Arrêt N° 44/14 V.
du 21 janvier 2014
(Not. 21340/02/CD)
La Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, a rendu en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze l’arrêt qui suit dans la cause
e n t r e :
1) Pciv1, demeurant à …
2) Pciv6, demeurant à … et AK, demeurant à …, agissant en qualité d’héritiers de feu Pciv5 en vertu de leur acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5
3) KS, demeurant à …, veuve de MK, agissant en qualité de représentante et administratrice légale de leur fille commune mineure EK, née le …, elle-même héritière de feu Pciv5, le tout en vertu d’un acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5
4) Pciv6, demeurant à …
5) Pciv9, demeurant à …
6) Pciv10, demeurant à …
7) Pciv11, demeurant à …
8) Pciv12, demeurant à …
9) Pciv13, demeurant à …
demandeurs au civil, appelants
e t :
1) P1, né le … à Luxembourg, demeurant à …
2) P5, né le … à Luxembourg, demeurant à …
3) SS, née le … à Luxembourg, demeurant à …, MM, né le … à Luxembourg, demeurant à …, et MC, née le … à Luxembourg, demeurant à …, agissant en qualité d’héritiers de feu P6 en vertu de leurs actes de reprise d’instance des actions civiles intentées contre feu P6
4) P7, né le … à Esch/Alzette, demeurant à …
défendeurs au civil
en présence du Ministère Public, partie jointe.
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F A I T S :
Les faits et rétroactes de l'affaire résultent à suffisance de droit
I.
d'un jugement rendu contradictoirement par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, 9e chambre correctionnelle, le 27 mars 2012, sous le numéro 1344/12, dont les considérants et le dispositif sont conçus comme suit :
«Vu l’arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’Appel n° 746/10 du 12.10.2010, confirmant l’ordonnance de la Chambre du conseil n° 1416/10 du 06.07.2010, renvoyant les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 devant une chambre correctionnelle du Tribunal de ce siège pour y répondre notamment des préventions d’homicide involontaire et de coups et blessures involontaires sur une pluralité de victimes, ainsi que d’infraction aux articles 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne;
Vu l’ensemble de l’information judiciaire à laquelle il a été procédé en cause;
Vu l’instruction de l’affaire au cours de 32 audiences de ce Tribunal entre le 10 octobre 2011 et le 8 décembre 2011;
Vu le jugement interlocutoire n° 3288/2011;
Vu notamment les rapports des experts commis en cause Vincent FAVÉ et Richard TAVERNIERS, rapports développés en audience publique, ainsi que leurs réponses aux questions leur posées tant par le Tribunal que par le Ministère Public ainsi que par les avocats de la défense des prévenus et par les mandataires des parties civiles constituées;
Vu encore les déclarations des témoins cités à l’audience tant par le Ministère Public que par la défense.
Vu les déclarations, les arguments et les explications des prévenus et de leurs défenseurs, vu les conclusions des mandataires des parties civiles et des défendeurs au civil, vu enfin les réquisitions du Ministère Public:
LES FAITS:
Les faits décrits ci-après, dégagés par l’information judiciaire et confirmés au cours de l’instruction aux audiences du Tribunal, doivent être considérés comme établis à suffisance de droit:
Le 6 novembre 2002, vers 10.06 heure locale (09.06 heures UTC), l’avion de marque FOKKER F50 immatriculé LX-LGB, exploité par la compagnie aérienne LUXAIR s.a. pour assurer ce jour là la liaison aérienne entre LUXEMBOURG et BERLIN, revenant de BERLIN-Tempelhof vers LUXEMBOURG (vol LG4962/LH2420), s’est écrasé pendant l’approche finale en vue de l’atterrissage à l’aéroport du Findel.
L’avion a d’abord touché le sol avec la partie arrière de son fuselage dans un champ en bordure de la route RN1 reliant les localités de ROODT/SYRE et de NIEDERANVEN, à 3,4 kilomètres de l’entrée de piste 24, à quelques 700 mètres au nord de son axe, a glissé en diagonale sur la chaussée de la RN1 avant de heurter violemment un talus d’une hauteur (à cet endroit) de deux à trois mètres. Ce dernier choc semble avoir arraché le train d’atterrissage principal sorti et causé des dégâts très importants à la structure de l’avion.
En effet, après ce choc, l’empennage et une partie de l’extrémité de l’aile droite se sont désolidarisés, l’arrière du fuselage s’est retourné sur la droite et l’avion s’est immobilisé quelques vingt-cinq mètres plus loin dans un champ labouré. La partie ventrale arrière de l’avion a été particulièrement enfoncée, au premier contact avec le sol du champ ou/et lors du passage du talus.
Le fuselage et les ailes sont restés solidaires. La partie arrière comprenant la dérive et le plan horizontal s’est détachée. Quelques instants après son immobilisation, l’avion a pris feu et la partie centrale du fuselage a brûlé.
A bord de l’avion se trouvaient vingt-deux personnes, à savoir trois membres d’équipage et dix-neuf passagers. Dix-huit passagers ainsi que deux des membres de l’équipage ont été tués; seuls le pilote et un passager ont survécu à leurs très graves blessures.
Immédiatement, Monsieur le Procureur d’Etat à Luxembourg a requis l’ouverture d’une information judiciaire et une descente sur les lieux a été opérée par le juge d’instruction chargé de l’information judiciaire en compagnie de Monsieur le Procureur d’Etat, de Monsieur le Procureur d’Etat adjoint et de membres de la Police Judiciaire. Le juge d’instruction a immédiatement pris les mesures nécessaires à la conservation du site de l’accident, de l’épave et des pièces éparpillées de cette dernière. En même temps, il a émis toute une série d’ordonnances de perquisition et/ou de saisie, notamment de l’épave et de ses pièces, dont les enregistreurs de bord, des bagages et effets des passagers pouvant servir à l’identification de ceux-ci, des documents, objets, effets et supports à la tour de contrôle en relation avec le vol de l’avion accidenté et les conditions météo du matin du jour de l’accident, des documents et supports informatiques en relation avec la maintenance de l’avion accidenté depuis sa mise en service. Il a encore ordonné l’audition de toutes personnes pouvant témoigner sur les circonstances du sinistre ou fournir des renseignements utiles à la manifestation de la vérité, tels les membres des services de secours, les témoins oculaires et autres au sol, le personnel du service de contrôle du trafic aérien, le commandant de bord, le passager survivant, les responsables de la LUXAIR s.a. pouvant fournir des renseignements sur l’équipement technique de l’avion et les prescriptions à observer par les pilotes.
Le juge d’instruction a encore et surtout commis comme expert en cause le sieur Vincent FAVÉ avec la mission de se prononcer sur la genèse et les causes de l’accident de l’avion.
Dans la suite de l’information judiciaire, l’expert Vincent FAVÉ a encore été chargé d’une mission d’expertise complémentaire par ordonnance du juge d’instruction du 13.01.2009, pour fournir des réponses à différentes questions apparues au cours de l’instruction, et par une ordonnance du 12.02.2009, Monsieur Richard TAVERNIERS a été nommé comme coexpert.
Enfin, à la demande du Ministère Public, l’expert Vincent FAVÉ a été invité à verser aux débats deux rapports complémentaires sur ses présentations à l’audience.
Parallèlement à l’information judiciaire et aux travaux de l’expert judiciaire Vincent FAVÉ, une commission d’enquête technique, nommée par arrêté ministériel en application de l‘article 26 de la Convention de Chicago de l'OACI et de son annexe 13, a débuté ses travaux pour déterminer les circonstances et les causes de l’accident.
Les deux enquêtes, administrative et judiciaire, ont été conduites en coopération pendant la phase de recueil des informations, elles ont ensuite été conduites séparément. Les travaux de l’expert judiciaire et ceux de l’enquête de la commission désignée par le Ministre des Transports ont ainsi été étroitement coordonnés pendant la phase de recueil des données, incluant les examens des matériels (par les constructeurs) et les dépouillements des enregistreurs de bord (par le Bureau des Enquêtes et Analyses BEA du Bourget), ceci dans le respect des procédures et des objectifs des deux enquêtes. Les deux entités ont ensuite procédé à leur propre analyse de l’accident.
1) L’avion.
Le Fokker 50 est un avion développé à partir de la série des Fokker 27 Friendship au cours de la première moitié des années ’80, sa commercialisation débutant en 1987. Jusqu’en 1996, date de la faillite de Fokker, quelques 208 exemplaires avaient été construits.
Si extérieurement, il accuse une très forte ressemblance avec son prédécesseur, le Fokker F27, il s’en distingue néanmoins notamment par l’introduction de turbines Pratt & Whitney Canada PW125 et d’hélices modernes à six pales de type R352/6-123-F/1 construites par Dowty Propellers, le remplacement des circuits pneumatiques par des circuits hydrauliques et l’installation d’une avionique moderne.
Son poids maximum au décollage est de 20.820 kg. et sa capacité, en configuration habituelle est de 50 passagers.
Le modèle avait reçu sa certification de type aux Pays-Bas le 15.05.1987 et aux Etats-Unis le 08.02.1989
L’avion en cause (n° de série 20221), immatriculé LX-LGB, avait été acheté neuf par LUXAIR, et le 26.06.1991, il avait reçu son certificat de navigabilité individuel de la Direction de l’Aviation Civile (DAC) validé par la suite jusqu’au 19.06.2003. Le jour de l’accident, il avait à son actif 21.836 heures de vol en 24.068 cycles.
L’information judiciaire, notamment par les rapports d’expertise, a rapporté la preuve que tout au long de ses années de service, l’avion en cause avait été régulièrement maintenu dans un état de parfaite navigabilité et que le jour des faits, sa cellule, les éléments de propulsion, de direction, de communications et de navigation, y compris le pilote automatique, étaient tous en parfait état de marche et qu’a priori, l’état technique et la configuration de l’avion aurait dû permettre un vol et un atterrissage subséquent parfaitement normal.
Dans cet ordre d’idées, il y a lieu de relever dès-à-présent que les allégations avancées lors de l’instruction ainsi qu’à l’audience tendant à voir accréditer l’idée que la LUXAIR aurait, à un moment ou un autre, voire de façon systématique, négligé de soigner la maintenance de l’avion, et aurait opéré dans l’optique de faire des économies douteuses susceptibles d’influer négativement sur la navigabilité de l’avion et/ou qu’une désorganisation interne éventuelle, momentanée ou systémique, aurait eu ou pu avoir une influence négative sur la navigabilité en toute sécurité de l'avion, se sont avérées être sans le moindre fondement.
Le Fokker 50 présentait toutefois une particularité qui le distinguait, au moins à l’époque de sa première mise en service, de tous les autres avions comparables dans le monde, y compris le Fokker F27 Friendship.
En effet, il avait été noté dans le passé, (et le phénomène s’est d’ailleurs répété jusque dans un passé fort récent) que des pilotes d’avions à turbopropulseurs avaient, accidentellement voire volontairement, délibérément reculé en vol les manettes de puissance en-deçà de la position de ralenti/vol (Flight Idle) dans la position ralenti/sol (Ground Idle) et même plus loin dans la position reverse, comparable dans ses effets à l’inversion de poussée sur les turboréacteurs. Les manettes de puissance commandant dans ces positions sur les avions à turbopropulseurs non seulement le régime moteur, mais encore la position des pales des hélices à pas variable, le positionnement de ces manettes amenaient alors les pales d’un angle de 15° par rapport au plan de rotation de l’hélice (ralenti/vol) à un angle entre 12° et -2° (ralenti/sol), annihilant ainsi toute force propulsive et créant un frein aérodynamique très important. Un recul supplémentaire des leviers en position reverse (-4° à -17°) inversait la force propulsive vers l’avant, freinant ainsi l’avion brutalement. La conséquence d’un pareil positionnement des pales, aberrant en vol, était régulièrement la perte de contrôle irréversible de l’appareil. Pareille manoeuvre, évidemment strictement interdite à tous les pilotes, étant effectuée (accidentellement ou délibérément) dans le but de réduire la vitesse de l’avion en approche finale, la proximité du sol entraînait tout aussi régulièrement l’écrasement au sol de l’avion avec la perte de vies humaines.
Tous les pilotes de ce type d’appareils ont dû apprendre au cours de leur formation que les positions de ralenti/sol et de reverse ne devaient jamais être sélectionnées en vol et étaient strictement réservées au freinage de l’avion après le contact du train d’atterrissage avec la piste.
Avant l’introduction du F50, les avions comparables n’étaient équipés soit d’aucune sécurité empêchant le passage en vol des leviers de puissance en position ralenti/sol et reverse, soit d’une sécurité purement mécanique (ground range selectors), aisément enlevée par la main du pilote.
Il semble que Fokker ait été le premier constructeur au monde à avoir introduit une sécurité supplémentaire, électromécanique cette fois (Automatic Flight Idle Stop) , qui ne pouvait (en principe du moins), pas être désamorcée (accidentellement ou délibérément) par l’équipage en vol.Pareille sécurité, qui à l’époque n’était nullement obligatoire ni nécessaire à la certification de l’appareil, était installé d’office sur tous les exemplaires de ce type et faisait donc partie, comme élément intégral de l’avion, des éléments considérés pour la certification de type.
Il consistait en un dispositif, installé à demeure dans la nacelle de chaque engin, qui, au moyen d’un verrou mobile actionné par un solénoïde, bloquait mécaniquement en vol les cames de la commande de pas empêchant ainsi le passage du pas des hélices en mode ralenti/sol voire en reverse. Ce n’est que lorsque la composante électronique ou module Skid Control Unit (SCU) captait alternativement un signal électrique que le train d’atterrissage se comprimait sous le poids de l’avion ou que les roues du train d’atterrissage principal tournaient à une vitesse équivalant à une vitesse au sol de 20 milles par heure, donc un signal indiquant que l’avion avait pris contact avec la piste, que le module SCU envoyait un signal électrique à la Ground Control Unit qui à son tour activait les solénoïdes, amenant ces derniers à retirer les verrous vers le haut, libérant les cames (lock levers) et dégageant ainsi le blocage mécanique des commandes de pas des pales d’hélices et permettant l’engagement des positions ralenti/sol et reverse.
Il y a lieu de noter que d’après la conception de ce dispositif, il était impossible pour le pilote de reculer les leviers de puissance en-deçà de la position ralenti/vol tant que les roues du train d’atterrissage principal n’avaient pas pris contact avec la piste. Il pouvait débloquer la sécurité mécanique primaire toujours installée sur les leviers de puissance en soulevant les ground range selectors (leviers de verrouillage), mais cette action, si elle produisait un bruit parfaitement audible et discernable, ne devait avoir aucun effet sur le pas des hélices, la course des manettes de puissance restant bloquée par les verrous de la sécurité secondaire.
Ce dispositif de sécurité supplémentaire a fonctionné, en apparence sans être pris en défaut, pendant toute la carrière opérationnelle de l’avion en cause, et d’ailleurs de tous les F50 construits par Fokker. A tout le moins, il n’a pas été à l’origine de catastrophes aériennes jusqu’au jour des faits en cause, cet accident se répétant d’ailleurs suivant un scénario similaire et pour des causes identiques en 2004 (accident de la KISH AIR).
Cette apparence était cependant trompeuse parce que l’information judiciaire et les travaux des experts commis a révélé à l’exclusion de tout doute que c’est précisément cette sécurité secondaire dans sa composante électronique (SCU) qui a été à l’origine de la catastrophe, ainsi qu’il sera détaillé plus loin.
2) L’équipage.
L’équipage se composait du personnel navigant, en l’espèce du pilote commandant de bord P1et du copilote JA, ainsi que de l’équipage dit commercial, à savoir l’unique hôtesse de l’air PMDR.
M. P1:
Né le …, sa première licence est une licence Commercial Pilot IFR FAA n° 250/396 délivrée le 16.11.1994. Il a ensuite suivi un cours ATPL chez CROSSAIR entre le 2 janvier et le 8 mai 1995. Son premier contrat avec LUXAIR a été signé le 01.04.1995. La DAC l’a autorisé le 5 avril 1995 à piloter les avions immatriculés au Grand Duché dans les limites des privilèges de sa licence étrangère en cours de validité. Le 15 mai 1995, avec 192,6 heures de vol au total, dont 32,6 heures en IFR, il passait le proficiency check LUXAIR sur Fokker 50 et volait en ligne sur Fokker 50 à partir du 11.07 1995. Le 7 novembre 1995, il obtenait le commercial pilot suisse n° 36314 et le type rating Fokker 50. Son contrat définitif avec LUXAIR a été conclu le 10.02.1996. Sa licence suisse était validée par la DAC le 20.02.1996.
En septembre 1997, il était testé au simulateur Boeing 737, il avait alors au total 1.690 heures de vol, dont 1.570 en IFR. Il était ensuite copilote sur Boeing 737.
Il effectuait son stage simulateur Commandant de bord auprès de la compagnie MAS (Malaysian Air System) avec des instructeurs MAS. Le test simulateur avait lieu le 14.02.1999. Le test sur avion pour son passage Commandant de bord était réalisé le 22.02.1999 lors d’un vol local Luxembourg - Luxembourg d’une durée de 0 h 53. Le test en ligne avait lieu le 30.03.1999.
Le 10 mars 1999, il sollicitait du FOCA suisse (Federal Office for Civil Aviation) une licence ATPL qui lui était accordée le 16 mars 1999 avec la mention F50 pilot in command.
Le jour de l’accident, le prévenu P1avait à son actif au total 4.242 heures de vol, dont 2.864 sur Fokker 50.
Dans les 3 derniers jours précédant l’accident, il avait seulement effectué le vol Luxembourg- Berlin de 1 heure et 36 minutes, et dans le dernier mois en tout 57 heures de vol.
Le jour-même de l’accident, il avait seulement effectué le vol Luxembourg - Berlin de 1 heure et 36 minutes.
Il avait repris les vols le matin de l’accident après une période de standby de 91 heures.
Ses derniers contrôles sur F50 avaient été réalisés aux dates suivantes: le Proficiency check le 01.06.2002, le Recurrent training le 02.06.2002, le Line check le 12.06.2002 et la Type rating revalidation le 03.11.2001. Il avait passé sa dernière visite médicale aéronautique le 19.06.2002 et elle était valide jusqu’au 5 juillet 2003.
Ses derniers cours de CRM (Cockpit Ressource Management) avaient eu lieu le 25.10. 2002. Il paraît qu’il a passé aussi les tests psychotechniques de façon satisfaisante.
En résumé, s’il est exact que le prévenu P1 avait été promu commandant de bord très jeune, rien dans l’évolution de sa formation et de sa carrière, ni d’ailleurs dans sa réputation au sein de la LUXAIR et parmi ses collègues pilotes, ne permet de soutenir qu’il n’aurait pas été parfaitement qualifié et apte à remplir ses fonctions le jour de l’accident. Les allégations plus au moins ouvertement lancées par d’aucuns pour insinuer qu’il aurait bénéficié d’un traitement de faveur en raison de la position de son père au sein de l’entreprise (celui-ci avait été Directeur des Opérations pendant un certain temps) se sont avérées sans fondement sérieux et n’auraient eu au demeurant aucune incidence sur les faits ni sur sa responsabilité. On peut encore mentionner pour être complet sur ce point que l’instruction a établi qu’il était au moment des faits sous l’influence ni de boissons alcooliques ni de substances inhibitives ou psychotropes.
Le copilote JA:
Né le … , il avait été engagé par LUXAIR le 04.12.2000. Il était à ce moment détenteur d’une licence PPL de pilote privé luxembourgeoise délivrée le 30.08.1996, qui comportait les qualifications IFR et voltige.
Sa première licence était une CPL (Commercial Pilot Licence) délivrée par la FAA le 28.04.1995. Un programme de formation personnalisé lui avait permis d’obtenir l’ATPL allemand le 19.01.2001.
Le jour de l’accident, JA avait à son actif au total 1.156 heures de vol, dont 443 sur F50. Il n’avait pas volé pendant les trois jours précédant l’accident, mais avait fait 54 heures de vol au cours du dernier mois. Le jour de l’accident, il avait seulement effectué, ensemble le prévenu P1, le vol aller Luxembourg-BERLIN.
Ses derniers contrôles avaient été réalisés aux dates suivantes: le Proficiency check le 22.06.2002, le Recurrent training le 23.06.2002, le Line check le 13.06.2002 et la Type Rating validation le 19.06.2001.
Sa dernière visite médicale avait eu lieu le 30 novembre 2001, elle était valide jusqu’au 14.01.2003.
De même que pour le prévenu P1, l’enquête a établi que le copilote JA avait à la fois la formation et la qualification requises pour exercer ses fonctions de copilote sur l’avion en cause, et avait également l’aptitude de le faire.
La chef de cabine PMDR:
Âgée de 32 ans, elle avait été engagée par la LUXAIR le 16.02.1995. Son dernier contrôle avait eu lieu le 18.05.2002. Elle était le seul membre d’équipage en cabine sur ce vol.
Il y a lieu de noter que le jour des faits, le vol aller retour LUXEMBOURG-BERLINLuxembourg, dont l’arrivée était prévue pour 10.06 heure locale environ, devait être le seul vol à effectuer par cet équipage, celui-ci étant libre pour le reste de la journée.
3) Le vol.
Le Fokker 50 immatriculé LX-LGB avait décollé de Luxembourg pour Berlin le 6 novembre 2002 à 05 h 41 sous le numéro de vol LGL9641. L’atterrissage à Berlin avait eu lieu à 7 h 11 et le décollage de Berlin pour le vol retour vers Luxembourg à 7 h 40. L’avion était exploité par LUXAIR sur la ligne Berlin-Luxembourg en code sharing (partage de code) avec Lufthansa, un actionnaire de LUXAIR, de sorte que le vol retour portait les deux numéros, LGL9642 (pour LUXAIR) et LH 2420 (pour Lufthansa).
Tant le vol en direction de Berlin et l’atterrissage à Berlin que le décollage subséquent ainsi que le retour vers Luxembourg s’étaient déroulés sans que la moindre anomalie n’ait été révélée par l’équipage, que ce soit dans la conduite du vol ou dans le fonctionnement technique de l’appareil.
L’exploitation et l’analyse, au cours de l’enquête judiciaire, des enregistrements sonores du Cockpit Voice Recorder (CVR) et les enregistrements des paramètres de vol par le Digital Flight Data Recorder (DFDR), récupérés pour ainsi dire intacts après l’accident, ensemble les enregistrements des échanges radiotéléphoniques à partir de la Tour de contrôle de l’aéroport de Luxembourg et ceux du radar d’approche de Luxembourg, ont permis de reconstituer avec une très grande précision la dernière phase du vol (jusqu’à environ les dernières trente secondes précédant l’écrasement au sol de l’appareil), et ont ainsi contribué d’une façon essentielle à l’élucidation des causes de l’accident.
Il y a cependant lieu de relever déjà ici que cette analyse, plus particulièrement des enregistrements du CVR, s’est poursuivie jusqu’à l’audience du tribunal par les efforts déployés par le mandataire de la partie civile Pciv1 à l’aide de moyens techniques sophistiqués dont par ailleurs ni la méthode ni leur application ni les résultats n’ont été contestés. Cette analyse, soumise au débat contradictoire en audience publique, a permis non seulement d’affiner cet enregistrement sonore et d’améliorer la perception des bruits enregistrés dans le cockpit, mais encore de redresser des erreurs d’interprétation qui s’étaient glissées dans l’analyse originale soumise à la commission d’enquête technique et reprises sans être corrigées par l’expert judiciaire, et qui concernaient l’attribution de certaines paroles prononcées avant l’accident.
L’enregistrement du CVR, qui s’étend de par sa conception sur une durée de trente minutes et qui est effectué sur une bande magnétique sans fin, de sorte que les trente dernières minutes précédant l’accident (et/ou l’arrêt de l’enregistreur) sont préservées, débute à 08.33 min 49 ‘’(heure UTC), à un moment où l’avion se trouve à son altitude de croisière de 18.ooo pieds, soit environ 5.400 mètres (niveau de vol 180).
Pendant cette dernière phase de son vol, l’équipage est en contact radiotéléphonique successivement avec le contrôleur en route de Francfort, le contrôle d’approche de Luxembourg et la Tour de contrôle de Luxembourg.
Entre 08 h 33’ 49’’ et 08 h 35’ 14’’, le commandant et son copilote ont une conversation sur des détails de leur vie privée, conversation qui a été estimée «non-pertinente au vol». Il sera revenu plus tard sur cette appréciation.
A 08 h 35’ 15’’, un message ATIS (Automatic Terminal Information Service) émanant de l’aéroport de Luxembourg annonce (ou plutôt confirme) des conditions de visibilité mauvaises: «RVR de 250 mètres, pas de changement, brouillard». Des conditions météo similaires avaient existé toute la matinée, dès avant le départ de l’avion pour Berlin à 05 h 41’ et n’avaient pas changé depuis.
A ce sujet, il y a lieu de relever que la RVR (Runway Visual Range) est la distance à laquelle les feux au seuil de la piste d’atterrissage sont visibles au pilote. L’avion Fokker 50 étant certifié (et l’équipage qualifié) pour des atterrissages en Cat II pour lesquels la RVR doit être d’au moins 300 mètres, il s’en suit qu’à moins d’une amélioration de la visibilité dans les prochaines trente minutes, un atterrissage à Luxembourg était impossible parce que interdit par la règlementation.
Ceci explique la réaction immédiate du commandant (et non du copilote comme erronément indiqué dans la transcription de l’enregistrement): «two five zero meters,… ech muss awer hém, kaka machen goën, et ass net fir lang hei ze holden», se référant ainsi à l’éventualité d’une mise en circuit d’attente prolongeant le vol.
A 08 h 41’ 08’’, le radar de Francfort assumant le contrôle aérien en route, donne l’instruction à l’équipage de se diriger vers (la balise de) Kirn (près de Bad Kreuznach en Rhénanie-Palatinat) et de descendre au niveau 140, avant de, les instruire à 08 h 44’ 35’’ de mettre le cap directement sur Echo Lima Uniform.
A ce sujet, il convient d’insérer ici quelques explications qui aideront à la compréhension de la procédure d’atterrissage en général et de l’évolution de l’avion en cause en particulier. Ces explications se fondent à la fois sur les éclaircissements fournis par les experts judiciaires Vincent FAVÉ et Richard TAVERNIERS dans leurs rapports écrits versés au dossier et dans leurs présentations et leurs exposés verbaux à l’audience, sur les prescriptions afférentes contenues dans le AFM (Aircraft Flight Manual) et les AOM (Aircraft Operating Manual) de Fokker et de LUXAIR, sur une circulaire du 24.01.2000 et toujours en vigueur le 06.11.2002, date de l’accident, cette circulaire destinée à tous les pilotes LUXAIR émanant du Directeur des Opérations à l’époque, le capitaine PO. Enfin, ces explications se fondent sur les cartes JEPPESEN Luxembourg, Cat II ILS DME Rwy 24 et Rwy 24 ILS DME AIP approach chart, respectivement datées du 12.07.2002 et du 05.09.2002, et applicables le jour de l’accident.
L’atterrissage d’un avion comporte normalement trois segments:
- Après l’arrivée dans le secteur où l’avion devra atterrir, la descente, à partir de l’altitude de croisière (18.000 pieds pour la Fokker F50 en cause) vers le IAF (Initial Approach Fix – Point d’approche Initiale) dont l’altitude peut varier puisque cet IAF sert de repère au circuit d’attente (en forme d’hippodrome) aux divers avions destinés à l’atterrissage et qui peuvent se voir assigner individuellement des altitudes différentes par le contrôle d’approche pour assurer leur séparation. Pour l’aéroport de Luxembourg, cet IAF est le VOR DIK. C’est au cours de cette phase du vol au plus tard que l’équipage doit effectuer la check-list suivant le briefing avant approche.
- C’est à partir du IAF ou de ce circuit d’attente et de l’altitude assignée individuellement que les avions seront dirigés successivement par l’intermédiaire d’un IF (Intermediate Fix) en direction de l’aéroport. Cette approche intermédiaire leur permet de se placer dans le prolongement de l’axe de la piste et en même temps de descendre à l’altitude prescrite pour se présenter à l’approche finale. Pour l’aéroport de Luxembourg, l’altitude prescrite pour ce tronçon de l’approche intermédiaire, entre le IAF VOR DIK et le IF est de 3.000 pieds. Cette altitude doit être maintenue jusqu’au FAP (Final Approach Point – Point d’approche finale). Selon leur altitude à l’IAF respectivement l’ordre ou la priorité leur assignée pour l’atterrissage par le contrôle d’approche, les avions peuvent aussi, déjà pendant la descente, recevoir directement un guidage radar et une altitude prescrite pour rejoindre le FAP sans passer par le IAF. Tel a été le cas en l’espèce le jour de l’accident.
Il y a lieu de relever que suivant les procédures prescrites aux pilotes LUXAIR, et consignées dans les AOM et AFM, dans le cadre de la Monitored Approach (approche contrôlée), c’est le copilote qui doit piloter l’avion à l’aide du pilote automatique à partir de la descente vers le IAF et au plus tard à partir du moment où l’avion reçoit un cap radar du contrôle d’approche, le commandant de bord ne reprenant les commandes que lorsque l’avion se trouve à 100 pieds au-dessus de la piste pour accomplir (manuellement) l’atterrissage. Suivant les mêmes prescriptions, tous les l’atterrissages en Cat II (visibilité réduite) sont obligatoirement effectués suivant la Monitored Approach.
Il y a encore lieu de relever que c’est pendant l’approche intermédiaire, donc bien avant d’arriver au FAP, que l’équipage doit configurer successivement l’avion en vue de l’atterrissage: réduire la puissance des moteurs, réduire la vitesse à la vitesse prescrite (à 130 noeuds pour le Fokker F50), sortir les volets à 10°, annoncer l’atterrissage imminent au reste de l’équipage ainsi qu’aux passagers et s’assurer que la cabine est prête (clear) à l’atterrissage,(au plus tard 10 minutes avant l’atterrissage) configurer le pilote automatique en mode GS (Glide Slope) et enfin sortir le train d’atterrissage.
- Le troisième segment est l’approche finale, la descente à partir du FAP jusque dans la zone d’atterrissage TDZ – (Touch Down Zone) à environ 280 mètres au-delà du seuil de piste.
L’aéroport de Luxembourg dispose d’une piste unique de 4.000 mètres orientée Sud-ouest – Nord-est (61° - 241°), équipée d’un système de guidage à l’atterrissage (ILS – Instrument Landing System) opérant dans les deux sens, (Cat. I pour la piste 06 et Cat II et III pour la piste 24). L’aéroport dispose encore d’un radar d’approche qui permet au contrôle d’approche de connaître les positions respectives des avions, d’assurer l’espacement de ceux-ci ainsi que leur guidage. L’image radar est reportée également sur un écran de la Tour de contrôle. Outre le guidage radar, les moyens suivants contribuent aux procédures d’approche/d’atterrissage à partir du secteur Nord-est:
1) Une VOR/DME DIK (VHF Omnidirectionnal Range/ Distance Measuring Equipment ou balise-radio omnidirectionnelle) avec une NDB (balise-radio non-directionnelle), les deux, installées conjointement dans les environs de Diekirch, matérialisant le IAF (Initial Approach Fix). La NDB indique à l’équipage le gisement de la station par rapport à l’avion, et le VOR-DME indique le relèvement de l’avion par rapport à la station.
2) Un ILW situé à 13 milles nautiques au Sud Est de l’IAF et à 10,2 milles au Nord Est de la zone d’atterrissage et qui constitue le IF.
3) Un ILS/DME ILW qui dispose de deux émetteurs: un localizer, installé au-delà du bout de la piste 24 de l’aéroport de Luxembourg qui opère le guidage de l’avion en azimut et un glide qui, installé à côté de la piste à hauteur de la TDZ (zone d’atterrissage), fournit à l’avion en approche finale un plan de descente (Glide Slope) de 3°. L’avion de son côté est équipé de récepteurs qui fournissent sur un écran les indications du localizer, matérialisées par une flèche mobile indiquant l’axe de la piste, et du glide matérialisées sur une échelle verticale. Dès que l’indication du localizer est centrée sur l’écran, l’avion se trouve dans l’axe de la piste; dès que et aussi longtemps que l’indication du glide est centrée, l’avion se trouve sur le plan de descente. Pour assurer un atterrissage, il faut donc maintenir les indications combinées du localizer et du glide centrées sur l’écran, Suivant les prescriptions en vigueur chez LUXAIR, les approches initiales, intermédiaires et finales en Cat II sont toujours effectuées à l’aide du pilote automatique qu’il faut reconfigurer à cet effet du mode NAV en mode GS. La balise DME installée près du glide fournit encore en permanence à l’équipage la distance exacte entre l’avion et le seuil de piste respectivement la TDZ (Touch-down Zone) et permet ainsi à l’équipage de déterminer le FAP (Final Approach Point).
4) Une balise NDB ELU qui se situe à 5,3 milles nautiques du ILS-DME, dans l’axe de la piste, marque, pour les atterrissages en Cat II, le FAP (Final Approach Point), c’est-à-dire le point dans l’espace où le plan de descente idéal coupe la trajectoire en palier de l’avion (à 3.000 pieds) et à partir duquel l’avion doit amorcer sa descente finale en vue de l’atterrissage. Ce FAP se situe à 5,5 milles nautiques de cette balise (sur l’hypoténuse formée par le glide). Il faut évidemment que l’équipage ait réglé au préalable le récepteur de bord sur la fréquence radio de cette balise. Autrefois, celle-ci indiquait seule le FAP; depuis l’installation du DME, elle n’avait pas été désactivée, mais faisait double emploi avec le DME dont elle confirmait l’indication, et constituait ainsi une sécurité supplémentaire. En effet, elle permettait à l’équipage de vérifier lors de son survol, ensemble l’altitude indiquée à l’altimètre barométrique, que l’avion se trouvait à l’altitude exacte prescrite pour le FAP. Le FAP était ainsi déterminé dans l’espace par l’intersection du plan en palier de l’avion (à 3.0000 pieds), avec la verticale de la NDB ELU, l’indication de la distance de 5.5. milles nautiques du DME et le centrage du glide sur l’écran, l’avion étant au demeurant maintenu dans l’axe de la piste par le centrage du localizer.
S’il apparaît de la circulaire du 24.01.2000 du capitaine PO mentionnée ci-avant que l’utilisation de la NDB ELU n’était plus obligatoire (required), elle n’était pas interdite pour autant et effectivement, elle n’en a pas moins continué à être régulièrement utilisée par les pilotes de la LUXAIR à titre de sécurité supplémentaire. La meilleure preuve appert de l’enregistrement du CVR et de sa transcription lors du vol en cause.
Abstraction faite des déductions que l’on sera amené plus tard à tirer sur d’autres plans de cet enregistrement, il y a lieu de retenir que, encore au jour de l’accident, la balise NDB ELU constituait un outil de navigation pour l’approche finale dont l’équipage n’entendait pas se priver. Elle figurait d’ailleurs expressément comme outil de navigation sur les cartes JEPPESEN Luxembourg, Cat II ILS DME Rwy 24 et Rwy 24 ILS DME AIP approach chart mentionnées ci-avant.
5) L’aéroport de Luxembourg dispose encore d’une NDB WLU situé, dans le prolongement de la piste, à l’ouest de la ville de Luxembourg (région de Leudelange), à 8 milles nautiques de l’ILS DME. Cette balise sert aux approches interrompues, mais n’a joué aucun rôle le jour des faits.
L’avion a donc quitté le niveau 180 à 8 h 41’ vers le niveau 140, et à 8 h 44’, sur instructions du centre de contrôle en route de Frankfort, fait route directement sur ELU (Echo Lima Uniform). A 8 h 46, l’équipage est autorisé à descendre au niveau 100, puis au niveau 60 à 8 h 49. A 8 h 50, le centre de Francfort relaye la demande de l’approche de Luxembourg à l’équipage d’arrêter la descente au niveau 90 et de faire route sur le VOR de Diekirch, avant de lui demander à 8 h 52 de contacter l’approche de Luxembourg.
Depuis 08 h 44’53’’, l’équipage s’informe sur les conditions météo à l’aéroport, d’abord par le biais de l’ATIS, ensuite à partir de 08 h 47’39’’ auprès du Dispatch. Les informations sont toujours défavorables: Plafond à 100 mètres visibilité (RVR) 250 mètres, et les chances d’un changement peu probables. Le Dispatch propose d’attendre et de continuer encore un peu, mais évoque la possibilité de dévier l’avion sur l’aéroport de SARREBRUCK où la météo est beaucoup plus favorable.
Le commandant de bord qui pilote l’avion ne fait pas le briefing d’approche prescrit par l’AOM que le copilote lui suggère à 08 h 45’ («Du wolls eppes verziëlen vun enger Cat II, oder waat?»). Le commandant se borne à lui répondre que si la visibilité n’augmente pas, il demandera à se mettre en attente à ELU en vue d’une amélioration, tout en doutant du succès d’une pareille manoeuvre.
A 08 h 48’29’, le commandant appelle encore une fois le Dispatch pour s’enquérir d’un départ éventuel d’un gros porteur de la CARGOLUX. Il espère profiter de l’effet des engins lancés à pleine puissance de cet avion cargo pour dissiper momentanément le brouillard, ce qui lui permettrait d’atterrir dans sa traînée. Le Dispatch semble passablement interloqué, mais de toute façon, ce «plan» ne pourra pas être mis à exécution, le gros porteur étant déjà en train de décoller. Cela n’empêchera pas le commandant, qui affiche ouvertement sa réticence à se faire dévier sur SARREBRUCK, de revenir encore à trois reprises sur le sujet jusqu’à 08 h 59’, et à 09 h 01’ 06’’, il discutera encore avec le copilote au sujet de l’idée de ce dernier de demander au Dispatch de faire effectuer par l’avion cargo un go around pour un passage au-dessus de la piste à basse altitude.
L’équipage contacte l’approche de Luxembourg Findel à 8 h 52’41’’, en descente vers le niveau 90 qu’il va atteindre et maintenir à 8 h 54’. Il est autorisé à entrer dans l’attente de Diekirch (‘l’hippodrome’) avant un guidage radar pour une approche ILS en piste 24.
Depuis 08 h 46’ 21’’, l’équipage discute de façon intermittente de la question qui d’entre eux fera l’annonce aux passagers et quel en sera le contenu, et c’est 08 h 53’ 24’’ que le copilote, sur instruction du commandant qui est toujours aux commandes, informe les passagers en trois langues que l’avion va rejoindre un circuit d’attente en attendant une amélioration des conditions météo à Luxembourg. A ce moment, l’avion, d’après le copilote, se trouve dans la région de Bitbourg. Le copilote est manifestement mal à l’aise parce qu’il n’a pas l’habitude de faire des annonces aux passagers, et il demande même à la chef de cabine PMDR, s’enquérant s’il y a un problème, s’il n’a pas dit n’importe quoi. Il l’a rassure en disant qu’il ne manque pas grand-chose à la visibilité et que tout devrait bien se passer. Ce sera la seule communication à partir du cockpit et à aucun moment, ni la chef de cabine ni les passagers ne seront informés que l’équipage va changer d’avis et que l’atterrissage est imminent.
A 8 h 58, le contrôle d’approche de Luxembourg autorise l’équipage à descendre à 3000 pieds avant même d’atteindre le IAF (VOR/DME DIK) et lui demande de virer à gauche au cap 130. C’est donc à partir de ce moment (premier cap radar) que commence l’approche intermédiaire qui est effectuée en forme de lacet en S.
Si le copilote, quelque peu surpris par cette annonce, n’est pas sûr qu’elle vise leur avion et demande à son commandant s’ils vont être dirigés vers l’approche finale où vers un circuit d’attente, le commandant a de suite compris qu’ils doivent se diriger vers l’approche finale. Tant le Dispatch que le contrôle d’approche lui confirmant une visibilité (RVR) à 275 mètres, il semble quelque peu désemparé tout comme son copilote quant à la conduite à tenir. Cependant ils entrent la valeur de la pression barométrique valable sur l’aéroport dans l’altimètre; le copilote suggère d’allumer le signal lumineux instruisant les passagers de mettre leur ceinture et le commandant trouve qu’éventuellement ce serait une bonne idée, mais curieusement oublie de rappeler au copilote de mettre à son tour son harnais; il entre la valeur de la MDA (Minimum Decision Altitude = 100 pieds) dans l’altimètre radar.
A 9 h 01’ 25’’ le contrôle d’approche lui donne un cap au 220 par la droite pour intercepter le localizer, l’avion est autorisé à l’approche et l’équipage doit rappeler une fois établi sur le localizer.
Si cette annonce par le contrôle d’approche a surpris l’équipage, le fait d’être autorisé à l’approche par priorité à tous les autres avions en attente semble avoir paru inespéré et les manoeuvres pour suivre les caps radar n’ont suscité aucune inquiétude si ce n’est celle que tout n’était pas encore gagné et qu’il leur faudrait éventuellement renoncer quand-même à l’atterrissage immédiat si la RVR ne s’améliorait pas.
L’avion traverse alors le niveau 60 en descente avec une vitesse indiquée IAS (Indicated Air Speed) de l’ordre de 200 noeuds. L’équipage, qui conservait jusqu’à cet instant un couple turbine de 25 - 27, réduit la puissance puis à 9 h 02’ positionne les power levers sur flight idle. L’avion est établi sur le localizer et le copilote entre le cap de l’approche manquée pour le cas où l’approche finale devrait être avortée.
La dernière RVR (Runway Visibility Range – visibilité des feux à partir du seuil de piste) reçue était de 275 mètres, les minima de l’équipage pour une approche en Cat II étant de 300 mètres. Sans une amélioration de la visibilité, il était à prévoir que l’atterrissage serait réglementairement interdit. A 9 h 02’02’’, le Commandant de bord aux commandes de l’avion rappelle la nécessité de faire la check list approche qui, d’après la procédure LUXAIR, est effectivement tardive («Mir mussen hei fir d’approche ehhhhh»). Elle ne sera terminée qu’après le passage de la balise ELU.
