si allègrement de leur judéité. Rares sont ceux qui en revendiquent pas leur origine et leur appartenance à la culture juive. Ils se considèrent comme juifs de la diaspora, citoyens du pays dans lequel ils vivent, mais membres de la communauté juive mondiale. Cette double appartenance leur confère un statut spécial, en l’occurrence celui de citoyen luxembourgeois, mais d’origine et de culture juives.

Cette solidarité qu’ils revendiquent et qu’on ne saurait leur dénier a cependant comme contrepartie d’engager leur coresponsabilité avec leurs frères israéliens à propos des activités de ceux-ci. Ce n’est donc pas « du simple fait d’être juif » qu’ils sont complices des sionistes israéliens, comme vous voulez me le faire dire, mais du fait de leur solidarité avec Israël, cette solidarité qu’il y a lieu de présumer faute par eux de la contester….

C’est leur silence que je critique. Jadis ils n’ont pas élevé leurs voix contre le nazisme qui pourtant les menaçait.…. »

Pour avoir ajouté au dit article une sorte de post-scriptum où il est avancé par la prévenue :

 « Je tiens à relever le courage du PRESSE1  qui a permis de mener ce débat et de garantir ainsi le droit à la libre expression alors que certains autres journaux, d’accord sur ce principe, n’ont pas osé s’y associer de peur du risque de pertes matérielles. »

Quant à l’infraction d’injure envers le Consistoire israélite de Luxembourg mise à titre subsidiaire à charge de la prévenue :

En ordre subsidiaire, le Ministère Public met à charge de Prévenue  l’infraction d’injure envers le Consistoire israélite de Luxembourg ou la communauté juive. 

L’article 448 du code pénal sanctionne le fait d’injurier publiquement une personne ou un corps constitué par des faits, écrits, images ou emblèmes. 

La notion de publicité est explicitée par l’article 444 du code pénal. 

Les éléments matériels constitutifs de l’infraction d’injure sont l’emploi d’une expression outrageante ou d’un terme de mépris, le fait que ce terme ou cette expression vise une personne ou un corps constitué, ainsi que la publicité des propos. 

Pour être constitutif de l’infraction d’injure-délit, l’infraction doit cependant être commise au moyen d’un certain support rendu public, fait, écrits, images ou emblèmes. En effet, l’injure par simple paroles n’est pas sanctionnée par l’article 448 du code pénal. 

L’infraction requière également un élément moral consistant dans l’intention d’offenser. Pareille intention d’offenser peut résulter soit du contexte dans lequel les termes sont propagés, soit du choix délibéré et conscient des termes utilisés. 

Pour analyser l’applicabilité de l’article 448 du code pénal, il appartient en premier lieu au tribunal d’analyser si des termes utilisées par Prévenue  dans la carte blanche et les articles au PRESSE1  peuvent être constitutif d’une infraction d’injure.

Les articles parus au PRESSE1  constituent manifestement des écrits et peuvent partant, si les termes y inclus remplissent le caractère outrageant requis, donner lieu à sanction pénale du chef d’injure-délit. 

Pour ce qui est du texte de la Carte blanche émise sur les ondes de PRESSE2 , le tribunal constate qu’il résulte clairement de la tonalité employée par la prévenue que celle-ci n’a pas librement parlé, mais que la carte blanche est le résultat de l’enregistrement d’un texte pré-écrit lu par la prévenue. 

La lecture de ce texte et la propagation du texte par le biais des ondes radio constitue partant une propagation d’un écrit, non rendu public en tant que texte écrit, mais par la voie d’un média, la radio. 

Le texte ainsi lu remplit partant tant la qualification d’ « écrit » au sens de l’article 448 du code pénal, que celle de « publicité » exigées par l’article 448 du code pénal. 

Les termes utilisés par Prévenue  tant dans les articles publiés au PRESSE1  du 7 janvier 2010, que du 20 janvier 2010, que lus dans le cadre du pré-enregistrement de la carte blanche du 14 décembre 2009 peuvent partant tous donner lieu à la qualification d’injure. 

Il appartient en second lieu au tribunal d’analyser si les termes utilisés par Prévenue  constituent l’emploi d’une expression outrageante, d’un terme de mépris ou d’une invective. 

