- de joindre l’examen de la demande de refixation de l’affaire en raison de plaintes pour faux témoignage au
fond ;
- d’écarter la demande en annulation du jugement entrepris ;
- et de saisir la Cour constitutionnelle avec la motivation qui suit :
Il convient de remarquer que la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle prévoit, à son article 6, que : « lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu'elle estime que:
a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet ».
Le principe, en ce qui concerne, la saisine de la Cour Constitutionnelle est donc clair : une juridiction devant laquelle est posée une question préjudicielle tirée de l’inconstitutionnalité d’un texte légal est obligée de saisir la Cour Constitutionnelle.
Il revient donc à la Cour Constitutionnelle, et à elle seule, de statuer sur la conformité des lois à la Constitution (cf. Trav. Parlementaires n° 4218, Avis du Conseil d’Etat du 28 mars 1997, qui se base sur les termes de l’article 95ter de la Constitution).
Ce n’est qu’à titre exceptionnel, dans des cas limités, énumérés par le législateur aux points a), b) et c) du paragraphe 2 de l’article 6, précité, qu’une juridiction échappe à l’obligation de poser la question préjudicielle qu’une des parties l’invite à poser, le respect de l’article 6 étant, par ailleurs, d’ordre public.
Ces exceptions sont destinées à éviter le renvoi de questions de constitutionnalité peu sérieuses qui n’ont aucune chance d’aboutir (cf. Trav. Parlem. N°4218, Commentaire des articles, sub Art 18).
En l’espèce, les points sub a) (question non nécessaire pour rendre le jugement) et sub c) (objet ayant déjà été toisé par la Cour) ne sont pas en cause. En effet, le tribunal et à sa suite la Cour d’appel, saisis de préventions à l’article 422 du code pénal ne peuvent asseoir une décision sur la culpabilité et prononcer des peines sur cette base qu’à condition que ce texte soit conforme à la Constitution. Par ailleurs, s’il est exact que la Cour constitutionnelle a déjà eu l’occasion de rendre à d’itératives reprises des arrêts en rapport avec l’article 10bis de la Constitution, elle ne s’est pas encore prononcée sur la problématique de la présente cause tenant à une disposition du code pénal. On peut ajouter, à cet égard, que le législateur n’a aucunement limité les pouvoirs de la Cour Constitutionnelle, en excluant, par exemple, le droit pénal.
Quant à l’exception reprise sub b) (question dénuée de tout fondement), la Cour considère, contrairement au tribunal, que la question dont la défense l’a saisie est loin d’être dénuée de tout fondement. La Cour est d’avis que la question est sérieuse et mérite un examen approfondi. En effet, a priori il n’est pas évident que les situations visées au moyen sont comparables. Les arguments développés à ce sujet par la défense dans sa note de plaidoiries ne paraissent pas manifestement vains. Même si l’argumentation développée par le tribunal pour rejeter la question préjudicielle n’est pas non plus dénuée de pertinence, il serait en tout cas excessif de qualifier les arguments de la défense de peu sérieux et de dire que la question posée n’a aucune chance d’aboutir, respectivement qu’elle serait sans relation avec le problème soumis au juge. Au contraire, la question est pertinente pour la décision de la Cour qui doit savoir sur quelle base légale elle doit examiner la culpabilité d’un prévenu et, le cas échéant, prononcer une peine contre ce dernier. Il en est d’autant plus ainsi que la Cour est justement saisie de l’appel d’une décision dans laquelle deux prévenus ont été condamnés aux peines aggravées prévues à l’article 422 du code pénal.
Or, tel qu’il a été dit ci-dessus, il n’appartient pas à la présente juridiction de se prononcer sur cette question tirée de l’inconstitutionnalité de l’article 422 du code pénal, vu que cette question relève de la seule prérogative de la Cour Constitutionnelle.
Par conséquent, il convient de faire droit au moyen proposé par la défense et de poser à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle telle que reprise ci-dessous au dispositif de l’arrêt.
« L’article 422 du code pénal, lu en combinaison avec les articles 418 et 419 du même code, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution en ce sens que l’article 422, prévoit :
- des peines plus lourdes pour certaines personnes pour des faits identiques à l’article 418 et 419du code pénal ;
- des peines plus lourdes, seulement applicables à une certaine catégorie de personnes travaillant dans le domaine des transports en commun, lorsqu’elles causent, par défaut de prévoyance ou de précaution, un accident impliquant le moyen du transport en commun en question ; »
réserve le surplus.
Dans le cadre de la procédure devant la Cour Constitutionnelle il est à signaler que :
- La décision de poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle suspend la procédure et tous les délais de procédure (Art. 7)
- Dans un délai de trente jours qui court à compter de la notification aux parties de la question préjudicielle, celles-ci ont le droit de déposer au greffe de la Cour des conclusions écrites (Art. 10)
- La Cour entend en audience publique le rapport du conseiller-rapporteur et les parties en leurs plaidoiries (Art. 10)
- La Cour statue par voie d’arrêt sur la conformité de la loi à la Constitution. Les arrêts sont rendus dans
les deux mois à compter de la clôture des débats. Les arrêts de la Cour sont motivés (Art.13)
- L’arrêt de la Cour Constitutionnelle n’est pas susceptible de recours
- La juridiction qui est à l’origine du renvoi devant la Cour, en l’occurrence la Хe Chambre de la Cour
d’appel, est tenue pour la solution du litige dont elle est saisie, de se conformer à l’arrêt rendu par la Cour
Constitutionnelle (Art.15)
- La procédure devant la Cour d’appel ne sera reprise qu’après l’arrêt de la Cour Constitutionnelle.