Il annonce au copilote que le localizer est ‘actif’ et ‘capturé’: l’avion a rejoint le prolongement de l’axe de la piste; il poursuit en disant que si à Echo (ELU) la RVR n’atteint pas 300 mètres, il procédera à une remise de gaz sur Diekirch (procédure de la missed approach). Le Copilote, qui assure les communications radio, rappelle l’approche à 9 h 02’ 32’’ pour informer que l’avion est établi sur le localizer, la vitesse indiquée étant en ce moment de 190 noeuds en régression, donc encore nettement trop élevée à cet endroit, et l’altitude à QNH 4800 pieds. Il lui est demandé de contacter la tour, ce qu’il fait immédiatement en précisant que l’avion est maintenant établi sur le ILS Piste 24.
Il est important de constater ici que ce faisant, il oublie à deux reprises de suivre l’instruction du commandant et néglige d’avertir d’abord l’approche, ensuite la Tour de l’intention du commandant de faire un go around selon la procédure de l’approche manquée et de voler vers le circuit d’attente de Diekirch, si à ELU, la RVR n’était pas montée à au moins 300 mètres. Il est tout aussi important de noter que le commandant n’a pas relevé ni corrigé cette double omission, au contraire. Lorsque le copilote s’adresse à la Tour, le commandant lui-même ne s’exprime pas clairement sur ses intentions.
Le copilote signale bien à la Tour qu’ils ont besoin d’une RVR de 300 mètres lorsque le contrôleur lui transmet une RVR de 275 mètres seulement et lui fait savoir en outre que c’est le calme plat, pas de vent, impliquant par là qu’il n’y a guère de chances d’une amélioration imminente. Le contrôleur renforce encore ce point à deux reprises respectivement à 09 h 03’ 25 16’’ («we didn’t have 300 during, uh, the last time») et à 09 h 03’35’’ («we have zero …..knots wind»), mais autorise néanmoins l’équipage à continuer son approche vers ELU.
Lors de l’approche de la balise ELU, on peut noter chez le commandant un atermoiement supplémentaire. En effet, à 09 h 04 ’09’’, il demande au copilote: «Sou, si mir de beacon? he, nach net grad. En ass 5.5.DME». Sur ce, le copilote lui répond: «Da muss é mol e beacon setzen, mai Jong.» A qui écoute l’échange de propos de l’équipage à ce sujet, il apparaît comme évident que le pilote s’est laissé prendre en faute; il avait effectivement oublié de régler le récepteur sur la fréquence de la balise. Même s’il essaye de se tirer d’affaire en affirmant (correctement): «Yo, mé ech hu jo och nach en DME», le copilote n’en est pas dupe ainsi que le révèle son «Ye, Ye, Ye, Ye, Ye, Ye,» dont le ton réprobateur ne saurait échapper à personne. Pour toute réponse, le commandant n’a qu’un rire gêné.
A 09 h 04’33’’, l’avion en descente à 3° est stabilisé en palier à l’altitude de 3.060 pieds par augmentation du torque des moteurs à partir de 09 h 04’37’’, à 5,6 milles nautiques du DME.
La balise ELU est survolée et partant le FAP atteint à 09 h 04'39’’. A 09 h 04’46, le commandant annonce l’interruption de l’approche («Yo, bon, mir maachen en go around, missed approach»). L’avion étant à ce moment à 5,2 milles nautiques du DME, en palier et à l’altitude prescrite par la procédure pour rejoindre DIK par WLU. Il est maintenu dans cette configuration sans modification des paramètres, ni du couple des moteurs (et donc de la position des manettes de puissance) ni de son assiette.
A 09 h04’57, la Tour annonce une légère amélioration de la visibilité, la RVR en début de piste étant maintenant de 300 mètres («RVR 300 meters 275 meters…. Stop-end 275 meters»), cette amélioration étant due à un vent léger qui s’est levé. A ce moment précis, l’avion est en train de sortir de la partie (supérieure) exploitable du faisceau du glide et se trouve à 4,7 milles nautiques du DME. Manifestement sans réfléchir ou analyser la situation nouvelle, le commandant prend de suite la décision d’abandonner l’approche manquée annoncée à 09 h 04’46’’ et de reprendre l’approche finale, puisque l’enregistrement du DFDR montre la réduction du couple des moteurs et partant le recul des manettes de puissance au ralenti/vol à 09 h 04’59’’. Une seconde plus tard, le CVR enregistre un bruit qui a été scientifiquement identifié ultérieurement par la BEA (Bureau des Enquêtes et Analyses) comme correspondant au déblocage (soulèvement) des ground range selectors, donc de la sécurité mécanique primaire mentionnée plus haut. Ce bruit a également pu être clairement perçu lors de la démonstration de l’enregistrement du CVR à l’audience.
Il est remarquable de constater que le commandant a pris cette décision seul sans se concerter avec son copilote, puisqu’aucune parole n’a été échangée entre eux à ce propos. Il ne l’annonce d’ailleurs pas davantage à la cabine.
Le couple moteurs se trouve réduit à 0 à partir de 09 h 05’02 jusqu’à 09 h 05’19, mais le copilote, qui ne formule aucune objection à l’intention du commandant de poursuivre l’approche, semble toutefois douter de l’efficacité des efforts de ce dernier pour décélérer suffisamment l’avion afin de rattraper le glide par le haut puisqu’il dit à 09 h 05’02’’: «…gét net duër». Effectivement, le profil vertical de leur trajectoire au radar montrera qu’au moment où l’avion commence à amorcer lentement sa descente (09 h 05’05’’ à 09 h 05’07’’), il se trouve à quelques 4,2 milles nautiques du DME et à environ 400 pieds au-dessus du plan de descente. Il va sans dire qu’à ce moment, l’équipage ne reçoit plus les indications du glide qui ne leur est d’aucun secours puisqu’ils se trouvent largement en-dehors de la partie exploitable du faisceau, alors que pourtant la visibilité est nulle.
Le copilote informe néanmoins la Tour «qu’ils continuent donc» et demande au commandant s’il doit sortir les volets, ce que ce dernier confirme à 09 h 05’08’’ en précisant leur sortie à 10°. Au même moment, la Tour les autorise à atterrir (you’re clear to land).
A partir de ce moment, tout va se passer très rapidement: A 09.05’11’’, le copilote demande s’il doit sortir le train d’atterrissage ce que le commandant lui confirme dans la seconde qui suit. Une seconde plus tard, à 09 h 05’13’’ le copilote confirme le message de la Tour (clear to land) et 2,5 secondes plus tard, à 09 h 05’16’’10/00, le CVR enregistre le bruit de la manette de commande du train, suivi de celui du train qui sort.
A 09 h 05.16’’60/00, le copilote dit encore: «Dât do gët zwar….») mais ne termine plus sa phrase, puisque pour ainsi dire au même moment, le CVR enregistre le bruit d’une augmentation de la vitesse des hélices (09 h 05’17’70/00).
A 09 h 05’19’’40/00, le CVR enregistre le bruit des manettes de puissance passant en-deçà du cran du ground idle, ce à quoi le commandant réagit médusé: «Wât ass dât?» puis «Hä?» qui se confond avec un »Oh merde» (09 h 05’22’’80/00) pendant qu’on peut entendre la vitesse de rotation d’hélices diminuer. A 09 h 05’27’’70/00, l’alerte de proximité du sol GPWS se déclenche et 1,5 secondes plus tard, à 09 h 05’29’’10/00, le copilote exhale encore dans un souffle:»Oh merde»
C’est là la dernière manifestation de la part de l’équipage avant l’écrasement au sol de l’appareil. Assez curieusement, l’enregistrement du CVR s’interrompt entre 09 h05’ 29’’ 10/00 et 09 h05’40’’10/00, puis révèle une portion très brève de l’enregistrement effectué une demi-heure plus tôt, reprend l’enregistrement à 09 h05’40’’80/00 pour s’arrêter définitivement à 09 h 05’44’’60/00. Cependant, si pendant ce tout dernier segment, à 09 h05’41’’60/00, on entend encore une communication entre un autre avion s’apprêtant à quitter le Terminal et la Tour («Ready for push-back next, Mike Kilo Alpha 123»), et un double signal acoustique à 09 h05’41’’90/00, les dernières 4,5 secondes de l’enregistrement ne renseignent plus aucune manifestation de l’équipage.
4) L’accident et ses causes.
L’analyse du profil de la trajectoire finale de l’avion, tel qu’il résulte des enregistrements du DFDR et du radar au sol, ensemble les tableaux des paramètres généraux et ceux des moteurs et hélices, révèle qu’après avoir volé en palier à 3.060 pieds (altitude QNH Z) et à vitesse pour ainsi dire constante entre 09 h 04’41’’ et 09 h04’59’’ (5,5 – 4,6 milles nautiques de DME), la vitesse diminue de 160 à 140 noeuds jusqu’à 09 h 05’17’’. Ce ralentissement est dû au recul des leviers de puissance contre le flight idle stop avec soulèvement simultané des ground range selectors (sécurité primaire) qui, dans le même temps, entraîne à la fois une chute du couple des moteurs (torque), une baisse des valeurs HP des turbines en-deçà du niveau minimum au flight idle (< 74% jusqu’à 70%) et une légère diminution de l’altitude de 3.060 pieds environ à +/- 2.900 pieds, soit quelques 8 - 9 pieds/seconde, le recul des leviers de puissance faisant suite à l’annonce par la Tour d’une RVR de 300 mètres.
A 09 h 05’16’’, le train d’atterrissage est sorti et une seconde plus tard, l’alerte des pales en low pitch se déclenche. En même temps, l’avion subit à la fois une énorme augmentation de l’accélération verticale de l’ordre de -042 g et une réduction tout aussi brutale de la vitesse horizontale. De plus, l’assiette de l’avion, qui avait déjà une tendance négative depuis la sortie des volets, accentue encore cette tendance (-16°), de sorte que l’avion commence à sérieusement piquer du nez. A cela s’ajoute que le nombre de tours des hélices accuse des valeurs insensées: Après une montée symétrique initiale à 90%, l’hélice gauche, après un passage en low pitch, jusqu’ à -02° se met en drapeau (à 85°) et réduit progressivement le nombre de ses rotations jusqu’à ne plus que mouliner lentement dans le vent, tandis qu’au contraire, l’hélice droite passe en même temps en full reverse et en survitesse à 108% dont le bruit terrifiant est enregistré par le CVR jusqu’à ce que la sécurité automatique réduise le nombre de tours de la turbine.
Pour couronner le tout, la trajectoire de l’avion accuse une descente verticale brutale à quelques 60° qui lui fait perdre une altitude de quelques 200 pieds en 7 secondes.
L’équipage a encore aussi désespérément que futilement essayé de remettre les moteurs en marche après les avoir éteints par la coupure de l’alimentation en carburant.
Ce dernier point est établi par le fait que l’alarme sonore n’a retenti ni lorsque la valeur des tours du corps de haute pression de la turbine gauche a baissé en-dessous de 60% ni lorsque la génératrice s’est déconnectée. Ces alarmes ne sont pas activées lorsque le moteur est coupé par l’équipage. Le débit de carburant du moteur gauche était à zéro à 09 h 05’25’’ et à 09 h 05’26’’, les deux fuel levers sont enregistrés en position fermée (‘shut)’. Les deux moteurs sont donc arrêtés. La constatation que l’équipage a dû essayer de redémarrer les moteurs se déduit du fait que l’examen de l’épave a montré que les interrupteurs d’allumage des deux moteurs étaient en position ’on’, et les fuel levers étaient de nouveau ouverts.
Il est un fait que les deux hélices ont été trouvées sur l’épave avec des réglages diamétralement opposés: L’hélice gauche (ou plutôt ce qu’il en restait) montrait les pales en position drapeau (à 85°) et les pales de l’hélice droite en full reverse (-17°). Il est encore un fait que lors de l’examen de l’épave, il s’est avéré que les deux manettes de puissance étaient symétriquement en position vol. La défense, plus particulièrement celle du prévenu P1, s’est emparée de ces constatations pour avancer l’hypothèse d’une panne mécanique.
En vérité, il n’en est rien; l’examen de l’épave et spécialement des groupes propulseurs a permis d’exclure toute défaillance mécanique. La raison du phénomène constaté est bien autre.
Les travaux d’expertise ont montré que lorsqu’une manette d’alimentation en carburant est sur une autre position que ‘ouvert’, par exemple sur ‘démarrage’ ou ‘’fermée’, ce qui était le cas pour les deux manettes respectivement à 09 h 95’25’’ et à 09 h 05’26’, la pompe hydraulique de mise en drapeau, alimentée en électricité de façon indépendante, se met en marche, pourvu que le levier de puissance se trouve dans la plage vol (flight idle ou au-delà). Cela a été le cas pour l’hélice gauche, mais non pour celle de droite.
La raison n’en est pas à rechercher dans un défaut d’alimentation électrique de la pompe, puisque son alimentation est indépendante. Elle n’est pas non plus à rechercher dans le fait que la manette de puissance droite n’aurait pas été avancée dans la plage vol, empêchant par là la pompe d’entrer en action, comme envisagé entre autres par l’expert ni dans un replacement trop abrupte de la seule manette de puissance droite dans la plage vol, bloquant les orifices du bêta tube, comme cela a été avancé entre autres par DOWTY Propellers, constructeur des hélices.
En effet, ces deux explications se heurtent à l’argument que du moment où l’équipage a réalisé que le problème venait de la position des leviers de puissance, rien ne permet d’affirmer qu’ils auraient manié les deux manettes de manière différente. Au contraire, tout porte à croire que cette réalisation, ensemble la panique devant une situation qu’ils ne maîtrisaient plus, confrontés à une catastrophe imminente qui allait se produire quelques secondes plus tard, les a fait avancer en bloc les deux manettes, ce qui explique aussi aisément la position finale de ces dernières.
En vérité, il est apparu des renseignements de DOWTY Propellers, constructeur des hélices, que s’il est vrai qu’à ce jour, personne n’a encore, du moins délibérément, tenté en pratique l’expérience de soumettre une hélice à la torture d’une position en full reverse et en survitesse contre un vent de 130 noeuds (et pour cause!), le constructeur est néanmoins d’avis que dès que les pales ont dépassé un angle de -4°, la force aérodynamique pousse les pales irrésistiblement vers la position full reverse (-17°) et la pompe de mise en drapeau n’aura en aucun cas la force de réorienter les pales vers le grand pas contre la pression du vent.
La position finale des pales s’explique donc par le fait que les pales, sous le contrôle direct des manettes de puissance dans la plage bêta en-dessous du flight idle, ont adopté une position légèrement différente; un peu en-deçà de -04° pour l’hélice gauche, un peu au-delà de -04° pour l’hélice droite. La différence a bien pu être minime, elle n’en a été pas moins réelle et a eu pour effet de rendre possible pour la première le retour en position drapeau et d’entraîner pour la deuxième le passage irrémédiable en full reverse. Que les manettes de puissance n’aient pas été maniées avec une symétrie parfaite résulte d’ailleurs de l’enregistrement du DFDR à 09 h0 5’17’’.
Au demeurant, l’effort de l’équipage aurait de toute façon été futile pour ce qui est du moteur droit parce que la position en reverse des pales tournant en survitesse contre la force aérodynamique de l’air traversé à la vitesse de 130 noeuds les avait littéralement décomposées comme des gousses de fèves. Le bruit de cette hélice endommagée a d’ailleurs été perçu par plusieurs témoins au sol qui l’ont comparé à un bruit de mitrailleuse. L’hélice en fait ne servait plus à rien si ce n’est de frein aérodynamique considérable et de surcroit unilatéral au point de faire dévier l’avion dans sa chute fortement (de 700 mètres) vers la droite.
Pour ce qui est du moteur gauche, l’effort était tout aussi vain. En effet, au moment où les deux manettes de carburant sont fermées, entraînant d’ailleurs la déconnection de la génératrice et par là l’arrêt du DFDR, l’avion se trouve à 1.200 pieds au dessus de l’élévation de l’aéroport (à 09 h 05’26’’). Les leviers de puissance sont avancés au-delà du ralenti-vol entraînant la mise en drapeau de l’hélice gauche dont le nombre de tours a diminué jusqu’à 5%. L’expert a émis l’opinion que si l’équipage s’était borné à avancer le levier de puissance gauche dans la plage vol sans fermer les manettes de carburant, il aurait pu recouvrer l’usage normal au moins du moteur gauche, même si l’hélice du moteur droit avait été irrémédiablement endommagée.
Il est cependant permis de douter que cette action aurait pu éviter la catastrophe vu le taux de descente extrêmement important et la proximité du sol. Même en tenant compte du fait que le terrain était à ce moment à 1.500 pieds sous l’avion et donc quelques 300 pieds plus bas que le seuil de piste, il est très loin d’être sûr que l’équipage aurait disposé de suffisamment de temps et d’altitude pour redémarrer le moteur gauche, le remettre au régime maximum et ramener l’hélice à un nombre de tours suffisant. Il est encore douteux si dans cette hypothèse, un seul moteur aurait donné suffisamment de puissance pour non seulement arrêter la descente et opérer un rétablissement, mais encore éviter les obstacles jusque et y compris la dénivellation importante entre l’avion et l’aéroport, sans parler de la difficulté supplémentaire résultant de l’effet de freinage provoqué par l’hélice droite toujours en pleine reverse.
De plus, l’équipage avait rentré les volets à 09 h05’21’’ dans l’espoir de redresser la situation Si cette action leur a permis d’augmenter momentanément leur vitesse horizontale (de 115 à 130 noeuds), elle a en revanche diminué la portance et par là augmenté la vitesse de la chute.
L’ensemble de ces paramètres traduit l’image d’un avion qui, en plein vol et dans une évolution parfaitement normale, est soudain privé de ses moyens de propulsion, soumis à un freinage brutal et finalement asymétrique, devient incapable de se maintenir en l’air et amorce une chute approchant à la fin de la verticale, seulement freinée par la résistance à l’air que produisent ses ailes, la seule force le faisant encore se déplacer horizontalement résultant de l’inertie cinétique.
Il est inutile de répéter ici la description des conséquences de cette chute sur l’avion et ses occupants à la suite du contact avec le sol; il y a lieu de se référer à ce qui a été écrit à ce sujet plus haut.
EN DROIT:
AU PENAL:
I. Les préventions
Le Ministère Public reproche aux prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6:
A) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
Le 6.11.2002, vers 10 h 06 heure locale, (ou 9 h 06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes,
Comme auteurs d’un crime ou d’un délit:
De l’avoir exécuté ou d’avoir coopéré directement à son exécution;
D’avoir, par un fait quelconque, prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime ou le délit n’eût pu être commis;
D’avoir, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ce crime ou à ce délit;
D’avoir, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, provoqué directement à le commettre;
Comme complices d’un crime ou d’un délit:
D’avoir donné des instructions pour le commettre;
D’avoir procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui a servi au crime ou au délit sachant qu’ils devaient y servir;
D’avoir avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs du crime ou du délit dans les faits qui l’ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l’ont consommé;
I) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
D’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:
- BJD
II) P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
D’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:
- P1, né le ... ,
III) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
D’avoir, sans nécessité, effectué un vol ou une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef ou les personnes et les biens à la surface du sol,
IV) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction aux articles 418 et 419 du code pénal
D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :
- BG (D),
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
V) P1, P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- BJD
VI) P2, P3, P4, P5, P6 et P7 pré-qualifiés,
En infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
D’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- P1, né le ... ,
1) Quant aux préventions d’homicide - coups et blessures involontaires:
Art. 418 C.P.
Est coupable d’homicide ou de lésions involontaires celui qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans l’intention d’attenter à la personne d’autrui.
Art. 419 al.1 C.P.
Quiconque aura involontairement cause la mort d’une personne sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 500 euros à 1.000,- euros.
Art. 420 C.P.
S’il n’est résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou des blessures, le coupable sera puni d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 500 euros à 5.000,- euros, ou d’une de ces peines seulement.
2) Quant à la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne:
Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 251 euros à 15.000 euros ou d’une de ces peines seulement, quiconque, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, aura commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef.
S’il est résulté de l’accident des lésions corporelles, le coupable sera puni d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 251 euros à 5.000 euros. Si l’accident a causé la mort, l’emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l’amende de 500 euros à 5.000 euros.
3) Quant à la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne:
24. Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 251 euros à 5.000 euros ou d’une de ces peines seulement, tout commandant qui aura survolé une agglomération ou tout autre lieu fréquenté au moment du vol, tel que plage, hippodrome ou stade, à une altitude inférieure à celle qui est prescrite par les règlements.
25. Seront punis des peines prévues à l’article précédent:
1° Tout commandant qui, sans nécessité, effectue un vol ou une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef ou les personnes et les biens à la surface du sol.
La prévention fondée sur les articles 418, 419 et 420 C.P. pour pouvoir être retenue, doit réunir les éléments constitutifs suivants:
1) Une personne ayant été la victime de coups ou de blessures ayant entraîné sa mort,
2) Une faute commise par l’auteur, cette faute consistant en un défaut de prévoyance ou
de précaution,
3) Une relation causale entre la faute de l’auteur et la mort de la victime.
En l’espèce, il est constant en cause que dans l’accident du 06.11.2002, dix-neuf passagers BG, CJ, HJ, HJO, KM, KO, KM, LD, OJ, PM, PU, SCHS, SCHA, SR, SL, TC, OCL et MM, le copilote JA et l’hôtesse de l’air PMDR ont trouvé la mort, et que le passager JDB, né le …ainsi que le pilote, le prévenu P1, ont été gravement blessés.
L’expression «par un défaut de prévoyance ou de précaution» recouvre dans sa généralité toutes les formes possibles et toutes les modifications de la faute, quelque légère qu’elle soit, que ce soit un fait fautif ou une simple abstention ou omission fautive.
En droit pénal, la faute délictuelle se confond avec la faute prévue par les articles 1382 et 1383 du Code civil. La responsabilité de l’auteur résulte de son fait ou de son abstention fautive personnelle.
Le fait fautif ne doit pas nécessairement avoir causé seul l’entièreté du dommage. Il peut être la cause directe ou indirecte du dommage; lorsque la cause est indirecte ou médiate, la responsabilité de l’auteur ne sera retenue que si celui-ci a raisonnablement pu prévoir les conséquences de sa faute.
Une faute de la victime, antérieure ou concomitante à la production du dommage, ne saurait exonérer l’auteur de la responsabilité de son propre comportement fautif, si les fautes respectives commises par l’un et l’autre ont toutes contribué à la réalisation du dommage.
Le fait dommageable peut résulter des fautes similaires commises par plusieurs individus ou d’une conjonction de plusieurs faits fautifs de nature différente.
Le dommage peut résulter de la conjonction ou combinaison de plusieurs faits fautifs, même si chacun de ces faits fautifs, éventuellement espacés dans le temps, n’avait pas à lui seul été à même de réaliser le dommage. Plusieurs fautes successives, imputables à des auteurs différents, peuvent concourir à la production d’un même dommage.
La faute ne doit pas nécessairement entraîner immédiatement ou directement la production du dommage. Elle peut avoir été commise à un moment bien antérieur à la survenance de celuici.
La faute peut consister dans la violation d’une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle.
Pour analyser le fait allégué de fautif, les tribunaux recourent à la notion abstraite du ‘bon père de famille’. Cette appréciation doit se faire in abstracto, c’est-à-dire du comportement d’un individu normalement prudent et diligent dans une situation donnée. Dans une certaine mesure, il faut tenir compte des spécificités de l’espèce et du métier ainsi que de l’environnement dans lequel les prévenus ont développé leurs activités professionnelles qui obéissent à un ensemble de règlements bien particuliers. Dans ce domaine, le comportement du ‘bon père de famille’ est celui qui montre un bon ‘airmanship’, notion qu’on peut traduire par professionnalisme aéronautique. Sous cet aspect, l’appréciation se fait dans une certaine mesure également in concreto.
Ces critères s’appliquent indistinctement tant à la prévention d’homicide involontaire qu’à celle des coups ou blessures (lésions corporelles) involontaires.
Ils doivent s’appliquer également à la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne qui ne constitue qu’une application particulière au domaine de la navigation aérienne des principes régissant les articles 418, 419 et 420 du Code pénal, à l’instar de l’article 422 du Code pénal qui s’applique au domaine de la circulation par rail, mais prévoyant des sanctions différentes.
A la lumière des critères énoncés ci-avant, il y a lieu d’examiner les faits dégagés par l’information judiciaire et l’instruction à l’audience, détaillés ci-avant et considérés comme établis en l’espèce, pour déterminer le degré de responsabilité dans les faits des différents prévenus au regard des préventions mises à leur charge.
L’ensemble des travaux accomplis lors de l’information judiciaire et de l’instruction à l’audience a permis de déterminer avec certitude que la cause immédiate de la perte de contrôle de l’appareil et de sa chute se trouve dans le changement du pas des hélices vers et dans une position (plage bêta) ne permettant plus de maintenir l’appareil en l’air dans un vol contrôlé, lui enlevant partant sa navigabilité.
Il est apparu comme tout aussi évident et à l’abri de toute contestation un tant soit peu raisonnable que cette perte de contrôle et partant de navigabilité a été directement et exclusivement induite par le déplacement en vol, par le pilote aux commandes de l’appareil, des manettes de puissance contre les butées de la sécurité secondaire suite à un déverrouillage de la sécurité primaire par soulèvement des ground range selectors, puis leur recul en plage bêta, en position de ground idle et finalement en reverse, aucune défaillance mécanique ne s’étant produite qui aurait pu modifier le pas des hélices.
Ces constatations ont alors immédiatement attiré l’attention des experts sur le fonctionnement de la sécurité électromécanique secondaire mentionnée plus haut (Automatic Flight Idle Stop) dont le but, et même la raison d’être était précisément d’empêcher le passage en vol des manettes de puissance dans la plage bêta, et sur le fonctionnement de la composante électronique Skid Control Unit (SCU) qui intervient dans l’activation de cette sécurité secondaire.
L’examen en atelier, effectué par les experts sur le dispositif mécanique de la sécurité secondaire (cames, verrous et solénoïdes) a permis de vérifier que celle-ci était non seulement intacte sur les deux moteurs, mais était parfaitement réglée selon les normes prescrites par le constructeur et fonctionnait à la perfection.
Il s’est toutefois avéré que la Skid Control Unit de l’avion accidenté, construite par le producteur de composantes, la société américaine ABSc, souffrait non d’une panne, mais d’un défaut inhérent à sa conception.
Il s’est révélé au fil de l’examen de la documentation fournie par Fokker et par ABSC, et confirmés par des essais en laboratoire postérieurs à l’accident du 06.11.2002, que cette composante électronique n’était pas suffisamment protégée contre des signaux électriques parasites provenant de sources diverses.
Une première information en rapport avec ce problème avait été émise par ABSc au moyen d’un Service Bulletin à destination de toutes les compagnies aériennes (Operators) exploitant le Fokker F50, y compris LUXAIR, le 01.08.1992. Dans ce Service Bulletin, ABSc se borna toutefois à annoncer aux Operators disposant sur leurs appareils de la composante Control Unit 6004125 la mise sur le marché d’une nouvelle version de cette composante (Control Unit 6004125-1). En même temps, ABSc fournissait une instruction détaillée et même minutieuse sur 7 pages comment les opérateurs pouvaient faire modifier ou éventuellement modifier eux-mêmes les unités existantes pour les conformer au nouveau standard.
Tout en assurant les opérateurs que la nouvelle version respectivement la modification indiquée n’affectait en rien les fonctions de test ni les fonctions antiskids, ABSc précisait qu’elle consistait simplement dans l’addition d’une résistance et d’une diode sur chacune des deux platines (wheel boards), dédiées aux côtés gauche et droit du train principal, et que le but de cette modification, dont le coût matériel était insignifiant, était d’assurer que la déconnexion des capteurs de roues (enregistrant la vitesse de rotation des roues) soit correctement détectée.
Cette modification, si elle pouvait être considérée comme une amélioration par rapport à l’unité antérieure, n’était d’après le texte du Service Bulletin, nullement urgente puisqu’elle pouvait être effectuée au moment du remplacement de l’unité existante ou à l’occasion d’une quelconque réparation de celle-ci pour d’autres motifs. Elle n’était pas davantage obligatoire, mais laissée à la simple discrétion et aux frais (‘at the option and expense’) de l’opérateur.
Plus spécialement, cette information ne mentionnait aucun risque relatif à la navigabilité de l’avion et surtout ne soufflait mot sur le problème conceptuel dont cette composante était affectée et qui sera la cause (ou au moins une des causes) de l’accident du 06.11.2002.
De plus, cette information de ABSc n’était ni mentionnée ni approuvée ou confirmée par Fokker en tant constructeur alors que cependant il semble que Fokker ait été à l’origine de cette modification qu’elle a provoquée. En effet, le problème avait été signalé à Fokker dès 1988 et Fokker avait correctement identifié le problème amenant ABSc à y remédier par la modification mentionnée.
Quoiqu’il en soit, cette modification proposée n’a été effectuée ni par LUXAIR ni d’ailleurs par les trois quarts des opérateurs exploitant le F50 et ce jusqu’au 06.11.2002.Il est à noter toutefois que cette version modifiée a été de suite montée en série sur tous les avions produits à partir de cette date.
Ce Service Bulletin n’a pas pu être retrouvé dans les archives de LUXAIR.
Un deuxième Service Bulletin a été émis par ABSc le 29.06.1994 sous forme d’une révision du Bulletin mentionné ci-avant. Ce bulletin, qui lui aussi a été émis sur instigation de Fokker sans que cela ne soit mentionné, reprend intégralement le texte du bulletin précédent du 01.08.1992, sauf en ce qui concerne la raison de la modification. Cette fois-ci, le but annoncé de la modification est «de prévenir un état pendant la mise sous tension de la composante Skid Control qui aurait pour conséquence inopinée d’envoyer une impulsion électrique au relais du ground control affectant de cette façon les solénoïdes du flight idle stop”. Ce bulletin était, sauf en ce qui concerne le changement dans le motif de la modification, rigoureusement identique au bulletin du 01.08.1992 et était tout aussi optionnel et dépourvu d’urgence que celui-ci.
Il faut toutefois admettre que dans ce bulletin, le problème est cette fois correctement, bien qu’incomplètement désigné d’un point de vue purement technique. Il est correctement désigné en ce sens qu’il établi un lien entre une influence agissant sur le SCU et une réaction de ce dernier sur les solénoïdes. Il est désigné d’une façon incomplète en ce sens que d’une part, on omet de désigner la source du «signal pulse» et d’autre part on omet de désigner clairement la nature de l’influence sur les dits solénoïdes, alors que pourtant, ainsi que cela est apparu en cours d’instruction, Fokker avait une connaissance très précise de la nature de ce problème.
Si ABSc (et/ou Fokker) avait à l’époque fourni les renseignements clairs et précis dont ils disposaient au moins depuis 1993, date d’un incident en tous points comparable avec les faits du 06.11.2002, sauf que là, l’incident avait, de justesse, connu une issue plus heureuse, le constructeur de la composante ou de l’avion aurait pu préciser que le signal parasite avait son origine dans la déconnexion électrique du mécanisme de verrouillage du train d’atterrissage et que le signal engendré amenait sous certaines conditions le SCU à déverrouiller la sécurité électromécanique secondaire en activant via le relais du ground control les solénoïdes du Automatic Flight Idle Stop. Ce faisant, ils auraient fait un lien entre la phase critique d’atterrissage (sortie du train) et une défaillance éventuelle d’une sécurité destinée précisément à exclure la survenance d’un état critique susceptible d’affecter la navigabilité de l’avion.
Il a fallu attendre encore six mois avant que Fokker cette fois-ci, dans une Service Letter n°137 du 20.12.1994 également adressée à tous les opérateurs de F50, ne s’exprime d’une façon concise certes, mais claire et précise, appuyée par des graphiques, sur le fonctionnement des primary et secondary stops, et sur les défaillances possibles du SCU.
Cette Service Letter mérite que l’on s’y attarde:
A la suite d’un échange d’informations entre Fokker et les services maintenance de LUXAIR, Fokker avait rassuré M. GS, le responsable F50 chez LUXAIR que l’anomalie décelée par celui-ci n’en était pas une, mais lui avait en même temps envoyé directement la SL n°137 qui fut adressée quelques jours plus tard officiellement à LUXAIR. M. GS envoya une copie de cette lettre tant à M. P6, chef du service Engineering, à M.PW, à M. P7, chef du service Avionics ainsi qu’au chef de flotte F50.
Cette lettre se situe dans le chapitre des commandes des moteurs et porte sous l’intitulé:Engine controls, le sous-titre: Automatic Flight Idle Stop – Operation of the Flight Idle Stops Solenoids during Flight.
Après une description succincte des sûretés primaires (Primary stop = butée d’arrêt mécanique) et secondaires (Automatic Flight Idle Stop = butée d’arrêt automatique, électromécanique), les deux devant empêcher en vol le passage dans la plage sol, Fokker décrit des problèmes qui peuvent se présenter dans le fonctionnement de ces systèmes de sécurité.
- En ce qui concerne la sûreté mécanique primaire (obligatoire) installé dans le cockpit, il peut arriver que les leviers de sélection sol (qui débloquent la sûreté) soient maniés en vol, par exemple lorsque la main du pilote tient les leviers de sélection pendant une météo turbulente. Ceci peut aboutir à la situation où les manettes de puissance passent en-deçà des butées primaires et arrivent à se caler contre les butées secondaires. Si les commandes moteurs sont incorrectement réglées, ceci peut amener une augmentation du nombre de tours des hélices/ augmentation de la traînée. Si les manettes de puissance sont maintenues contre les butées secondaires, il peut devenir impossible de déplacer les manettes de puissance dans la plage sol en raison de la friction imposée.
Les procédures prévues au manuel de vol recommandent le déplacement des leviers de sélection que lorsque le train avant a touché la piste. En ce qui concerne ce problème, il est considéré qu’il incombe aux opérateurs de prendre le cas échéant les dispositions appropriées.
- En ce qui concerne la butée automatique (sûreté secondaire) ralenti/vol (Automatic Flight Idle Stop) installée sur chaque moteur, elle empêche le passage de l’hélice dans la plage sol pendant le vol si les leviers de sélection de la plage sol sont accidentellement déclenchés. La localisation de cette butée sur le moteur assure aussi la protection contre une rupture du câble de commande.
Si les solénoïdes des butées ralenti/vol (un sur chaque moteur) sont mis sous tension, les leviers de verrouillage sont retirés des manettes de puissance. Ceci permet de reculer les manettes de puissance dans la plage sol après l’atterrissage. Lorsque le système fonctionne normalement, les solénoïdes seront mis sous tension après l’atterrissage quant l’un des signaux d’entrée est disponible:
- Le signal d’accélération des roues à partir du système de réglage anti-patinage (SCU)
- Le signal ‘au sol’ à partir du relais sol/vol.
Cependant, l’expérience en opérations a révélé que les solénoïdes des butées ralenti/vol peuvent également être mis sous tension, en vol pour une période de 16 secondes dans les circonstances suivantes:
- Quand les deux commutateurs de verrouillage gauche et droit du train d’atterrissage principal sont mis hors tension exactement au même moment. Bien que considéré comme peu probable, ceci peut arriver à chaque vol lorsque le train est sorti.
La survenance de ce phénomène peut être évitée avec une modification du module de contrôle anti-patinage et cette modification, lorsqu’elle est effectuée, change le numéro d’identification du module de 6004125 en 6004125-1 et est couverte par le Service Bulletin F059-32-4 de ABSc.
Cette lettre de Fokker signale encore deux autres possibilités de dysfonctionnement du module SCU, la première arrivant en actionnant le bouton ‘Test’ du module, procédure seulement prévue lorsque l’avion est frappé par la foudre pendant l’atterrissage, la deuxième en actionnant le bouton remorquage, cette action n’étant (évidemment) pas prévue en vol.
Ces deux dernières possibilités de dysfonctionnement n’ont en fait joué aucun rôle dans l’accident du 06.11.2002.
Il est constant en cause qu’aucune suite n’a été réservée par LUXAIR à cette Service Letter 137 de Fokker jusqu’au jour de l’accident.
L’argument a été avancé que puisque l’avion était certifié navigable, les personnes responsables de son exploitation et/ou de son entretien n’auraient pas commis de faute d’imprudence, susceptible d’engager leur responsabilité pénale, en omettant de procéder à l’élimination d’un défaut connu de nature à causer un accident très grave, si cet accident survenu était dû, en tout ou en partie, précisément à ce défaut qu’ils auraient sciemment omis d’éliminer.
Sous ce rapport, on peut renvoyer, même sans aller jusqu’à tirer des conséquences quant à la navigabilité de l’avion, à l’information donnée par l’expert M. FAVÉ que (bien évidemment) le Service d’Entretien a «l’obligation de réparer l’avion selon les règles de l’art approuvés par le constructeur».
Il a encore été affirmé que l’avion ayant été certifié navigable dans son état neuf, et le défaut caché du module SCU monté de série sur l’appareil ayant existé dès la sortie de l’appareil des halles de montage, ils n’auraient pas été obligés d’éliminer un défaut reconnu par eux à moins d’y être contraints (ou autorisés) par le constructeur.
Cet argument se base apparemment sur la nature différente entre les diverses communications écrites leur parvenant de la part du constructeur (Fokker) et les autres constructeurs d’équipements isolés. Ces communications sont rangées en quatre catégories: Les Services Bulletins (SB) dits optionnels, les SB recommandés, les SB obligatoires et les Alert SB. Cette classification a été établie par Fokker dès 1987.
Les Alert Service Bulletins doivent immédiatement être exécutés, il y a péril en la demeure, l’avion ne doit plus prendre l’air avant que la réparation ou modification visée par cette sorte de bulletin ne soit effectuée; l’avion est cloué au sol.
Lorsqu’un problème décelé concernait la navigabilité de l’avion, sans revêtir le caractère d’urgence nécessitant un Alert SB, mais qu’à plus ou moins brève échéance, l’avion risquait de voir son certificat de navigabilité suspendu ou révoqué, le constructeur de l’avion envoyait un SB obligatoire, suivi d’une AD (Airworthiness Directive) de la part de l’autorité ayant certifié de type l’appareil en question. Cette AD rend la modification obligatoire endéans un délai déterminé sous peine de suspension du certificat de navigabilité.
Les SB recommandés contenaient des informations quant à des modifications concernant entre autres la rentabilité et la longévité d’un équipement ou par exemple l’économie en carburant. Ces bulletin n’étaient pas obligatoires et ne prévoyaient aucune date limite pour se mettre en conformité.
Finalement, les SB optionnels étaient des informations sans influence dont l’application était laissée au gré de la compagnie.
Pour terminer, il y a encore les Service Letters du constructeur dont ni la nature ni le contenu n’ont été autrement précisés, mais qui en tout cas, et ceci est confirmé par les experts judiciaires, n’étaient jamais destinées à instruire les opérateurs de problèmes qui réclamaient une solution plus ou moins urgente.
Il est tout-à-fait plausible que dans un domaine comme l’aéronautique où la sécurité des opérations est un souci aussi primordial, il n’y a pas lieu de permettre les interventions, réparations et modifications sauvages, c’est-à-dire soustraites au contrôle et à l’approbation du constructeur, qui risqueraient de diminuer la sécurité directement ou indirectement, par leur influence négative sur d’autres composantes de l’avion, influences qu’un opérateur ou un réparateur, même un producteur d’équipements particuliers ne pourront guère apprécier. Il semble alors tout-à-fait normal qu’un avion ainsi modifié perde sa certification.
Si donc ce classement a certainement sa raison d’être et si la rigueur avec laquelle les responsables de LUXAIR entendaient apparemment s’y conformer est compréhensible, il n’en demeure pas moins que des questions subsistent et un constat s’impose:
Si l’opérateur ne pouvait pas se considérer autorisé à procéder à une modification (mineure quant aux coûts impliqués) lui proposée par un producteur d’équipements importants comme ABSc, sans demander l’autorisation du constructeur d’avion, pourquoi ce producteur se donnerait-il encore la peine de contacter lui-même les clients du constructeur de par le monde au lieu de s’adresser directement à celui-ci pour lui laisser le soin d’en informer les clients?
Si cette politique de classement des informations est réelle et immuable, pourquoi le producteur ne sollicite-il pas lui-même au préalable l’aval du constructeur?
Il a été établi que Fokker avait été au courant des problèmes liés au fonctionnement du module SCU dès 1988 et que la recherche d’une solution remonte à une initiative de Fokker.De plus, il s’est avéré qu’au moins le SB optionnel de ABSc de 1994 a été publié à la demande de Fokker. Enfin, dans sa Service Letter n° 137 dans laquelle Fokker décrit en détail une série de problèmes liés au primary stop et au secondary stop ainsi qu’au fonctionnement du module SCU, Fokker se réfère expressis verbis aux SB optionnels de ABSc précédents qui contiennent après tout une proposition-recommandation de ABSc. Comment se fait-il que Fokker ne souffle mot de sa propre attitude quant à cette proposition. si son approbation était nécessaire?
Il n’est pas utile de creuser davantage toutes ces questions pour la simple raison que, au moins du point de vue pénal, et dans la détermination des responsabilités éventuellement encourues par les prévenus, elles n’ont guère de relevance en l’espèce.
En effet, il est incontestable, cela a déjà été relevé, que Fokker a été le premier constructeur d’avions à turbo-propulsion au monde à comprendre la nécessité de prévoir un deuxième système de sécurité, automatique et hors de la portée des pilotes pour empêcher le passage en vol des manettes de puissance en plage bêta. Cette innovation était très certainement la réaction appropriée à toute une série d’accidents dus à ce genre de faute de pilotage.