En l’espèce, le tribunal considère que les expressions « aktiv mat Israel kollaboréieren » « Kompliz vun den israelesch Verbriecher » utilisés lors de la lecture du texte lors de l’enregistrement de la carte blanche et  compris dans l’article au PRESSE1  du 7 janvier 2010  constituent tant des expressions outrageantes que des termes de mépris et que l’expression « Respekt, deen se bis elo genoss hun, grëndlech anzebéissen » constitue une expression outrageante. 

De même, les expressions « Intervention des jüdischen Lobby » et « Einfluss der Macht der Zionisten » utilisées dans l’introduction à l’article du 7 janvier 2010 constituent des expressions outrageantes et véhiculent des termes de mépris. 

Il en va de même pour les expressions « complices des sionistes israéliens » et « Jadis ils n’ont pas élevé leurs voix contre le nazisme qui pourtant les menaçait.…. » dans l’article au PRESSE1  du 20 janvier 2010. 

Le tribunal estime cependant que les autres expressions ou termes utilisés par Prévenue  et repris dans la citation ne remplissent pas le caractère outrageant requis pour être constitutif de l’infraction d’injure. 

Il est incontestable que les propos de Prévenue  visaient la communauté juive au Luxembourg. 

Pour que l’infraction d’injure de la communauté juive puisse cependant être établie à charge de la prévenue, la communauté juive, qui ne dispose pas de la personnalité juridique, doit former un corps constitué. 

On entend par corps constitué, toute « réunion de fonctionnaires ou de personnes accomplissant un mandat ou un service public, dont les réunions sont reconnues par la loi ». 

Pareille qualification ne peut en aucun cas être donnée à la communauté juive, qui ne peut partant être victime de l’infraction d’injure-délit mise à charge de Prévenue . 

Pour ce qui est de la commission éventuelle de l’infraction à l’encontre du Consistoire israélite, il appartient au tribunal d’analyser si les propos outrageants de Prévenue  visaient celui-ci. 

A cet égard, il y a lieu de relever que le Consistoire, qui a la personnalité juridique, a non seulement la mission d’organiser le culte israélite au Luxembourg, mais également la haute surveillance des intérêts dudit culte. 

Veiller au respect de la communauté juive au Luxembourg constitue un pareil intérêt du culte et relève partant de la mission du Consistoire israélite, qui, de par l’effet de sa personnalité juridique, est directement concerné par les attaques dirigées contre la communauté juive qu’il représente. 

Comme les expressions outrageantes relevées antérieurement concernaient la communauté juive au Luxembourg, ces expressions visaient partant également le Consistoire. 

C’est partant à juste titre que le Consistoire se considère et est considéré, comme victime de expressions outrageantes propagées. 

L’ensemble des éléments matériels constitutifs de l’infraction d’injure est partant établi dans le chef de la prévenue. 

Pour ce qui a trait à l’élément moral de l’infraction, le tribunal constate que s’il n’est pas établi à suffisance de droit que Prévenue  avait l’intention de nuire au Consistoire, les termes et expressions utilisés font cependant naître dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur radio un sentiment négatif à l’encontre de la communauté juive au Luxembourg et partant également à l’encontre du Consistoire. 

De par ses connaissances et ses compétences, Prévenue  était apte à connaître l’impact des termes choisis et la rédaction du texte écrit lu en tant que Carte Blanche et les écrits ultérieurs se basaient sur un acte réfléchi et délibéré. 

L’utilisation, dans ce contexte, des expressions outrageantes par la prévenue fut partant un choix réfléchi de sa part et est partant à qualifier d’intentionnel. 

L’élément moral de l’infraction d’injure envers le Consistoire israélite de Luxembourg est partant également établi dans le chef de la prévenue. 

