Communiqué de la Cour administrative concernant la communication de contrats conclus en 2017 entre l'Etat et RTL Group à un député

Dans le contexte d’une information survenue au troisième trimestre 2019 suivant laquelle le groupe RTL envisageait de déplacer une partie de ses activités du Grand‑Duché de Luxembourg vers l’Allemagne, un des députés de l’opposition a demandé au ministre compétent, le Premier Ministre, Ministre des Communications et des Médias, la communication des contrats et conventions conclus en 2017 par l’Etat avec différentes composantes du RTL Group en vue de vérifier l’ancrage de ce groupe au Luxembourg et les activités du gouvernement y relativement.

Le 12 novembre 2019, le Ministre avait opposé au député l’existence d’une clause de confidentialité, le risque d’actions en responsabilité contre l’Etat et le principe de l’exécution loyale des conventions conclues entre parties pour refuser pareil accès aux documents.

Sur ce, le député a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle de refus de communication des documents demandés.

Par jugement du 12 août 2020 (n° 43866 du rôle), disponible sur www.jurad.etat.lu, le tribunal s’est déclaré incompétent quant à la matière (ratione materiae), en analysant le refus ministériel comme étant un acte du gouvernement contre lequel aucun recours devant le juge administratif ne peut être formé.

C’est contre ce jugement que le député a fait appel en date du 17 septembre 2020.

Par arrêt du 26 janvier 2021 (n° 44997C du rôle), disponible sur www.jurad.etat.lu, la Cour administrative a réformé le jugement dont appel et s’est déclaré compétente quant à la matière pour connaître du recours. Pour ce, elle a distingué suivant des décisions administratives ayant un contenu purement administratif ou juridique et celles ayant un contenu politique, c’est-à-dire celles véhiculant une décision politique ou opérant un choix politique. Sur analyse, elle a retenu que les trois motifs de refus de communication opposés par l’Etat étaient d’ordre purement juridique et qualifié la décision de refus ministériel, décision administrative individuelle faisant du tort au demandeur d’informations.

Vu que le juge administratif est compétent, de manière générale, pour connaître du recours dirigé contre des décisions de refus d’accès à des documents détenus par l’administration, la Cour administrative a jugé que le tribunal administratif était compétent pour connaître, quant à la matière, du recours lui soumis, par le député en question.

La Cour a ensuite évoqué l’affaire, c’est-à-dire qu’elle a décidé de traiter elle-même les arguments subséquents proposés par les parties. La Cour a déclaré le recours du député recevable, en reconnaissant son intérêt à agir comme étant vérifié.

Au fond, la Cour a dégagé à partir de l’article 1er de la Constitution, suivant lequel le Luxembourg est un Etat démocratique, de son article 51, paragraphe 1er, suivant lequel le Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire et du principe fondamental de l’Etat de droit comportant les principes constitutionnels de l’accès au juge et du recours effectif tels que retenus par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 28 mai 2019 (n° 146 du registre) qu’un député, en tant qu’élu au suffrage universel, représentant de la Nation, en vertu de sa mission permanente de contrôle de l’exécutif, jouissait du droit d’accès à des documents détenus par l’administration, sauf les exceptions légitimement prévues, du moment que cet accès servait précisément à sa mission de contrôle. Dans la mesure où le député avait indiqué avec précision l’objectif de sa démarche – le contrôle de l’ancrage effectif du RTL Group à Luxembourg et l’action gouvernementale y relativement – la Cour retint à partir de l’ensemble de ces principes le droit pour le député d’avoir, en principe, accès aux documents par lui sollicité.

Par la suite, la Cour analysa les motifs de refus opposés par le ministre. Elle estima qu’en vertu de sa mission de contrôle, le député n’était pas un tiers aux contrats et conventions conclus entre l’Etat et RTL Group, mais qu’il était à considérer comme organe, intérieur à une des personnes contractantes. La clause de confidentialité invoquée ne pouvait dès lors pas lui être opposée en tant que telle, mais, du fait de son droits d’accès, le député en tant qu’organe de l’Etat, était appelé à devenir un confident nécessaire tenu de respecter à son tour la clause de confidentialité, à l’instar des membres du gouvernement, voire des fonctionnaires ayant connaissance des contrats et conventions en raison de leur fonction, de même que des organes de la personne contractante y ayant accès légitimement.

Ainsi, la Cour décida que les deux autres motifs de refus – risque d’actions en responsabilité engagées contre l’Etat et inexécution non loyale des conventions – devaient également tomber à faux.

En conséquence, la Cour annula la décision de refus ministérielle et renvoya le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Communication et des Médias, tout en condamnant l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens des deux instances.

Etant donné que la Cour administrative est la juridiction suprême de l’ordre administratif en vertu de l’article 95bis de la Constitution, ses arrêts sont définitifs et aucun recours ne peut plus être intenté contre l’arrêt du 26 janvier 2021.

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