Le système conçu au moins en partie par ABSc (sur proposition de Fokker?) devait être le système de la dernière chance, automatique, infaillible, insensible à l’erreur humaine dont il avait la mission d’empêcher les conséquences. Que vaut un tel système de sécurité dont Fokker a certainement vanté les mérites auprès de ses clients, s’il ne remplit sa fonction que de façon aléatoire et, ce qui plus est, s’il peut lâcher de façon sournoise, sans crier gare, sans avertissement et, vu les circonstances dans lesquelles il est susceptible de déployer son utilité, sans laisser une chance d’éviter la catastrophe dans la plupart des cas?
La Service Letter n° 137 montre clairement que Fokker avait bien compris le problème dans toute sa gravité et s’il fallait encore en douter, il suffit de se rappeler le texte du WARNING distribué par Fokker à tous les opérateurs de F50 depuis 1998. De plus Fokker s’est expressément référé à la proposition de ABSc pour indiquer comment remédier à la situation.
Quelle valeur attacher, en considération de ces faits, au caractère ‘optionnel’ et ‘noncontraignant’ des SB de ABSc?
Même si la Service Letter n° 137 n’avait, de par sa pure forme, qu’un caractère ‘simplement informatif’, il n’en demeure pas moins que cette ‘simple information’ contenait justement des renseignements inhabituels, d’ordre hautement technique puisqu’ils se rapportaient aux «engine controls» (commandes des moteurs) comme l’indique déjà clairement et en toutes lettres l’intitulé de la SL 137.
Le fait que le sous-titre mentionnait en outre un fonctionnement des solénoïdes de l’Automatic Flight Idle Stop devait déjà non seulement sauter aux yeux du lecteur comme une information extraordinaire pour un simple bulletin d’informations, mais encore contenir une indication quel département du service de maintenance de l’opérateur, à savoir le service électrique et électronique, pouvait être intéressé par le contenu de ce bulletin.
La simple précision dans le même sous-titre que les solénoïdes de cette sécurité secondaire pouvaient être activés en vol auraient dû faire sursauter le lecteur technicien étant donné qu’ils n’étaient précisément pas destinés a priori à fonctionner en vol. Même un lecteur distrait aurait alors pu se sentir piqué de curiosité et s’il avait alors parcouru le texte proprement dit, il se serait rendu compte en un tournemain que le module SCU était affecté d’un sérieux problème. Après tout, la question n’était plus de savoir SI, mais seulement QUAND la catastrophe allait se produire. Il ne faut pas spécialement souligner que les informations y contenus peuvent être comprises sans peine par quiconque a une maîtrise élémentaire de la langue anglaise.
Et même à supposer que les personnes responsables de LUXAIR aient cru devoir s’attacher servilement à la nomenclature de la classification, comment se fait-il que personne parmi ces responsables qui ont lu et compris ce qu’ils lisaient, n’a eu l’idée de passer simplement un coup de fil ou un télex à Fokker pour sonder la possibilité d’un accord du constructeur à la modification proposée par le producteur du module, juste pour parer à toute éventualité? Ceci est d’autant plus incompréhensible que LUXAIR disposait d’un mécanicien-chef, le sieur GS, qui avait accompli une formation très poussée chez Fokker, avait pratiquement assisté à la construction de l’appareil et avait non seulement la réputation de connaître les moindres boulons de l’appareil, mais avait encore gardé d’excellentes relations avec le constructeur avec lequel il était en contact régulier pour ne pas dire permanent.
N’est-il pas proprement sidérant de constater que plus particulièrement aucun technicien, professionnel de la maintenance, ne s’est senti le besoin de réparer (ou faire réparer) une pièce d’équipement entachée d’un défaut? Ils ont bien changé les ampoules défectueuses.
A défaut de recevoir la moindre réponse des prévenus à ces dernières questions, le tribunaldevra s’attacher à les trouver.
Ce faisant, il y a lieu d’admettre que Fokker n’aura guère eu envie de jouer à la roulette russe avec ses clients ni avec les passagers de ces derniers, mais que Fokker a estimé s’être clairement exprimé en ce qui concerne la nature du problème et la façon d’y remédier. On aurait tout au plus pu souhaiter que l’auteur de cette Service Letter se fût exprimé aussi clairement sur l’attitude Fokker par rapport à la modification proposée, soit dans le texte soit en choisissant un moyen plus énergique de signaler la nécessité de la faire.
Que les responsables de Fokker aient présumé que le message avait été suffisamment clair peut être déduit du fait que lorsque, immédiatement après l’accident, le sieur GS s’est rendu auprès de Fokker, la première question qui lui fut posée était: «Avez-vous appliqué le SB de ABSc?»
Si rien ne permet d’affirmer que Fokker ait froidement fait le calcul qu’il n’y avait lieu de se donner la peine d’effectuer la modification, parce que la probabilité d’une conjugaison d’une faute de pilotage et la mise hors tension simultanée des commutateurs des verrous du train serait trop réduite, rien ne permet d’autre part de supposer que les responsables de LUXAIR aient fait pareil calcul de leur côté, étant donné que LUXAIR (et ses responsables) avaient si possible encore moins d’intérêt à se livrer à ce genre de spéculation sur la vie de leurs passagers.
Il y a cependant lieu de retenir:
- Dès le 20.12.1994, les opérateurs dont la LUXAIR étaient avertis d’une façon précise et dépourvue d’équivoque par Fokker, le constructeur de l’avion, de l’existence de plusieurs possibilités d’un dysfonctionnement du module SCU;
- Que ces problèmes se présentaient sur des modules en parfait état d’entretien, étant donné qu’ils n’étaient pas causés par l’usure ou par un défaut d’entretien, mais par un défaut de conception du module;
- Qu’au moins un de ces problèmes, à savoir celui généré par un signal d’entrée parasite provenant de la mise hors tension simultanée des deux commutateurs de verrouillage gauche et droit du train d’atterrissage principal, survenait de façon aléatoire et à l’insu du personnel navigant;
- Qu’il avait pour effet d’enlever toute efficacité à un système de sécurité de dernier secours supposé indéréglable et infaillible;
- Que sa défaillance inopinée et en quelque sorte sournoise était de nature à créer une situation extrêmement dangereuse vu les circonstances dans lesquelles ce système devait faire ses preuves;
- Que cette défaillance, même si elle était considérée par Fokker comme très peu probable, pouvait se produire à n’importe quel vol et que Fokker avait signalé ce fait dans sa lettre en le relevant spécialement; que ce n’était donc pas tellement une question de savoir si une situation potentiellement catastrophique pouvait se produire, mais seulement quand;
- Que le défaut était considéré suffisamment grave que le constructeur de la pièce, ABSc, avait arrêté la production et la commercialisation de la version affectée de ce défaut, et avait, dès le mois d’août 1992, produit une version améliorée de ce module qui avait été incorporé de série dans tous les avions Fokker F50 construits à partir de cette date;
- Qu’il est patent et résulte d’ailleurs expressément de la lettre 137 de Fokker que l’incorporation de cette nouvelle version du module était connue de Fokker;
- Qu’il y avait cependant moyen de remédier d’une façon satisfaisante, économique et définitive au défaut des anciens modules par incorporation de la modification proposée par ABSc dès le mois d’août 1992;
- Que de toute évidence, pareille incorporation avait reçu l’aval de Fokker, puisque le constructeur y renvoyait expressément et sans la moindre réserve, limitation ou simple mise en garde dans sa lettre.
Il est apparu d’autre part lors de l’expertise judiciaire que par le passé, de nombreux accidents impliquant des avions à turbo-propulsion de fabrications diverses avaient été provoqués par le passage des manettes de puissance en mode bêta. Ceci avait amené la FAA (Federal Aviation Agency) le 11.08.1998 à imposer à certains constructeurs d’avions, entre autres à Fokker, d’insérer dans le manuel de vol des appareils volant aux Etats-Unis, dont notamment le F50, l’avertissement suivant:
«Warning: Do not attempt to select ground idle in flight. In case of failure of the flight idle stop, this would lead to loss of control from which recovery may not be possible”.
Fokker avait alors décidé la même année d’imposer le même avertissement dans les manuels de vol des F50 volant ailleurs dans le monde, y compris dans ceux opérés par LUXAIR. Effectivement, cet avertissement avait fait l’objet d’une note interne du 22.03.1998, distribuée par le chef de flotte à l’époque, le témoin MW, à tous les pilotes de F50, et inséré ensuite dans tous les AOM des pilotes et dans ceux à bord de chaque avion. Effectivement, l’avion accidenté le 06.11.2002 avait à bord le manuel de vol dans lequel, sous l’intitulé.’Propeller Operating Limits’ figurait cet avertissement, mis en évidence spécialement par un trait en marge.
Certains prévenus ont mis en doute les causes de cette perte de contrôle, dégagées par les experts judiciaires.
Ils ont ainsi évoqué la possibilité que le déblocage de la sûreté secondaire ait pu être provoqué par l’opération du bouton test du SCU ou par une influence magnétique extérieure à l’appareil.
En ce qui concerne la fonction test du SCU, il est exact que la mise en route de cette fonction par pression du bouton afférent a pour effet d’envoyer au ground control relay un signal provoquant ce dernier à mettre sous tension les solénoïdes pour une durée de 16 secondes, provoquant ainsi la même réaction que la mise hors tension des commutateurs de déverrouillage du train principal. Cela est spécialement mentionné dans la SL 137.
Il est encore exact que cet effet de la fonction test, qui n’était à exécuter qu’au cas où l’avion avait été frappé par la foudre, avait été porté à la connaissance des pilotes par une circulaire interne LUXAIR.
Cette hypothèse de la défense doit cependant être rejetée pour les raisons suivantes:
- La première raison réside dans le fait que l’hypothèse suppose une action délibérée de la part de l’équipage qui aurait ainsi voulu intentionnellement amener en vol les pales dans une position Low Pitch, rigoureusement interdite par la procédure telle que prévue par le manuel de vol LUXAIR. Rien ne permet cependant de supposer dans le chef de l’équipage une telle action délibérée. Ainsi que l’expert judiciaire Vincent FAVÉ l’a exposé lors de sa présentation à l’audience, le CVR n’enregistre pas la moindre mention par l’un ou l’autre des pilotes se rapportant au dit bouton test. Abstraction faite de l’impossibilité relative pour le pilote aux commandes (PF) ayant ses mains sur les commandes d’actionner en plus le bouton test, et de l’extrême improbabilité pour le pilote non aux commandes (PNF) d’actionner ce bouton sans pour le moins en référer au PF à qui ce geste n’aurait pu échapper, il y a surtout le fait, enregistré par le CVR, que le prévenu P1était manifestement totalement pris par surprise par le passage des hélices au Low Pitch, le freinage brutal de l’avion et sa chute tout aussi brutale (»Waat ass daat?» , puis: »Hä?!») ce qui est totalement inconciliable avec la provocation délibérée d’une situation dont les effets lui étaient parfaitement connus.
- La deuxième raison, encore plus décisive et même péremptoire, pour rejeter cette hypothèse réside dans le fait que son inanité est établie à l’exclusion de tout doute par l’enregistrement du DFDR. En effet, en avançant son hypothèse, la défense oublie que l’action du bouton test en vol a non seulement pour effet de mettre sous tension les solénoïdes du Secondary Stop, mais encore et surtout de faire simultanément monter les moteurs au régime de pleine puissance du Go around, ainsi que cela résulte de la Service Letter 137 de Fokker, et de la note envoyée, ensemble son annexe explicative fournie par Fokker, à tous les pilotes le 17.08.1994 par le directeur des Opérations 00Capt. JP et le chef de flotte le Capt. GA. Pareille montée en régime aurait donc dû être enregistrée à partir de 09 h04’59’’. Or il n’en est rien, au contraire.
Dès 09 h05’00’’, le DFDR enregistre une baisse abrupte de tous les paramètres relevants: Les valeurs du couple moteurs tombent à zéro, celles de la vitesse de rotation de la partie basse pression comme celles de la partie haute pression des deux turbines, la première tombant à 50%, la dernière à la valeur de 70% correspondant au ground idle suivant les informations fournies par le constructeur des moteurs, les trois catégories de paramètres d’ailleurs en parfaite symétrie avec la valeur du fuel flow tombant à environ la moitié de la valeur précédente, Ces paramètres sont absolument inconciliables avec une montée en régime au go around.
En ce qui concerne l’hypothèse d’éventuelles influences électromagnétiques extérieures aux systèmes de l’avion, elle reste à l’état de pure spéculation. Pareille influence électromagnétique, provenant par exemple de la station satellites de Betzdorf incriminée par la défense, et dont la simple existence laisse d’être établie, n’a été enregistrée sur aucun système de l’avion accidenté, et la défense est restée en défaut d’établir seulement que cette station satellites ait jamais eu ou seulement pu avoir une influence négative sur les systèmes électroniques des avions passant à proximité. Il y a lieu de présumer que cela se serait su dans les milieux aéronautiques et que les autorités compétentes auraient veillé à y remédier sans délai depuis longtemps.
La défense aurait tout aussi bien spéculer sur la possibilité d’un passager opérant un appareil électronique muni d’une antenne et doté d’une forte puissance émettrice, ce qu’elle n’a cependant pas fait.
En vérité, le recul des manettes de puissance contre le secondary stop, trahi par l’enregistrement au CVR du bruit (“click”) clairement identifié des leviers de sélection de la plage sol, et la simultanéité entre la descente du train et la détérioration abrupte de tous les paramètres moteurs et hélices, ensemble le passage des manettes de puissance en plage Bêta, correspondent parfaitement au phénomène connu et décrit dans la Service Letter 137 de Fokker, de sorte que les causes de l’accident doivent être considérées comme établies à l’abri de tout doute raisonnable.
Le Tribunal retient dès lors que l’accident du 06.11.2002 est dû, ainsi que cela avait été exprimé ci-avant, à la perte de contrôle irréversible et partant de la perte de la navigabilité de l’avion directement et exclusivement induite par le déplacement en vol, par le pilote aux commandes de l’appareil, des manettes de puissance en position de ground idle, puis de reverse, ce déplacement des manettes de puissance ayant lui-même été seulement rendu possible d’une part par le fait du pilote aux commandes de soulever les ground range selectors et par là de débloquer le primary stop et d’autre part par le fait que le module SCU présentait le défaut systémique d’activer, de façon aléatoire, les solénoïdes du Automatic Flight Idle Stop sous l’effet d’un signal d’entrée parasite provenant des commutateurs de verrouillage du train principal.
Il a donc été déterminé par l’analyse des faits que l’accident du 06.11.2002, avec la perte de vies humaines, ainsi que des lésions corporelles subies par les deux occupants de l’avion prémentionnés comme conséquence, est dû à la réunion indivisible et indissociable de deux causes distinctes.
Le prévenu P1:
La responsabilité du prévenu peut être recherchée sur deux plans: D’un côté du point de vue de ses obligations en sa qualité de commandant de bord de l’avion accidenté, et d’autre part du point de vue de celles reposant sur lui en sa qualité de pilote aux commandes du même avion. Ces obligations se chevauchent en partie dans la mesure où il a pu cumuler les deux qualités. Néanmoins, sa qualité de commandant de bord lui a imposé des obligations et donné des pouvoirs distincts de celle du pilote aux commandes (Pilote Flying = PF).
Ces obligations découlent dans un sens général des dispositions légales précitées et sont par ailleurs énoncées de façon claire, précise et minutieuse par les dispositions du LUXAIR Aircraft Operations Manual (= AOM) part A General Basics et Part B Aeroplane Operating Matters notamment ainsi que par le Aircraft Operations Manual de Fokker qui ont été établies sur base des dispositions JAR-OPS 1 transposées dans le droit national.
En ce qui concerne l’AOM de Fokker,, il y a lieu de préciser qu’il fournit au personnel navigant les informations nécessaires sur les systèmes de l’avion, les limitations de celui-ci, les procédures à appliquer, les check-lists, les techniques de vol à employer, les performances, le poids et l’équilibre de l’appareil, donc toutes les données techniques spécifiques de l’avion que l’équipage doit connaître pour piloter en toute sécurité.
Il y a lieu de relever que cet AOM établi par Fokker ne vise non seulement spécialement le modèle Fokker F50, mais précisément et exclusivement ce modèle tel qu’il a été livré à LUXAIR, et est en conséquence unique. (cf. Fokker AOM Introduction sub. list of effective pages al.3) et effectivement, le AOM est établi pour la LUXAIR en tant qu’opérateur et pour les avions spécifiques désignés par leur numéro de série.
Il a été essayé de faire accréditer auprès du Tribunal, notamment par le témoin CG, appelé par la défense du prévenu P1, et qualifié par cette dernière d’«expert en aéronautique», l’allégation que ces dispositions ne constitueraient que des recommandations (guide lines) que les pilotes seraient libres de suivre ou non selon leur propre appréciation et que «de toute façon, il serait bien connu que les gens n’observent pas toujours strictement la réglementation».
Il est pourtant précisé à la première ligne de l’AOM LUXAIR Part A sub 01.01.1.que le LUXAIR Aircraft Operations Manual est publié en conformité avec le Joint Aviation Requirements (JAR-OPS1) et avec les termes et conditions de son Certificat de Transporteur Aérien (AOC). Il est encore précisé que le dit manuel de vol est destiné à l’usage et la direction de tout le personnel d’exploitation qui doit s’assurer que tous les vols de transport commercial seront prévus et exécutés selon les politiques et exigences de la compagnie.
De plus, il est relevé sub 0.1.3 que le Certificat de Transporteur Aérien de la compagnie pourra être suspendue, modifiée ou retirée par l’autorité aérienne nationale, si celle-ci établit que les procédures n’auront pas été suivies ou que les standards n’auront pas été maintenus.
Les stipulations du AOM sont partant exigées par la règlementation nationale sur base de laquelle la AOC a été délivrée et elles obligent tous les membres du personnel d’exploitation non seulement en tant qu’instructions émanant de l’employeur (obligation conventionnelle) mais encore en vertu de la règlementation nationale.
Le AOM LUXAIR mentionne de plus sub 0.2.2 que les instructions de la Compagnie se fondent sur la réglementation internationale, nationale et locale et doivent être utilisées pour la préparation et l’exécution de tous les vols de la Compagnie. «Il faut (‘it is necessary’) pour faciliter le travail en équipe d’adhérer strictement aux procédures opérationnelles standard LUXAIR telles que décrites dans le AOM Part A, B et CAM »(cf. GB Part A 8.3.18.300)
L’allégation insinuée par la défense et clamée haut et fort par le soi-disant «expert» a été d’ailleurs énergiquement démentie à l’audience non seulement par les experts judiciaires, mais également par d’autres témoins, pilotes de ligne au service de la compagnie LUXAIR respectivement d’autres compagnies, qui ont déclaré que l’ensemble des prescriptions de l’AOM LUXAIR comme de celui de Fokker constituent la ‘bible’ des pilotes et que ceux-ci sont entraînés aux procédures y stipulées ‘avec une précision et une rigueur presque militaire’, pour ne citer qu’un témoin.
Il y a donc lieu de ne pas s’attarder davantage à cette manoeuvre de diversion futile, mais de la rejeter purement et simplement.
Il y a lieu tout au plus de noter en marge que ce témoin «expert» s’est totalement discrédité dans ses efforts de décharger le pilote (PF) en devant avouer à l’audience qu’il avait inventé de toutes pièces l’existence d’un prétendu système de self test dont la défaillance aurait entraîné la défaillance de la sécurité secondaire. Il a dû reconnaître expressément qu’en avançant cette hypothèse à l’audience, il n’avait même pas pris la précaution de vérifier au préalable si un pareil système avait été installé dans l’avion accidenté, ce qui n’avait effectivement pas été le cas.
a) Les responsabilités du prévenu, commandant de bord.
Il jouit de la pleine autorité sur tous les membres de l’équipage de service de vol; il en est de même pour le temps hors ce service, lorsque l’équipage se trouve hors service éloigné de sa base. Il a encore pleine autorité sur tous les passagers pendant le vol, à partir du moment où les portes de l’avion sont fermées après l’embarquement jusqu’au moment où, après l’atterrissage, les portes sont ouvertes à nouveau. Il dispose de l’autorité nécessaire pour donner tous ordres dans l’intérêt de la sécurité des passagers et des biens transportés et toutes les personnes transportées à bord de l’avion doivent obéir à de tels ordres.
Il doit prendre toutes les mesures raisonnables pour:
- Se tenir au courant des de la législation aérienne nationale et internationale et des pratiques et procédures aéronautiques admises;
- Se tenir au courant des dispositions de l’AOM nécessaires pour remplir sa fonction.
Il est responsable (entre autres) pour :
- Effectuer la préparation générale du vol en accord avec les règles et procédures
- applicables;
- Effectuer la réception technique et les briefings conformément à l’AOM,
- Assurer une discipline continue et l’ordre à bord pendant le vol;
- Assurer la sécurité des passagers et de l’équipage ainsi que du chargement à bord;
- Assurer la sécurité de son avion, son entretien et la maintenance de sa navigabilité pendant qu’il opère son vol dans le respect des instructions et limitations contenues à l’AOM;
- Assurer la sécurité et l’efficacité de l’opération et de la navigation pendant le vol. La conduite du vol doit se faire conformément au AOM, aux check-lists respectives, aux règles et bonnes pratiques d’une bonne discipline aéronautique;
- Prendre toutes mesures raisonnables pour s’assurer qu’avant le décollage et avant l’atterrissage, les membres du personnel navigant et du personnel de cabine soient convenablement sécurisés dans les sièges leur réservés;
- Prendre toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que pendant le roulage, le décollage et l’atterrissage, et chaque fois qu’il l’estime recommandable (p.ex. météo turbulente), tous les passagers sont convenablement sécurisés dans leurs sièges et les bagages à main rangés dans les rangements approuvés;
- Assurer que tout l’équipage est continuellement informé des modifications essentielles du plan de vol ou d’autres irrégularités;
- S’assurer de la présence à bord de tous les documents et manuels requis pour le ou les vols;
Le commandant peut, dans une situation d’urgence qui requiert sa décision et son action immédiates, prendre toute mesure qu’il estime nécessaire dans les circonstances données. Dans ces cas, il peut dévier des règles, procédures et méthodes d’opération dans l’intérêt de la sécurité
- Il a l’autorité d’appliquer des marges de sécurité plus grandes, y compris quant aux minimas opérationnels des aéroports, s’il l’estime nécessaire.
- Il doit s’assurer que tous les membres de son équipage adhèrent aux procédures standard et aux procédures d’urgence, au sol et en l’air.
- Il prend sous sa responsabilité la décision d’atterrir ou non.
Cette énumération n’est pas complète, mais rapporte seulement les obligations que le prévenu P1a enfreintes en sa qualité de commandant de bord. Certaines d’entre elles se confondent avec les règles et procédures prescrites au pilote aux commandes. En effet, les obligations imposées au commandant de bord ne s’effacent pas lorsqu’il prend lui-même les commandes.
b) Les responsabilités du prévenu comme pilote aux commandes (PF).
Cette analyse est nécessaire étant donné qu’il s’est avéré que le prévenu P1a en réalité piloté lui-même l’avion, au moins depuis le début de l’enregistrement du CVR jusqu’à l’impact de l’avion sur le sol, et qu’il était effectivement aux commandes de l’avion (PF).
La première de ses obligations concerne le manuel de vol LUXAIR qui est remis à chaque membre du personnel navigant opérant sur le F50, et qui prévoit déjà dans sa partie introductive (AOM Part B, 0.2.1 ) que chaque détenteur du manuel est lui-même responsable de tenir à jour avec les mises à jour du manuel qui lui sont remises par le département des Opérations. Au cours de l’information judiciaire, il s’est révélé que si l’avion était effectivement équipé des manuels et documents à jour, requis pour le vol, l’AOM du prévenu était longtemps introuvable, jusqu’à ce que près d’un an après l’ouverture de l’information judiciaire, il apparût, le père du prévenu le versant au dossier. A ce moment, il fut constaté que la dernière mise à jour remontait à 1997, donc près de cinq ans avant l’accident.
Cette constatation devait soutenir évidemment l’affirmation qu’il n’aurait jamais été mis au courant de l’avertissement spécifique mentionné plus haut, et consistant dans l’insertion d’un passage dans l’AOM de Fokker, mettant en garde contre une tentative de sélection du ground idle, pareille action pouvant en cas de défaillance du Flight Idle Stop entraîner une perte de contrôle irréversible.
Cet élément perdit cependant toute relevance à l’audience étant donné que le prévenu P1 a dû admettre qu’il savait très bien, déjà de par sa formation de pilote, qu’il ne fallait absolument pas toucher à cette commande en vol.
Il importe peu dès lors qu’il ait lu ou pris connaissance de cet avertissement spécifique avant l’accident ou non, étant donné qu’il savait de toute façon le jour des faits qu’il ne devait en aucun cas toucher seulement cette commande, et encore moins soulever les verrous de blocage du primary stop. Le fait que le prévenu ait maintenu ses contestations sur ce point avec l’argument qu’il n’aurait pas soulevé les ground range selectors parce que de toute façon, il aurait su que les secondary stops empêcheraient le passage en plage bêta, et que «le passage en plage bêta ne pouvait amener rien de bon», est sans relevance au vu du résultat des travaux des experts du BEA et de l’expertise judiciaire. On peut seulement se demander si derrière cet argument ne se cache pas un lapsus freudien sur lequel il sera revenu plus loin.
Le fait à lui seul que le prévenu ait «oublié» de soigner ses mises à jour n’est pas une cause directe de l’accident, si tant est que l’AOM tel qu’il a été versé au dossier représente son état au jour de l’accident. Il est permis d’en douter puisque la chaîne de possession (chain of custody) de ce manuel a été interrompue. Il n’a cependant pas été possible d’établir la fausseté de l’allégation du prévenu. Il en est de même de son explication quelque peu tortueuse selon laquelle, lors de son passage de copilote du Fokker au siège de copilote du Boeing 737, il aurait prêté son AOM à un collègue, et que lorsqu’il est revenu au Fokker F50 en qualité de commandant de bord, le manuel qu’il aurait reçu en retour n’aurait pas été celui qu’il aurait prêté dans le temps.
Cette explication ne saurait cependant rien enlever à la constatation qu’en tant que commandant de bord, il ne s’est manifestement pas préoccupé de vérifier si le manuel, qui a donc dû lui paraître inconnu, avait été régulièrement mis à jour comme le prescrit l’AOM, ou non, et que pendant tout ce temps (depuis la mi-février 1999 jusqu’au jour de l’accident), il aurait alors piloté son avion avec un manuel périmé!
Cette désinvolture constitue certainement une faute dans son chef, même si elle ne se trouve pas en relation directe avec l’accident.
Il est cependant permis d’y voir un indice parmi d’autres d’un état d’esprit du prévenu montrant que le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’était pas à cheval sur le règlement.
Le jour de l’accident, il a fait preuve de la même attitude désinvolte et fourni toute une série de ces indices.
Il a été important et même nécessaire de capturer l’ensemble des échanges oraux dans le cockpit d’abord pour vérifier la nature des échanges et apprécier leur relevance, ensuite pour pouvoir se remettre dans l’atmosphère qui y a régné, pour connaître l’état d’esprit et le degré de concentration de l’équipage navigant et pour comprendre comment la situation a pu évoluer et dégénérer à la fin. La simple transcription stérile aurait été insuffisante à cet égard. Ensuite, l’examen minutieux de l’enregistrement vocal a révélé que les experts ayant procédé à la transcription, s’étaient à deux endroits trompés dans l’identification des voix, la première fois tout au début, à 08 h35’28’’, la deuxième tout à la fin à 09 h05’29’’10/00.
Il résulte de l’ensemble des faits mentionnés plus haut qu’au cours des dernières trente minutes de vol, le prévenu P1a commis tout une série de fautes graves qui toutes ont contribué à la genèse de l’accident, les unes ayant été commises dans les toutes dernières secondes de l’enregistrement du CVR, les autres ayant été commises antérieurement et ayant créé la situation dans laquelle il a été amené à prendre la décision fatale.
1) Pas de stratégie bien définie:
La première constatation qui se déduit de l’enregistrement du CVR est que l’équipage est détendu. Pendant longtemps, trop longtemps en fait, il n’y a pas de vraie préparation mentale à l’atterrissage, ce que les experts judiciaires ont traduit par la constatation que l’équipage, et surtout le commandant de bord, n’avait pas de stratégie préparée à l’avance pour pouvoir s’adapter sans difficultés aux conditions qu’il pouvait rencontrer lors de l’approche, alors que pourtant, vu la saison et l’heure probable de leur arrivée, et surtout les conditions météo ayant régné déjà lors de leur départ, tôt le matin, des problèmes n’étaient pas à exclure.(cf. GB Part A 8.3.25.400). Il s’est révélé ainsi qu’au fil de ces quelques trente minutes que l’équipage, et plus spécialement le prévenu P1, a semblé prendre son travail à la légère, et est apparu assez déconcentré au point d’oublier les étapes strictement prescrites par la procédure d’approche.
2) Pas de briefing d’approche selon la procédure:
Ainsi, il n’y a pas eu de briefing d’approche (cf. GB Part A 8.3.25.600) respectivement un briefing incomplet et tardif (cf. GB Part B 2.2.18). Le copilote essaie de toute évidence de lui rappeler, timidement ou au moins avec beaucoup de tact, la nécessité de procéder à ce briefing, mais le prévenu P1 ne réagit pas. Cette omission constitue à ne pas en douter une faute de pilotage très grave pour un pilote. Si, à elle seule, elle n’a pas causé l’accident, elle constitue néanmoins une manifestation caractérisée, entre autres, de la façon désordonnée, nonchalante et en violation de presque toutes les règles de la procédure d’approche en Cat II, dont ce vol a été mené dans sa phase finale.
Cette omission a contribué dans une mesure non négligeable au fait que, au fur et à mesure que l’avion se rapprochait de la phase de l’approche finale, le temps a commencé à manquer à l’équipage pour terminer le vol selon les règles strictes de leur profession, induisant par là dans leurs actes la précipitation et l’improvisation ainsi que l’absence de réflexion méthodique, caractéristiques qui, sur le fond d’une idée fixe, presque obsessionnelle de vouloir atterrir au plus tôt (‘get-homitis’) ont été directement à l’origine de la décision fatale ayant contribuée de façon décisive à l’accident.
3) Le prévenu P1, commandant de bord est aux commandes (PF):
Si le prévenu était encore à la limite autorisé à piloter l’avion au début de la descente à partir du niveau de vol 180 (18.000 pieds), il savait déjà avant la descente qu’il faudrait s’attendre à un atterrissage en Cat II en raison de la RVR réduite, et que la procédure prescrit impérativement que le copilote doit effectuer la descente à l’aide du pilote automatique au moins depuis le premier vecteur radar donnant un cap de 130° (à 08 h52’40’’) jusqu’à la hauteur de décision (MDA de 100 pieds). Cette répartition des tâches est obligatoire (cf. GB Part A 8.4.4.100, 200 et GB Part B 2.3.18. 100, GB Part B 2.3.20.300). Elle n’est pas exigée pour rien, étant donné qu’elle procède de la nécessité du crew management et évite au commandant de devoir s’occuper de trop de choses à la fois, au lieu de libérer son esprit, d’augmenter sa concentration et de se préparer (ainsi que son acuité visuelle) à un atterrissage dans des conditions de visibilité très mauvaises.
Il est vrai que le prévenu P1a contesté avoir été aux commandes lors de cette dernière phase du vol, d’ailleurs en affirmant en même temps qu’il ne se souvenait plus de rien.
Abstraction faite du point que, s’il ne se souvient plus de rien de cette phase du vol, il ne devrait pas à être à même d’affirmer que c’était le copilote qui était aux commandes, (au moins dans la phase ultime du vol), son affirmation, qui a toutes les caractéristiques d’une allégation destinée à l’exonérer de sa responsabilité, ou au moins à l’atténuer, est clairement démentie par l’instruction.
En effet, il appert clairement de l’échange entre le copilote et le prévenu (‘Du flitt’s’) que c’est le commandant de bord qui est aux commandes et que c’est le copilote qui assure les communications radio, même si à deux reprises, et pour une période de quelques secondes seulement, le commandant de bord prend contact avec ATIS. Ce qui est encore plus frappant, c’est qu’à aucun moment, le commandant de bord donne l’instruction à son copilote de prendre les commandes, alors que pourtant les changements de fonctions doivent être spécifiquement annoncés. Mais c’est en définitive l’enregistrement du DFDR qui fournit la preuve de l’inanité de l’affirmation du prévenu: En effet, le DFDR enregistre pendant tout le temps où il fonctionne que le FDC est actif à gauche, sur le côté du commandant.
4) L’idée fixe de vouloir à tout prix atterrir au plus tôt:
Pendant les premières douze minutes, on n’entend pratiquement que le copilote qui d’abord raconte des facéties d’ordre privé, sauf qu’au premier message ATIS annonçant une “RVR de 250 mètres, du brouillard et pas de changement”, c’est le commandant de bord (et non le copilote comme indiqué erronément dans la transcription) qui fait la remarque traduisant bien le fait que si tous les équipages ont naturellement le désir d’amener leur appareil et leurs passagers à destination à l’heure prévue, le commandant de bord avait une raison personnelle pressante de ne pas voir prolonger le vol.
Il ne faut pas insister davantage pour souligner que cette circonstance n’avait rien d’une urgence au sens aéronautique, puisque le commandant de bord aurait encore amplement eu le temps de satisfaire à ses besoins naturels avant l’arrivée au FAP. A tout le moins, en considération de l’arrivée prévue dans un délai de trente minutes, il n’est pas concevable que le besoin aurait été pressant au point de précipiter une arrivée dans des conditions de vue limitées et en violation de la procédure. Finalement, il aurait eu amplement le temps de se soulager si vraiment l’ATC les avait envoyés au holding de Diekirch; il aurait même pu demander à y être envoyé au moment où ils recevaient le cap radar au 130.
On vient à se demander si cette remarque ne constitue pas une façon scabreuse de masquer la véritable raison de l’impatience du prévenu, à savoir la motivation de terminer au plus tôt son service pour la journée, motivation qu’il a bien pu partager avec son copilote. En effet, au fil des échanges, on peut constater que ce désir d’atterrir au plutôt n’avait rien à voir ni avec les intérêts des passagers ni avec ceux de la compagnie aérienne, mais devenait une obsession. Il en est ainsi de sa réticence affichée de se faire envoyer au holding de Diekirch d’abord, de se faire divertir vers l’aéroport de Sarrebruck ensuite. Il en est de même de l’idée envisagée, pour le moins bizarre et à la limite dangereuse, d’atterrir dans le sillage d’un gros porteur pour profiter éventuellement d’une dissipation momentanée du brouillard dense, causée par les engins de cet avion lancés à pleine puissance. Mis à part le caractère assez aléatoire de pareille manoeuvre en raison de la nécessité de prévoir un timing, une corrélation étroite des manoeuvres, le commandant ne semble même pas avoir pris en compte la complication additionnelle d’un atterrissage dans les turbulences causées par la traînée importante de ce gros porteur et de ses engins énormes lancés à pleine puissance, sans parler de toutes les étapes de la procédure d’approche qu’il aurait alors dû évacuer dans un laps de temps raccourci.
Au lieu de se concentrer sur les procédures d’approche leur prescrites et de se préparer à un atterrissage dans des conditions certes plus sévères, mais au demeurant parfaitement maîtrisables, cette idée à la limite hasardeuse d’atterrir dans le sillage du gros porteur a occupé leurs esprits pendant beaucoup trop longtemps, et même encore après qu’il était devenu clair que la manoeuvre ne pouvait se faire, au point de s’entretenir de l’idée, proprement biscornue, de faire demander à l’équipage du gros porteur de faire un tour de piste pour repasser au-dessus de la piste à basse altitude pour leur dégager le brouillard.
L’équipage a de ce fait perdu un temps précieux à envisager une manoeuvre non prévue par l’AOM, au lieu de se concentrer sur la tâche qu’il leur incombait d’accomplir.
5) La communication aux passagers par le copilote:
Suivant l’AOM GB Part A 8.3.16.700, les communications à la cabine à l’attention des passagers sont faites par le commandant de bord. La seule exception prévue se rapporte à la situation où celui-ci ne maîtriserait pas les langues à employer. Cette situation n’était évidemment pas donnée en l’espèce. Le point en cause ne doit pas sembler de peu d’importance étant donné qu’il s’est avéré que le commandant a perdu un temps considérable à instruire le copilote sur ce que celui-ci devait dire, étant donné que celui-ci n’avait, de son propre aveu, pas eu depuis longtemps l’occasion de faire une pareille annonce. Le fait n’est évidemment pas de nature à étonner, au contraire, puisque d’après la procédure, cette tâche ne lui incombait pas!
Cet épisode, outre le fait qu’il témoigne de la façon cavalière qu’avait le commandant de bord de traiter les procédures prescrites, puisqu’il refusait carrément de faire ce que celles-ci lui commandaient, constitue une diversion supplémentaire de sa tâche lui dévolue, à savoir de s’assurer de la bonne marche du vol dans cette phase finale qui s’approchait à grands pas.
6) Pas de port des moyens de sécurité par l’équipage – pas de cabin clear:
Cet épisode (entre 08 h46’21’’et 08 h56’50’’) est encore révélateur en ce sens qu’il en ressort que loin d’être avertis d’un atterrissage qui s’avérera imminent, les passagers (et l’hôtesse de l’air PMDR par la même occasion!) ont été expressément amenés à croire que l’arrivée serait retardée en raison des conditions de visibilité. La cabine n’a donc pas été préparée à l’atterrissage, même si le signal ordonnant l’emploi des ceintures avait été allumé. Spécialement, il n’a pas pu être assuré que les sièges étaient en position redressée, ni que les tablettes avaient été relevées, ni même que les bagages à main avaient été correctement rangés. L’hôtesse de l’air (Cabin Crew Member = CCM) a même été directement informée d’un retard à l’atterrissage, même si ce retard pouvait bien ne pas être important. Pour assurer que la cabine est prête à l’atterrissage, si le cabin clear n’a pas été annoncé par le CCM, il faut que le personnel navigant fasse clignoter le signal lumineux:’Attachez vos ceintures’ au plus tard 10 minutes avant l’atterrissage (GB Part A 8.3.18.300).
Aucun autre message à l’attention de la cabine n’ayant plus été émis avant l’accident, celle-ci n’avait pas été préparée à l’atterrissage comme elle aurait dû l’être. Il n’a pas pu être établi si cette absence de préparation a eu des conséquences négatives sur les passagers qui auraient pu être évitées si l’équipage, et spécialement le prévenu P1s’était tenu au règlement. En revanche, selon toute probabilité pour l’hôtesse de l’air PMDR, et certainement pour le copilote JA, elle a eu des conséquences fatales, puisque, à la différence du commandant, les autres membres de l’équipage n’étaient pas régulièrement attachés, le CCM n’étant pas dans le siège lui réservé, portant sa ceinture de sécurité, et le copilote portant seulement la ceinture ventrale au lieu du harnais strictement prescrit pour l’atterrissage.
L’hôtesse de l’air ayant été trouvée après l’accident gisant sur le sol de la cabine près de la cloison du cockpit, il est probable qu’elle aurait pu survivre le choc initial et éviter des blessures mortelles si elle avait été correctement attachée. Il est encore probable qu’elle aurait pu éviter de ce fait d’être brûlée dans l’incendie subséquent.
Pour le copilote en revanche, il a pu être établi qu’il aurait survécu à l’accident s’il avait porté son harnais de sécurité. En effet, il est apparu à l’audience, à l’audition du témoin, le policier PF, qui était parmi les toutes premières personnes à s’approcher de l’avion en feu, que ce témoin avait remarqué de l’extérieur, par la fenêtre latérale du cockpit, que le pilote donnait encore des signes de vie. Le témoin, avec l’assistance d’un pompier, s’est précipité à l’intérieur de la carlingue en feu pour secourir le pilote. Il a ainsi pu constater que le copilote, qui était mort, ne portait pas son harnais de sécurité et que sa tête et l’avant de son corps s’étaient écrasés contre le tableau de bord. Le témoin a encore été absolument formel pour dire que le copilote n’avait pas été écrasé par le tableau de bord qui se serait replié sur lui, mais que son corps était affalé vers l’avant, laissant un écart important entre ses épaules et le dossier de son siège. Le rapport d’autopsie a confirmé que JA est décédé des lésions traumatiques souffertes à la tête. Le harnais lui ayant maintenu le dos et les épaules contre le dossier du siège s’il l’avait porté, il est établi à l’exclusion de tout doute raisonnable que le copilote aurait pu survivre à l’instar de son commandant, et que le non-port du harnais de sécurité a contribué dans la genèse des blessures mortelles subies par JA.
Or, il faut rappeler dans ce contexte qu’il incombe au commandant de bord de veiller à ce que, avant l’atterrissage notamment, tous les membres d’équipage soient correctement attachés, et que plus spécialement, le personnel navigant porte le harnais de sécurité.
Cette omission fautive du prévenu P1, par la violation de son obligation réglementaire, doit être considérée comme étant en relation causale directe avec la mort au moins de JA. Le fait que ce dernier n’a pas lui-même observé la prescription afférente, ne saurait exonérer le prévenu de sa responsabilité.