Prévenue  est partant convaincue par les éléments du dossier répressif, les dépositions des témoins et de l’expert, ainsi que ses déclarations de l’infraction : 

Subsidiairement

D’avoir injurié le Consistoire israélite par des écrits imprimés et par un écrit communiqué au public par la voie d’un média

Pour avoir utilisé les expressions,

Le 14 décembre 2009, vers 08.50 heures, sans préjudice quant à l’heure exacte, dans le cadre de l’émission « Carte blanche » sur les ondes de la radio PRESSE2 , programme en langue luxembourgeoise :

 « aktiv mat Israel kollaboréieren » « Kompliz vun den israelesch Verbriecher » et « Respektz, deen se bis elo genoss hun, grëndlech anzebéissen 

Pour avoir fait publier les mêmes passages incriminés ci-avant dans  un article publié au quotidien « PRESSE1  » du 7 janvier 20101 en y ajoutant en guise d’introduction les expressions  :

« Intervention der jüdischen Lobby » et “Beweis des Einflusses der Macht der Zionisten »

Pour avoir fait publier dans le quotidien « PRESSE1  » du 20 janvier 2010 un article contenant notamment les passages suivant :

 « complices des sionistes israéliens » et « Jadis ils n’ont pas élevé leurs voix contre le nazisme qui pourtant les menaçait.…. »

Les différentes injures proférées par Prévenue  reflètent, par leur contexte, d’une intention unique et sont partant en concours idéal si bien qu’il y a lieu de leur appliquer l’article 65 du code pénal. 

L’article 448 du code pénal sanctionne l’injure-délit d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 5.000 euros ou d’une de  ces peines seulement. 

Le ministère public a estimé que l’infraction commise est sanctionnée de façon adéquate par une amende de 1.000.- EUR. 

Le tribunal considère que si l’infraction commise a certes une certaine gravité et si les déclarations de la prévenue à l’audience ont établi que celle-ci s’obnubile celle-ci, la peine requise par le ministère public est cependant adéquate en raison de son effet de principe. 

Il y a partant lieu de condamner Prévenue  à l’amende de 1.000.- EUR requise par le Ministère Public. 

Prévenue  sollicite du tribunal d’assortir la condamnation prononcée à son encontre d’un sursis. 

L’article 626 du code d’instruction criminelle permet d’assortir une condamnation du sursis à exécution si le délinquant n’a pas fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ou une peine plus grave. 

En l’espèce, Prévenue  n’a pas d’antécédents judiciaires, si bien qu’elle peut bénéficier de la faveur d’un sursis. 

Les déclarations de la prévenue à l’audience établissent que celle-ci n’a nullement entrepris un travail d’introspection. 

Le tribunal constate cependant que ce manque d’introspection peut  se justifier par le courant dans lequel la prévenue se trouvait, sa croyance d’avoir bien agi et son combat pour la liberté d’expression,  qui l’ont empêché d’avoir le recul nécessaire par rapport au texte diffusé pour procéder à cette introspection. 

Aussi, le tribunal estime que Prévenue  n’est pas indigne de la faveur par elle sollicitée. 

Il y a partant lieu d’assortir la condamnation à prononcer à son encontre du sursis à exécution. 

AU CIVIL :

A l’audience du 17 mai 2010, le Consistoire israélite de Luxembourg  s’est constitué partie civile à l’encontre de la prévenue et a réclamé réparation du dommage moral par lui subi suite à l’infraction commise par la prévenue, dommage qu’il évalue au montant de 1..- EUR. 

Prévenue  soulève l’irrecevabilité de la partie civile au motif que d’après l’article 4 de la convention entre le Gouvernement luxembourgeois et les communautés israélites et faisant partie intégrante de la loi du 10 juillet 1998, le Consistoire ne pourra ester en justice qu’après avoir été autorisé par un vote de son assemblée pris aux deux tiers des voix. 

Au vu de la décision à intervenir au pénal, le tribunal correctionnel est compétent pour connaître de la demande civile. 

Le tribunal constate qu’il résulte du procès-verbal de la délibération de l’assemblée du Consistoire du 11 février 2010 que le Consistoire y a décidé de confier à Me STEIN le mandat de défendre ses intérêts, de lui demander de déposer plainte et de se constituer partie civile. 

Cette décision fut prise à l’unanimité et remplit partant le quorum requis des deux tiers des voix. 