7) Pas de collaboration entre équipage – approche manquée reprise – pas de configuration de l’appareil pour l’atterrissage – pas de briefing avant atterrissage - déblocage de la sûreté primaire:
Pendant un certain temps, il a paru que le commandant se soit résigné à ne pas atterrir en raison des conditions de visibilité défavorables. Ainsi il a clairement annoncé à deux reprises à son copilote son intention de ne pas poursuivre l’approche ni de descendre en approche finale, si à hauteur de la balise ELU, la RVR ne s’était pas améliorée. (à 09.h02’12’’, puis à 09 h03’16’’)
A 09 h04’46’’, il annonce expressément sa décision de faire un go around et la procédure d’approche manquée. Cette décision était correcte puisqu’une approche manquée doit être initiée lorsque la RVR au-dessus du Outer Marker où de la position équivalente (ELU) pour les approches de précision est inférieure au minimum applicable (GB Part A 8.4.16. 200), ce point de décision en Cat II étant le point DME 5,5 milles nautiques, matérialisé par la balise ELU.
D’ailleurs, cette décision a été d’autant plus correcte, et même inévitable que l’équipage avait effectivement omis de configurer l’avion pour une approche finale: pas de volets sortis, pas de ralentissement progressif de la vitesse, pas de reconfiguration du pilote automatique en mode GS, pas d’annonce à la cabine, et pas de port de harnais par le copilote. L’avion continua à progresser en palier et à vitesse constante (en configuration ‘lisse’) au-delà de la balise ELU supposée marquer le point de départ de la descente finale et était juste sur le point de quitter le faisceau exploitable du plan de descente lorsqu’intervint le message de la Tour annonçant une RVR de 300 mètres suivi du message ‘cleared to land’ à 09 h.05’08’’.
La défense a essayé de s’exonérer, au moins partiellement, en affirmant que la Tour aurait commis une faute en annonçant ce message de la RVR et en autorisant l’atterrissage.
En vérité il n’en est rien, étant donné que ces deux messages n’ont aucun caractère contraignant pour l’équipage, mais ont pour but uniquement d’informer celui-ci sur les conditions de visibilité et sur le fait que tant la piste que l’espace aérien au-dessus de la piste et devant eux sont dépourvus d’obstacles. Ce n’est ni un ordre ni même une invitation seulement d’atterrir, mais des informations données au commandant pour lui permettre de prendre en connaissance de cause une décision dont il est seul à juger de son opportunité.
C’est le commandant seul qui prend en définitive (après concertation avec son copilote) la décision d’atterrir ou non. C’était au commandant d’analyser tous les paramètres et l’ensemble de la situation et il aurait dû annoncer enfin à la Tour sa décision (correcte) de faire une approche manquée.
Pour empêcher tout malentendu et pour assurer le strict respect des procédures, eu égard au fait que la composition des équipages varient souvent, les membres du personnel navigant doivent (‘it is necessary’) s’informer mutuellement en permanence sur leurs intentions et se contrôler mutuellement (GB Part A 8.3.18.300). Ils doivent communiquer en ce qui concerne les briefings et les call-outs en des termes précis et déterminés, pour ainsi dire sacramentels.
Au contraire, le comportement du commandant de bord, pendant les quelques 20 secondes (de 09.04’59’’ – recul des manettes au primary stop à 09 h0519’’40/00 – Waat ass daat ?) dans lesquelles s’est scellé le sort de l’avion, de son équipage et de ses passagers, s’apparente plus à celui d’un adolescent jouant pour la première fois une simulation de vol sur son PC qu’à celui d’un pilote de ligne responsable de la vie de ses passagers.
Il est sidérant de considérer le nombre et la gravité des fautes commises par l’équipage en l’espace de quelques secondes.
Il saute aux yeux à la lecture de la transcription du CVR que la décision d’atterrir est due à la seule initiative du commandant de bord et cette décision a non seulement été prise bien littéralement en l’espace d’une seconde, c’est-à-dire dans la seconde qui a suivi l’annonce par la Tour d’une RVR de 300 mètres (à 09 h04’59’’), mais encore sans concertation avec le copilote et malgré le fait que tous les paramètres l’interdisaient formellement.
Il y a lieu de relever d’une part qu’aucune circonstance n’a justifiée cette décision. Il n’y avait aucune urgence à procéder à ce moment à l’atterrissage et il n’a fait aucune communication ou allusion orale au copilote (ni à la cabine) la concernant. La seule manifestation consistait dans le fait de tirer d’une façon abrupte les leviers de puissance sur la position Flight Idle et de soulever les ground range selectors (à 09 h05’00’’).
Il y a lieu de relever ensuite que le manuel de vol proscrit absolument de tenter de ‘rattraper’ le plan de descente par le haut. En effet, la procédure d’atterrissage en Cat II prescrit de mettre l’avion en configuration d’atterrissage lorsque, l’avion ayant atteint son palier de 3.000 pieds avant l’approche finale, l’indication du plan de descente sur l’écran apparaissant sur l’écran est à deux points (‘dots’) en-dessous de la valeur centrale (idéale). Le plan de descente coupant la trajectoire horizontale suivie par l’avion à 3.000 pieds à un angle de 3°, et le pilote automatique suivant le plan de descente à partir de son interception (à 3.000 pieds) à condition évidemment d’être configuré à cet effet comme il se doit (ce qu’il n’était pas en l’espèce – une faute supplémentaire), il est matériellement impossible d’intercepter le plan de descente par le haut; il est nécessairement intercepté par en-dessous puisqu’il monte encore bien au-delà de 3.000 pieds.
La défense, appuyée en cela par plusieurs témoins, dont le fameux soi-disant ‘expert’ CG , a essayé de noyer le poisson en soutenant contre meilleur entendement qu’il serait néanmoins possible de prendre le glide par le haut alors que la procédure, à condition qu’on la respecte, rend le fait matériellement impossible.
Il a encore été soutenu que pareille interception par le haut serait absolument sans danger et parfaitement dans les capacités de l’avion. L’argument manque singulièrement de pertinence, et doit être rejeté avec une certaine dose d’énervement, étant donné qu’il ne s’agit pas de déterminer si l’avion est capable de voler avec un angle de descente supérieur à 3°, ce qui est le cas, mais de suivre la procédure d’approche telle qu’elle est prescrite à Luxembourg. En outre, il y a lieu d’observer que cette descente finale, telle que soutenue par la défense, se ferait sans visibilité et sans l’assistance du pilote automatique (en mode GS), donc en violation de la procédure d’atterrissage en Cat II, puisque le plan de descente est laissé derrière et en bas de l’avion et n’apparaît plus sur l’écran. Enfin, prendre le plan de descente par le haut aurait entraîné un angle de descente avoisinant les 7°; une pareille ‘steep approach’ aurait dû être autorisée au préalable d’après l’AOM.
Il est vrai que l’action du commandant de bord ne pouvait pas échapper à l’attention du copilote qui s’est cependant borné à protester mollement (‘Geet net duër’ puis ‘Daat do get zwar…), au lieu de signaler l’irrégularité flagrante en train d’être commise et de s’y opposer.
En effet, «une fois que l’approche manquée a été initiée, il est obligatoire de suivre la procédure de l’approche manquée. Une décision d’atterrir après l’initiation d’une approche manquée n’est pas permise» (GB Part A 8.4.16. 100). «Un atterrissage ne doit jamais être tenté quand le go around a été commencé. Si le go around a été décidé tôt, continuez jusqu’au point d’approche manquée même si l’altitude du go around a été atteinte.» (GB Part B 2.3.24.100)
Il est attendu que les pilotes accomplissent la procédure de l’approche manquée strictement suivant la prescription» (GB Part A 8.4.16. 300)
Au lieu de protester, le copilote a entériné la décision de son commandant en demandant l’autorisation de sortir les volets d’abord, le train d’atterrissage ensuite. Il faut se rappeler que l’avion n’avait pas été configuré à temps pour l’atterrissage (volets et train) (cf. GB Part B 2.3.19.500) et se trouvait en configuration de vol dite ‘lisse’, trop haut et trop rapide («hot and high»)
Le fait qu’il n’y a eu à aucun moment un briefing avant l’atterrissage (cf. GB Part B 2.2.19) n’est qu’une faute supplémentaire commise dans ces minutes par l’équipage et plus particulièrement par le prévenu P1.
La faute la plus grave est sans nul doute le fait du prévenu P1de débloquer en vol le primary stop en soulevant les ground range selectors et de reculer les manettes de puissance contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop (secondary stop) et de les y maintenir en pesant sur elles.
Cette action avait déjà été formellement interdite par les circulaires internes distribuées aux pilotes avec la recommandation de ne même pas toucher au primary stop (“click”) avant que train d’atterrissage entier n’ait pris fermement contact avec la piste (circulaire NESSER). Elle avait été, si possible, encore plus formellement été interdite par l’avertissement pressant inséré en 1998 de l’AOM Fokker, et de toute façon, les pilotes avaient au cours de leur formation, ainsi qu’à l’occasion des entraînements et examens bisannuels, destinés à maintenir et à parfaire leur niveau de compétences, appris et réappris qu’il ne fallait en aucun cas toucher à ces ground range selectors en vol.
D’ailleurs, ainsi que l’ont rappelé les experts judiciaires dans leur rapport et lors de leur présentation à l’audience, le simple bon sens, et spécialement la prudence d’un bon airmanship, tel qu’on est en droit de l’attendre d’un pilote professionnel, commande déjà de ne pas actionner en vol des commandes destinées seulement à être utilisées au sol.
Le prévenu P1, qui a dû admettre avoir connu cette interdiction, ne s’est pas trompé sur les implications inévitables, ce qui l’a amené à contester, contre meilleur entendement et nonobstant les preuves recueillies, non seulement avoir soulevé les ground range selectors, mais encore à contester avoir été aux commandes dans la phase ultime du vol.
C’est cependant seulement en raison de cette faute dans son chef, qui doit être retenue comme incontestable, que les manettes ont pu être reculées dans la plage/sol, puis au-delà du cran du ralenti/sol (ground idle stop) en reverse, la sécurité secondaire s’étant effacée 16 secondes plus tard sous l’effet des solénoïdes activés inopinément et prématurément par le dysfonctionnement du SCU. En d’autres termes le dysfonctionnement du SCU n’aurait pu avoir le moindre effet négatif si la sécurité primaire était restée en place. Inversement, le déblocage de la sécurité primaire n’aurait pu entraîner la perte de contrôle de l’avion, si les solénoïdes n’avaient pas été activés.
Cette action sur la sécurité primaire et le (léger) recul des manettes de puissance contre le secondary stop n’a pu être que volontaire et intentionnelle. En effet, ainsi que cela a été démontré par les experts, la main du pilote aux commandes reposant sur les manettes de puissance, le pilote doit tendre ses doigts pour pouvoir soulever les sélecteurs, geste qu’il n’a pas à faire avant d’avoir touché le sol. Or il l’a fait à une altitude de 3.000 pieds.
La défense du prévenu P1a bien essayé de rejeter la faute sur le constructeur de l’avion en affirmant une prétendue mauvaise ergonomie des manettes de puissance amenant le pilote à se méprendre et à s’agripper en quelque sorte sur l’ensemble des manettes et secteurs.
L’argument manque singulièrement de sérieux et on peut porter au crédit du prévenu qu’il ne l’a pas affirmé ou confirmé lui-même. En effet, si une pareille méprise grossière était, (et encore seulement à la limite) concevable pour un novice prenant sa toute première leçon de vol, le prévenu avec plus de 4.000 heures de vol ne pouvait plus être considéré comme un novice prenant l’air pour la première fois. En outre, une simple méprise n’expliquerait pas que le pilote a de toute évidence non seulement maintenu les manettes contre le primary stop pendant 16 secondes ni qu’il les ait encore reculés jusqu’en reverse. A cela s’ajoute qu’avec quelque 2.800 heures de vol à son actif sur le seul F50 avec le nombre d’atterrissages correspondant, sans parler de ses séances au simulateur de vol, le prévenu P1 a eu amplement le temps et les occasions de s’entraîner à manier correctement les commandes de son avion et de s’y habituer.
Rien ne permet cependant d’affirmer que le commandant de bord aurait intentionnellement, délibérément reculé les leviers de puissance en arrière dans la plage bêta jusqu’au cran du ralenti/sol ground idle detent et encore plus loin au-delà en reverse, lorsque les sécurités secondaires se sont effacées sous l’effet des solénoïdes mis sous tension par le dysfonctionnement du SCU.
Il est bien vrai que vers 08 h45’12’’, le prévenu P1, en réponse au souci exprimé par le copilote: «Daat do geseit schlecht aus mai Jong», avait déclaré: «De Papp schafft nach mat allen Tricken».
Cette dernière remarque ne permet cependant pas de supposer qu’à ce moment déjà, il aurait su ou simplement pu espérer ou deviner qu’il serait amené à reculer les leviers de puissance au ground flight idle et en reverse pour freiner l’avion suffisamment pour un atterrissage en catastrophe, étant donné qu’au moment de prononcer cette phrase, il ne pouvait pas encore savoir que les sécurités secondaires s’effaceraient.
Il y a plutôt lieu d’y voir l’expression d’une niaiserie immature et manquant singulièrement de professionnalisme.
Il y a encore lieu d’admettre que le prévenu a été lui-même surpris par le recul inopiné des manettes de puissance en-deçà de la Automatic Flight Idle Stop auquel il ne s’attendait manifestement pas, et qui, en l’absence d’un fait volontaire non-établi en l’espèce, ne peut que résulter du fait que ses mains, maintenues sur ces commandes, ont dû simplement peser sur ces dernières.
Par contre, il ne fait non seulement aucun doute que le soulèvement des ground range selectors et le recul des manettes contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop a bien été intentionnel. Il s’y ajoute que, les manettes de puissance ne reculant pas sans l’intervention de la main du pilote, lorsque les sécurités secondaires se sont effacées, il faut présumer que le prévenu a maintenu les manettes contre les butées du primary stop avec une certaine force, inférieure à 44,5 N pour les raisons détaillées ci-après.
En effet, à l’audience, des indications sont apparues faisant apparaître que cette action, formellement prohibée en vol par l’AOM (et par le constructeur FOKKER) a été pratiquée plus souvent que le prévenu (et d’autres pilotes cités comme témoins) ont bien voulu l’admettre.
Il est bien vrai que l’effet de cette action sur le comportement de l’avion du point de vue de la vitesse de rotation des turbines et donc de la vitesse est assez insignifiant, et que la modification du pas des hélices est insignifiante, ainsi que les experts judiciaires l’ont révélé à l’audience. Il n’en est pas moins réel, puisque la différence dans la position des manettes entre le cran du Flight Idle Stop et leur position acculée contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop (environ un centimètre) correspond à un écart entre la biellette de commande de puissance (cam) et cette butée (locklever) de deux millimètres. Cet écart est prévu par le constructeur pour empêcher le blocage des butées par les biellettes de commande de puissance lorsque le primary stop est en place, et pour assurer que les butées peuvent librement s’effacer lorsque les solénoïdes sont activés.
Il a déjà été mentionné qu’il semble bien que les pilotes de LUXAIR (et d’autres compagnies aériennes) aient été avertis des accidents nombreux causés de par le monde par le passage en plage bêta des manettes de puissance. Après tout, le secondary stop introduit pour la première fois sur le F50 était bien destiné à éviter précisément ce genre d’accident.
Il a toutefois été constaté que lorsque les ground range selectors (primary stop) sont soulevés et les manettes de puissance ramenées et maintenus sur les butées du Automatic Flight Idle Stop avec une force supérieure à 44,5 N, les butées ne pouvaient plus être dégagées par les solénoïdes et restaient bloquées aussi longtemps que la pression par le biais des manettes de puissance était maintenue, empêchant le passage en ground idle. Ce phénomène avait d’ailleurs fait l’objet d’un bulletin Fokker n° 38 du 03.01.1996 inséré dans l’AOM Fokker.Ce bulletin recommanda ainsi fortement de ne pas soulever les ground range selectors avant le contact du train principal avec la piste.
En outre, ainsi qu’il a déjà été mentionné, les pilotes de LUXAIR avaient été avertis à plusieurs reprises de façon expresse par circulaire interne de ne même pas soulever les ground range selectors avant le contact complet du train d’atterrissage (y compris la roue avant) avec la piste, ceci pour éviter que des pilotes, passant en plage bêta et puis en reverse dès que le train principal avait pris contact avec la piste, ne plaquent l’avion trop brutalement en reverse sur le tarmac, endommageant par là la suspension de la roue avant. Une pareille note avait été envoyée par le chef de flotte à l’époque, le témoin PN, à tous les pilotes de F50 pas plus tard que le 02.08.2002:
«Therefore I kindly urge you to leave the power levers in Flight Idle (even not lifting the Flight Idle stops «click”) until the nose wheel has positive contact with the ground.”
A cela s’ajoute l’avertissement mentionné plus haut, inséré dans l’AOM Fokker depuis 1998:
«Warning: Do not attempt to select ground idle in flight. In case of failure of the flight idle stop, this would lead to loss of control from which recovery may not be possible”.
A l’audience, le témoin PR a spontanément fait état d’un incident qui lui était arrivé sur le F50 en tant que copilote. Il avait constaté qu’à l’atterrissage, il lui était impossible de reculer les manettes en plage Ground Idle. Il avait de suite signalé le problème à son commandant de bord qui lui cependant n’éprouvait aucun problème à reculer les manettes de puissance. Après l’atterrissage, il avait signalé le problème au Service Maintenance qui, après vérification, n’avait trouvé aucun défaut au système.
Lors de son interrogatoire à l’audience, sur question lui posée, le prévenu P1 s’était souvenu d’avoir rencontré une fois, à une date non autrement déterminée, un problème en tous points identique.
En vérité, le problème tel que décrit tant par le témoin que par le prévenu, correspond parfaitement au scénario décrit par Fokker dans sa Service Letter n° 137 mentionnée ci-avant sous l’intitulé: Primary stop.
Il s’en déduit que dès avant la date de l’accident, des pilotes, dont le prévenu P1, avaient soulevé en vol les ground range selectors et les avaient plaqués contre les butées de la Automatic Flight Idle Stop, avec, il faut l’admettre, une pression supérieure à 44,5 N, de sorte que les butées étaient bloquées par les cames de commande de puissance. Le témoin PR ayant, selon son récit, transmis les commandes à son commandant de bord, il a nécessairement dû, ce faisant, relâcher la pression sur les manettes de puissance, ce qui a permis l’action libre des solénoïdes soulevant les locklevers désormais débloqués, et le problème avait disparu sans laisser de traces autres que dans la mémoire du témoin.
La seule différence entre ces événements décrits à l’audience et les faits du 06.11.2002 est que ce jour-là, les contacts des verrous du train principal ont été mis hors tension au même moment.
Il est permis de déduire de ces informations que le 06.11.2002, le prévenu, même s’il ne pouvait pas ignorer que le soulèvement en vol des ground range selectors était absolument interdit, a cru pouvoir utiliser tous les moyens imaginables pour réduire à tout prix la vitesse de son avion afin de réaliser un atterrissage qui était au-delà de la limite de ce qui était autorisé, et près de la limite de ce qui était possible. C’est selon toute vraisemblance ce que le copilote a ressenti en disant: «Geet net duër» Le prévenu a cru pouvoir faire fi de la procédure et faire confiance au bon fonctionnement du secondary stop puisqu’il ‘savait’ «qu’il ne pourrait pas reculer les manettes de puissance en plage bêta».
Il se dégage de l’ensemble de ce qui précède que le 06.11.2002, le prévenu P1en tant que commandant de bord aux commandes de l’avion accidenté, entrevoyant à tort une possibilité d’atterrir son avion sans délai, a pris cette décision fatale dans la précipitation, sans se concentrer dûment sur la tâche devant lui, sans réfléchir ni se concerter avec le copilote et en violation flagrante de toute une série d’obligations énoncées ci-avant et qui lui étaient pourtant imposées par la règlementation aéronautique en vigueur.
Cette constatation s’applique à l’ensemble des préventions libellées à sa charge.
Le prévenu P1est partant convaincu d’avoir:
Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC : temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg,
comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:
I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement et par défaut de prévoyance et de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes:
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM (D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:
- BJD
en l’espèce notamment par le fait de commettre, sans la moindre nécessité et en violation de la procédure prescrite par la règlementation en vigueur pour les atterrissages en Cat II les fautes de pilotage suivantes: ne pas avoir fait à temps un briefing d’approche complet, être resté aux commandes de l’avion pendant l’approche intermédiaire et au-delà du Point d’Approche Finale, avoir repris l’approche finale après avoir décidé de procéder à la procédure d’approche manquée et après avoir initiée cette dernière, avoir omis d’avertir le copilote du changement de ses intentions, avoir omis d’avertir le copilote ainsi que le personnel de cabine et les passager que l’atterrissage serait imminent et avoir omis de s’assurer que la cabine était préparée à l’atterrissage (cabin clear), avoir omis de s’assurer que le copilote portait son harnais de sécurité, avoir amorcé une descente en vue de l’atterrissage à un moment où l’avion avait dépassé de loin le point où l’approche finale en vue de l’atterrissage était autorisée, et où il se trouvait bien au-dessus et largement en dehors du plan de descente indiqué par le glide, avoir amorcé cette descente manuellement par visibilité nulle alors que le pilotage au moyen du pilote automatique était obligatoire, avoir, en violation d’une interdiction formelle de ce faire, délibérément débloqué la sécurité primaire mécanique montée sur les manettes de puissance pour acculer ces dernières endeçà de la position flight idle contre les verrous de la sécurité secondaire, ce qui a eu pour conséquence le déplacement par mégarde des manettes de puissance dans la position de ground idle d’abord, de reverse ensuite, entraînant de ce fait, ensemble la défaillance de la sécurité secondaire Automatic Flight Idle Stop, une perte de contrôle irréversible de l’appareil qui rendait inévitable l’écrasement au sol de celui-ci.
II) en infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigationaérienne:
d’avoir, sans nécessité, effectué une manoeuvre de nature à mettre en danger les personnes embarquées à bord de l’aéronef et les personnes et les biens à la surface du sol,
en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage décrites ci-avant sub I et plus spécialement par l’effet des manoeuvres fautives suivantes: avoir amorcé une descente en vue de l’atterrissage à un moment où l’avion avait dépassé de loin le point où l’approche finale en vue de l’atterrissage était autorisée, et où il se trouvait bien au-dessus et largement en dehors du plan de descente indiqué par le glide, avoir amorcé cette descente manuellement par visibilité nulle alors que le pilotage au moyen du pilote automatique était obligatoire, avoir, en violation d’une interdiction formelle de ce faire, délibérément débloqué la sécurité primaire mécanique montée sur les manettes de puissance pour acculer ces dernières endeçà de la position flight idle contre les verrous de la sécurité secondaire, ce qui a eu pour conséquence le déplacement par mégarde des manettes de puissance dans la position de ground idle d’abord, de reverse ensuite, entraînant de ce fait, ensemble la défaillance de la sécurité secondaire Automatic Flight Idle Stop, une perte de contrôle irréversible de l’appareil qui rendait inévitable l’écrasement au sol de celui-ci.
III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal:
d’avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de:
- BG (D),
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM (D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage énumérées ci-avant sub I.
IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups et fait des blessures à
- BJD, né le ... (F).
en l’espèce par l’effet des fautes de pilotage énumérées ci-avant sub I.
Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.
Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de quarante-deux mois et une amende de 4.000.- euros.
Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P1n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.
Le prévenu P5:
Le prévenu P5, ingénieur, était Directeur du Service Technique LUXAIR et, à partir de l’introduction des JAR-OPS-1 dans la législation luxembourgeoise, post-holder maintenance de 1992 au 06.11.2002. Il travaillait dans cette qualité sous les ordres du Directeur Général, plus tard Accountable Manager et auquel il faisait rapport. Sa mission de façon générale consistait à surveiller son service et à assurer que le système entier de maintenance opérait conformément aux JAR-OPS section M JAR145 et aux procédures approuvées par les autorités. Son service était subdivisé en service engineering et en service Avionics, à côté du service de maintenance (ateliers) proprement dit.
Il exerçait ses fonctions à la suite d’une délégation de pouvoir conférée par le Directeur Général et dans une autonomie très large organisant ses services et gérant son budget dans le cadre des directives données par le Directeur Général et plus tard dans le cadre prévu par JAR-OPS1 subpart M.
L’information judiciaire n’a pas réussi à contredire les affirmations du prévenu P5, ni à relativiser celles faites par les témoins selon lesquelles le prévenu a pendant dix ans depuis le 01.02.1988, date à laquelle il a été engagé, jusqu’au jour de l’accident, toujours été à la hauteur de ses tâches. Tout au long de ses dix ans de carrière en tant que Directeur du Service Technique, on n’a signalé aucun cas donnant à penser que le prévenu aurait fait preuve de négligence ou d’incurie; pendant toute cette période, aucun incident de quelque gravité, qui aurait pu fonder un pareil reproche n’a été signalé.
En ce qui concerne le problème du traitement des SB constructeurs et SB producteurs d’équipement, il est apparu que ce traitement était de la compétence du prévenu P6, chef du Service Engineering.
Le prévenu P5 a affirmé, sans pouvoir être contredit sur ce point, que les SB constructeurs, qu’ils aient été obligatoires ou recommandés, ont toujours été appliqués par LUXAIR suivant les indications données par le constructeur. Il est arrivé que certains SB recommandés n’étaient appliqués qu’après consultation avec le constructeur ou avec d’autres compagnies aériennes exploitant le même type d’avion, tels la KLM et la Lufthansa, qui opéraient des flottes de Fokker F50 bien plus grandes et qui avaient donc une plus grande expérience.
En ce qui concerne les SB obligatoires et recommandés, sans parler des SB suivis de AD (Airworthiness Directive), le prévenu P5 surveillait en permanence leur application.
En ce qui concerne les SB optionnels, qui, selon la classification des SB opérés par Fokker ne concernaient jamais des questions de sécurité ou de navigabilité, leur application n’était pas soumise au contrôle régulier ou permanent du prévenu, celui-ci laissant cette appréciation à ses subordonnés qui se concertaient avec lui lorsqu’ils n’étaient pas sûrs de la marche à suivre en ce qui concernait l’application ou la non-application de ces bulletins. Rien ne permet d’affirmer que ce système de surveillance et de concertation ait jamais donné lieu à critique, au moins avant le 6.11.2002.
A côté des bulletins de service, Fokker utilisait aussi la voie des Service Letters (SL) pour communiquer des informations intéressantes ou simplement utiles aux compagnies aériennes. Ces Service Letters ne devaient, tant selon la politique suivie par Fokker que aux yeux de ses clients, dont la LUXAIR, comporter des renseignements intéressant la sécurité ou la navigabilité des avions, ni des modifications techniques susceptibles d’influer sur la certification de types des appareils.
Il n’en demeure pas moins que l’affirmation du prévenu P5, qu’il n’aurait jamais eu connaissance des Service Bulletins de ABSc en cause et qu’il n’aurait appris l’existence de cette Service Letter n°137 qu’après l’accident, n’a pas pu être contredite d’une façon certaine par l’information judiciaire.
Effectivement les experts judiciaires ont confirmé sous ce rapport que la politique de LUXAIR, et plus particulièrement du prévenu P5 en ce qui concerne le contenu des SL était correcte, étant donné que d’après eux, les SL n’étaient pas le moyen approprié d’informer les compagnies aériennes des considérations techniques telles que contenues dans la SL Fokker °137 du 20.12.1994.
Il apparaît ainsi, à la lumière des renseignements recueillis par l’information judiciaire, que s’il est vrai que le prévenu P5 a, par son travail et celui accompli par les quelques 130 membres du personnel sous ses ordres, contribué de façon non négligeable à la réputation flatteuse de LUXAIR dont témoigne l’audit effectué par la Lufthansa quelques trois semaines avant l’accident, et que c’est aussi en partie grâce aux efforts du prévenu et des services sous ses ordres que LUXAIR a exploité commercialement la navigation aérienne et avec un succès croissant sans le moindre accident sérieux pendant 40 ans, il n’en est pas moins vrai que le prévenu P5 a commis deux erreurs susceptibles d’être qualifiés de fautes d’imprudence.
1) Il a cru pouvoir faire confiance à Fokker que le constructeur se tiendrait sans faille à son propre système de classification des SB, et que plus particulièrement, Fokker n’inclurait jamais des informations importantes d’ordre technique et intéressant la sécurité des avions dans une simple Service Letter. Dès lors, le prévenu P5 se sentait autorisé à ne pas surveiller personnellement, régulièrement, voire d’une façon permanente le traitement à réserver aux dites Service Letters. Il a reconnu sans ambages que la Service Letter °137, si elle ne lui avait jamais été soumise, contenait néanmoins des informations qu’actuellement il considérait comme étant d’une importance capitale. Ainsi il a déclaré à l’audience que s’il avait vu cette lettre au moment où elle est parvenue à LUXAIR, ou à n’importe quel moment avant le 06.11.2002: “Et as kloer, do haet eppes missen gemaach gin.”
2) La deuxième faute peut être recherchée dans le fait du prévenu P5 d’avoir trop fait confiance à ses subordonnés et de ne pas avoir donné d’instructions qu’au moins les Service Bulletins et les Service Letters que ses subordonnés estimaient pouvoir classer sans les appliquer, lui seraient soumis pour contrôle. A tout le moins, il aurait dû donner instruction à ses subordonnés que toutes les informations écrites ayant trait à des problèmes techniques, fassent l’objet d’une concertation commune et qu’au cas où leur contenu ne paraîtrait pas justifier leur application, ces communications écrites feraient l’objet d’une décision motivée succincte qu’il serait aisée de vérifier et de retracer. En d’autres termes, il a trop fait confiance à ses subordonnés que ceux-ci seraient à même de reconnaître sans faille des informations importantes et de les lui rapporter, même si celles-ci leur parvenaient dans une forme non-régulière ou inhabituelle.
Eu égard au nombre aisément gérable des SB et SL reçus au fil du temps par les services de LUXAIR, un contrôle plus strict n’aurait semblé ni impossible ni excessif. Néanmoins, si la faute commise par le prévenu P5 paraît à la fois isolée et relativement légère, en ce sens que selon les résultats acquis par l’instruction le défaut de surveillance dans le chef du prévenu ne semble bien avoir entraîné des effets négatifs qu’en rapport avec le traitement des SB et SL mentionnés ci-avant, elle ne constitue pas moins une violation de son obligation de surveillance du travail de ses subordonnés et a eu en fin de compte des conséquences catastrophiques. Ce qui plus est, le prévenu P5 a raisonnablement pu prévoir les conséquences de sa faute. En tant qu’un ingénieur occupant ce poste à haute responsabilité, il pouvait et devait savoir qu’il ne pouvait et ne devait pas se fier aveuglément à la compétence et à la perspicacité de ses subordonnés dans une matière aussi sensible que la sécurité aéronautique. Il aurait de ce fait pu et dû donner à ses subordonnés des instructions claires, précises et contraignantes ne leur laissant pas sans vérification des marges d’appréciation de l’importance des informations leur parvenant et n’aurait pas dû leur abandonner l’initiative de ranger aux oubliettes des informations leur paraissant insignifiantes.
La meilleure preuve que ce défaut de surveillance de ses services et cette confiance excessive dans la perspicacité des hommes le composant est en relation causale, au moins indirecte avec l’accident du 06.11.2002 résulte de sa déclaration à l’audience que s’il avait vu la Service Letter 137, “on aurait dû faire quelque chose”. Il a ainsi démenti non seulement l’affirmation que l’information fournie par Fokker dans le dit document aurait été obscure, équivoque, ‘alambiquée’, mais encore que la forme dans laquelle l’information avait été transmise aurait empêché de toiser celle-ci à sa juste valeur “si seulement elle lui était parvenue”.
Il s‘en déduit que le prévenu P5 a en fin de compte, par une organisation critiquable de ses services et une faille dans la surveillance du fonctionnement de ces derniers, commis personnellement une faute d’imprudence en relation causale directe avec le fait de maintenir en service une composante électronique dont le dysfonctionnement aléatoire a causé l’accident, faute qui a partant causé de façon indirecte le dommage, était connue de Fokker et portée à la connaissance de LUXAIR par une Service Letter ayant échappée à l’attention du prévenu, alors que pourtant, le prévenu reconnaît que la modification proposée aurait dû être appliquée et que l’accident aurait ainsi été évité.
Si la faute d’imprudence du prévenu ne paraît pas caractérisée et la relation causale avec le dommage indirecte, il doit donc néanmoins être considéré comme auteur des délits d’homicide involontaire et de lésions corporelles involontaires, de même qu’il doit être retenu dans les liens de la prévention d’infraction à l’article 32 de la loi du 31.01.1948.
Il doit par contre être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P5 n’a jamais exercée.
Le prévenu P5 est partant convaincu d’avoir:
Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes,
comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même;
I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne d’avoir, involontairement et par défaut de prévoyance et de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:
- BJD,
en l’espèce, par le fait d’avoir cru à tort, imprudemment et par manque de prévoyance, pouvoir faire confiance à Fokker que le constructeur se tiendrait sans faille à son propre système de classification des SB, et que plus particulièrement, Fokker n’inclurait jamais des informations importantes d’ordre technique et intéressant la sécurité des avions dans une simple Service Letter, et d’avoir de ce fait négligé de surveiller personnellement, régulièrement, voire d’une façon permanente le traitement à réserver aux dites Service Letters, et d’avoir négligé de donner des instructions qu’au moins les Service Bulletins et les Service Letters, que ses subordonnés estimaient pouvoir classer sans les appliquer, lui soient soumis pour contrôle, présumant à tort, imprudemment et par manque de prévoyance, que ses subordonnés seraient à même de reconnaître sans faille des informations importantes et de les lui rapporter, même si celles-ci leur parvenaient dans une forme non-régulière ou inhabituelle, ces fautes ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.
II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:
- P1, né le ...,
en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.
III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.
IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- BJD
en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.
V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- P1, né le ...
en l’espèce, par l’effet des fautes énumérées ci-avant sub I.
Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.
Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de dix-huit mois et une amende de 2.000.- euros.
Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P5 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.
Le prévenu P7:
Le prévenu P7, au service de la LUXAIR depuis 1968 en tant que mécanicien, a été nommé chef du service Avionics qui s’occupait des composantes électriques et électroniques des avions.
Le prévenu a déclaré devant le juge d’instruction qu’il n’avait à l’époque pas connaissance des SB de ABSc de 1992 et de 1994. Cela peut paraître étrange alors qu’il était chef du service s’occupant des composantes électroniques et que, déjà de par ses fonctions, il aurait dû en être averti, mais le contraire n’a pas pu lui être démontré.
Par contre, il a déclaré avoir reçu la SL n°137 le 16.12.1994 de la part de M. GS, fait qui est confirmé à la fois par la déposition de ce témoin et par la déclaration du prévenu P6.
Il doit donc s’agir d’une copie de la lettre directement envoyée a M.GS par Fokker avant que celle-ci ne soit officiellement adressée à LUXAIR le 20.12.1994. Le prévenu P7 a déclaré que M. GS fait correctement son travail en envoyant non seulement cette lettre à son adresse, mais encore à MM. GA, chef de flotte, P6, chef du département Engineering et PW, inspecteur-chef maintenance. Le prévenu P7 a déclaré ne pas se rappeler avoir eu une discussion avec M. GS au sujet de la SL n°137, et a affirmé que son service n’aurait pas été a priori concerné par le problème, ce qui est manifestement inexact parce que la SL n°137 traitait justement d’un problème électrique en relation avec une composante électronique et non pas seulement d’un problème de moteur ou d’hélice.
Il est un fait que le prévenu P7 ne s’est manifestement pas inquiété du problème soulevé par ladite lettre et n’a pas non plus senti le besoin d’en parler à d’autres collègues du service technique. Il a encore et surtout négligé d’en informer seulement le chef de service, le prévenu P5. Il n’y a pas lieu d’insister davantage sur le contenu de cette lettre qui a été reproduite en détail ci avant, ni d’analyser les autres déclarations du prévenu qui ne sont pas pertinentes quant à la question se rapportant aux conséquences qui devaient être tirées de la SL n°137.
Le texte de cette lettre était de toute évidence suffisamment clair et intelligible pour un chef du département Avionics, travaillant depuis 26 ans au service de la LUXAIR, et le fait qu’il ne se soit pas alarmé ou simplement inquiété d’un module électronique présentant un défaut manifeste et potentiellement dangereux, dépasse l’entendement. Ce fait ne peut s’expliquer que par un moment de distraction ou une lecture très superficielle, en diagonale du texte et encore. Le fait que le prévenu reconnaît avoir reçu une copie de la Service Letter n°137 le 16.12.1994, mais n’a manifestement pas songé à rechercher à ce moment les SB ABSc 1992 et 1994 auxquels la lettre se référait, mais seulement plus tard, après l’accident, montre bien qu’à l’époque, il n’avait manifesté aucun intérêt et ne s’est à tort pas senti concerné.
Le fait que le prévenu, encore aujourd’hui croit pouvoir affirmer ne pas avoir été concerné par le problème en question, alors que le contraire aurait manifestement dû être le cas, ne peut guère s’expliquer autrement que par une manoeuvre de diversion pour essayer de s’exonérer de sa responsabilité.
Même si le prévenu P7 n’avait pas la compétence ou le pouvoir de décision pour transposer de sa propre initiative la lettre n°137, ce qui paraît compréhensible au regard du respect scrupuleux des règles établies par Fokker et par la règlementation nationale, interdisant les réparations des composantes sans l’accord du constructeur, il n’en demeure pas moins qu’il aurait été du devoir du prévenu et dans le cadre de sa qualification, soit de prendre ou de faire prendre l’avis de Fokker au sujet de la modification, soit à tout le moins porter le problème à l’attention de son chef, le prévenu P5. Il est cependant en aveu de ne pas s’être seulement entretenu avec M.GS pour voir préciser le contenu de la lettre si tant est qu’il aurait pu l’ignorer.
Le fait qu’il s’est abstenu de faire quoi que ce soit à ce propos, alors que c’était spécialement son propre département qui avait la mission, la compétence et les moyens de veiller à l’entretien en parfait état de fonctionnement de toutes les composantes électriques et électroniques de l’avion, que de par sa formation et de sa pratique professionnelle, il aurait dû être parmi les premiers à remarquer aussi bien l’anomalie du module qu’à comprendre qu’il était urgent d’y parer, qu’il aurait pour le moins dû lire attentivement la lettre que M.GS lui avait fait parvenir et dû au moins signaler le problème, mais qu’il n’a rien fait de tel, entraîne la conclusion qu’il a agi avec une légèreté et un manque de prudence blâmables. Ceci constitue dans son chef une faute d’omission par défaut de prévoyance et de précaution en même temps qu’une violation des devoirs que sa fonction et le règlement LUXAIR lui prescrivait. Elle doit être considérée comme étant en relation causale directe avec l’accident qui s’est produit des années plus tard en raison de l’équipement défectueux qui n’a jamais été ni modifié ni remplacé, étant donné que si le prévenu P7 avait soit de sa propre autorité, soit après consultation avec son chef hiérarchique ou avec le constructeur des avions, pris la décision qui s’imposait, l’accident n’aurait jamais eu lieu comme il s’est passé.
Il doit être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P7 n’a jamais exercée.
Il se déduit par contre de ce qui précède que le prévenu P7 est convaincu d’avoir:
Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC: temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes,
comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:
I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:
- BJD
en l’espèce, en se désintéressant imprudemment, par manque de prévoyance et de précaution, de la Service Letter n°137 et des Service Bulletins de ABSc y mentionnés, en négligeant de soit procéder à la modification y proposée, soit se concerter avec Fokker au sujet du problème indiqué par la Service Letter n°137 soit d’en informer son supérieur hiérarchique, cette faute ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.
II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles:
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
- P1, né le ...,
III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- BJD
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- P1, né le ... .
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.
Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de vingt-quatre mois et une amende de 2.500.- euros.
Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P7 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.
Le prévenu P6:
Le prévenu P6 a été au service de la LUXAIR de 1966 à 2005, date à laquelle il a pris sa retraite. Il a commencé en tant que mécanicien d’avion avec une formation spécifique et il a suivi des formations professionnelles continues auprès des constructeurs d’avions exploités par LUXAIR. Il a exercé les fonctions de chef du service Engineering de 1992 à 1999. Parmi ses attributions figurait le traitement des SB et des SL des constructeurs et des producteurs d’équipement. Il a confirmé que la totalité des SB obligatoires et recommandés ont été exécutés sans discussion et sans égard aux coûts financiers, la sécurité et la conformité des avions aux normes du constructeur étant le souci essentiel des services de LUXAIR.
Selon le prévenu P6, il n’y avait en principe pas de procédure particulière pour traiter les SB au temps où il exerçait ses fonctions, mais le service Engineering avait développé une certaine routine au cours des années. Les SL étaient traités de la même façon, mais le contenu en était neutre et ne comportait pas d’obligation ni de recommandation, mais seulement des informations relatives à des SB.
En l’espèce, il est apparu à l’information judiciaire, et confirmé lors de l’instruction que le prévenu P6 avait pris connaissance des Service Bulletins de ABSc ou au moins de celui de 1994, ainsi que de la Service Letter de Fokker du 20.12.1994.
Le prévenu est en aveu d’avoir, en sa qualité de chef d’Engineering, reçu les SB et les SL, il a déclaré en avoir pris connaissance du contenu et avoir donné l’instruction soit de les appliquer, soit de ne pas les appliquer après discussion avec le technicien du type d’avion concerné.
Interrogé plus particulièrement sur la SL n°137 du 20.12.1994, le prévenu P6 a d’abord exprimé l’avis qu’il «s’agissait d’une simple information» de Fokker sur un problème.
Sur question spéciale, il a admis que le problème exposé dans la SL pouvait toucher la navigabilité d’un avion à condition que le pilote fasse une manipulation fautive, qu’il a de même reconnu que Fokker avait dans cette SL également indiqué comment remédier à ce problème. Il a reconnu “qu’il est vrai qu’on aurait pu faire cette application sans passer par la Direction Générale”. Les frais engendrés par cette modification auraient été minimes.
Pour lui, et d’autres personnes non autrement désignées, travaillant auprès de LUXAIR, la manoeuvre du pilote était inconcevable.
Il a encore ajouté que selon lui, ABSc aurait dû intervenir plus énergiquement auprès des autorités de tutelle pour rendre son SB obligatoire.
Il résulte ainsi de la déposition du prévenu que non seulement il se souvenait parfaitement de la SL n°137 en question et avait l’honnêteté de l’admettre, mais qu’il comprenait parfaitement le contenu. Etant donné que son interrogatoire s’est déroulé presque 6 ans après l’accident, on peut concevoir qu’il avait entretemps eu le temps et l’occasion de peser le contenu de la SL n°137.
Force est d’admettre qu’à l’époque où il a reçu cette SL de la part de M.GS, il n’y a pas prêté la même attention que depuis l’accident puisqu’à aucun moment entre 1994 et 1999, il n’a entrepris la moindre démarche pour revenir sur le document en question pour l’appliquer ou pour au moins signaler le problème à son chef hiérarchique. Cette attitude de la part d’un chef de service chargé du traitement spécifique des SB et SL des constructeurs et producteurs d’équipement est tout aussi incompréhensible et blâmable que celle d’un chef de service Avionics qui apparemment ne s’est jamais senti concerné par un module électronique défectueux.
Le fait que apparemment pour des problèmes personnels, le prévenu P6 s’est vu supplanté dans ses fonctions par le prévenu P7 qui est devenu son supérieur hiérarchique à la tête d’un département Engineering & Planning nouvellement créé, n’a rien changé en ce qui concerne le traitement des SB et SL en cause qui n’avaient pas eu le don d’éveiller leur attention par le passé.
Il se déduit de ce qui précède que le prévenu P6 ayant reconnu avoir reçu la SL n°137 qu’il avait la charge de traiter, en d’autres termes de décider de son application ou de son nonapplication, a choisi de ne pas l’appliquer, pas plus que les Service Bulletins de ABSc y mentionnés. Il a pris cette décision de toute évidence de sa propre initiative sans consultation interne avec ses collègues des autres départements de maintenance, et sans en référer à son supérieur hiérarchique à l’époque, le prévenu P5. De même, il semble établi que cette décision a également été prise sans se renseigner auprès de Fokker ni même prendre l’avis d’autres compagnies aériennes exploitant le même avion.
Compte tenu du contenu explicite et explosif de la SL n°137, le prévenu P6 a agi avec une légèreté et un manque de prudence blâmables. Cette faute doit être considérée comme étant en relation directe avec l’accident du 06.11.2002 étant donné que si le prévenu P6 avait soit de sa propre autorité, soit après consultation avec son chef hiérarchique ou avec le constructeur des avions, pris la décision opposée, l’accident n’aurait jamais eu lieu comme il s’est passé.
Il doit être acquitté de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P6 n’a jamais exercée.
Le prévenu P6 doit par contre être déclaré convaincu d’avoir:
Le 6.11.2002, vers 10h06 heure locale, (ou 9h06 UTC : temps universel coordonné), sur le vol régulier LG9642 (LH2420) Berlin Tempelhof – Luxembourg, à bord de l’avion Fokker 27 Mark 050 (ci-après Fokker 50) immatriculé LX-LGB, entre les localités de Roodt-Syre et Niederanven, à l’approche de l’aéroport de Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieux plus exactes,
comme auteur des délits pour les avoir exécutés lui-même:
I) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
a) avec la circonstance que l’accident a causé la mort des personnes suivantes
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
b) avec la circonstance que l’accident a causé des lésions corporelles à:
- BJD
en l’espèce, en décidant seul, à tort et par manque de prévoyance et de précaution, sans concertation avec son homologue du département Avionics, et sans en référer à son supérieur hiérarchique, de n’appliquer ni la Service Letter n°137 de Fokker ni les Service Bulletins de ABSc mentionnéss dans la SL n°137, cette faute ayant eu pour effet de maintenir en opérations un système de sécurité affecté d’un vice pouvant le faire faillir sans avertissement à n’importe quel atterrissage, ce système défectueux ayant effectivement été à l’origine de l’accident, dans un lien causal indivisible avec la faute du pilote mentionnée ci-avant.
II) en infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne
d’avoir, involontairement ou par défaut de prévoyance ou de précautions, commis un fait de nature à mettre en péril les personnes se trouvant à bord d’un aéronef,
avec la circonstance que la personne suivante a subi des lésions corporelles :
- P1, né le ... ,
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
III) en infraction aux articles 418 et 419 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, causé la mort de :
- BG,
- CJ (D),
- HJ (PL),
- HJO,
- KM(D),
- KO (D),
- KM (D),
- LD,
- OJ (D),
- PM (D),
- PU (D),
- SCHS,
- SCHA (D),
- SR,
- SL (D),
- TC,
- OCL,
- MM,
- AJ,
- MDRPC,
IV) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- BJD
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
V) en infraction aux articles 418 et 420 du code pénal
d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, partant involontairement, porté des coups ou fait des blessures à
- P1, né le ...
en l’espèce, par l’effet de la faute d’imprudence décrite ci-avant sub I.
Ces infractions se trouvent en concours idéal, de sorte qu’il y a lieu à application de l’article 65 du Code pénal aux termes duquel, lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.
Le tribunal estime qu’en considération de tous les faits de la cause, les infractions retenues à charge du prévenu seront suffisamment sanctionnées par une peine d’emprisonnement de vingt-quatre mois et une amende de 2.500.- euros.
Au vu de l’absence d’antécédents judiciaires et du repentir paraissant sincère, le tribunal estime que le prévenu P6 n’est pas indigne de la clémence du tribunal et accorde en conséquence au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de la totalité de la peine privative de liberté à prononcer à sa charge.
Le prévenu P2:
Il y a lieu de remarquer à l’ingrès que dans l’exposé de ses moyens et arguments, développés à l’audience et repris dans la note de plaidoirie volumineuse, le prévenu P2 ne s’est pas borné à présenter sa défense. Au contraire, il a dédié une large partie de ses efforts à la démonstration que selon lui, les membres du personnel ayant travaillé sous ses ordres, dont notamment les co-prévenus à l’exception du prévenu P1, n’auraient commis aucune faute.
Ce faisant, il met en avant toute une série d’affirmations dont la plupart sont également repris surtout par le prévenu P5, de sorte que pour éviter des redites, on pourra se référer en partie à ce qui a été exposé et retenu plus haut au sujet des arguments présentés par le prévenu P2, ainsi qu’à ce qui sera exposé plus loin sur les questions d’une éventuelle violation des droits de la défense en rapport avec le dépassement du délai raisonnable prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La défense du prévenu s’est contredite à propos de ce dernier sujet dans son mémoire en ce qu’elle a affirmé que le prévenu P2 n’aurait pas été et ne serait pas en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé, pour affirmer plus loin que, après le premier interrogatoire, le droit de s’expliquer en toute connaissance de cause lui aurait été refusé.
Il faut dès lors présumer que le prévenu P2 a été, encore après le 04.06.2008, parfaitement en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé.
Le tribunal a d’ailleurs pu se rendre compte de ce fait au cours des très nombreuses audiences auxquelles le prévenu P2 a assisté, dont celle où il a eu l’occasion de s’exprimer librement.
Quant aux prétendues lacunes dont serait affecté un dossier instruit «exclusivement à charge» du prévenu P2, il convient de répliquer qu’il ne s’agissait pour le magistrat instructeur, pas plus que pour la juridiction de fond, de retracer l’historique de la société LUXAIR s.a. qui n’est même pas partie au procès ni d’énumérer les mérites du prévenu, accumulés au fil de sa très longue carrière au service de cette société, mais de rechercher les causes de l’accident du 06.11.2002, de cerner les fautes qui ont pu être commises en relation causale avec cet accident, et d’en identifier les auteurs.
Il s’en suit que ce moyen doit être rejeté comme non-fondé.
Quant à la faute prétendument exclusive du pilote:
Il y a lieu de rappeler ce qui a déjà été dit plus haut à ce sujet:
L’instruction de l’affaire dans son ensemble a démontré que l’accident du 06.11.2002 et la perte en vies humaines en conséquence est dû à la réunion indivisible et indissociable de deux causes distinctes, à savoir la faute de pilotage et d’autre part l’utilisation fautive d’un module électronique présentant un vice caché, chaque faute prise individuellement ayant été incapable de réaliser le dommage qui n’a pu se produire que par la conjugaison indivisible des deux fautes. Dans ce cas, toutes les personnes ayant concouru de façon certaine par leurs fautes individuelles à la réalisation du dommage encourent la responsabilité pénale en tant qu’auteurs de l’infraction en raison de leur action ou mission fautive. En l’espèce, il y a donc lieu de déterminer qui, outre le pilote, avait, par son fait ou par sa faute, rendu possible la situation dans laquelle la perte de contrôle fatale de l’avion était inévitable.
Ce moyen est sans mérites et doit être rejeté comme non-fondé.
Quant à la prétendue absence de faute au sein de LUXAIR:
Ce moyen présenté par la défense du prévenu P2 se fonde en premier lieu sur la question de la navigabilité de l’avion.
Il y a lieu de répliquer que cet argument ne saurait valoir simplement en raison de son manque de pertinence.
Pour pouvoir prétendre à la navigabilité de son avion, un constructeur doit satisfaire à un nombre considérable d’exigences techniques, de caractéristiques de l’appareil réparties dans un assez grand nombre de catégories qu’il serait fastidieux et inutile d’énumérer ici. La catégorie qui intéresse en l’espèce est évidemment la sécurité. L’avion doit être construit (et entretenu) de façon à ce que son exploitation comme moyen de transport aérien ne comporte pas de risques prévisibles et évitables. Dès lors que l’appareil satisfait à ces exigences, il reçoit son certificat de navigabilité.
Tel a été sans contestation possible le cas pour l’avion accidenté qui avait à la fois reçu son certificat de type par les autorités compétentes néerlandaises que son certificat individuel de navigabilité par la DAC, autorité compétente à l’époque pour le Grand-duché de Luxembourg. Il était donc autorisé à voler et la LUXAIR avait l’autorisation administrative de l’exploiter en ligne pour le transport de passagers. C’était d’ailleurs ce que la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel avait retenu dans son arrêt.
La question de savoir si l’avion aurait pu perdre son certificat de navigabilité, si l’autorité ayant accordé la certification de type ou celle qui avait certifié sa navigabilité individuelle avait appris le défaut dont un système important pour la sécurité de l’avion était affecté, est sans relevance aucune dans la mesure où il y a lieu de toiser les faits tels qu’ils se sont présentés le 06.11.2002.
Cette question de la navigabilité est tout-à-fait indépendante des préventions reprochées aux divers prévenus, puisque le Ministère Public ne leur reproche pas d’avoir mis ou laissé en service un avion dont la navigabilité n’aurait pas été assurée, parce qu’elle l’était.
Le tribunal est arrivé à la conclusion que cette omission de remédier à un défaut du module susceptible de produire la catastrophe d’une façon inopinée et à un moment indéterminable s’explique d’une façon parfaitement banale par la lecture distraite de la lettre qui n’a pas permis de se concentrer sur la portée et les implications de son contenu, combinée au fait que, une fois la lettre rangée sur le tas des autres Service Letters auxquelles aucune suite ne fut donnée, elle fut oubliée jusqu’au 06.11.2002 et qu’il n’existait aucun système de vérification permettant à des tiers, plus élevés dans la hiérarchie, de s’assurer que la décision de classer sans suite les Service Letters en général, et celle portant le numéro 137 en particulier, avait été prise à bon escient.
Pareil comportement constitue une faute d’imprudence susceptible d’entraîner la responsabilité de son auteur.
Ainsi qu’il a été expliqué ci-avant, le fait de ne pas avoir appliqué les Service Bulletins de ABSc de 1992 et de 1994, même après avoir été informé par Fokker au moyen de la Service Letter n° 137 du 20.12.1994 des dangers potentiels pouvant résulter pour l’exploitation de l’avion en ligne de l’utilisation continuée du module SCU sans procéder à la modification proposée par ABSc constitue une faute ayant directement contribué à la réalisation de l’accident en cause et partant à la commission des infractions, même si cette faute a été commise bien avant la survenance du sinistre.
Il est ainsi reproché au prévenu P2 d’avoir contribué à l’accident, partant d’avoir commis les infractions mises à sa charge par le fait d’une part de ne pas avoir appliqué les Service Bulletins émanant de ABSc en 1992 et 1994 et ni d’avoir fait redresser le plus rapidement possible l’anomalie constatée et décrite en détail dans la Service Letter n° 137 de Fokker de 20.12.1994.
Le prévenu P2 avait été aux services de la LUXAIR en tant directeur général de 1961 jusqu’au 11.05.1998.Depuis la création de la société LUXAIR s.a., la société disposait d’une structure organisée à l’origine par des membres qualifiés du personnel de la compagnie belge KLM ainsi que de la société néerlandaise FOKKER. Cette structure comportait au début un département s’occupant du service en ligne, le Service des Operations et d’autre part un département s’occupant de l’entretien des avions, appelé Service Technique. A ces deux services se sont ajoutés au fil des ans et selon les besoins de la société d’autres départements financier, commercial et administratif. Chaque service ou département avait à sa tête un Directeur qui répondait au Conseil d’administration respectivement au prévenu en sa qualité de Directeur Général. Le service des opérations et le service technique avaient été calqués sur la structure des sociétés KLM et Fokker et profitaient du savoir-faire et des compétences des personnes déléguées par ces sociétés et qui ont assumé les fonctions de Directeurs de ces départements.
Pendant toute son activité au sein de LUXAIR, le prévenu a assumé la gestion des affaires courantes. Selon la définition admise, on entend par le terme ‘affaires courantes’ la gestion journalière consistant dans l’accomplissement des actes qui ne sont que l’exécution quotidienne de la ligne de conduite tracée par le conseil (CA 10.05.1929, Pas. 11, p.459).
Il n’a pas été contesté que de par sa formation, et de par ses charges au sein de la société, le prévenu P2 s’occupait de la gestion administrative et financière de la société et n’avait pas la compétence pour prendre des décisions au niveau technique ou opérationnel, si ce n’est de façon oblique en faisant libérer les crédits nécessaires au fonctionnement de ce service comme d’ailleurs des autres services aussi. Ce fait est tout aussi normal dans une société comme LUXAIR, dont l’envergure croissait assez régulièrement à cette époque, qu’il est parfaitement dépourvu de relevance en l’espèce. En effet, il a pu être clairement établi par l’information que la question de l’application ou non des SB de ABSc et de la Service Letter n° 137 de Fokker n’impliquait pas de considérations financières, vu le coût ridiculement bas de la modification à effectuer.
L’information judiciaire, pas plus que l’instruction à l’audience n’a permis de rapporter la preuve que le prévenu P2 ait eu une connaissance personnelle des documents en cause se rapportant aux problèmes avec le module SCU, que ce soient les Service Bulletins émanant de ABSc en 1992 et 1994 ou la Service Letter n° 137 de Fokker. De même il n’a pas été établi qu’il aurait à un moment quelconque pris une décision au sujet de ces informations et se rapportant aux anomalies du module SCU, et plus spécialement qu’il aurait donné l’instruction de ne pas suivre les recommandations ou suggestions de ABSc et/ou de Fokker.
Il y a partant lieu de retenir que le prévenu, n’ayant pas personnellement pris de décision au sujet du problème litigieux qu’il ignorait et lié au fonctionnement du module SCU, n’a pas personnellement commis de faute susceptible d’entraîner sa responsabilité par une participation à la commission des infractions sous ce rapport.
Dans la mesure où le Ministère Public recherche sa responsabilité en tant que chef d’entreprise, le prévenu a fait invoquer le principe de la délégation de pouvoirs.
« Sauf si la Loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas pris part personnellement à la réalisation de l’infraction, peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence de l’autorité et des moyens nécessaires». (B.BOULOC, Droit pénal général, 19e éd., Dalloz 2005, p.315)
Ce principe est admis tant en droit luxembourgeois qu’en droit belge et français. Il est applicable aussi bien en matière pénale qu’en matière civile. Au pénal, on parle de délégation des pouvoirs lorsqu’un délégant transfère au délégataire une tâche de direction ou de surveillance qui lui impose une responsabilité pénale.
Celui qui se prévaut de la délégation de pouvoir pour s’exonérer de sa propre responsabilité pénale, a en principe la charge de la preuve.
La délégation de pouvoirs emporte sous certaines conditions la délégation de responsabilité. Pour être efficace sous ce rapport, il faut que la personne à qui les pouvoirs particuliers et bien définis sont délégués, jouisse de l’autorité, des compétences et des moyens nécessaires pour assurer la tâche lui confiée.
- Quant à la compétence:
Le délégataire doit donc disposer, dans le cadre des matières ou charges déléguées, du même pouvoir de décision autonome et de direction que le responsable déléguant. Cela entraîne que le délégataire doit disposer des compétences générales et techniques propres lui permettant d’exercer les pouvoirs délégués dans le cadre de l’activité qu’il sera amené à exercer. Cette compétence ne comprend pas seulement les connaissances techniques et professionnelles nécessaires, mais encore la connaissance de la règlementation en vigueur et les moyens d’assurer le respect de celle-ci.
Les compétences techniques et professionnelles sous ce rapport du délégataire mis en place à la tête du Service Technique, à savoir le prévenu P5 apparaissent déjà de sa formation d’ingénieur en électromécanique avec l’option construction aéronautique ainsi que de son expérience de trois ans en tant que directeur technique avant d’entrer au service de la LUXAIR. Il a été exercé les fonctions de directeur technique responsable de la navigabilité des avions LUXAIR de juin 1991 au 10.02.2007. Il faisait en outre partie du comité de direction de 1990 jusqu’à 1998, moment où il a été nommé postholder-maintenance avec l’introduction des Jar-OPS 1 dans la législation luxembourgeoise.
Sa compétence professionnelle ne résulte pas seulement de sa longue carrière passée dans ce poste à haute responsabilité, mais aussi des audits du Bureau Veritas et de la Lufthansa très flatteurs, le dernier établi pas plus tard que trois semaines avant l’accident en cause. Elle résulte enfin de toutes les déclarations recueillies au cours de l’information et aucun élément n’est apparu permettant de mettre sa compétence en doute.
- Quant à l’autorité:
Le prévenu P5 se trouvait à la tête du Département Technique qui comprenait avec ses différentes sections en tout 131 personnes.
Il apparaît de l’ensemble des informations au dossier qu’il gérait son service pendant toute la période de son activité d’une façon presque autonome, et savait se faire respecter par ses subordonnés. Le prévenu P2 a affirmé ne jamais s’être immiscé dans les décisions techniques et de avoir rencontré le prévenu P5 uniquement pour des questions financières, au cas où l’engagement de frais envisagé par le Département Technique menaçait de faire exploser le budget. Cette affirmation a été confirmée par P5 et aucun élément du dossier n’est venu la contredire.
- Quant aux moyens fournis:
Le prévenu P5 disposant du budget de son service ainsi que des ressources humaines nécessaires au bon fonctionnement de ce dernier ne devait intervenir auprès du prévenu P2 que lorsque certains travaux ou programmes dépassaient nettement le budget alloué à son service, ce qui a été rarement le cas. Il est vrai qu’en 1999, le prévenu avait signalé que le nombre des personnes occupé au service Engineering, placé sous ses ordres devait être augmenté. De même, il a à ce moment formulé le reproche que le service Engineering ne recevrait pas l’attention ou l’estime dont il avait besoin. Il s’est cependant avéré que la situation à la base de ces critiques, aussi justifiées qu’elles aient pu être, n’a joué aucun rôle dans le fait en rapport avec les causes de l’accident du 06.11.2002.
Les prévenus P6 et P7 travaillaient seulement de façon indirecte sous ses ordres dans des départements qui dépendaient du Service Technique sous la direction du prévenu P5. P6 comme chef du Service Engineering de 1992 à 1999, P7 en tant que chef du Service Avionics comprenant le service radio et le service électrique. En 2000, ce dernier a été nommé chef du Engineering et planning en remplacement du prévenu P6, apparemment en raison de problèmes personnels de ce dernier. Celui-ci ne s’occupait plus des avions Fokker à partir de ce moment.
Tant P6 et P7 ne peuvent être considérés comme délégataires du prévenu P2 étant donné que, comme subordonnés travaillant sous les ordres du prévenu P5, il leur manquait à la fois l’indépendance, le pouvoir de décision et le budget autonome.
Il ne saurait être raisonnablement soutenu que le prévenu P2 ait à un moment quelconque négligé son devoir de surveillance, et ce pour la simple raison qu’au cours de toutes ces années, il n’y a eu aucun événement donnant à penser que le prévenu P2 ou d’ailleurs ses successeurs aient négligé la surveillance nécessaire et appropriée de leur délégataire. Le défaut dans l’organisation du service maintenance, décrit plus haut à propos du prévenu P5 ne saurait être imputé au prévenu P2 ni d’ailleurs à ses successeurs.
Il est vrai qu’à un moment, il a été fait état de ce que le successeur dans les fonctions du prévenu P2, le sieur P4 a fait procéder à un audit par les soins du témoin FR qui aurait dans son rapport fait état d’un certain nombre de critiques quant à l’organisation et au fonctionnement interne de la société, et proposé des solutions pour y remédier.
Il est cependant un fait que d’une part, ces critiques se sont avérées sans rapport avec les faits en cause et les circonstances exactes à l’origine de ces faits, et que d’autre part le témoin FR a très largement relativisé ses déclarations passées lors de sa déposition à l’audience. Il y a encore lieu de noter dans ce contexte que les critiques en partie acerbes manifestées dans le temps par le témoin n’ont pas pu être confirmées par d’autres sources. Quoi qu’il en ait été, s’il n’est pas exclu que le fonctionnement de la société ait été perfectible comme celui de toute autre société, il n’en reste pas moins qu’aucun lien n’a pu être établi avec les faits qui ont amené l’accident du 06.11.2002.
La réalité de la délégation de pouvoirs par le prévenu P2 au prévenu P5 pour to ut ce qui concernait les aspects techniques des activités de la société, y compris le détail de l’organisation du service technique, et qui était déjà rendue nécessaire en raison de la taille de la société, de ses activités complexes et variées, ainsi que du manque de compétences techniques aussi manifeste que reconnu par le prévenu P2 lui-même, ne saurait ainsi être sérieusement mise en doute. Cette réalité n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation.
Il se déduit de ce qui précède que le prévenu P2 n’a commis aucune faute personnelle et que du fait de la délégation de pouvoirs au prévenu P5, sa responsabilité pénale dans les faits qui causé l’accident du 06.11 2002 ne se trouve pas engagée.
Il y a partant lieu d’acquitter le prévenu P2 de toutes les préventions mises à sa charge y compris de la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette prévention n’étant établie ni en fait ni en droit dans son chef. En effet, cette disposition légale s’applique expressément au commandant d’un avion, fonction que le prévenu P2 n’a jamais exercée, et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.
Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.
Le prévenu P4:
Le prévenu P4 avait pris la succession du prévenu P2 à partir de février 1998, assumant ses fonctions effectivement à partir du 11.05.1998 jusqu’au 31.12.2000.
Il faut relever à l’ingrès que la prévention d’infraction à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948 ne se trouve pas donnée dans son chef étant donné que cette prévention vise exclusivement le commandant de bord d’un avion, qualité dont le prévenu P4 n’était jamais pourvu.
Cette prévention n’étant pas donnée en ce qui le concerne, le prévenu devra en conséquence être acquitté de ce chef.
Ainsi qu’il a été relevé ci-avant, en matière d’homicide ou de lésions corporelles involontaires, la responsabilité de l’auteur présumé doit toujours être personnelle, et nécessite, pour être retenue, l’identification d’une faute par commission ou par omission dans le chef du prévenu, l’imprudence la plus légère suffisant à constituer l’infraction.
Il y a lieu d’examiner si le prévenu P4 a commis une faute personnelle contribuant à la réalisation du dommage.
Il n’a pas pu être prouvé que, à un moment quelconque, il aurait été mis au courant des Service Bulletins de ABSc mentionnés ou de la question s’il fallait les appliquer, pas plus qu’il n’a été informé de la Service Letter de Fokker de décembre 1994, ou qu’il aurait pris une décision quelle conque à leur sujet, déjà pour la simple raison que ces documents avaient été reçus bien avant l’arrivée en fonctions du prévenu P4 et n’étaient plus des sujets réclamant une attention continue, la décision de ne pas les appliquer ayant été prise bien antérieurement au mois de février 1998.. Ce qui plus est, il s’est confirmé que la question de l’application des SB et SL n’était pas du domaine de la compétence du accountable manager, mais du Service technique. De même, il n’a pas été saisi ni informé du warning émis par Fokker en 1998 et n’avait pas à l’être pour les mêmes raisons.
Ses efforts dans le but de promouvoir la modernisation et la sécurité du fonctionnement de l’entreprise étaient réels et ont pu être vérifiés. Il a nommé le sieur FR directeur -adjoint avec la mission de promouvoir la coordination des services maintenance et opérations, avant de le charger d’un audit interne. Il a délégué, comme son prédécesseur, les fonctions pour lesquelles il n’avait pas la compétence, à des personnes compétentes, entre autres le service technique au postholder M. P5 et le service opérations au Cpt. JP, plus tard remplacé par le Cpt. PO.
Ces délégations ont rempli toutes les conditions énumérées ci-avant pour opérer non seulement le transfert des pouvoirs spécifiques, mais encore le transfert de la responsabilité pénale aux délégataires respectifs. Le domaine des compétences du prévenu P4 était la gestion (financière) de l’entreprise, puisqu’il était économiste de formation et avait longtemps travaillé dans une banque. Pas plus que sous son prédécesseur, les chefs de service ou les membres du personnel avaient eu à se plaindre d’un manque de ressources, financières ou autres, et les exigences de la sécurité ne devaient jamais céder le pas aux considérations financières, ainsi que l’a confirmé le témoin FR à l’audience.
Il peut dès lors être raisonnablement retenu qu’il n’a pas été établi en l’espèce que dans l’exercice de ses fonctions, le prévenu P4 aurait personnellement fait preuve de légèreté ou de négligence dans la surveillance des activités des différents départements de la société.
Il s’en déduit que la délégation des pouvoirs aux postholders et plus particulièrement celle au postholder maintenance a valablement exonéré le prévenu P4 de sa responsabilité pénale en ce qui concerne les fautes qui ont pu être commises au niveau du Service maintenance.
Les préventions d’infraction aux articles 418, 419, 420 du Code pénal et à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948 ne sont, elles non plus établies en fait ou en droit, il y a lieu d’acquitter le prévenu P4 de toutes les infractions libellées à sa charge et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.
Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.
Le prévenu P3:
Le prévenu P3 a occupé les fonctions d’accountable manager, de Directeur général et de Président du Comité de direction de la LUXAIR à partir du mois de janvier 2001. Dans ces fonctions, il a été le successeur du prévenu P4.
Lors de ses deux interrogatoires, il a décrit d’une façon détaillée la structure interne de LUXAIR telle qu’il l’avait connue lors de sa prise de fonctions. Il paraît avoir eu une assez grande expérience professionnelle avant de venir chez LUXAIR puisqu’il avait dirigé en tant qu’administrateur-délégué, comme directeur général et comme accountable manager un certain nombre de compagnies aériennes, dont la dernière VLM, exploitait également une flotte de Fokker F50. Ses indications au sujet de la responsabilité des Directeurs généraux respectivement des accountable managers et de la structure et les responsabilités des postholders du Service Technique et du Service Opérations entre autres, les fonctions indépendantes du quality manager et du safety officer correspondent bien à la structure prévue suivant les normes internationales JAR OPS1 introduites dans la législation luxembourgeoise en 1998.
Il confirme tant en ce qui le concerne qu’en ce qui concerne ses prédécesseurs que la fonction de Directeur général et accountable manager comporte exclusivement une mission d’organisation consistant à mettre en oeuvre les moyens financiers et autres pour permettre aux postholders d’accomplir leurs fonctions. N’étant ni technicien ni pilote, l’accountable manager n’a pas à se mêler des décisions des départements gérés par les postholders qu’il rencontrait lors de réunions régulières.
Il semble que surtout après l’accident en cause, il a dû faire face à une détérioration du climat entre lui et certains membres du département Opérations et des réticences et qui selon lui faisaient bande à part, le considérant comme un intrus.
Cependant, tous ces problèmes internes n’ont eu aucune influence sur les faits en cause puisqu’ils ne sont apparus que postérieurement à l’accident.
Le prévenu a contesté avoir jamais appris avant l’accident l’existence ni des SB de ABSc ni de la Service Letter n°137 de Fokker, ce qui n’est pas fait pour étonner puisque ces documents semblent ne jamais avoir été mentionnés ni consultés depuis fin 1994 au plus tard.
S’il a appris que certains pilotes avaient eu des problèmes avec le train d’atterrissage, il est manifeste qu’il fait allusion à la circulaire NESSER du 02.08.2002.
Il doit être considéré comme constant en cause que le prévenu P3, qui avait l’infortune d’être l’accountable manager en fonction le jour de l’accident, na pas commis de faute personnelle, ni dans une décision au sujet des SB et de la SL dont il ignorait tout ni dans ses fonctions de surveillance et de contrôle au sein de LUXAIR.
Il est toutefois intéressant de noter au passage que le prévenu n’avait pas non plus, du temps où il était administrateur délégué de la compagnie aérienne VLM, appris l’existence de ces documents et que VLM n’avait pas non plus appliqué les modifications indiquées par ABSc et par Fokker, pas plus d’ailleurs que Lufthansa ou d’autres compagnies opérant avec le F50.
Il se déduit de ce qui précède qu’il y a lieu d’acquitter le prévenu P3 de toutes les infractions libellées à sa charge et de le renvoyer des fins de sa poursuite pénale sans peine ni dépens.Les frais de sa poursuite doivent être laissés à l’Etat.
II. Quant au délai raisonnable:
Quant à la recevabilité des poursuites pénales:
Le prévenu P2 soulève en ordre principal l’irrecevabilité des poursuites pénales à son encontre et fonde cette demande sur une prétendue violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme au motif que la période très longue entre les faits lui reprochés (entre 1992 et 1998) d’une part, son inculpation (04.06.2008) d’autre part, et enfin la date de sa mise en jugement, aurait eu pour effet de le mettre hors d’état d’exercer valablement ses droits de la défense.
En premier lieu, il est indéniable que, effectivement, l’information judiciaire s’est étendue sur une période de temps très longue, et que cette durée devrait normalement être considérée comme inhabituelle et même extraordinairement longue. Il n’en est rien cependant en l’espèce étant donné que l’affaire s’est révélée être d’une complexité tout aussi extraordinaire. Ceci résulte non seulement de la nature de l’affaire, mais également du nombre de personnes mises en cause, des difficultés rencontrées dans la recherche des preuves et du temps nécessaire pour évacuer tous les recours et toutes les interventions que de certains participants au procès ont entrepris dans l’exercice légitime de leurs droits. Le relevé que le Ministère public a versé au dossier en cours d’instance énumère l’ensemble des devoirs accomplis au cours de l’information judiciaire dont il serait fastidieux de répéter l’énumération ici, mais qui démontre que ni les personnes intervenant dans l’information judiciaire, ni les juridictions d’instruction ni le Ministère Public n’ont laissé traîner les choses.
Le même constat se dégage du remarquable effort accompli par le mandataire de la partie civile Pciv1 en établissant un relevé aussi méticuleux que parlant de tous les devoirs et actes de procédure accomplis du jour de l’accident à la mise en jugement ainsi qu’une synthèse des données recueillies montrant qu’aucun reproche au regard d’une inobservation du délai raisonnable au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait valablement être soutenu.
Il n’est pas exact de dire que les organes d’instruction et de poursuite n’auraient pas fait toutes les diligences possibles pour permettre non seulement la mise en jugement des personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité dans les faits à juger, mais également pour permettre aux parties civiles de soumettre leurs demandes au tribunal sur le fondement d’un dossier sérieusement et aussi complètement instruit que possible, et ce dans un délai aussi bref que possible.
Par ailleurs, la comparaison avec des affaires similaires concernant des drames impliquant de nombreuses victimes et présentant une complexité technique voisine à celle rencontrée dans la présente affaire montre aisément que le délai nécessaire pour la mise en jugement n’a pas été excessif ou simplement anormal en l’espèce.
Si le tribunal devait néanmoins tenir compte de la longueur absolue de la procédure dans son ensemble, la sanction ne saurait être l’irrecevabilité des poursuites et ceci pour deux raisons:
La première en est qu’aucun texte légal ne donne pouvoir aux juridictions de fond de déclarer irrecevable l’action exercée par le ministère Public en raison de l’écoulement de temps si ce n’est pour des raisons de prescription de l’action publique.
La deuxième raison tient au fait que l’argument à la base de la demande, à savoir que les prévenus de façon générale, et le prévenu P2 en particulier, seraient, du fait de l’écoulement du temps, hors d’état d’exercer valablement ses droits de la défense, n’est pas donné en fait.
La défense du prévenu P2 s’est contredite à ce sujet dans son mémoire en ce qu’elle a affirmé que le prévenu P2 n’aurait pas été et ne serait pas en état d’exercer valablement ses droits de la défense, compte tenu de son âge et de sa santé, pour affirmer plus loin que, après le premier interrogatoire, le droit de s’expliquer ‘en toute connaissance de cause lui aurait été refusé.
La même observation vaut pour tous les autres prévenus qui ont tous non seulement assister aux débats, mais encore y ont participé de façon aussi vigoureuse qu’active et lucide.
Le seul prévenu qui ne se soit pas régulièrement manifesté pour présenter ses arguments, pour poser des questions aux témoins et aux experts, encore qu’il n’a pas laissé passer l’occasion de répondre aux questions lui posées lors de son interrogatoire, a été le prévenu P1. Son mutisme assez prononcé pendant la majeure partie des audiences s’explique cependant aisément par le fait qu’il a semblé comme écrasé par le poids de sa responsabilité dans les faits en tant que commandant de bord, ainsi qu’il l’a d‘ailleurs lui-même reconnu. S’il est vrai que le prévenu P1 a déclaré éprouver de grandes difficultés à se souvenir de ce qui s’était passé, cela peut s’expliquer aisément par le choc traumatique considérable subi au moment du crash de l’avion, et n’a en fait rien à voir du tout avec l’écoulement du temps entre les faits et la mise en jugement.
D’autre part, le dossier très volumineux, dont une grande partie pour ne pas dire la majeure partie se compose de classeurs de pièces et documents fournis tant par l’effet des perquisitions, que par les pièces versées par la défense des prévenus, témoigne à suffisance du fait que l’écoulement du temps n’a nullement entraîné une déperdition des preuves, mais au contraire, a permis de documenter, bien au-delà du stricte nécessaire, tous les aspects soulevés par l’instruction. Si le délai fort long a pu susciter des sentiments d’impatience chez d’aucuns, qu’ils soient prévenus ou ayants droit des victimes, il n’a très certainement pas eu d’effets négatifs sur les droits de la défense des prévenus.
A cela s’ajoute finalement que s’il est vrai que le premier rapport de l’expert judiciaire Vincent FAVÉ a été déposé assez rapidement, il est un fait que le même expert a déposé un deuxième rapport le 20.07.2009, que le rapport du co-expert judiciaire M. Richard TAVERNIERS a été déposé le 24.09.2009 et que l’expert judiciaire Vincent FAVÉ a encore déposé un rapport d’expertise complémentaire le 25.11.2009, sans parler de ses présentations aux audiences du tribunal où il a été invité ensemble son confrère M. TAVERNIERS à répondre à d’innombrables questions de la défense notamment.
Il y a dès lors lieu de constater que si le délai entre les faits et la mise en jugement des prévenus a certes été long, il ne saurait être considéré comme déraisonnable au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, eu égard aux circonstances propres de l’espèce décrites ci-avant. Pour la même raison, il a été démontré que le délai prolongé nécessaire à la mise en jugement des prévenus n’a en rien entravé l’exercice des droits de la défense de ceux-ci.
II. Quant à la condamnation aux frais:
La défense du prévenu P7, d’après le dernier état de ses conclusions, a demandé au tribunal de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante, les autres défenseurs des prévenus s’étant ralliés à ces conclusions:
«Est-ce que les termes de l’article 194 C.i.cr. qui imposent aux juridictions répressives de mettre à la charge d’une partie condamnée les frais de la procédure pénale, sont conformes à l’article 14 de la Constitution, dès lors que ces frais sont disproportionnés, voire complètement disproportionnés, par rapport à la peine d’amende infligée, notamment en raison de la solidarité entre co-prévenus édictée par l’article 50 C. pén.et constitue de ce fait une peine non prévue par la loi, en ce que le taux de sévérité de cette peine n’est pas prédéfini par la loi, ni ne permet aux intéressés de mesurer exactement la portée de leur comportement à défaut d’être rattaché à une infraction prédéterminée, et que cette peine est automatique, en cas de condamnation, sans permettre au juge répressif de l’individualiser?»
Aux termes de l’article 194 al.1er C.i.c., «tout jugement de condamnation, rendu contre le prévenu et contre les personnes civilement responsables du délit, ou contre la partie civile, les condamnera aux frais, même envers la partie publique. Les frais seront liquidés par le même jugement.»
Aux termes de l’article 162 C.i.c., «toute partie qui succombera, sera condamnée aux frais, même envers la partie publique. Les dépens seront liquidés par le jugement.»
Constitution art. 14: «Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.»
En premier lieu, il faut relever que tant l’article 162 que l’article 194 du Code d’instruction criminelle y figurent en application de la loi du 17.11.1808, promulguée le 09.12.1808 et ne semblent pas avoir été modifiés depuis.
A supposer pour les besoins de la discussion que pareille condamnation aux frais de la poursuite constituerait une peine au sens légal, juridique du mot, les dispositions afférentes ne seraient pas contraires à l’article 14 de la Constitution puisqu’elles résultent de la loi, comme d’ailleurs l’article 50 du Code pénal.
Il se déduit de l’application combinée des articles 162 et 194 C.i.c. que la partie qui succombera sera condamnée aux frais. Elle doit nécessairement être condamnée aux frais, ce n’est pas une faculté pour la juridiction répressive, mais une obligation stricte. La question est d’ordre public; la condamnation doit toujours être prononcée. (cf. Thiry: Précis d’instruction criminelle en droit luxembourgeois (Editions Lucien De Bourcy, 1971).
La condamnation aux frais n’est, au regard de l’article 194 C.i.c. qu’une conséquence de la condamnation principale, et n’a par conséquent pas besoin d’être appuyée par des motifs spéciaux. (Cass. 26.02.1918, 10, 327)
Le prévenu qui succombe est celui qui se trouve condamné. Tout prévenu condamné doit être condamné au paiement des frais de la poursuite, quelle que soit la peine à laquelle il aura été condamné et peu importe le taux de la peine prononcée, qu’il s’agisse de la peine requise contre lui ou d’une peine inférieure, ou encore que le prévenu soit indigent.
La condamnation du prévenu aux frais de sa poursuite pénale n’est pas une peine, mais la réparation d’un préjudice causé à l’Etat par le prévenu condamné qui la subit, et n’est que la conséquence inévitable, l’accessoire inséparable de la condamnation pénale. (cf. Lux.14.11.1917, 10, 199).
Les frais occasionnés par l’instruction ne sont jamais inutiles, même si elles ne donnent pas de résultat utile.(Thiry: op.cit.)
Surtout dans l’instruction des affaires pénales importantes, il n’est jamais possible de prévoir le montant des frais qu’elle pourra entraîner en définitive, et ceci déjà pour la simple raison que l’exposition de pareils frais ne dépend pas exclusivement des organes d’instruction et de poursuites, mais sont souvent également occasionnés à la suite de l’attitude adoptée par la défense de l’inculpé et des arguments soulevés par celui-ci qui peuvent rendre nécessaire des investigations aussi poussées qu’onéreuses.
Aucune convention internationale ni aucune disposition légale n’oblige ni le Ministère Public ni d’ailleurs le juge d’instruction à limiter les devoirs accomplis ou à accomplir au cours d’une instruction pénale voire à s’abstenir d’utiliser les ressources qu’ils estiment nécessaires à la manifestation de la vérité, tant à charge qu’à décharge d’un prévenu. Il n’est pas concevable que la partie poursuivante et/ou le juge d’instruction arrêteraient les investigations à un moment déterminé pour des considérations d’ordre purement pécuniaire, que ce soit en considération des dépenses en ressources humaines par le nombre d’enquêteurs à affecter à une enquête, celles occasionnées par l’utilisation de moyens techniques et scientifiques, les visites des lieux, les déplacements à l’étranger sur commissions rogatoires, ou par le recours à l’avis d’hommes de l’art, souvent pour ne pas dire régulièrement trouvés à l’étranger, pour éclairer tant les parties au procès que les juridictions appelées à statuer.
La simple idée que les organes de poursuite devraient, dans leur travail de recherche de la vérité, choisir les moyens d’investigation à leur disposition et limiter les dépenses en fonction de leur coût et des ressources de l’inculpé – prévenu au jour de sa condamnation, est trop extravagante pour être entretenue.
Selon la nature de l’espèce, sa complexité, les difficultés à rassembler les preuves de nature à assoir la conviction des juridictions répressives, les difficultés résultant souvent du mauvais vouloir de l’auteur de l’infraction cherchant à échapper aux poursuites, à sa mise en jugement et à la sanction légale de ses faits, sont souvent non seulement une cause de l’allongement dans le temps considérable des procédures jusqu’à la mise en jugement, mais sont également souvent la cause de dépenses considérables qui, il ne faut pas l’oublier, sont avancés par le Trésor public. Si on ne saurait ni à bon droit ni de bonne conscience reprocher à un inculpé/prévenu d’utiliser tous les stratagèmes de défense pour éviter une condamnation, étant donné qu’a priori il est de par la Loi présumé innocent, et n’a aucune obligation légale de collaborer avec les organes de poursuites, il n’en demeure pas moins que la question de la condamnation aux frais de la poursuite ne concerne que celui qui est reconnu coupable, en tout ou en partie, de la ou des préventions mises à sa charge et qui est condamné en conséquence.