Si l’extrait de la délibération fait état des termes « afin de se constituer éventuellement partie civile ultérieurement », l’éventuel quant à cette partie civile ne porte cependant pas sur la volonté de l’unanimité de l’assemblée de ce faire, mais sur l’éventualité de l’opportunité de ce faire, le Ministère public ne devant pas nécessairement poursuivre l’infraction après le dépôt de la plainte. 

Le Consistoire israélite a partant établi par la production de la délibération de son assemblée du 11 février 2010 que l’assemblée a, avec le quorum requis, donné son autorisation à la partie civile formée à l’audience. 

Cette partie civile a d’ailleurs, pour le surplus, également  été présentée selon les forme et délai prévus par la loi. Elle est partant à déclarer recevable. 

Le tribunal estime que du fait des injures à l’encontre du Consistoire israélite propagées par Prévenue , le Consistoire a certes subi un dommage moral. 

Le montant de 1.- EUR réclamé à titre de réparation de ce dommage moral est adéquat. 

Il y a partant lieu de faire droit à la demande civile du Consistoire israélite jusqu’à concurrence du montant réclamé.  

P A R   C E S   M O T I F S :

le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, la prévenue et son mandataire entendus en leurs explications et moyens de défense, le mandataire de la partie civile entendu en ses déclarations et le représentant du ministère public entendu en son réquisitoire, 

AU PENAL :

d o n n e   a c t e  à la défense de Prévenue  du moyen de nullité pour libellé obscur soulevé in limine litis; 

d o n n e   a c t e   à Prévenue  qu’elle renonce à ce moyen; 

s e   d é c l a r e   compétent pour connaître des infractions reprochés à l’encontre de Prévenue  ; 

c o n s t a t e  que le délai de prescription d’une infraction commise par voie de presse n’était pas écoulé au jour de la citation ; 

d i t  la citation irrecevable en tant qu’elle porte sur l’infraction d’injure commise à l’encontre des membres de la communauté juive ; 

a c q u i t t e  Prévenue  de l’infraction d’incitation à la haine mise à sa charge ; 

c o n s t a t e  que la communauté juive n’est ni une personne juridique, ni un corps constitué ; 

c o n s t a t e  partant que le code pénal ne sanctionne pas les injures envers la communauté juive ;

c o n d a m n e  la prévenue Prévenue  du chef des infractions d’injures à l’encontre du Consistoire israélite retenues à sa charge à une amende de 1.000.- (mille) EUR, ainsi qu'aux frais de sa mise en jugement, ces frais liquidés à 0,52 EUR; 

dit qu’il sera sursis à l’intégralité de cette amende ; 

a v e r t i t   la prévenue Prévenue  qu’au cas où, dans un délai de cinq ans à dater du présent jugement, elle aura commis une nouvelle infraction ayant entraîné une condamnation à une peine d’emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit commun, la peine prononcée ci-devant sera exécutée sans confusion possible avec la nouvelle peine et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes de l’article 56 al. 2 du Code pénal.  

AU CIVIL :

d o n n e   a c t e  au Consistoire Israélite de Luxembourg de sa constitution de partie civile ; 

s e   d é c l a r e  compétent pour en connaître ; 

r e ç o i t  la demande en la forme ; 

l a   d i t  recevable jusqu’à concurrence du montant de 1.- (un) EUR réclamé ; 

partant c o n d a m n e  Prévenue  à payer au Consistoire Israélite de Luxembourg la somme de 1.- (un) EUR avec les intérêts légaux du 14 décembre 2009 jusqu’à solde. 

Le tout en application des articles 14, 16, 28, 29, 30, 65, 66, 444, 448 et 450 du code pénal, article 70 du 8 août 2004 ainsi que des articles 2, 3, 179, 182, 184, 186, 189, 190, 190-1, 191, 194, 195, 626, 628 et 628-1 du code d’instruction criminelle dont mention a été faite.  

Ainsi fait et jugé par Alexandra HUBERTY, vice-président, Paul VOUEL, premier juge, et Patrice HOFFMANN, juge, et prononcé en présence de Gilles Herrmann, substitut principal du Procureur d'Etat, 

en l'audience publique dudit tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, date qu'en tête, par Madame le vice-président, assistée du greffier Pascale PIERRARD, qui, à l'exception de la représentante du Ministère Public, ont signé le présent jugement. 

 

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