Si à l’issue des débats ou plus tard, l’auteur, reconnu coupable par le jugement subséquent, doit reconnaître qu’il a succombé et que ses dénégations n’ont pas porté leurs fruits escomptés, il ne saurait se plaindre de ce que ses éventuels calculs quant «à la portée et aux conséquences de son comportement» (avant sa mise en jugement) auraient été déjoués pour ensuite espérer pouvoir laisser à charge du Trésor public tout ou partie des frais, souvent considérables, nécessités par l’instruction et l’élucidation des infractions retenues en définitive contre lui.
Il n’y aucun rapport à faire entre la peine prononcée, à fortiori entre une peine d’amende et le montant des frais de poursuites rendu nécessaires pour parvenir à une condamnation et les frais de poursuites ne changent pas de nature pour devenir une ‘peine’ même lorsqu’ils dépassent, comme en l’espèce, très largement le montant de l’amende pouvant être prononcée.
Qu’une condamnation aux frais puisse atteindre un prévenu dans son patrimoine est indéniable, et qu’il puisse ressentir ce fait comme une sanction supplémentaire est compréhensible. Il n’en demeure pas moins que pareille condamnation constitue et reste la récupération des sommes avancées par le Trésor dont la dépense, en dernière analyse, a nécessairement été occasionnée par le condamné.
Le principe à la base de ces considérations n’est ni démenti ni même battu en brèche par l’article 50 du Code pénal, aux termes du quel «tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts.
Ils sont tenus solidairement des frais, lorsqu’ils ont été condamnés par le même jugement ou arrêt.
Néanmoins, le juge peut exempter tous ou quelques-uns des condamnés de la solidarité, en indiquant les motifs de cette dispense, et en déterminant la proportion des frais à supporter individuellement par chacun d’eux.»
Même cette disposition ne donne aucune latitude à la juridiction répressive pour adapter la condamnation aux frais de la poursuite aux ressources ou aux convenances personnelles d’un condamné, puisque pareil critère aboutirait forcément à augmenter la part que les autres condamnés auraient à supporter, puisque la possibilité de décharger l’un ou l’autre ou même tous les prévenus condamnés de leur obligation solidaire envers le Trésor public ne signifierait nullement que le total de ces frais serait réduit et que tout ou partie de ce montant serait laissé à charge de l’Etat. En effet, la juridiction de jugement aurait tout au plus la possibilité de modifier en les indiquant, la part de ce montant total que chaque condamné devrait supporter en définitive.
Pareille dérogation du principe légal de la solidarité entre les prévenus quant au paiement des frais de la poursuite ne pourrait certainement pas se justifier sur base des ressources patrimoniales d’un prévenu mais seulement en raison de considérations tenant de l’espèce, comme par exemple, en cas de condamnation, dans un même jugement, pour infractions distinctes auxquelles tous les prévenus n’auraient pas participé. En cas de condamnation par des jugements ou arrêts distincts, la solidarité ne leur serait appliquée que pour les actes de poursuite qui leur sont communs.
Mais même pareille modification ou restriction de l’obligation solidaire des condamnés ne pourrait pas avoir pour effet de changer la nature de cette obligation ou de lui enlever, ne fûtce qu’en partie ou pour un condamné particulier le caractère d’une peine qu’elle n’avait pas au départ.
Il y a lieu de noter qu’aucun des prévenus n’a demandé à être déchargé de la condamnation solidaire aux frais de la poursuite pénale en cas de condamnation.
L’article 194 du Code d’instruction criminelle n’est de toute évidence pas contraire à l’article 14 de la Constitution parce que la condamnation aux frais de la poursuite pénale, que la solidarité entre condamnés s’applique ou non, n’est de toute évidence pas une peine au sens légal, juridique du terme.
En conséquence de ce qui précède, le tribunal est d’avis qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement et que la question de la constitutionalité de l’article 194 du Code d’instruction criminelle est dénuée de tout fondement. Il se déduit de ce qui précède que le moyen invoqué par la défense des prévenus n’est pas fondé.
En l’absence d’une demande en restitution émanant du propriétaire de l’épave de l’avion et de ses composantes détachées, le tribunal ne se voit pas en mesure d’ordonner la restitution de ces objets à leur propriétaire légitime.
AU CIVIL:
I. Les parties civiles
a) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv2, élisant domicile en l’étude de Maître LAUER, contre les prévenus P1, P2, P4, P5, P7 et P6
Il y a lieu de lui en donner acte.
La demanderesse a fait exposer que bien que liée au copilote JA ni par les liens du mariage ni par une convention de partenariat, ils vivaient depuis trois ans en concubinage en compagnie des deux enfants de la demanderesse nés d’un autre lit; que ses enfants considéraient et aimaient JA comme leur père; qu’ils avaient projeté de se marier et avaient déjà, en perspective de ce mariage, acquis ensemble une maison à Horace/Pratz (Bettborn) le 13.10.2001 suivant acte reçu par Me Fernand UNSEN, notaire de résidence à Diekirch.
Elle demande la condamnation solidaire des défendeurs au civil à lui payer, selon le dernier état de ses conclusions, au titre de réparation de son préjudice moral (préjudice d’affection) souffert du fait du décès de JA la somme de 100.000.- euros, et au titre de réparation du préjudice matériel la somme de 50.000.- euros, ce préjudice étant constitué par l’ensemble des frais exposés pendant toute la procédure, y compris les frais d’avocat, ces derniers sur base de l’article 194 al. C.i.c..
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2 et P4, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Il y a lieu de relever à l’ingrès que la demande de la dame Pciv2 ne saurait être régie par les dispositions de la Convention de Varsovie ni des dispositions et règlements établis à la suite de cette convention, étant donné que la victime JA, en sa qualité de copilote, ne saurait être considéré comme passager et ne tombe partant pas dans la catégorie des personnes visées par la convention.
Le tribunal est partant compétent pour en connaître, dans la mesure où elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.
Il appert des pièces versées par Me Guy LOESCH que la demanderesse a signé le 20.10.2004 une déclaration aux termes de laquelle «elle renonçait pour son compte ainsi que pour le compte de ses enfants respectivement de ses ayants droit à toute action quelle qu’elle soit civile ou pénale et pour quelque cause que ce soit liée à l’accident de l’avion Fokker en date du 06.11.2002 appartenant à la compagnie aérienne LUXAIR pour le compte de la perte de son concubin le copilote JA contre le sieur P3 et la s.a. LUXAIR contre réception du montant de 25.000.- euros», cette déclaration n’étant valable qu’après réception du dit montant. Il appert d’autre part d’un virement effectué par le cabinet d’avocats de Me F. ENTRINGER & ass., le 22.10.2004 au compte de l’étude du mandataire de la partie civile avec la mention:«Partie civile Pciv2 – Dédommagement – pour solde de tous comptes» en vertu duquel il faut présumer que la partie civile, par le biais de son mandataire, a effectivement reçu la somme en question. Le fait a d’ailleurs nullement été contesté par la partie civile.
Me Guy LOESCH entend s’emparer de cette pièce pour soutenir que la demande civile dont la dame Pciv2 a saisi la juridiction répressive, devrait être déclarée irrecevable. Il soutient que la société LUXAIR est au civil le tiers garant des faits de ses préposés et que, la déclaration signée par la dame PCIV2 et acceptée par la société LUXAIR et son Directeur général, le sieur P3, valant transaction, la dame PCIV2 ne saurait être autorisée à «revenir à charge avec les mêmes prétentions contre les préposés». Me Guy LOESCH soutient qu’en «éteignant la créance de dommages- intérêts de la victime, le commettant éteint par là même la dette de réparation de ses préposés, sauf à démontrer un préjudice distinct.
Il y a lieu de relever que la jurisprudence est désormais fixée pour dire que l’octroi de dommages-intérêts n’est pas subordonné à un lien de droit entre le défunt et le demandeur et qu’en conséquence, le préjudice de la concubine du chef de perte de son partenaire est en principe indemnisable tant du point de vue matériel que du point de vue moral, pourvu que les liens d’affection puissent être considérés comme réels et suffisamment profonds, et que le concubinage ait revêtu une certaine stabilité et pérennité (cf. Ravarani: Panorama de jurisprudence en matière d’indemnisation du dommage, Pas. 03/2006 citant: Cour d’appel 11.12.1972, Pas.22, 232; Cour d’appel 17.02.1989 n°45/89).
Sous ce rapport, la LUXAIR n’a jamais entendu contester la réalité du préjudice affirmé par la dame Pciv2 ni le droit de cette dernière a en obtenir réparation. Le mandataire des défendeurs au civil P5, P7 et P6, Me Guy LOESCH, pas plus que Me Georges PIERRET pour le défendeur au civil P1, ne l’ont contesté davantage à l’audience.
S’il est vrai que si la transaction est formulée de manière que, moyennant paiement d’une indemnité dont le montant est suffisamment consistant pour satisfaire à l’exigence de la réciprocité des concessions dans la transaction, la victime renonce à ses prétentions indemnitaires pour des séquelles connues et inconnues pouvant se manifester à l’avenir, il y a lieu d’admettre qu’elle revêt un caractère forfaitaire qui éteint la créance. Encore ne saurait-elle avoir cet effet qu’entre les parties à la transaction.
En l’espèce, ces parties étaient d’une part la dame PCIV2, et à travers elle, ses enfants et ayants droit, et d’autre part la société LUXAIR et son Directeur général.
S’il est exact que la dame PCIV2 a déclaré renoncer ………. à toute action quelle qu’elle soit civile ou pénale et pour quelque cause que ce soit liée à l’accident de l’avion Fokker en date du 06.11.2002 appartenant à la compagnie aérienne LUXAIR pour le compte de la perte de son concubin le copilote JA contre le sieur P3 et la s.a. LUXAIR contre réception du montant de 25.000.- euros», et que de ce fait, il faut comprendre qu’elle renonçait dans ce cadre et sous ces conditions à toute autre demande en réparation de son préjudice moral et/ou matériel, il n’en demeure pas moins que la transaction a été conclue entre elle et la société LUXAIR. Le Directeur Général, en qualité de accountable manager, ne représente pas la société à l’égard des tiers, mais assume la responsabilité générale envers les autorités dans la mesure où il lui incombe de veiller à l’observation des dispositions légales et réglementaires ainsi qu’au respect des règles de procédure JAR exigées pour la sécurité des opérations. Il faut dès lors interpréter le fait que le sieur P3 a été nommément visé dans la déclaration transactionnelle en ce sens que les conséquences éventuelles à déduire de la responsabilité personnelle de ce dernier, qui ne pouvait qu’être de nature délictuelle, devaient également être couvertes par la transaction.
Cependant, la renonciation à toute future action en responsabilité par la dame PCIV2 «pour quelque cause que ce soit» s’est limitée à la société LUXAIR et à la personne de P3. Elle a été muette en ce qui concerne toute autre personne dont la responsabilité pénale et civile pouvait être engagée en rapport avec l’accident, et elle a notamment été muette quant à celle du pilote, le prévenu P1, sans parler des autres défendeurs au civil dont la responsabilité en principe a été retenue ci-dessus.
Les renonciations ne se présumant pas, la dame Pciv2 n’est pas forclose à demander réparation de son préjudice à d’autres personnes reconnues civilement responsables. En outre, n’ayant pas travaillé pour compte de LUXAIR ni dans un travail connexe ou non-connexe avec des employés au service de la LUXAIR, elle dispose d’un droit d’action en réparation d’un préjudice personnel contre les défendeurs ayant à l’époque travaillé pour LUXAIR.
Sa demande doit donc être déclarée recevable.
La concubine étant à assimiler à l’épouse sous certaines conditions relevées ci-avant et réunies en l’espèce, le tribunal évalue son préjudice moral souffert du fait de la mort de son partenaire à la somme de 25.000.- euros.
Il doit toutefois paraître évident que le préjudice moral pour perte d’un être cher, comme en l’espèce du concubin, n’augmente ni se multiple forcément par le seul fait que plusieurs auteurs doivent en être déclarés responsables. Au contraire, le montant d’une indemnisation pour un pareil préjudice constitue un montant déterminé, fixé par la juridiction du fond selon les circonstances de l’espèce, et dont le paiement doit être assumé par tous les auteurs du dommage selon les règles édictées par l’article 50 du Code pénal.
La dame Pciv2 ayant été forfaitairement indemnisée de son préjudice à concurrence de 25.000.- euros, il tombe sous le sens qu’elle ne peut actuellement prétendre qu’à la part du préjudice dont elle n’aurait pas encore été indemnisée.
En considération de l’évaluation ex aequo et bono à laquelle le tribunal a procédé ci-avant à l’égard de la demande indemnitaire du chef de préjudice moral, il s’avère que la demanderesse a été complètement remplie dans ses droits par le versement du forfait transactionnel, de sorte que sa demande doit être déclarée non fondée.
La demanderesse demande encore la condamnation des prévenus à lui payer à titre de dommage matériel la somme de 50.000.- euros.
Dans la mesure où ce préjudice allégué serait constitué par des dépenses autres que celles engagées en raison et dans le cours de la procédure, elle n’a cependant ni indiqué la cause de pareilles dépenses ni versé la moindre pièce justifiant ce préjudice en tout ou en partie. En l’absence de la moindre pièce justificative, le tribunal est dans l’impossibilité d’en vérifier l’existence et déterminer le montant. Aucun préjudice matériel de cette sorte n’ayant été établi en l’espèce, la demande afférente est à rejeter comme non fondée.
Dans la mesure où le préjudice matériel consiste dans les frais exposés pendant la procédure judiciaire, et que la demande vise ‘essentiellement’ à recouvrir les frais d’avocat, ainsi que le mandataire de la demanderesse l’a indiqué dans ses dernières conclusions et confirmé à l’audience, pareille demande ne saurait être accueillie sur le fondement de l’article 194 al.3 du Code d’instruction criminelle.
En effet, cette disposition donne au tribunal la faculté, lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, de condamner l’autre partie à lui payer le montant que le tribunal détermine.
Une partie qui s’est vu débouter de tous les chefs de sa demande principale et a donc succombé dans ses prétentions, ne saurait invoquer des raisons d’équité pour justifier la condamnation de la partie adverse qui a obtenu gain de cause, à lui payer tout ou partie des frais exposées par elle et non comprises dans les dépens.
Il s’ensuit que la demande de la dame Pciv2 sur base de l’article 194 al. 3 doit être rejetée comme non fondée.
Les frais de sa demande doivent en conséquence rester à sa charge.
b) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom 1) du sieur Pciv3 et 2) de la dame Pciv4, les deux demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de relever à l’ingrès que les demandes de la dame Pciv4 et du sieur Pciv3 ne sauraient être régies par les dispositions de la Convention de Varsovie ni des dispositions et règlements établis à la suite de cette convention, étant donné que la victime PMDR, en sa qualité d’hôtesse de l’air, ne saurait être considérée comme passagère et ne tombe partant pas dans la catégorie des personnes visées par la convention.
Quant à la demande du sieur Pciv3:
Le demandeur a fait exposer qu’il était le frère cadet de la dame PMDR; qu’ils étaient très liés et vivaient ensemble au domicile de leurs parents; que l’attente avant d’être informé de la dimension de la catastrophe et du décès de sa soeur a été extrêmement pénible et qu’il n’a pas encore réussi à faire son deuil du décès de sa soeur.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Il réclame la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- Au titre de préjudice par ricochet
résultant de la vue de la souffrance de toute la famille: 12.500.- euros
- Au titre de préjudice direct:
résultant du choc souffert personnellement à l’annonce de l’accident: 7.500.- euros
résultant de la perte d’un être cher:25.000.- euros
- Au titre de préjudice matériel (frais d’avocat): 5.000.- euros
Soit en tout la somme de 50.000.- euros et sous les réserves usuelles de pouvoir augmenter sa demande en cours d’instance.
Par conclusions ampliatives prises en cours d’instance, le demandeur outre les montants énoncés ci-dessus, a encore demandé à titre de réparation du dommage moral résultant des inquiétudes au sujet de l’avenir de son neveu la somme de 7.500.- euros, soit en tout la somme 57.500.- euros.
Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.
En ordre subsidiaire, pour le cas d’une condamnation pénale de ses mandants, Maître Guy LOESCH fait valoir que le demandeur n’aurait pas établi qu’il n’aurait pas droit à une indemnité de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents (A.A.A.) en tant qu’ayant-droit de la victime décédée à la suite d’un accident de travail par ailleurs reconnu par la A.A.A., citant dans ce contexte un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28.05.2004 déclarant contraire à la Constitution l’article 115 du Code des Assurances Sociales dan la mesure où cette disposition interdit une action en dommages-intérêts aux ayant-droits et héritiers de la victime d’un accident de travail même au cas où ceux-ci n’auraient droit à aucune prestation.
Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du défendeur au civil P1, a déclaré se rallier aux conclusions de Me Guy LOESCH et s’est en ordre subsidiaire rapporté à la sagesse du tribunal quant aux montants à allouer le cas échéant.
Le moyen avancé par Me Guy LOESCH n’est cependant pas fondé.
En effet, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, au moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.
Il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167)
Le demandeur Pciv3, frère cadet de la victime, doit être considéré comme ayant droit de la victime poursuivant la réparation d’un préjudice propre.
La Cour constitutionnelle a dans son arrêt du 28.05.2004, déclaré contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation.
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 28.10.2011 versée en cause que Pciv3, frère cadet de la victime, n’a pas touché d’indemnité respectivement de rente de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents suite à l’accident mortel de Mme MDRP.
Il se déduit de ce qui précède que la demande de Pciv3, en droit d’exercer un recours suivant le droit commun contre les auteurs du dommage par lui souffert, en application de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, doit être déclarée recevable.
La demande est également justifiée en principe.
Maître Guy LOESCH a enfin exprimé l’avis qu’une condamnation solidaire ne se justifierait pas, la solidarité ne se présumant pas.
Cet argument est erroné puisqu’il se heurte aux dispositions de l’article 50 du Code pénal, aux termes duquel tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts. Ils sont tenus solidairement des frais lorsqu’ils ont été condamnés par un même jugement ou arrêt.
En considération de ce qui précède, le tribunal évalue ex aequo et bono le montant devant revenir au demandeur Pciv3 du chef de réparation de son préjudice moral souffert à la somme de DIX-SEPT MILLE CINQ CENTS euros (17.500.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice et évalue à la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) le montant lui revenant à titre de réparation du préjudice matériel.
Il y a en conséquence lieu de condamner solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv3 du chef des causes sus-énoncées la somme de DIX-SEPT MILLE CINQ CENTS euros (17.500.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice jusqu’à solde, ainsi que la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde, ainsi qu’au paiement des frais de la demande civile.
Quant à la demande de la dame Pciv4:
La demanderesse a fait exposer qu’elle était la mère de la dame PMDR; que sa fille était toujours très proche de la demanderesse et qu’elle vivait chez ses parents avec son mari et son fils de 14 mois; que la nouvelle du décès l’a très affectée, d’autant plus qu’elle était dans l’attente de nouvelles de sa fille pendant des heures après l’annonce initiale de l’accident; qu’elle n’a pas réussi à ce jour à faire le deuil de sa fille dans l’état d’incertitude induit par la longueur de la procédure; qu’elle s’inquiète de l’état de sa famille à la suite du décès de sa fille et spécialement de l’avenir de son petit-fils.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Elle réclame la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- Au titre de préjudice par ricochet
résultant de la vue de la souffrance de toute la famille: 25.000.- euros
résultant de ses inquiétudes quant à l’avenir de son petit-fils: 15.000.- euros
- Au titre de préjudice direct:
résultant du choc souffert personnellement à l’annonce de l’accident: 15.000.- euros
résultant de la perte d’un être cher: 50.000.- euros
- Au titre de préjudice matériel (frais d’avocat): 5.000.- euros
Soit en tout la somme de 110.000.- euros avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde et sous les réserves usuelles de pouvoir augmenter sa demande en cours d’instance.
Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire des tous défendeurs au civil à l’exception du défendeur P1, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.
Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.
En ordre subsidiaire, pour le cas d’une condamnation pénale de ses mandants, Maître Guy LOESCH fait valoir que la demanderesse Pciv4 n’aurait pas établi qu’elle n’aurait pas droit à une indemnité de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents (A.A.A.) en tant qu’ayant-droit de la victime décédée à la suite d’un accident de travail par ailleurs reconnu par la A.A.A.., citant dans ce contexte un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28.05.2004 déclarant contraire à la Constitution l’article 115 du Code des Assurances Sociales dans la mesure où cette disposition interdit une action en dommages-intérêts aux ayant-droits et héritiers de la victime d’un accident de travail même au cas où ceux-ci n’auraient droit à aucune prestation.
Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, mandataire du défendeur au civil P1, a déclaré se rallier aux conclusions de Me Guy LOESCH et s’est en ordre subsidiaire rapporté à la sagesse du tribunal quant aux montants à allouer le cas échéant.
Le moyen invoqué par Maître Guy LOESCH n’est pas fondé.
En effet, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, au moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.
Il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167)
La demanderesse Pciv4, mère de la victime, doit être considérée comme ayant droit de la victime poursuivant la réparation d’un préjudice propre.
La Cour constitutionnelle a dans son arrêt du 28.05.2004, déclaré contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation.
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 28.10.2011 versée en cause que Pciv4, mère de la victime, n’a pas touché d’indemnité respectivement de rente de la part de l’Association d’Assurance contre les Accidents suite à l’accident mortel de Mme MDRP.
Il se déduit de ce qui précède que la demande de Pciv4, en droit d’exercer un recours suivant le droit commun contre les auteurs du dommage par elle souffert, par application de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, doit être déclarée recevable.
En ordre plus subsidiaire, Maître Guy LOESCH soutient que s’il est concevable que dans un accident spectaculaire d’une ampleur considérable comme une catastrophe aérienne entraînant de nombreuses victimes, il estime que les deux postes indemnitaires libellés en tant que préjudice par ricochet se confondraient avec le dommage moral ‘à proprement parler’ et devraient être indemnisés le cas échéant moyennant l’allocation d’un montant forfaitaire global.
Cette argumentation, si elle est correcte en elle-même, doit toutefois être considérée comme spécieuse, étant donnée que la demanderesse a bien réclamé l’allocation d’un montant global, à savoir la somme de 110.000.- euros, et que, en détaillant, montants à l’appui, les raisons à la base de sa demande globale en indemnisation du préjudice moral, loin de vouloir voir reconnaître différentes formes du dommage moral, n’a fait que fournir au tribunal des éléments d’appréciation pour l’évaluation du montant global à allouer.
Maître Guy LOESCH a enfin exprimé l’avis qu’une condamnation solidaire ne se justifierait pas, la solidarité ne se présumant pas.
Cet argument est erroné puisqu’il se heurte aux dispositions de l’article 50 du Code pénal, aux termes duquel tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts. Ils sont tenus solidairement des frais lorsqu’ils ont été condamnés par un même jugement ou arrêt.
La demande est recevable en la forme et justifiée en principe.
En considération de ce qui précède, le tribunal évalue ex aequo et bono le montant devant revenir à la demanderesse Pciv4 du chef de réparation de son préjudice moral souffert à la somme de TRENTE MILLE euros (30.000.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice et évalue à la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) le montant lui revenant à titre de réparation du préjudice matériel.
Il y a en conséquence lieu de condamner solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer Pciv4 du chef des causes sus-énoncées la somme de TRENTE MILLE euros (30.000.-) avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice jusqu’à solde, ainsi que la somme de CINQ MILLE euros (5.000.-) avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde, ainsi qu’au paiement des frais de la demande civile.
c) A l’audience du tribunal du 18.10.2011, Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension (C.N.A.P.), établie à Luxembourg, 1A, Boulevard Prince, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6, et a demandé la condamnation solidaire sinon in solidum des défendeurs au civil à payer à la Caisse Nationale d’Assurance Pension le montant total de 201.847,66.- euros à titre de pension de survie veuf de Monsieur AAF et à titre de pension d’orphelin de JDRF, le tout sur base de l’article 232 C.A.S.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux.
Maître Guy LOESCH conclut en premier lieu que la demande serait à toiser d’après la loi nationale, la Convention de Varsovie ne s’appliquant pas puisque feu MDRP, en tant qu’hôtesse de l’air, ne saurait être considérée comme passagère
Ensuite il conclut à l’irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles 115 et 232 C.A.S.
La demande de la C.N.A.P. est fondée sur l’article 232 C.A.S:
«Si celui qui compète une pension en vertu du présent livre possède contre des tiers un droit légal à la réparation du dommage résultant pour lui de l’invalidité ou du décès fondant son droit à la pension, le droit à la réparation des dommages de la même espèce que ceux couverts par la pension passe à la caisse de pension jusqu’à concurrence de ses prestations».
Il est de jurisprudence constante que les droits de la victime passent à l’organisme de sécurité sociale en vertu d’une cession légale qui s’opère dès le moment de la naissance du dommage et d’ailleurs indépendamment de toutes prestations de la part de cet organisme. (Ravarani: La responsabilité civile des personnes privées et publiques, n° 1206 et ss.) Tous les recours des différents organismes de sécurité sociale ont la même nature juridique, malgré l’utilisation d’une terminologie différente. L’effet de la cession légale est que les droits auxquels la caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci.
Nonobstant la transmission immédiate de ces droits à la Caisse dès le moment de la réalisation du dommage, ce sont toujours les droits de la victime qui sont transmis, et la Caisse de sécurité sociale, si elle a un droit propre à l’action, ne fait qu’exercer les droits originaires qui sont nés dans le chef de la victime contre l’auteur du dommage. Il faut dès lors, pour que la Caisse puisse exercer son recours, que la victime elle-même ait disposé d’un droit de recours contre le responsable du dommage. Il ne peut y avoir de cession de droits que le cédant n’avait pas à l’origine.
Tel n’est pas le cas en l’espèce.
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 20.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime MDRP a été reconnu comme accident du travail.
Or, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»
Il y a lieu de préciser que pour la victime, pour laquelle le recours contre son employeur pour agir judiciairement en réparation de son dommage était exclu en vertu de l’article 115 C.A.S., le dommage est né dans le cadre d’un travail connexe étant donné que les défendeurs, auteurs du dommage, travaillaient dans la même entreprise que la victime, de sorte que cette dernière ne pouvait pas davantage, en vertu de la même disposition légale, exercer un recours contre ceux-ci, à moins de pouvoir se prévaloir de l’une des exceptions à ce principe prévues par l’article C.A.S.
De toute évidence, la première exception, à savoir l’existence d’un jugement pénal contre les défendeurs qui les auraient reconnus coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident, n’est pas donné en l’espèce.
Il se pose la question si le cas échéant, il n’y avait pas lieu d’appliquer l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. qui est de la teneur suivante :
«2. Les conducteurs ou propriétaires de véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que leurs assureurs ou cautions sont responsables, sans les restrictions qui précèdent, toutes les fois qu’il s’agit d’un accident de trajet ou que le conducteur ou le propriétaire du véhicule n’ont pas la qualité d’employeur de la victime de l’accident.»
Force est de constater que l’avion à bord duquel le dommage s’est réalisé, ne tombe pas dans la catégorie des véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques.
La C.N.A.P. a dans ses conclusions brièvement envisagé la possibilité d’assimiler l’avion aux véhicules terrestres sous ce rapport, mais, l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. constituant une exception au principe de l’exclusion du recours de la victime contre l’employeur et, en cas de travail connexe, contre les autres membres de l’association d’assurance contre les accidents, leurs représentants, employés ou ouvriers édicté par la disposition légale précitée, celle-ci, en l’absence d’une disposition légale spécifique, est à interpréter restrictivement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exception au principe par assimilation d’une catégorie de véhicules non visés par la loi.
Il y a encore lieu de relever que l’époux et le fils mineur de la victime sont pareillement exclus d’un recours contre les auteurs du dommage.
En effet, il a été jugé que les père et mère qui poursuivent la réparation d’un préjudice propre (réfléchi) sont à considérer comme les ayants droit de la victime (Cass. 17.12.1987, Pas.27,167)
En conséquence, tant Monsieur AAF, époux de feu PMDR que le fils mineur commun JDRF doivent être considérés comme ayants droit de la victime.
Etant constant en cause qu’ils ont tous les deux bénéficié de prestations de la part de la C.N.A.P., il paraît évident qu’ils n’appartiennent pas à la catégorie de personnes auxquelles la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt du 28.05.2004, déclarant contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation, ouvert le droit au recours suivant le droit commun.
Il se déduit de ce qui précède que ni la victime ni ses ayants droit n’ayant pu exercer un droit à réparation du préjudice subi, aucun droit n’a pu faire l’objet de la cession légale nécessaire pour ouvrir à la C.N.A.P. la voie du recours contre les auteurs du dommage.
En conséquence, la demande de la C.N.A.P. doit être déclarée irrecevable.
d) A l’audience du tribunal du 18.10.2011, Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la Caisse Nationale d’Assurance Pension, établie à Luxembourg, 1A, Boulevard Prince, contre les prévenus P2, P4, P3, P5, P7 et P6 et a demandé la condamnation solidaire sinon in solidum des défendeurs au civil à payer à la Caisse Nationale d’Assurance Pension le montant total de 27.517,86.- euros à titre de pension d’invalidité temporaire versée à P1 sur base de l’article 232 C.A.S.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Maître Guy LOESCH, avocat à la cour demeurant à Luxembourg, agissant en sa qualité de mandataire de P2, P4, P3, P5, P7 et P6, résiste à la demande en faisant valoir que le tribunal ne pourrait reconnaître sa compétence pour toiser la demande civile qu’en cas de condamnation au pénal des défendeurs au civil.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Le tribunal est compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P5, P7 et P6, eu égard à la décision à intervenir au pénal contre eux. Maître Guy LOESCH conclut en premier lieu que la demande serait à toiser d’après la loi nationale, la Convention de Varsovie ne s’appliquant pas puisque P1, en tant que pilote de l’avion accidenté, ne saurait être considérée comme passager.
Ensuite il conclut à l’irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles 115 et 232 C.A.S.
La demande de la C.N.A.P. est fondée sur l’article 232 C.A.S:
«Si celui qui compète une pension en vertu du présent livre possède contre des tiers un droit légal à la réparation du dommage résultant pour lui de l’invalidité ou du décès fondant son droit à la pension, le droit à la réparation des dommages de la même espèce que ceux couverts par la pension passe à la caisse de pension jusqu’à concurrence de ses prestations».
Il est de jurisprudence constante que les droits de la victime passent à l’organisme de sécurité sociale en vertu d’une cession légale qui s’opère dès le moment de la naissance du dommage et d’ailleurs indépendamment de toutes prestations de la part de cet organisme. (Ravarani: La responsabilité civile des personnes privées et publiques, n° 1206 et ss.) Tous les recours des différents organismes de sécurité sociale ont la même nature juridique, malgré l’utilisation d’une terminologie différente. L’effet de la cession légale est que les droits auxquels la caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci.
Nonobstant la transmission immédiate de ces droits à la Caisse dès le moment de la réalisation du dommage, ce sont toujours les droits de la victime qui sont transmis, et la Caisse de sécurité sociale, si elle a un droit propre à l’action, ne fait qu’exercer les droits originaires qui sont nés dans le chef de la victime contre l’auteur du dommage. Il faut dès lors, pour que la Caisse puisse exercer son recours, que la victime elle-même ait disposé d’un droit de recours contre le responsable du dommage. Il ne peut y avoir de cession de droits que le cédant n’avait pas à l’origine.
Tel n’est pas le cas en l’espèce.
Il appert d’une attestation de l’Association d’Assurance contre les Accidents du 21.10.2011 versée en cause que l’accident subi par la victime P1a été reconnu comme accident du travail.
Or, l’article 115 C.A.S., en vigueur et d’application à la date de l’accident, 06.11.2002, stipule que «1. Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s’ils n’ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l’accident, agir judiciairement en dommages-intérêts contre l’entrepreneur, ni dans le cas d’un travail connexe ou d’un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l’association d’assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu’un jugement pénal n’ait déclaré les défendeurs coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident. Dans ce cas, les assurés et les ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n’est pas couvert par la présente assurance.»
Il y a lieu de préciser que pour la victime, pour laquelle le recours contre son employeur pour agir judiciairement en réparation de son dommage était exclu en vertu de l’article 115 C.A.S., le dommage est né dans le cadre d’un travail connexe étant donné que les défendeurs, auteurs du dommage, travaillaient dans la même entreprise que la victime, de sorte que cette dernièrene pouvait pas davantage, en vertu de la même disposition légale, exercer un recours contre ceux-ci, à moins de pouvoir se prévaloir de l’une des exceptions à ce principe prévues par l’article 115 C.A.S.
De toute évidence, la première exception, à savoir l’existence d’un jugement pénal contre les défendeurs qui les auraient reconnus coupables d’avoir intentionnellement provoqué l’accident, n’est pas donné en l’espèce.
Il se pose la question si le cas échéant, il n’y avait pas lieu d’appliquer l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. qui est de la teneur suivante :
«2. Les conducteurs ou propriétaires de véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que leurs assureurs ou cautions sont responsables, sans les restrictions qui précèdent, toutes les fois qu’il s’agit d’un accident de trajet ou que le conducteur ou le propriétaire du véhicule n’ont pas la qualité d’employeur de la victime de l’accident.»
Force est de constater que l’avion à bord duquel le dommage s’est réalisé, ne tombe pas dans la catégorie des véhicules assujettis à l’assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques.
La C.N.A.P. a dans ses conclusions brièvement envisagé la possibilité d’assimiler l’avion aux véhicules terrestres sous ce rapport, mais, l’alinéa 2 de l’article 115 C.A.S. constituant une exception au principe de l’exclusion du recours de la victime contre l’employeur et, en cas de travail connexe, contre les autres membres de l’association d’assurance contre les accidents, leurs représentants, employés ou ouvriers édicté par la disposition légale précitée, celle-ci, en l’absence d’une disposition légale spécifique, est à interpréter restrictivement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’étendre l’exception au principe par assimilation d’une catégorie de véhicules non visés par la loi.
Il appert de la décision de la C.N.A.P. du 14.07.2005, versée aux débats, que P1 avait bénéficié non seulement d’une rente d’accident payée pour la première fois le 08.04.2003, mais encore d’une rente temporaire d’invalidité lui servie entre le 06.05.2003 et le 31.07.2005.
Etant ainsi constant en cause que P1a bénéficié de prestations de la part tant de la A.A.A. que de la C.N.A.P., il paraît évident qu’il n’appartient pas à la catégorie de personnes auxquelles la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt du 28.05.2004, déclarant contraire à la Constitution l’article 115 C.A.S. dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les personnes assurées victimes d’un accident du travail qui n’ont aux termes du Code aucun droit à prestation, ouvert le droit au recours suivant le droit commun.
Il se déduit de ce qui précède que la victime n’ayant pu exercer un droit à réparation du préjudice subi, aucun droit n’a pu faire l’objet de la cession légale nécessaire pour ouvrir à la C.N.A.P. la voie du recours contre les auteurs du dommage. En conséquence, la demande de la C.N.A.P. doit être déclarée irrecevable.
e) A l’audience du tribunal du 12.10.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom 1) du sieur Pciv5, 2) de la dame Pciv6, les deux demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 Il y a lieu de lui en donner acte.
Quant à la partie civile du sieur Pciv5:
Le demandeur a fait exposer qu’il était le père de MK, né le … décédé le 06.11.2002, et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- À titre de réparation du préjudice matériel la somme de 2.796.- euros;
- A titre de réparation du dommage moral pour perte d’un être cher la somme de 65.000.- euros, pour pretium doloris (actio ex haerede) la somme de 7.500.- euros pour dommage moral résultant des souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude de l’accident au jour de la mise en jugement, la somme de 15.000.- euros, soit la somme totale de 90.296.- euros, ces sommes avec les intérêts légaux du jour de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Quant à la partie civile de la dame Pciv6:
La demanderesse a fait exposer qu’elle était la mère de MK, né le … , décédé le 06.11.2002, et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- À titre de réparation du préjudice matériel la somme de 2.796.- euros;
- A titre de réparation du dommage moral pour perte d’un être cher la somme de 65.000.- euros, pour pretium doloris (actio ex haerede) la somme de 7.500.- euros pour dommage moral résultant des souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude de l’accident au jour de la mise en jugement, la somme de 15.000.- euros, soit la somme totale de 90.296.- euros, ces sommes avec les intérêts légaux du jour de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
f) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv9, demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Elle a fait exposer qu’elle était la mère de UP, né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- A titre de préjudice matériel (frais de séjour) la somme de 3.000.- euros,
- A titre de réparation de dommage moral pour perte d’un être cher 65.000.- euros,
- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce jour la somme de 15.000.- euros.
- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
g) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv10, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Il a fait exposer qu’il était le frère de UP , né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 25.000.- euros, et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce jour la somme de 15.000.- euros.
- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
h) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom de la dame Pciv11, demeurant à …, contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Elle a fait exposer qu’elle était l’épouse de GB, né le … , décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 8.648.- euros,
- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 80.000.- euros,
- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce jour la somme de 15.000.- euros.
- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
i) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv12, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Il a fait exposer qu’il était le fils de GB, né le …, décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 2.902.- euros,
- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 50.000.- euros,
- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce
jour la somme de 15.000.- euros.
- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
j) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv13, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Il a fait exposer qu’il était le fils de GB, né le …, décédé le 6.11.2002 et demande la condamnation des défendeurs au civil à lui payer les montants suivants:
- A titre de dommage matériel pour frais d’hébergement et de déplacement la somme de 3.908.- euros,
- A titre de dommage moral pour perte d’un être cher, la somme de 50.000.- euros,
- Et pour souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude du 6.11.2002 jusqu’à ce
jour la somme de 15.000.- euros.
- Ces sommes avec les intérêts légaux à partir de la demande en justice jusqu’à solde.
- A titre d’indemnité de procédure la somme de 15.000.- euros.
k) A l’audience du tribunal du 15.11.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a déclaré par acte de conclusion déposé à l’audience que la dame TK préqualifiée, et le sieur AK, fils de feu Pciv5 reprenaient en leur qualité d’héritiers de Pciv5, décédé le 11.11.2011, volontairement et en leur nom et pour leur compte la constitution de partie civile formée à l’encontre des prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de leur en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
l) A l’audience du tribunal du 02.12.2011, Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a déclaré par acte de conclusion déposé à l’audience que la dame KS, demeurant à … , veuve de MK préqualifié, agissant en qualité de représentante et administratrice légale de la personne et des biens de leur fille commune mineure EK, née le ..., reprend ès-qualité volontairement et au nom et pour le compte de la fille mineure EK et à proportion de la part lui revenant, la constitution de partie civile formée par le sieur Pciv5 le 12.10.2011 à l’encontre des prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6
Il y a lieu de lui en donner acte.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
m) A l’audience du tribunal du 10.10.2011, Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître Pol URBANY, avocat, demeurant à Diekirch, s’est constitué partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv1, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
n) A l’audience du tribunal du 01.12.2011, Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assisté de Maître Pol URBANY, avocat, demeurant à Diekirch, a modifié sa constitution de partie civile pour le compte et au nom du sieur Pciv1, demeurant à … , contre les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Au dernier état de ses conclusions, le demandeur au civil Pciv1 demande la condamnation des défendeurs au civil au paiement des sommes suivantes à titre de réparation du dommage moral: la somme de 7.500,- euros pour incertitude sur l’état de son fils dans les heures après la nouvelle de l’accident, la somme de 25.000,- euros, pour ennuis, tracasseries et énervements dans le cadre de la liquidation des affaires de son fils, la somme de 25.000,- euros pour ennuis, tracasseries et énervements lors de la procédure d’investigation, de la procédure d’instruction et judiciaire et de la sollicitation médiatique, la somme de 50.000,- euros pour perte d’un être cher, et la somme de 20.000,- euros pour dépression, états d’anxiété syndrome de stress post-traumatique, soit 127.500,- euros, cette somme avec les intérêts légaux à partir du jour des faits, 06.11.2002 jusqu’à solde. En outre, le demandeur demande la condamnation des défendeurs au civil au paiement d’une indemnité de procédure de 50.000,- euros sur base de l’article 194, al.3.
Le demandeur entend encore exercer l’actio ex haerede pour les moments d’extrême angoisse soufferts par son fils avant l’écrasement au sol de l’avion et évalue sa part héréditaire lui revenant de ce chef à 1.500,- euros.
Le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
A l’audience du tribunal, Me Guy LOESCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg a déclaré avoir été mandaté par les défendeurs au civil P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 pour assumer leur défense au civil.
Il a soulevé en ordre principal l’incompétence ratione materiae du tribunal pour connaître des demandes civiles des parties Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité au motif que les dispositions de la convention internationale de Varsovie du 12.10.1929 s’opposeraient à la compétence du tribunal correctionnel en matière civile.
Le moyen invoqué concernant de façon égale toutes les parties civiles constituées par des ayants cause respectivement des ayants droit de passagers victimes de l’accident en cause, et la compétence de la juridiction appelée à statuer étant une question d’ordre public, il y a lieu d’analyser d’abord le moyen invoqué et d’en déterminer les mérites avant de discuter le cas échéant les mérites et fondements des demandes civiles Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité.
Quant à la compétence ratione materiae:
Le tribunal correctionnel se trouve saisi des faits reprochés à P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 à la suite de l’action publique intentée contre les mêmes prévenus. Les demandes civiles tendant à la réparation du préjudice souffert par les demandeurs au civil énumérés ci-avant sont toutes dirigées’ accessoirement à l’action pénale, contre les mêmes prévenus, défendeurs au civil, sur base de leur responsabilité délictuelle dans la genèse du dommage.
Il a déjà été retenu ci-avant que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître des demandes en ce qu’elles sont dirigées contre P2, P4, P3, eu égard à la décision à intervenir au pénal à l’égard de ces défendeurs au civil.
Le déclinatoire de compétence invoqué par Me Guy LOESCH au nom de ses mandants ne concerne donc que les demandes formulées à l’égard des défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6.
Il est constant en cause que, si le dommage s’est produit lors de l’écrasement au sol de l’avion Fokker F50 immatriculé LX-LGB exploité par la compagnie aérienne LUXAIR, et que tous les demandeurs au civil sont des ayants cause respectivement des ayants droit des passagers, victimes de cet accident, il est tout aussi constant en cause que cet accident s’est déroulé à la fin d’un transport aérien commercial et international de passagers puisque le vol a pris son origine à Berlin et que sa destination était l’aéroport de Luxembourg.
Il est encore constant en cause que tous les défendeurs au civil étaient à l’époque des faits des employés, partant des préposés au service du transporteur aérien LUXAIR.
La Convention internationale pour l’unification de certaines règles relatives au Transport aérien international, signée à Varsovie le 12.10.1929, amendée par le protocole portant modification de cette convention et signé à La Haye le 28.09.1955, est entrée en vigueur au Luxembourg par la loi du 25.07.1949, le protocole de La Haye ayant été approuvé au Luxembourg par la loi du 21.12.1956.
La convention s’applique à tout transport international de personnes, de bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Il ne fait aucun doute que le vol de l’avion le 06.11.2002 tombait dans le champ d’application de la convention qui pour objet de déterminer le cadre, les conditions d’application, les limites et les exclusions de la responsabilité du transporteur aérien, ainsi que les voies, moyens, délais et possibilités de recours d’une action en responsabilité contre le transporteur aérien.
Certaines dispositions de la convention réfèrent à une relation contractuelle, certaines même d’une façon expresse.
Le texte de l’article 24, «toute action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions et limites prévues par la présente convention» indique cependant que les rédacteurs n’ont pas voulu exclusivement limiter la portée de la convention à la seule sphère contractuelle.
Il peut arriver, spécialement dans le cas de l’article 17 de la convention, qu’une partie ne puisse se fonder que sur une base quasi-délictuelle. Il a cependant été jugé que «la responsabilité du transporteur aérien ne peut être jugée que dans les conditions et limites de la convention, peu importe les personnes pour qui les demandes sont introduites et peu importe la qualité et l’intérêt sur lesquels elles prétendent se fonder, même si leurs actions ont un fondement délictuel.» (Cass.fr. 02.07.1981, R.F.D.A. 1982, 86)
Si, en cas de décès du voyageur, ses ayants cause ou ayants droit, cherchant à s’écarter de la convention en dépit de l’article 24, entendent fonder leur action sur la violation d’un droit propre, il y a lieu de rappeler que la convention a établi un régime de responsabilité propre qui excluait toute action ayant un autre fondement. (Appel Paris, 25.02.1954, R.F.D.A., 1954,
45)
Cette solution semble également prévaloir en RFA. (Bundesgerichtshof, 02.04.1974, R.F.D.A., 1975, 405)
Si en cas de poursuites pénales contre le transporteur aérien, la demande est présentée sous forme d’une action devant les juridictions répressives au moyen d’une constitution de partie civile, la jurisprudence en France est venue à la conclusion uniforme, après quelques hésitations que la constitution de partie civile se situe en dehors du champ d’application de la convention et ne peut être régie que par ses propres règles dérogeant fondamentalement de celles établies par la convention de Varsovie pour l’action en responsabilité.
Ainsi il a été jugé que «la convention de Varsovie prohibe dans son article 24 toute action en responsabilité exercée à quelque titre que ce soit en dehors des limites fixées par elle. Si l’action d’une partie civile contre un transporteur aérien en raison uniquement de sa responsabilité pour les actes de ses employés ne peut être intentée conformément aux règles de la convention, il est exclu que la victime d’un accident d’avion s’adresse au juge pénal pour obtenir réparation du transporteur des dommages lui causés par l’accident.»(Cass.fr. 03.12.1969).
Il y a lieu de se demander si la personne s’estimant lésée dans ses droits peut contourner les conditions et limites posées à son action contre le transporteur en actionnant les préposés de ce dernier devant une juridiction répressive, accessoirement à l’action publique exercée contre ce préposé. La réponse doit être négative suivant la jurisprudence française, qui a décidé que «l’action tendant à la mise en cause de la responsabilité civile du pilote et du club d’aviation civilement responsable de ce pilote, ne peut être portée devant les juridictions pénales.»(Cass.fr. 10.05.1977, R.F.D.A., 1977, 279)
Une décision encore plus incisive a déterminé que «le juge pénal n’est pas compétent pour connaître d’une constitution de partie civile contre le pilote, ni pour juger si la faute du défendeur présente un caractère inexcusable.»(Appel Chambéry, 28.03.1974, R.F.D.A., 1974m 289)
Et encore:«l’article 24 interdit toute action en responsabilité contre le transporteur pour quelque raison que ce soit en dehors des conditions et limites de la convention, de sorte qu’il est exclu pour les victimes d’un accident d’avion d’introduire une action devant les juridictions pénales en réparation des dommages qu’ils ont subi. Cela n’est dès lors d’aucun sens pour les victimes d’attendre les résultats d’une enquête pénale. Ils doivent au contraire introduire devant les tribunaux compétents et endéans un délai de deux ans à compter de la date où l’avion aurait atteindre sa destination, une action en responsabilité.»(Appel Paris 05.02.1979, R.F.D.A., 1979, 202)
Finalement, il a été décidé qu’aucun tribunal répressif ne peut statuer sur l’action en responsabilité civile dirigée contre le pilote ou la compagnie (cf. Cass.crim.09.01.1975, RFD aérien, 1975, 181; et encore Cass.crim. 17.05.1976, 10.05.1977 JCP. 1978, 18805)
Les conditions et limites établies par la convention sont aussi applicables aux tribunaux nationaux et ce en raison de la primauté classiquement attribuée par les constitutions des pays européens, dont le Luxembourg, aux traités internationaux par rapport à la loi nationale.
Il est établi en jurisprudence que les rédacteurs de la convention n’ont pas voulu que les héritiers et ayants droit du voyageur puissent faire valoir contre le transporteur plus de droits que le voyageur lui-même. Il est dès lors indifférent que le fondement de l’action soit contractuel ou quasi-délictuel puisque dans chaque cas les règles de la convention restent applicables.
La responsabilité du transporteur étant dès lors clairement réglée par les dispositions de la convention à l’exclusion d’un recours selon le droit commun devant les juridictions répressives, il ne se pose plus la question de la responsabilité des préposés du transporteur aérien. En effet, il n’est pas exclu que des victimes ou ayants droit de victimes essaient de contourner les règles strictes établies par la convention en essayant d’actionner les préposés du transporteur aérien par une plainte au pénal avec constitution de partie civile. D’après la jurisprudence citée, (Cassation criminelle, et Cour d’appel Chambéry) s’il est possible de mettre en mouvement l’action publique par une constitution de partie civile devant le juge d’instruction, il est cependant exclu d’agir en responsabilité civile contre un préposé comme le pilote devant la juridiction répressive qui est incompétente ratione materiae.
Un argument de texte vient étayer cette position de principe, en ce que l’article 25A, introduit dans la convention par le protocole de La Haye mentionné ci-avant calque la responsabilité du préposé sur celle du transporteur, pourvu qu’il ait agi dans l’exercice de ses fonctions, de même que les condamnations civiles encourues par le préposé dans ce cas ne peuvent excéder les limites prévues par la convention, créant ainsi une sorte d’indissolubilité entre les deux responsabilités imposant de les soumettre aux mêmes règles de compétence.
Il semble d’ailleurs que le même principe de l’application de la convention de Varsovie au transporteur aérien et à son préposé soit appliqué également en RFA et aux Etats Unis (D.C. Court of Appeals, 488a 2d 1341/19 Avi 17, 847) comme le relève un commentaire de la convention de Varsovie publié au tome 3 Frankfurter Kommentar zum Luftverkehrsrecht où il est dit que l’article 25a se borne certes à mentionner expressément les limites de la responsabilité en cas d’action contre les préposés du transporteur. Il faut néanmoins admettre que toutes les conditions et limitations de la convention devraient également s’appliquer en cas d’action contre les préposés. Toute autre solution aboutirait à permettre au plaignant de contourner les dispositions de la convention de Varsovie en dirigeant son action contre les préposés du transporteur.
Art.25 (mod. Prot.4): «Dans le transport de passagers et de bagages, les limites de responsabilité prévues à l’article 22 ne s’appliquent pas s’il est prouvé que le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur ou de ses préposés fait, soit avec l’intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résultera probablement, pour autant que, dans le cas d’un acte ou d’une omission de préposés, la preuve soit également apportée que ceux-ci ont agi dans l’exercice de leurs fonctions.»
Art.25A: 1) «Si une action est intentée contre un préposé du transporteur à la suite d’un dommage visé par la présente Convention, ce préposé, s’il prouve qu’il a agi dans l’exercice de ses fonctions, pourra se prévaloir des limites de responsabilité que peut invoquer ce transporteur en vertu de l’article 22.
2) Le montant total de la réparation qui, dans ce cas, peut être obtenu du transporteur et de ses préposés ne doit pas dépasser lesdites limites.»
Par application des solutions jurisprudentielles dégagées notamment en France, il apparaît non seulement que la convention de Varsovie doit exclusivement s’appliquer à la présente espèce mais encore que le tribunal doit se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître des demandes civiles introduites par les héritiers et ayants droit contre les défendeurs au civil, employés et partant préposés du transporteur aérien au sens de la loi.
P A R C E S M O T I F S :
le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière correctionnelle dans la composition KLEIN, CONTER, METZLER, WERCOLLIER en application des articles 24 et 39 de la loi modifiée du 07.03.1980 sur l’Organisation Judiciaire, tels que modifiés par la loi du 03.08.2011, statuant contradictoirement, les prévenus P1, P2, P4, P3, P5, P7 et P6 et leurs défenseurs et les parties civiles Pciv1, Pciv5, Pciv6, AK, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12, Pciv13 et KS, agissant ès-qualité et la Caisse Nationale d’Assurance Pension par l’organe de leurs mandataires respectifs entendus en leurs conclusions, le représentant du Ministère Public entendu en ses réquisitions,
AU PENAL:
D é c l a r e non-fondé le moyen d’irrecevabilité de l’action publique tiré de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;
D é c l a r e non fondé le moyen du délai non raisonnable invoqué sur base de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;
D i t qu’une décision sur la question préjudicielle soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement et que la question de la constitutionalité de l’article 194 du Code d’instruction criminelle est dénuée de tout fondement;
R e j e t t e en conséquence la demande de la défense des prévenus comme non fondée.
Quant au prévenu P2:
A c q u i t t e le prévenu P2 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;
L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.
Quant au prévenu P4:
A c q u i t t e le prévenu P4 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;
L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.
Quant au prévenu P3:
D é c l a r e non-fondé le moyen d’irrecevabilité de l’action publique tiré de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le rejette;
A c q u i t t e le prévenu P3 de toutes les préventions libellées à sa charge et le renvoie des fins de sa poursuite sans peine ni dépens;
L a i s s e les frais de sa poursuite à charge de l’Etat.
Quant au prévenu P1:
C o n d a m n e le prévenu P1du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que des infractions aux articles 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de quarante-deux (42) mois et à une amende de QUATRE MILLE (4.000.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;
D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;
F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à quatre-vingt (80) jours.
Quant au prévenu P5:
A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;
C o n d a m n e le prévenu P5 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de dix-huit (18) mois et à une amende de DEUX MILLE (2.000.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;
D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;
F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à quarante (40) jours.
Quant au prévenu P7:
A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;
C o n d a m n e le prévenu P7 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre (24) mois et à une amende de DEUX MILLE CINQ CENTS (2.500.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;
D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;
F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à cinquante (50) jours.
Quant au prévenu P6:
A c q u i t t e le prévenu du chef d’infractions à l’article 25 de la loi modifiée du 31.01.1948, cette infraction n’étant établie ni en fait, ni en droit;
C o n d a m n e le prévenu P6 du chef des infractions aux articles 418, 419 et 420, ainsi que de l’infraction à l’article 32 de la loi modifiée du 31.01.1948, retenues contre lui, et qui se trouvent en concours idéal, à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre (24) mois et à une amende de DEUX MILLE CINQ CENTS (2.500.-) euros, ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale;
D i t que l’intégralité de cette peine privative de liberté sera assortie du sursis à son exécution;
F i x e la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à cinquante (50) jours.
C o n d a m n e les prévenus P1, P5, P7 et P6 solidairement aux frais de leur poursuite pénale pour les faits commis ensemble, ces frais liquidés à 183.648,28.- euros.
AU CIVIL:
1. Quant à la demande de la dame Pciv2:
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux,
S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;
R e ç o i t la demande en la forme;
D i t que la demanderesse s’est trouvée remplie dans tous ses droits;
Partant r e j e t t e comme non fondée la demande en réparation du préjudice moral;
R e j e t t e comme non fondée la demande en réparation du préjudice matériel;
R e j e t t e comme non fondée sur base de l’article 194 al. 3 du Code d’instruction criminelle la demande en remboursement des frais exposés;
L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.
2. Quant à la demande du sieur Pciv3:
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;
R e ç o i t la demande en la forme;
La d é c l a r e justifiée et fondée ex aequo et bono à la somme de QUINZE MILLE (15.000.-) euros du chef de réparation du dommage moral et de la somme de CINQ MILLE (5.000.-) euros à titre de réparation du dommage matériel;
C o n d a m n e partant solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv3 du chef des causes sus-énoncées la somme totale de VINGT MILLE (20.000.-) euros avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice, (10.10.2011) jusqu’à solde;
C o n d a m n e les défendeurs aux frais de cette demande civile.
3. Quant à la demande de la dame Pciv4:
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;
R e ç o i t la demande en la forme;
La d é c l a r e justifiée et fondée ex aequo et bono à la somme de VINGT-CINQ MILLE (25.000.-) euros du chef de réparation du dommage moral et à la somme de CINQ MILLE (5.000.-) euros à titre de réparation du dommage matériel;
C o n d a m n e partant solidairement les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6 à payer à Pciv4 du chef des causes sus-énoncées la somme totale de TRENTE MILLE (30.000.-) euros avec les intérêts légaux de ce montant à partir de la demande en justice (10.10.2011) jusqu’à solde;
C o n d a m n e les défendeurs aux frais de cette demande civile.
4. Quant à la demande de la C.N.A.P. du chef de pension de survie/rente d’orphelin:
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P1, P5, P7 et P6;
D é c l a r e la demande irrecevable et la rejette;
L a i s s e les frais de la demande à charge de la demanderesse.
5. Quant à la demande de la C.N.A.P. du chef de pension d’invalidité temporaire:
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
S e d é c l a r e compétent pour connaître de la demande en ce qu’elle est dirigée contre les défendeurs au civil P5, P7 et P6;
D é c l a r e la demande irrecevable et la rejette;
L a i s s e les frais de la demande à charge de la demanderesse.
6. Quant à la demande civile de la dame Pciv6 agissant en nom personnel:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.
7. Quant à la demande civile du sieur Pciv5:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
D o n n e acte aux demandeurs Pciv6 et AK en leur qualité d’héritiers de Pciv5 de leur acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5;
D o n n e acte à la demanderesse KS, veuve de MK, agissant en qualité de représentante de leur fille E. K. de son acte de reprise d’instance de l’action formée par feu Pciv5;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.
8. Quant à la demande civile de la dame Pciv9:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.
9. Quant à la demande civile du sieur Pciv10:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.
10. Quant à la demande civile de la dame Pciv11:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge de la demanderesse.
11. Quant à la demande civile du sieur Pciv12:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.
12. Quant à la demande civile du sieur Pciv13:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.
13. Quant à la demande civile du sieur Pciv1:
R e ç o i t la demande en la pure forme;
S e d é c l a r e incompétent pour connaître de la demande civile dirigée contre les défendeurs au civil P2, P4, P3 eu égard à la décision intervenue au pénal contre eux;
Pour le surplus s e d é c l a r e incompétent ratione materiae pour en connaître;
L a i s s e les frais de sa demande à charge du demandeur.
Par application des articles 3, 154, 179, 182, 184, 185, 189, 190, 190-1, 191, 194, 195 et 626 du Code d'Instruction Criminelle; 27, 28, 29, 30, 50, 65, 66, 418, 419, 420 du Code pénal; 24, 25 et 32 de la loi modifiée du 31.01.1948; 1, 17, 24, 25 et 25A (mod. par le protocole de La Haye) de la Convention de Varsovie; qui furent désignés à l'audience par Monsieur le premier vice-président.
Ainsi fait et jugé par Prosper KLEIN, premier vice-président, Sylvie CONTER, viceprésidente, et Claude METZLER, juge, prononcé en audience publique au Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, Cité Judiciaire, Plateau du Saint Esprit, par Monsieur le premier vice-président, en présence de Robert WELTER, substitut principal du Procureur d'Etat, et de Christophe WAGENER, greffier assumé, qui, à l'exception du représentant du Ministère Public, ont signé le présent jugement».
II.
d'un arrêt rendu contradictoirement par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, 5e chambre correctionnelle, le 29 janvier 2013, sous le numéro 61/13, dont les considérants et le dispositif sont conçus comme suit :
« Par déclaration au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 5 avril 2012, Pciv2 a fait relever appel au civil d’un jugement rendu contradictoirement par une chambre correctionnelle du même tribunal en date du 27 mars 2012 et dont la motivation et le dispositif se trouvent reproduits aux qualités du présent arrêt.
Par déclaration au même greffe en date du 18 avril 2012, Pciv1 a fait relever appel au civil du prédit jugement.
Par déclaration au même greffe en date du 3 mai 2012, Pciv6 et AK, agissant en leurs qualités d’héritiers de Pciv5, en vertu d’un acte de reprise de l’action intentée par feu Pciv5, KS, veuve MK, agissant en sa qualité de représentante et administratrice légale de leur fille E.K., elle-même héritière de Pciv5, le tout en vertu d’un acte de reprise d’instance introduit par KS suite à l’action intentée par feu Pciv5, Pciv6, agissant en nom personnel, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13 ont fait relever appel au civil du prédit jugement.
A l’audience de la Cour d’appel du 13 novembre 2012, le mandataire de la partie appelante Pciv2 a déclaré que celle-ci se désistait de son appel au civil et il a produit à cet effet un écrit daté au 15 octobre 2012 et contenant la signature de Pciv2.
A cette même audience, les mandataires des parties demanderesses au civil Pciv1, Pciv6 et AK, KS, Pciv9-10 et Pciv11-13 ont déclaré que leurs mandants se désistaient de leurs appels au civil pour autant que ces appels visaient les défendeurs au civil P2, P3 et P4.
Tant les parties défenderesses au civil que le représentant du ministère public ont accepté ces désistements, le mandataire du défendeur au civil P1relevant cependant qu'en ce qui concerne la demanderesse au civil Pciv2, elle aurait, de par sa constitution de partie civile en première instance, essayé de se faire payer deux fois, dès lors qu'elle aurait reçu un dédommagement de son préjudice sur base d'un accord entre l'assureur du transporteur et son mandataire.
Tous les désistements sont réguliers pour avoir été acceptés par toutes les parties en cause.
Il convient par conséquent de les décréter.
A l'audience de la Cour d'appel du 20 novembre 2012, le mandataire de la partie civile Pciv2 a déposé une lettre ouverte adressée à la Ve chambre de la Cour d’appel, dans laquelle il s’insurge contre les propos tenus par le mandataire de la partie défenderesse au civil P1et défend l’appel au civil de sa cliente et son désistement subséquent.
Le mandataire de la partie P1a déclaré ne pas retirer ses déclarations faites à l'audience du 16 novembre 2012.
Dans la mesure où, de par le désistement de l'appel au civil accepté et décrété, la Cour d'appel n'est plus saisie de l'affaire opposant Pciv2 à P1, il n'y a pas lieu de prendre position quant aux propos du conseil de la partie P1ni quant à la lettre ouverte.
Les appels au civil, pour lesquels il n'y a pas eu de désistement, ont été relevés dans les forme et délai de la loi et sont partant recevables.
A l’audience de la Cour d’appel du 13 novembre 2012, le mandataire du défendeur au civil P6 a informé la Cour d’appel du décès de ce dernier intervenu en date du 8 octobre 2012 et il a présenté une requête en reprise d’instance au nom de SS, veuve P6, en sa qualité d’attributaire de la totalité des biens communs en vertu d’un contrat de mariage passé par-devant le notaire … en date du 10 septembre 1992, requête notifiée aux mandataires des appelants au civil en date du 12 novembre 2012.
Le mandataire de Pciv1 a soulevé le problème de l’existence d’éventuels héritiers réservataires de feu P6 en relevant que le contrat de mariage des époux P6-S ne concerne que la communauté légale des biens des époux et qu’il subsiste donc des biens propres susceptibles de tomber dans la succession de feu P6. Cet état des choses comporterait le risque qu’un héritier pourrait faire tierce opposition et il faudrait laisser aux demandeurs au civil la possibilité de mettre en cause les héritiers du decujus. Il subsisterait, le cas échéant, un problème d’indivisibilité.
Le mandataire des autres appelants au civil s’est rallié aux conclusions de la défense de Pciv1 et estime qu’il faudrait disposer d’un acte de notoriété.
Le mandataire de feu P6 réplique qu’il existe une déclaration de succession de laquelle il résulterait que la succession de feu P6 ne comprendrait pas de biens propres.
Le représentant du ministère public s’est rapporté à la sagesse de la Cour d’appel.
La Cour d’appel a joint l’incident au fond.
A l’audience de la Cour d’appel du 20 novembre 2012, le mandataire de feu P6 a présenté une seconde requête en reprise d’instance au nom de MM et de MC, enfants et héritiers réservataires de P6, reprise d’instance formulée pour autant que de besoin aux côtés de leur mère SS et notifiée aux demandeurs et appelants au civil en date du 19 novembre 2012.
Les mandataires au civil se sont déclarés d’accord avec les deux reprises d’instance.
Il y a partant lieu de donner acte à SS, MM et MC de leurs reprises d'instance de feu leur mari et père P6, reprises d’instance qui sont régulières en la forme et non contestées et, partant, à déclarer recevables.
Toutes les parties en cause sont d’accord pour limiter actuellement les débats à la seule question de la compétence « ratione materiae » de la juridiction répressive saisie et pour y voir statuer par un arrêt séparé, tous les autres chefs des demandes civiles restant réservés.
La juridiction de première instance s’est déclarée incompétente « ratione materie » pour connaître des demandes civiles introduites par les héritiers et ayants droit des personnes décédées lors de l’accident contre les défendeurs au civil, employés et partant préposés du transporteur aérien au sens de la loi, au motif que les dispositions de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au Transport aérien international, signée à Varsovie, le 12 octobre 1929 (ci-après Convention de Varsovie), amendée par le protocole de La Haye du 28.09.1955, les deux entrés en vigueur au Luxembourg respectivement auite aux lois du 25.07.1949 et du 21.12.1956 s’opposent à la compétence du tribunal correctionnel pour statuer sur les demandes civiles en indmenisation des victimes.
Les juges de première instance ont ainsi décidé que «la Convention s’applique à tout transport international de personnes, de bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Il ne fait aucun doute que le vol de l’avion le 06.11.2002 tombait dans le champ d’application de la convention qui a pour objet de déterminer le cadre, les conditions d’application, les limites et les exclusions de la responsabilité du transporteur aérien, ainsi que les voies, moyens, délais et possibilités de recours d’une action en responsabilité contre le transporteur aérien».
En se basant sur un certain nombre d’arrêts de la Cour de Cassation et de Cours d’appel françaises (Cass.fr. 02.07.1981, R.F.D.A. 1982, 86, Appel Paris, 25.02.1954, R.F.D.A., 1954, 45, Cass.fr. 03.12.1969, Bull. crim. 1969, n°325, D. 1970, p.81, Cass.crim. 09.01.1975, RFD aérien, 1975, 181, Cass.crim. 17.05.1976, 10.05.1977 JCP. 1978, 18805 et Cour d’appel Chambéry, 28.03.1974, R.F.D.A., 1974, 289), les premiers juges ont retenu que « la jurisprudence en France est venue à la conclusion uniforme, après quelques hésitations que la constitution de partie civile se situe en dehors du champ d’application de la convention et ne peut être régie que par ses propres règles dérogeant fondamentalement de celles établies par la convention de Varsovie pour l’action en responsabilité».
Selon les premiers juges « la responsabilité du transporteur est clairement réglée par les dispositions de la Convention de Varsovie à l’exclusion d’un recours selon le droit commun devant les juridictions répressives. En effet, il n’est pas exclu que des victimes ou ayants droit de victimes essaient de contourner les règles strictes établies par la Convention en essayant d’actionner les préposés du transporteur aérien par une plainte au pénal avec constitution de partie civile. D’après la jurisprudence citée, s’il est possible de mettre en mouvement l’action publique par une constitution de partie civile devant le juge d’instruction, il est cependant exclu d’agir en responsabilité civile contre un préposé comme le pilote devant la juridiction répressive qui est incompétente ratione materiae ».
Ils ont encore retenu ce même principe pour exclure leur compétence matérielle tant en ce qui concerne l’action civile des ayants droit «la responsabilité du transporteur aérien ne peut être jugée que dans les conditions et limites de la convention, peu importe les personnes pour qui les demandes sont introduites et peu importe la qualité et l’intérêt sur lesquels elles prétendent se fonder, même si leurs actions ont un fondement délictuel » qu’en ce qui concerne l’action civile dirigée contre les préposés du transporteur aérien «toutes les conditions et limitations de la Convention de Varsovie doivent s’appliquer en cas d’action contre les préposés, toute autre solution aboutissant à permettre au plaignant de contourner les dispositions de la convention de Varsovie en dirigeant son action contre les préposés du transporteur ».
La défense de Pciv1 soulève d’abord la question des conséquences d’une éventuelle réformation du jugement entrepris sur la compétence, d’une part, et de l’application de la Convention de Varsovie par la juridiction répressive, d’autre part.
Ainsi, les demandeurs au civil se trouveraient devant un dilemme s’agissant de préférer le renvoi devant les juges de première instance qui garantirait le double degré de juridiction ou l’évocation pour voir trancher le volet civil dans son intégralité par la Cour d’appel ce qui aurait l’avantage de ne plus retarder l’affaire.
Tout en marquant une préférence pour la seconde solution, le mandataire de Pciv1 donne encore à considérer que l’évocation ne saurait être envisagée que si cette hypothèse n’est pas réservée à l’annulation de la décision, mais si elle peut également être décidée en cas de réformation du jugement entrepris.
Quant à l’application de la Convention de Varsovie, il faudrait analyser les questions du plafonnement des indemnités et du délai d’action mais, au stade actuel où seule la compétence matérielle est dans les débats, toutes les autres questions relatives à l’application de la Convention de Varsovie et à l’indemnisation des victimes resteraient en tout état de cause réservées.
La défense des demandeurs au civil Pciv6 et AK, KS, Pciv9-10 et Pciv11-13 se rallie aux conclusions du mandataire de Pciv1 quant au problème relatif au renvoi de l’affaire devant la juridiction de première instance ou à l’évocation de l’affaire et elle se rapporte à la sagesse de la Cour d’appel, tout en relevant que les demandeurs au civil aimeraient voir la fin du procès.
Le mandataire des défendeurs au civil, qui relève qu’il est dans l’intérêt de toutes les parties en cause que l’affaire soit terminée, demande à ce que l’affaire soit évoquée et tranchée par la Cour d’appel pour le cas où la compétence de la juridiction répressive devait être retenue.
S’agissant de la question de la compétence matérielle de la juridiction répressive pour connaître de l’indemnisation des victimes, le mandataire de Pciv1 rappelle d’abord que la Convention de Varsovie signée en 1929 a eu pour but de promouvoir l’aviation civile et de protéger de la faillite les sociétés de navigation aérienne, qui étaient en ce temps de petites entreprises, le transport aérien comportant au début du siècle des dangers non négligeables.
La défense de Pciv1 critique le jugement entrepris en ce que les premiers juges se seraient exclusivement basés sur les décisions de la Cour de cassation française invoquées par les défendeurs au civil et en ce qu’ils n’auraient pas tenu compte des arguments des demandeurs au civil. Elle relève, à cet égard, que le mandataire des défendeurs au civil n’aurait soulevé le moyen tiré de l’incompétence en raison de la Convention de Varsovie que lors de la vingtième audience devant le tribunal, de sorte qu’il serait resté peu de temps aux demandeurs au civil pour préparer leurs défenses au civil.
La construction opérée par les juges français concernant l’incompétence de la juridiction répressive constituerait une fausse interprétation de la Convention de Varsovie, dès lors que les juges français auraient ajouté à cette Convention une disposition sur la compétence matérielle qu’elle ne contiendrait pas. Lors du procès de l’accident d’avion sur le Mont Ste. Odile, la compagnie AIR FRANCE aurait d’ailleurs renoncé au moyen d’incompétence et aux limites fixées par la Convention de Varsovie et tant la convention de MONTREAL sur le transport aérien que la règlementation européenne en la matière auraient mis fin aux limites de la Convention de Varsovie ce qui démontrerait l’évolution de la législation aux fins d’accroître la protection des victimes. La Cour d’appel de Colmar, saisie de l’accident du Mont Ste. Odile, aurait cependant maintenu la jurisprudence de la Cour de Cassation française quant à l’application de la Convention de Varsovie pour toutes les autres questions et notamment les recours des organismes sociaux (C.App. Colmar 14 mars 2008).
Selon le mandataire de Pciv1, la Convention de Varsovie ne renferme aucune disposition relative à la compétence matérielle et elle n’exclurait donc aucunement la compétence de la juridiction pénale pour connaître de l’action civile des victimes d’un accident d’aviation. La seule disposition réglant la compétence se trouverait dans l’article 28 de la Convention de Varsovie et concernerait la compétence territoriale.
L’interprétation opérée par la juridiction de première instance constituerait une chimère de l’incompétence et les juges de première instance auraient confondu les notions de préposé avec celles de présomption de responsabilité ou de relations contractuelles ou délictuelles.
La compétence du juge répressif serait donnée lorsque le lien de causalité entre l’infraction retenue et le dommage serait établi. Dès lors que le juge répressif retiendrait la culpabilité de prévenu, il serait compétent pour connaître de la demande en indemnisation de la partie lésée. L’infraction constituerait toujours une faute civile susceptible de donner lieu à dédommagement et il importerait peu que la responsabilité à retenir soit présumée, contractuelle ou délictuelle. La défense de Pciv1 en veut pour preuve que dans l’affaire de l’accident feroviaire de ZOUFFTGEN la juridiction répressive a été compétente pour connaître de l’action civile des victimes, de même que dans des affaires pénales mettant en cause la responsabilité de médecins ou du personnel hospitalier.
Par ailleurs, ce serait un non-sens que d’accepter la présence des victimes dans le procès pénal jusqu’à la procédure concernant le fond de l’affaire pour rejeter à la fin leurs demandes tendant à leur indemnisation.
Le mandataire de Pciv1 relève qu’en matière de transport aérien, il y aurait lieu de s’en tenir aux auteurs qui ont critiqué la Cour de Cassation française en ce qu’elle a décidé que la Convention de Varsovie excluait la compétence de la juridiction répressive pour connaître des demandes civiles des victimes d’accident d’aviation. Ce serait à tort que la jurisprudence française aurait opéré une construction jurisprudentielle pour faire dire à la Convention de Varsovie quelque chose qu’elle ne règlerait pas. Or, en l’absence de dispositions dans le texte international, en l’occurrence en l’absence d’une disposition sur la compétence matérielle dans la Convention de Varsovie, il appartiendrait aux juges d’appliquer les règles internes de la procédure pénale.
Quant à la question de l’interprétation des conventions internationales, la défense de Pciv1 soutient que les juges de première instance auraient violé la loi en mettant dans la Convention de Varsovie une règle sur la compétence matérielle qui ne s’y trouverait pas.
Même si la Convention de Vienne sur l’interprétation des traités internationaux ne serait pas applicable à la présente espèce, les principes y dégagés vaudraient dans le cadre de l’interprétation de la Convention de Varsovie et le juge ne devrait pas interpréter ce qui est clairement défini dans le texte international. Il appartiendrait au juge répressif de décider quelles règles de la Convention internationale il doit appliquer et quelles conclusions il doit en tirer au sujet de l’action civile des ayants droit de victimes décédées, de la responsabilité des préposés du transporteur, de la question de la faute grave et du plafonnement des indemnisations stipulées dans la Convention de Varsovie.
Le mandataire de Pciv1 relève encore que la décision américaine citée par le mandataire des défendeurs au civil (D.C. Court of Appeals, 488a 2d 1341/19 Avi 17, 847) n’aurait pas réglé une question de compétence matérielle, mais elle aurait simplement retenu que la Convention de Varsovie s’applique également aux préposés du transporteur aérien et que la décision allemande du Bundesgerichtshof du 2 avril 1974 (BGH) allemand ne retiendrait que le principe de non-ingérence par une disposition internationale dans la législation nationale („die sachliche Zuständigkeit ist eine Verfahrensfrage die nach deutschem Verfahrungsrecht zu lösen ist“), en sorte que les règles de compétence matérielle nationales auraient à s’appliquer.
En tout état de cause, la Convention de Varsovie ne stipulerait qu’une présomption de responsabilité à l’égard du transporteur, des compétences territoriales et des limitations quant aux indemnisations et serait muette sur la question de la compétence matérielle du juge répressif.
L’argument d’incompétence matérielle tiré de l’instauration, par la Convention de Varsovie, d’une responsabilité contractuelle ne serait également pas fondé, dès lors que l’hypothèse de la victime par ricochet, non couverte par la responsabilité contractuelle, ne serait pas tanguée par la Convention de Varsovie. Il ne s’agirait pas de réécrire la Convention de Varsovie pour l’adapter aux besoins de la défense civile et la jurisprudence française en aurait fait un patchwork subtil pour conclure à une séparation de l’action pénale avec l’action en indemnisation. La Convention de Varsovie ne constituerait cependant pas un système clos et ne serait pas exclusive du droit commun.
Les juges français auraient à tort donné à la Convention de Varsovie la valeur d’une loi uniforme déterminant la compétence, les droits et les limites des victimes passagers. Tel ne serait cependant pas le cas, sinon il faudrait alors se poser la question pourquoi la Convention de Montréal n’est pas devenue, quatre-vingt ans après, une loi uniforme. Or, tant la Convention de Varsovie que celle de Montréal auraient comme seul but la détermination de la responsabilité du transporteur aérien et ses limites. La compétence matérielle resterait par contre du domaine national et elle serait régie par les règles du code d’instruction criminelle.
En l’espèce, il y aurait, par ailleurs, lieu d’appliquer le règlement CE 2027/97 et de ne pas limiter les indemnisations à allouer aux victimes, mais cette question serait à déterminer dans une prochaine phase de la procédure.
La défense des demandeurs au civil Pciv6 et AK, KS, Pciv9-10 et Pciv11-13 se rallie aux conclusions de la défense de Pciv1 et demande également la réformation de la décision entreprise et à voir déclarer que la juridiction pénale est compétente.
Rappelant que les conséquences civiles de l’accident survenu le 6 novembre 2002 à Luxembourg au cours du vol LUXAIR de Berlin à Luxembourg, sont régies par la Convention de Varsovie de 1929, amendée par le protocole de La Haye de 1955 et par le règlement CE 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident, le mandataire des demandeurs au civil Pciv6 et AK, KS, Pciv9-10 et Pciv11-13fait grief aux juges de première instance de n’avoir fait qu’un « succédané concentré » de la jurisprudence française.
Il qualifie la décision entreprise d’«arrêt de règlement » en ce que les juges de première instance auraient prononcé par voie de disposition générale et règlementaire sur une question non encore tranchée en droit luxembourgeois.
Selon la défense des parties civiles, les juges de première instance ont fait œuvre de législateur ou même de « supra-législateur » en ajoutant à une convention internationale un principe, en l’occurrence de compétence matérielle, qui ne s’y trouve pas.
Elle fait également grief à la décision entreprise de manquer totalement de motivation sur la question, les juges de première instance étant restés en défaut de répondre aux conclusions des demandeurs au civil.
En outre, la juridiction de première instance aurait fait une interprétation erronée de la Convention de Varsovie en partant du postulat que la Convention en question écarterait la compétence du juge répressif. En effet, la Convention ne comporterait que des dispositions sur la compétence territoriale, en l’occurrence son article 28(1) et il n’y aurait pas de conflit entre les dispositions de la procédure pénale et les règles de droit civil édictées par la Convention de Varsovie.
La règle de l’article 24 de la Convention de Varsovie aurait été instaurée en raison de la jurisprudence anglaise qui, par une interprétation de l’action pour blessures ou décès résultant de l’article 17 de la Convention de Varsovie comme une action « in tort », aurait exclu l’application la Convention.
Selon la défense des parties civiles précitées, la seule interprétation valable de l’article 28 de la Convention de Varsovie eût été de restreindre son application aux procès civils, mais non d’étendre sa portée à un cas de compétence matérielle non visée. En tout état de cause, en l’absence de disposition concernant les juridictions répressives dans la Convention, il n’y aurait pas de conflit entre la procédure pénale et le droit conventionnel.
La jurisprudence française ne serait d’ailleurs pas cohérente, dès lors que si, d’une part, l’incompétence matérielle de la juridiction pénale en matière d’action civile en raison d’un accident aérien serait parole d’évangile, d’autre part, les chambres civiles et la chambre plénière de la Cour de Cassation auraient, aux fins de permettre l’indemnisation des victimes, décidé que le délai de l’article 29 n’était pas un délai préfixclaqué.
En tout état de cause, il y aurait lieu d’interpréter en opportunité la Convention de Varsovie, c’est à dire en faveur des victimes, la protection des victimes étant primordiale dans les droits nationaux et internationaux.
Quant à la situation du préposé du transporteur, le mandataire des demandeurs au civil critique les juges de première instance, en ce qu’en adoptant l’interprétation extensive des dispositions de la Convention de Varsovie faite par les juges français, ils auraient ignoré le texte même de la Convention qui limiterait l’application du régime de responsabilité du transporteur au préposé au seul article 22 de cette Convention, en l’occurrence au plafond des montants indemnitaires y visé. Ce faisant, les juges de première instance auraient omis de répondre à leurs conclusions en première instance selon lesquelles «si le préposé peut, lorsqu’une action est intentée contre lui, se prévaloir des limites de responsabilité du transporteur, cela ne concerne toutefois que la seule réparation et ne s’applique ni aux règles de compétence, ni à celles de délai, ni à la présomption de responsabilité des articles 17 à 19. Le régime de responsabilité propre du préposé n’est donc pas calqué sur celui du transporteur ».
En outre, en se limitant à reprendre la jurisprudence de la Cour de Cassation française et en écartant, par des conclusions hâtives, d’un revers de la main, certains principes soulevés par les demandeurs au civil et en affirmant qu’il ne saurait être admis que les demandeurs au civil contournent les dispositions de la Convention de Varsovie, les juges de première instance auraient encore méconnu les règles d’interprétation posées par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités auquel ils seraient tenus. En effet, même si ce traité n’était pas applicable en l’espèce en raison de sa date d’entrée en vigueur, il devrait cependant être respecté, les obligations en matière d’interprétation des traités procédant d’une exacte codification de la matière, en l’occurrence du droit coutumier international existant en la matière.
Dans une note de plaidoiries additionnelle, la défense des demandeurs au civil précités insiste sur le fait qu’il faut interpréter les Conventions internationales en ne négligeant aucune des dispositions matérielles faisant l’objet du traité, mais en ne débordant pas non plus, par quelque méthode d’interprétation que ce soit, à d’autres matières non visées en assignant aux Conventions d’autres finalités que celles voulues par les parties signataires. En l’espèce, l’interprétation de la Convention de Varsovie priverait les victimes de tout recours en indemnisation contre les personnes pénalement responsables, tout recours devant les juridictions civiles étant frappé de forclusion en vertu de l’article 29 de la Convention.
La défense des défendeurs au civil P5, SS-MM-MC, P6 et P7, exprime d’abord ses regrets quant à l’accident que tout le monde déplorerait. Il relève cependant que, contrairement aux reproches formulés quant à l’indemnisation des parties civiles, le transporteur et son assureur ne se seraient jamais opposés à une indemnisation des parties et toutes les familles auraient reçu une avance de vingt mille euros. En outre, la plupart des victimes, dont le passager blessé qui a survécu, auraient été intégralement indemnisés, mais certaines victimes dont les familles des membres de l’équipage qui ne seraient pas soumis à la Convention de Varsovie auraient présenté leurs demandes très tardivement.
Le mandataire des défendeurs au civil précités se défend encore d’avoir soulevé le moyen d’incompétence par un effet de surprise, dès lors que la compétence matérielle constituerait une question d’ordre public qui devrait, en tout état de cause, être analysée d’office par le juge saisi. Il relève également que le demandeur au civil Pciv1 a saisi la juridiction civile dans le délai imposé par la Convention de Varsovie et que la mère et le frère de feu Michel Pciv1 ont été intégralement indemnisés. Pciv1 se serait vu proposer la même indemnisation, mais il l’aurait refusée, sans doute par esprit de vindicte.
Rappelant que le transport aérien au cours duquel l’accident, objet du présent litige, s’est produit obéit aux conditions de responsabilité et de limites de la Convention de Varsovie, qui est caractérisé par l’existence d’une présomption de responsabilité, l’existence de limites quant aux montants des indemnités, la détermination de compétences territoriales et un délai d’action préfixe, il précise que « les concluants n’entendent plus contester leur faute civile au vu de la décision définitive de condamnation au pénal, ni n’entendent se prévaloir d’une éventuelle limitation des montants indemnitaires devant le cas échéant revenir aux demandeurs au civil ».
La défense des défendeurs au civil précités a encore conclu que « les concluants n’ont à aucun moment entendu – et ils ne comptent le faire non plus en instance d’appel - voir limiter les montants indemnitaires auxquels pourraient prétendre les appelants au civil (pour autant évidemment que la Cour d’appel veuille reconnaître sa compétence matérielle pour en connaître). De même ils n’entendent discuter en instance d’appel ni le principe même de leur responsabilité civile, ni la relation causale entre leurs fautes respectives et leurs suites dommageables ».
Passant en revue l’évolution du régime de la responsabilité civile des transporteurs aériens instauré par la Convention de Varsovie, à la lumière des commentaires d’auteurs français, allemands et belges et des jurisprudences de la Cour de Cassation française, du « Bundesgerichtshof » allemand, de la Cour Suprême et de la Cour d’appel fédérale des Etats-Unis et de la Cour Suprême du Royaume Uni, la défense des défendeurs au civil précités soutient que son article 24 stipule le caractère exclusif de la convention, faisant abstraction de toute détermination précise au sujet de la nature délictuelle ou contractuelle de l’action en responsabilité de la Convention, qu’il s’agisse de transport de personnes ou de biens.
De même les juges luxembourgeois auraient consacré l’application exclusive de la Convention de Varsovie aux accidents survenus lors d’un transport aérien (C.appel 14.03.1990, rôle 32427 et 34790 et C. appel 28.03.2007, rôle 30465).
Selon la défense des défendeurs au civil, la Convention de Varsovie a institué un régime juridique spécial ouvrant aux victimes d’un accident ou à leurs ayants droit une action en réparation qui ne saurait être confondue avec l’action en dommages-intérêts née d’une infraction et ce régime serait, dès lors, incompatible avec le régime de la responsabilité pour faute applicable devant les tribunaux répressifs. Cette position aurait été adoptée, tant par la Cour de Cassation française ( Cass. Crim. 3.12.1969, D.1970,p.81, Cass. 02.07.1981, n°80-11.234) que par les auteurs et juridictions étrangers.
A titre d’exemple, la défense des défendeurs au civil cite l’arrêt de principe du BGH du 2 avril 1974 qui a retenu, sur base de l’article 24 de la Convention de Varsovie, le caractère exclusif de la Convention en matière de responsabilité concernant les accidents d’aviation et concernant l’application du délai d’action de l’article 29 de la Convention : «Der Ausschluss des Art.24 erfasst jede andere Haftungsform, aus der Luftfrachtführer wegen des bezeichneten Schadens in Anspruch genommen werden könnte, mag sie die Haftung auch nicht an seine Stellung als Beförderer, sondern an andere Eigenschaften, etwa an die als Halter des Flugzeugs oder an die des Flugzeugführers anknüpfen ». De même les auteurs belges Frans PONET (Le Transport aérien, éd. Strory-Scientia, 1986, p.237) et Max LITIVINE auraient retenu que l’action en responsabilité de la Convention de Varsovie est une action « sui generis » régie par une loi d’ordre public et la Cour Suprême des Etats Unis aurait interprété la Convention de Varsovie comme instituant une véritable « cause of action » ; (« the desirability of uniformity in international air law can be best recognized by holding that the Convention, otherwise universally applicable, is also the universal source of a right of action » (arrêt de la United States Supreme Court du 12.01.1999).
Au Royaume Uni, la Cour Suprême aurait considéré dans un arrêt de principe du 12.12.1996 que le but essentiel de la Convention est d’atteindre l’uniformité des règles en matière d’indemnisation relative au transport aérien international (« what was to be achieved was a uniform international code, which could be applied by courts of all the High Contracting Parties without reference to the rules of their own domestic law. The Convention does not purport to deal with all matters relating to contracts of international carriage by air. But those areas with which it deals -and the liability of the carrier is one of them- the code is intended to be uniform and to be exclusive also of any resort to the rules of domestic law »).
Dans la mesure où la compétence des juridictions répressives pour connaître des intérêts civils constituerait une attribution dérogatoire au droit commun, elle ne saurait être exercée que dans les cas où elle est expressément conférée à cette juridiction par la loi, c’est-à-dire pour l’application du droit commun.
Si la Convention de Varsovie ne répondait pas expressément à la question de compétence matérielle, toujours serait-il qu’en raison des spécificités de l’action en responsabilité instituée par la Convention de Varsovie il ne serait pas possible, dans la majorité des pays, de porter l’action civile devant le juge répressif. Les règles instituées par la Convention de Varsovie et les règles communautaires en la matière différeraient des règles de procédure pénale et la juridiction répressive ne serait pas compétente pour appliquer les premières.
La jurisprudence française aurait ainsi dégagé l’incompétence du juge pénal pour statuer sur les dommages et intérêts dans le cadre d’un transport aérien tant pour l’action civile dirigée contre le transporteur civilement responsable (Cass. Crim. 03.12.1969, précité), que pour celle dirigée contre le transporteur pénalement responsable de ses fautes personnelles (Cass. Crim. 09.01.1975, précité), que pour celle dirigée contre le préposé dont la responsabilité est soumise au droit conventionnel lorsqu’il a agi dans l’exercice de ses fonctions (Cass. Crim. 10.05.1977, précité). L’arrêt Rousseau du 09.01.1975 aurait clairement retenu que l’action en responsabilité régie par les dispositions de la Convention de Varsovie ne saurait être confondue avec l’action en dommages-intérêts ouverte aux victimes d’une infraction, dès lors que l’action basée sur la Convention de Varsovie serait fondée dans son principe sur une présomption de faute et partant indépendante de toute infraction.
Le régime juridique de la Convention de Varsovie, soumis à des règles de compétence territoriale et de délai spécifiques qui ne sont pas celles de la procédure pénale, justifierait ainsi l’incompétence matérielle du juge répressif pour connaître de l’action civile des victimes d’accidents aériens.
De même l’arrêt de la Cour de Cassation française du 10 mai 1977 aurait étendu cette incompatibilité des règles de procédure pénale avec le régime spécifique instauré par la Convention de Varsovie à l’action dirigée contre les préposés du transporteur en assimilant la situation du préposé à celle du transporteur lui-même. Selon l’arrêt en question, la limitation de la responsabilité que peut invoquer le transporteur en vertu de l’article 22 de la Convention est étendue par l’article 25, ajouté à la Convention de Varsovie par le Protocole de la Haye du 28 septembre 1955, au préposé lorsque celui-ci a agi dans l’exercice de ses fonctions. L’exception du même article 25 selon laquelle la victime ou ses ayants droit peuvent obtenir, même au-delà du maximum prévu, la réparation intégrale de leur préjudice lorsque ce préjudice provient d’un acte ou d’une omission du préposé, soit fait avec l’intention de provoquer un dommage, soit témérairement, soit avec conscience qu’un tel dommage en résultera probablement, viserait une faute qui ne serait pas identique à la faute pénale constitutive des délits aux articles 319 et 320 du code pénal. La faute visée par l’article 25, alinéa 3, ne fonderait pas l’action civile, mais la faute du préposé, dans le cadre de la Convention de Varsovie, et elle serait spécifique en ce sens qu’elle devrait avoir été commise dans le cadre de l’exercice des fonctions et qu’elle produirait des effets d’intensité variable selon qu’elle serait inexcusable ou non.
L’action en indemnisation exercée contre le préposé du transporteur aérien en raison de faits commis dans l’exercice de ses fonctions se trouverait ainsi soustraite à la compétence des juges répressifs, la responsabilité du préposé étant, à l’instar de celle du transporteur, soumise à des règles de fond dérogatoires du droit commun.
Les auteurs et juridictions étrangers auraient retenu que l’action civile exercée contre le préposé doit suivre le même sort que celle dirigée contre le transporteur aux fins de rester cohérent et de ne pas engendrer des conséquences inacceptables dans la mesure où, il y aurait lieu d’éviter, par exemple, que l’action dirigée contre le transporteur soit prescrite, tandis que le préposé pourrait toujours être condamné à une indemnisation des victimes. Il faudrait bien avoir à l’esprit que le problème risquerait d’être systématique, dès lors que, dans la plupart des accidents d’aviation, la source de la responsabilité du transporteur découlerait nécessairement d’un acte du préposé. Or, la faute du préposé serait susceptible d’engager trois sortes différentes de responsabilités, celle du transporteur de son fait personnel, la responsabilité du transporteur du fait de son préposé et la responsabilité du préposé de son propre fait personnel. De même il y aurait le risque de l’éclatement des compétences territoriales ou du forum shopping, les victimes choisissant les pays où leurs demandes auraient le plus de chances de succès tant quant à leur aboutissement que quant au niveau d’indemnisation.
De même, l’action en indemnisation des victimes par ricochet serait visée et la défense des défendeurs au civil de citer encore des décisions françaises plus récentes (arrêt du 24 février 1978 de la chambre mixte de la Cour de Cassation, Bull. Ch. mixte, n°2 JCP G 1978, II,18961, Cass. Civ. 02.07.1981 et Cass. Crim 25.11.2009), qui seraient toutes allées dans le sens de l’incompétence du juge répressif et qui auraient conclu que l’action en responsabilité contre le transporteur échappe à la compétence du juge répressif, quelle que soit la nature contractuelle ou délictuelle de cette action.
La défense des défendeurs au civil estime encore que les critiques de certains auteurs (Jena-PierreTosi, Litec 1978 et Marie-France Steinlé-Feuerbach) au sujet de la position de la Cour de Cassation française ne sont pas pertinentes, dès lors que ces critiques ne se fonderaient que sur des arguments de texte et que leurs auteurs n’en tireraient aucune conséquence originale relative à la compétence des juridictions pénales, mais s’inclineraient tout simplement devant l’application uniforme des Conventions internationales en matière de transport aérien et le principe de l’incompétence du juge répressif posé par la Cour de Cassation.
Enfin, l’incompétence « ratione materie » de la juridiction répressive pour allouer des dommages-intérêts aux victimes passagères d’avion n’entraverait pas la possibilité pour ces victimes d’agir par la voie pénale, dès lors que rien n’interdirait au juge répressif d’accueillir la constitution de partie civile quoiqu’il n’ait pas le pouvoir d’indemniser la victime, l’action de cette dernière n’étant alors plus indemnitaire, mais vindicative, son but étant la manifestation de la vérité. Ce principe serait inscrit dans la procédure pénale luxembourgeoise depuis bien longtemps (Roger Thiry, Précis d’instruction Criminelle en droit luxembourgeois, Volume II, n°120).
La défense des parties défenderesses au civil relève encore que, même dans l’hypothèse d’une responsabilité pénale du transporteur telle qu’elle peut être envisagée dans le cadre de la responsabilité pénale des sociétés qui existe actuellement au Luxembourg, les motifs justifiant l’incompétence de la juridiction répressive restent pertinents en ce que cette responsabilité pénale des sociétés s’oppose au régime de responsabilité de plein droit de la Convention de Varsovie.
Le mandataire du défendeur au civil P1 se rallie entièrement aux développements faits par le mandataire des autres défendeurs au civil et conclut à la confirmation du jugement entrepris et à l’incompétence matérielle de la juridiction répressive saisie pour connaître du volet civil de l’affaire. Il estime que le système instauré par la Convention de Varsovie est un système de loi uniforme destiné à la protection de la victime qui échappe à la compétence des juridictions répressives.
Le représentant du ministère public souligne, d’abord, que le jugement entrepris est très bien motivé tant sur le volet pénal, pour lequel il loue la technicité et la précision de la motivation, que sur le volet civil. Il estime que le grief soulevé par la défense des demandeurs au civil selon lequel le jugement ne serait pas motivé n’est pas fondé, dès lors que les juges de première instance auraient longuement fait état des décisions auxquelles ils se réfèrent pour adopter la solution d’incompétence matérielle de la juridiction répressive retenue, ce choix étant de leur appréciation souveraine.
Il ne s’agirait pas non plus d’un arrêt de règlement, la décision entreprise n’ayant pas statué par voie de disposition générale et il n’y aurait partant pas lieu à annulation de la décision entreprise.
Quant à la question de la compétence d’attribution de la juridiction répressive, le représentant du ministère public souligne d’abord qu’en vertu de l’article 24 de la Convention de Varsovie, les victimes par ricochet, seules parties demanderesses au civil en l’espèce, sont visées et que les dispositions de la Convention s’appliquent également à l’action civile intentée par elles.
Selon le représentant du ministère public, qui rejoint le mandataire du demandeur au civil Pciv1 quant au fait que la Convention de Varsovie a eu pour but de soutenir l’aviation civile, la victime d’un accident doit garder le droit de choisir devant qui elle porte son action civile, quel que soit le régime de responsabilité applicable à l’accident en question. Du moment que l’infraction, dont aurait à connaître le juge répressif, a causé le dommage dont la réparation serait demandée, le juge répressif serait compétent pour connaître de la demande civile de la victime et la Convention de Varsovie n’aurait pas tangué cette compétence.
Il n’y aurait pas de contradiction entre un système de responsabilité spécifique, tel qu’instauré par la Convention de Varsovie, et la procédure pénale et le représentant du ministère public ne voit pas en quoi le juge répressif serait empêché d’appliquer les règles fixées par la Convention de Varsovie dans le cadre de l’indemnisation des victimes. Le droit commun en matière d’accidents et plus particulièrement l’article 1384 du code civil, stipulerait également une présomption de responsabilité sans que cela empêche le juge répressif de connaître des suites dommageables de l’accident lorsqu’elles ont été causées par une ou des infractions. L’application de la Convention de Varsovie pourrait certes engendrer quelques difficultés, mais de telles difficultés ne pourraient motiver l’incompétence matérielle du juge répressif.
Ce ne serait que lorsque le but de la réparation civile ne serait pas la mise en mouvement de l’action publique, tel que cela serait par exemple le cas dans le cadre des demandes basées sur l’article 115 du code de la sécurité sociale, que la compétence du juge répressif ne serait plus donnée.
Le représentant du ministère public se rallie encore à l’auteur Jean–Pierre TOSI (Litec 1978), dont les développements sur les décisions de la Cour de Cassation française et la plaidoirie en faveur d’une application des dispositions de la Convention de Varsovie par la juridiction pénale seraient très convaincants.
Il conclut à la réformation de la décision entreprise sur le volet civil et à la compétence de la juridiction répressive saisie, en donnant encore à considérer que si la procédure pénale n’exclut pas l’action purement vindicative de la partie civile, il peut cependant paraître injuste à l’égard de la victime de la recevoir comme partie tout au long de la procédure pénale pour lui refuser ensuite toute indemnisation.
S’agissant de la question de l’évocation ou du renvoi de l’affaire devant les premiers juges, le représentant du ministère public relève que la Cour d’appel, en réformant sur la question de la compétence, n’est pas obligée de renvoyer l’affaire devant les juges de première instance.
Le représentant du ministère public soulève enfin la question de l’action civile dirigée contre le préposé pour souligner que la Convention de Montréal, qui a assimilé complètement le cas du préposé à celui du transporteur, n’est pas applicable en l’espèce et que l’arrêt précité du BGH du 2 avril 1974 n’a pas retenu une assimilation complète du préposé au transporteur dans le cadre de l’application de la Convention de Varsovie.
Par un courrier adressé à la cinquième chambre de la Cour d’appel en date du 27 novembre 2012, après la prise en délibéré de l’affaire, le mandataire des défendeurs au civil P5, SS-MM-MC et P7 a pris position quant à la plaidoirie du représentant du ministère public.
Par courrier du 29 novembre 2012, le mandataire des parties Pciv6 et AK, KS, Pciv9-10 et Pciv11-13 a demandé le rejet des conclusions contenues dans le courrier précité.
La défense des défendeurs au civil ayant eu amplement la possibilité de prendre position quant aux développements juridiques de toutes les parties en cause, ses conclusions contenues dans la lettre précitée, qui en tout état de cause ne constituent pas de moyens nouveaux, sont à rejeter.
La demande de rupture de délibéré subséquente du mandataire de Pciv1, reçue par la Cour d’appel le 17 janvier 2013 et destinée à permettre le versement d’une note de plaidoiries écrite et à répondre au courrier précité du 29 nobemre 2012, est également à abjuger, la défense de Pciv1 ayant largement pris position oralement quant aux moyens soulevés de part et d’autre.
Il convient de relever d’abord, quant aux moyens soulevés par la défense des parties civiles, tirés de ce que le jugement entrepris constituerait un "arrêt de règlement" et de ce que le jugement entrepris ne serait pas suffisamment motivé sur la question de l'action civile portée devant la juridiction saisie, que ces moyens, à les entendre comme visant à l'annulation de la décision entreprise, qui n'est cependant pas expressément demandée, ne sont pas fondés.
En effet, la circonstance qu’il s’agit de la première affaire d’accident survenu lors d’un transport aérien au Grand-Duché, dont doit connaître une juridiction luxembourgeoise, ne confère pas à la décision un caractère de portée générale, les juges de première instance n’ayant tranché que le litige spécifique dont ils étaient saisis.
En appliquant la Convention de Varsovie à l'accident du 6 novembre 2001 et en interprétant cette Convention à la lumière de la jurisprudence française en la matière pour adopter les solutions retenues par les juges français, les juges de première instance ont exhaustivement motivé leur décision et leur choix de s’aligner sur la solution retenue par la Cour de Cassation française quant à la compétence matérielle de la juridiction répressive dans le cadre de l'application de la Convention de Varsovie est l’expression de leur pouvoir souverain d’appréciation.
La décision entreprise ne constitue partant pas une décision fixant une norme générale et elle n’est pas non plus entachée d’un défaut de motivation.
Quant à la compétence « ratione materie » de la juridiction répressive contestée, il est constant en cause que les demandeurs au civil sont des ayants droit des passagers, victimes décédées lors de l’accident qui s’est produit à Luxembourg par l’écrasement au sol, en date du 6 novembre 2001, de l’avion Fokker F 27 050, immatriculé LX-LGB exploité par la compagnie aérienne LUXAIR au cours d’un transport aérien effectué de Berlin à Luxembourg.
Les préposés de la société LUXAIR, P1, P5, P6 et P7 ont été déclarés responsables pénalement des suites de l’accident en question par le jugement entrepris qui a force de chose jugée sur le plan pénal et les demandes civiles, tendant à la réparation du préjudice souffert par les demandeurs au civil énumérés ci-avant, sont toutes dirigées accessoirement à l’action pénale, contre les mêmes prévenus, défendeurs au civil.
Aux termes de l’article 2, alinéa 3 du Code d’instruction criminelle, l'action civile pour la réparation du dommage peut être exercée contre le prévenu et contre ses représentants et l’article 3 du Code d'instruction criminelle stipule que l’action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action publique, à moins que celle-ci ne se trouve éteinte par prescription.
Ainsi, la victime d’une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction, a le droit d’agir devant la juridiction répressive et en se constituant, elle devient partie civile au procès pénal.
Par l’action qu’elle porte devant les juridictions répressives, la partie civile tout à la fois participe à l’action publique et s’ouvre la possibilité d’obtenir réparation de tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits objets de la poursuite.
Lorsque l’action publique a déjà été engagée, la victime agit par voie d’intervention, s’associant par sa constitution aux poursuites en cours et lorsque l’action publique n’a pas déjà été engagée, la victime agit par voie d’action, mettant de ce fait elle-même en mouvement l’action publique.
En matière de transport aérien international, le texte de base du régime juridique du contrat de transport aérien international est la Convention de Varsovie, approuvée au Luxembourg par une loi du 25 juillet 1949 et y rendue applicable par la loi coordonnée du 19 juin 1967 sur la responsabilité au cas de transport par air disposant que la responsabilité du transporteur est régie au cas de transport par air, par les seules dispositions a) de la Convention signée à Varsovie le 12 octobre 1929; b) du Protocole modifiant la Convention de Varsovie, signé à La Haye le 28 septembre 1955; c) de la Convention complémentaire à la Convention de Varsovie, signée à Guadalajara le 18 septembre 1961, même si ce transport n’est pas international au sens de ces accords.
Le régime de responsabilité et d’indemnisation instauré par la Convention de Varsovie se caractérise par une présomption de faute du transporteur aérien en cas de dommage survenu lors d’un transport aérien international (article 17), la possibilité de s’exonérer de cette présomption de responsabilité (article 20), une limitation des montants indemnitaires imposées aux parties sans que le transporteur puisse stipuler une limite inférieure et au-delà duquel la responsabilité du transporteur n’est engagée que par la démonstration d’une faute dolosive (articles 22, 23 et 25), des dispositions de compétences territoriales (article 28) et un délai pour agir (article 29).
L’article 24 de la Convention stipule encore que toute action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions et limites prévues par la présente Convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d'agir et de leurs droits respectifs.
Au niveau européen, la Communauté européenne (actuellement Union européenne) a adopté le règlement (CE) n° 2027/97 le 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident, entré en vigueur le 17 octobre 1998, dont les considérants renvoient expressément à la Convention de Varsovie et qui ne couvre que les seuls dommages corporels ou le décès subis par les passagers. Ce règlement renforce les droits des passagers, victimes d’accidents aériens, en améliorant leur niveau de protection par un déplafonnement des indemnisations en cas de mort, blessure ou lésion corporelle. Le règlement visé reprend le principe de la responsabilité de plein droit du transporteur prévue dans la convention de Varsovie (article 17) pour les préjudices subis par les voyageurs lors d'accidents en cas de décès, de blessure ou de toute autre lésion corporelle qui atteignent le voyageur pendant le transport (à bord de l'avion ou pendant les manœuvres d'embarquement et de débarquement), mais ne limite plus le montant de l'indemnisation du voyageur visé.
Le principe de la responsabilité du transporteur est assorti d'un système à niveau : pour les dommages jusqu'à 100.000 DTS, il s'agit d'une responsabilité présumée qui est renforcée, c'est-à-dire que le transporteur aérien ne peut exclure ou limiter sa responsabilité même en prouvant qu'il a pris toutes les mesures pour éviter le dommage ou qu'il lui était impossible de l'éviter, sauf s'il apporte la preuve que la faute du voyageur blessé ou décédé constitue la cause du dommage ou y a concouru. A cette fin, le transporteur aérien doit être assuré au minimum à hauteur de cette somme.
Pour les dommages supérieurs à cette somme, la responsabilité du transporteur peut être engagée dans les conditions habituelles découlant de la Convention de Varsovie, à savoir, que la responsabilité présumée du transporteur peut être combattue s'il prouve qu'il a pris toutes les mesures pour éviter le dommage.
Par ailleurs, l'Union Européenne s'est préoccupée des délais d'indemnisation de la victime et met à la charge du transporteur européen l'obligation de lui verser, endéans quinze jours dès que la victime est identifiée, une avance lui permettant de faire face à ses besoins immédiats, en considération du préjudice subi. Cette avance, qui d'ailleurs ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité et que la victime pourrait avoir à rembourser si le transporteur parvient à s'exonérer de sa responsabilité, ne peut être inférieure à 15.000 DTS par voyageur en cas de décès.
C’est donc à la lumière de ces textes qu’il convient d’apprécier en l’espèce la question de la compétence « ratione materie » de la juridiction répressive.
Il peut encore être ajouté que la Convention de Varsovie a été remplacée par la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Montréal le 28 mai 1999 et que le règlement (CE) 2027/97 a été modifié par le règlement (CE) 889/2002 du Parlement Européen et du Conseil du 13 mai 2002, ayant eu pour objectif d’aligner le règlement de 1997 sur les dispositions de la Convention de Montréal, mais dès lors que la Convention de Montréal n’a été approuvée au Grand-Duché que par une loi du 12 août 2003, entrée en vigueur le 7 septembre 2003 et que le règlement (CE) n’est applicable que depuis le 28 juin 2004, ces textes ne s’appliquent pas à la présente espèce.
S'agissant de l'interprétation de la Convention de Varsovie on peut rappeler en substance, tel que cela a été exposé ci-dessus par la description exhaustive des commentaires et de la jurisprudence à laquelle la Cour d’appel se rapporte, que les auteurs et la jurisprudence ont retenu le caractère exclusif de la Convention de Varsovie pour régler les actions en responsabilité intentées par les victimes d'accidents au cours d'un transport aérien dirigé contre le transporteur ou ses préposés. La jurisprudence française en a déduit l'exclusion de la compétence de la juridiction répressive en retenant en substance que de par le régime de responsabilité spécifique instauré par la Convention de Varsovie et fondé en son principe sur une présomption de faute, cette responsabilité est indépendante de toute infraction punissable et échappe au droit commun.
Il faut cependant rappeler aussi, et il n'est par ailleurs pas contesté, que la Convention de Varsovie n’exclut pas la compétence des juridictions répressives et qu'elle n'attribue pas non plus expressément compétence aux seules juridictions de droit commun ou juridictions civiles.
S'il est vrai que la Convention instaure des règles spécifiques de responsabilité à l’égard du transporteur et de ses préposés, qui sont opposables à la victime dans les conditions de cette Convention, il ne faut cependant pas confondre ces spécificités de la Convention avec la source même du dommage donnant droit à réparation qui détermine la compétence matérielle de la juridiction répressive. Celle-ci est, en effet, déterminée par son objet qui doit être la réparation du préjudice individuel et personnel subi par la victime et causé par une infraction (THIRY I, n° 114, 6, et II n° 114). Chaque fois que le préjudice dont la réparation est demandée trouve sa source dans l'infraction dont a à connaître la juridiction répressive saisie, la compétence des juridictions répressives est donnée. La justification d’un préjudice ne suffit pas, mais il faut encore que ce préjudice découle directement de l’infraction poursuivie (CASS. 10.12.1987, 25/87).
Si la Convention de Varsovie est ainsi la base légale qui détermine les règles juridiques de la mise en œuvre de l’action en responsabilité des victimes en matière de transport aérien, le droit à réparation naît du dommage subi par les victimes, qui lui prend sa source dans les infractions pour lesquelles les défendeurs au civil ont été reconnus pénalement responsables, et qui sont à l’origine de l’accident de l’avion Fokker F27 050, survenu le 6 novembre 2001 au cours de la liaison aérienne de Berlin à Luxembourg. Qu’il en est bien ainsi résulte du fait que les défendeurs au civil ne contestent pas que les victimes auraient eu le droit de mettre en mouvement l’action publique ou ont le droit de se joindre en tant que parties civiles à l’action publique.
Le fait que la Convention de Varsovie ne qualifie pas le régime de responsabilité en matière de transport aérien - en ne le rattachant expressément ni à la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle ni à la responsabalité contractuelle -, ne s’oppose pas à ce que la juridiction répressive saisie de l’action civile accessoirement à l’action publique, statue sur l’action civile en réparation du dommage découlant directement de l’infraction. Il n’en serait autrement que si, en appliquant les règles de fond de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, le juge répressif modifiait la source de l’action civile.
Or, la nature contractuelle ou délictuelle de la responsabilité découlant de l’infraction ayant donné lieu au dommage ne constitue pas un empêchement pour le juge répressif de se prononcer sur la responsabilité intégrale ou partielle de l’auteur, l’existence ou l’étendue du dommage.
En matière contractuelle, dès lors que la violation d’un contrat est constitutive d’une infraction, l’action en réparation peut parfaitement être exercée par la voie pénale. On peut citer, à titre d’exemple, le cas des dommages subis par les patients des médecins ou établissements hospitaliers, victimes des infractions commises en relation avec les soins médicaux prodigués, abstraction faite de la relation contractuelle liant le patient au médecin ou à l’établissement hospitalier et des obligations en découlant.
Le fait que la Convention de Varsovie institue une présomption de responsabilité, voire même que le règlement communautaire institue une responsabilité de plein droit sans faute, n’a pas pour conséquence que le juge répressif deviendrait matériellement incompétent pour connaître de l’action civile en réparation des dommages subis par des victimes d’un accident d’avion. Si le juge répressif, saisi de l’action publique, vient à la conclusion, qu’aucune infraction à charge des personnes mises en prévention n’est établie, il se déclarera incompétent pour connaître de l’action civile. Il n’aurait aucune aptitude à examiner le bien-fondé de l’action civile sur un autre fondement que celui de l’infraction pénale. Dans ce cas il appartiendrait aux parties civiles de se pourvoir devant les juridictions civiles. Il n’en résulte cependant pas que le juge répressif, déclarant l’action publique fondée, doive néanmoins se déclarer incompétent ratione materiae pour statuer sur l’action civile en considération du fait que les parties civiles auraient pu actionner en responsabilité le transporteur, soit directement, soit via ses préposés, en dehors de toute faute pénale prouvée. Il peut à cet égard encore être cité, pour exemple, l’existence d’une responsabilité du fait d’autrui, en l’occurrence celle du commettant du fait de son préposé, qui ne s’oppose pas à ce que le préposé, qui cause un accident à l’occasion de son travail, puisse être condamné par une juridiction pénale à réparer le dommage subi par la victime d’un accident découlant des infractions commises par ce préposé.
On peut enfin relever que l’article 28 de la Convention de Varsovie, en déterminant les compétences territoriales, est susceptible d’entrer en conflit avec le régime de compétence territoriale selon la procédure pénale dont doit faire application le juge répressif. Le fait que, de par la loi, qu’elle soit nationale ou internationale, une dissociation des compétences territoriales pour connaitre de l’action publique et de l’action civile soit instituée dans une matière particulière, ne saurait cependant avoir pour conséquence une incompétence matérielle tous azimuts de la juridiction répressive pour connaître de l’action civile, ceci d’autant plus qu’en l’espèce aucun conflit de compétences ne se pose.
Les principes dégagés ci-dessus valent également, dans le cadre de l’action civile dirigée contre les préposés du transporteur et, dès lors que rien ne s’oppose à concilier le principe de la compétence du juge pénal avec le respect des règles instituées par la Convention de Varsovie en matière de droit aérien, le grief soulevé par les juges de première instance selon lequel les victimes ou leurs ayants droit de victimes peuvent vouloir contourner les règles strictes établies par la Convention de Varsovie tiré en actionnant les préposés de ce dernier devant une juridiction répressive, accessoirement à l’action publique exercée contre ces préposés, n’est pas fondé.
Dans la mesure où, en l’espèce, c’est le dommage découlant des infractions retenues à charge des prévenus qui constitue le fondement de l’action des parties demanderesses au civil, leur action est née « ex delicto » et il s'ensuit que le jugement entrepris est à réformer en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes civiles des parties civiles appelantes.
Il y a partant lieu de dire que la juridiction répressive est compétente pour connaître de ces demandes.
Il a été retenu que lorsque la juridiction d’appel infirme une décision au motif que le premier juge s’est à tort déclaré incompétent, il y a lieu à évocation, du moment que les premiers juges, malgré leur déclaration d’incompétence étaient valablement saisis et, donc, à même de se prononcer (Roger Thiry, Précis d’instruction criminelle en droit luxembourgeois, I, n° 630 4. et II, 601 et 633bis). En réalité, saisis de l’entièreté de la cause les juges de première instance ont, par leur décision d’incompétence, épuisé leur juridiction. Par l’effet dévolutif de l’appel au civil, la Cour d’appel se trouve saisie de l’intégralité des demandes civiles.
Il n’y a donc pas lieu de renvoyer le volet civil devant la juridiction de première instance.
Afin de permettre aux parties appelantes de conclure quant à leurs demandes civiles et aux parties défenderesses quant à leurs défenses, il y a lieu de renvoyer le dossier à Monsieur le Procureur général d’Etat aux fins de voir fixer l'affaire pour continuation des débats.
P A R C E S M O T I F S,
la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les demandeurs et défendeurs au civil entendus en leurs conclusions et le représentant du ministère public en son réquisitoire,
donne acte à Pciv2 de son désistement d’appel au civil;
donne acte à Pciv6 et AK, agissant en leurs qualités d’héritiers de Pciv5, en vertu d’un acte de reprise de l’action intentée par feu Pciv5 et à Pciv6, agissant en nom personnel, à KS, veuve MK, agissant en sa qualité de représentante et administratrice légale de leur fille E.K., elle-même héritière de Pciv5, le tout en vertu d’un acte de reprise d’instance introduit par KS suite à l’action intentée par feu Pciv5, à Pciv9, à Pciv10, à Pciv11, à Pciv12 et à Pciv13 des désistements de leurs appels au civil pour autant que ces appels visent les défendeurs au civil P2, P3 et P4,
donne acte aux défendeurs au civil de leur acceptation de ces désistements;
décrète tous ces désistements;
donne acte à SS, MM et MC de leurs reprises d'instance des actions civiles intentées contre feu leur mari et père P6 et les déclare recevables;
reçoit les appels au civil et les dit fondés sur la question de l’incompétence matérielle de la jurdiction répressive saisie;
réformant:
dit que la juridiction répressive de première instance était compétente pour connaître des demandes civiles dirigées par les appelants au civil contre les intimés, défendeurs au civil;
se déclare à son tour compétente pour connaître de ces demandes civiles;
dit que par l’effet dévolutif des appels au civil la Cour d’appel est saisie de l’entièreté de la cause restant pendante au civil ;
renvoie le dossier à Monsieur le Procureur général d'Etat aux fins de fixation de l'affaire pour continuation des débats;
laisse les frais de la demande civile de Pciv2 en instance d’appel à sa charge;
réserve les autres frais.
Par application des articles 3, 185, 199, 203, 209 et 211 du Code d’instruction criminelle.
Ainsi fait et jugé par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, composée de Monsieur Nico EDON, président de chambre, Madame Lotty PRUSSEN, premier conseiller, et Madame Elisabeth WEYRICH, conseiller, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Cornelia SCHMIT.
La lecture de l'arrêt a été faite en audience publique à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, par Monsieur Nico EDON, président de chambre, en présence de Monsieur Serge WAGNER, avocat général, et de Madame Cornelia SCHMIT, greffier ».
Sur citation du 15 avril 2013 les parties furent régulièrement requises de comparaître à l’audience publique du 17 septembre 2013 devant la Cour d'appel de Luxembourg, 5e chambre correctionnelle.
L’affaire fut décommandée.
Sur citation du 20 juin 2013 les parties furent à nouveau requises de comparaître à l’audience publique du 16 septembre 2013.
A cette audience le demandeur au civil Pciv1 et la demanderesse au civil Pciv9, cette dernière assistée de l’interprète assermentée SCHMIT Rita, furent présents.
Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, assisté de Maître Jean-Philippe HALLEZ, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens d’appel des demandeurs au civil Pciv6 en son nom personnel, Pciv6 et AK agissant en leur qualité d’héritiers de feu Pciv5, KS, agissant en sa qualité de représentante de sa fille mineure E.K., celle-ci héritière de feu Pciv5, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13.
Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, développa plus amplement les moyens d’appel du demandeur au civil Pciv1.
Maître Georges PIERRET, assisté de Maître Pierre MEDINGER, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour le défendeur au civil P1, furent présents.
Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les défendeurs au civil P5, SS, MM, MC, agissant en leur qualité d’héritiers de feu P6, et P7, furent présents.
Monsieur l’avocat général Serge WAGNER, assumant les fonctions de ministère public, fut présent.
L’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 17 septembre 2013 pour continuation des débats.
A cette audience le demandeur au civil Pciv1 et la demanderesse au civil Pciv9, cette dernière assistée de l’interprète assermentée SCHMIT Rita, furent présents.
Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, développa plus amplement les moyens d’appel du demandeur au civil Pciv1.
Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, conclurent au nom des défendeurs au civil P5, SS, MM, MC et P7.
Maître Georges PIERRET, assisté de Maître Pierre MEDINGER, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour le défendeur au civil P1, se rallia aux conclusions de Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT.
Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, assisté de Maître Jean-Philippe HALLEZ, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les demandeurs au civil Pciv6, AK, KS, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13, furent présents.
Monsieur l’avocat général Serge WAGNER, assumant les fonctions de ministère public, fut présent.
L’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 18 septembre 2013 pour continuation des débats.
A cette audience le demandeur au civil Pciv1 et la demanderesse au civil Pciv9, cette denière assistée de l’interprète assermentée SCHMIT Rita, furent présents.
Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, conclut au nom du défendeur au civil P1.
Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les défendeurs au civil P5, SS, MM, MC et P7, furent entendus en leurs conclusions.
Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, comparant pour le demandeur au civil Pciv1, fut entendu en ses conclusions.
Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, assisté de Maître Jean-Philippe HALLEZ, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les demandeurs au civil Pciv6, AK, KS, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13, fut entendu en ses conclusions.
Monsieur l’avocat général Serge WAGNER, assumant les fonctions de ministère public, fut présent.
L’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 20 septembre 2013 pour continuation des débats.
A cette audience le demandeur au civil Pciv1 et la demanderesse au civil Pciv9, cette dernière assistée de l’interprète assermentée SCHMIT Rita, furent présents.
Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, assisté de Maître Jean-Philippe HALLEZ, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les demandeurs au civil Pciv6, AK, KS, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13, fut entendu en ses conclusions.
Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les défendeurs au civil P5, SS, MM, MC et P7 furent entendus en leurs conclusions.
Maître Georges PIERRET, assisté de Maître Pierre MEDINGER, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour le défendeur au civil P1, se rallia aux conclusions de Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT.
Maître Carole HARTMANN, avocat, en remplacement de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, les deux demeurant à Diekirch, comparant pour le demandeur au civil Pciv1, fut présente.
Monsieur l’avocat général Serge WAGNER, assumant les fonctions de ministère public, fut présent.
L’affaire fut contradictoirement remise à l’audience publique du 11 octobre 2013 pour continuation des débats.
A cette audience Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch, comparant pour le demandeur au civil Pciv1, fut entendu en ses conclusions.
Maître Guy LOESCH et Maître Pierre HURT, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les défendeurs au civil P5, SS, MM, MC et P7 furent entendus en leurs conclusions.
Maître Georges PIERRET, assisté de Maître Pierre MEDINGER, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, conclut au nom du défendeur au civil P1.
Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, assisté de Maître Jean-Philippe HALLEZ, avocats à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, comparant pour les demandeurs au civil Pciv6, AK, KS, Pciv9, Pciv10, Pciv11, Pciv12 et Pciv13, fut entendu en ses conclusions.
Monsieur l’avocat général Serge WAGNER, assumant les fonctions de ministère public, se rapporta à la sagesse de la Cour.
L A C O U R
prit l'affaire en délibéré et en fixa le prononcé à l'audience publique du 17 décembre 2013, lors de laquelle le prononcé fut remis à l’audience publique du 21 janvier 2014. A cette dernière audience la Cour rendit l'arrêt qui suit:
Revu l’arrêt de la Cour d’appel rendu en date du 29 janvier 2013 sur les appels au civil des parties Pciv2, Pciv6-AK-KS, Pciv9-10, Pciv11-13 et Pciv1 et limité à la question de la compétence de la juridiction répressive pour connaître des demandes civiles.
La Cour d’appel rectifie d’emblée une erreur matérielle qui s’est glissée dans le dispositif de l’arrêt précité en ce qu’il y a été omis de donner acte à Pciv1 qu’il se désiste de son appel au civil pour autant que ces appels visent les défendeurs au civil P2, P3 et P4.
Il lui est donné acte de ce désistement qui avait été accepté par les défendeurs au civil visés et qui est régulier.
Par son arrêt la Cour d’appel a retenu la compétence de la juridiction répressive de première instance pour connaître des demandes civiles dirigées par les appelants et demandeurs au civil contre les intimés et défendeurs au civil et, se déclarant à son tour compétente pour connaître de ces demandes civiles, elle a dit que par l’effet dévolutif des appels au civil la Cour d’appel est saisie de l’entièreté de la cause restant pendante au civil.
Les mandataires des appelants au civil Pciv1, Pciv9 et Pciv10, Pciv11, Pciv13 et Pciv12, Pciv6, agissant en nom personnel, Pciv6 et AK, agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en leur qualité d’héritiers de feu Pciv5, décédé le 12 novembre 2011, KS, veuve MK, agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité de représentante et administratrice légale de sa fille E.K., née le …, héritière de feu Pciv5, ont présenté les constitutions de parties civiles au nom de leurs mandants aux audiences fixées par le ministère public pour la continuation des débats à partir du 16 septembre 2013.
Il y a lieu de leur en donner acte.
Le mandataire du demandeur au civil Pciv1 relève, à titre liminaire, que les débats sur les revendications de son client quant aux suites de la catastrophe du 6 novembre 2002 ne s’ouvrent que devant la Cour d’appel en raison de la décision d’incompétence de la juridiction de première instance. Tout en émettant des réserves quant au raisonnement juridique de la Cour d’appel pour ne pas renvoyer l’affaire devant les premiers juges dans la mesure où ce raisonnement prive le demandeur au civil d’un double degré de juridiction, il marque cependant sa préférence que la Cour d’appel statue par une décision définitive après 11 ans de procédure et au vu de l’âge du demandeur au civil.
Le mandataire du demandeur au civil Pciv1 demande encore à ce que le contrat d’instance convenu entre parties soit respecté et qu’il soit retenu que les indemnisations auront lieu suivant le principe de la réparation intégrale en droit commun luxembourgeois, sans limitation conventionnelle et sans limitation éventuellement issue du droit international et que le quantum du dommage soit évalué suivant le droit commun in concreto et il verse différents courriers électroniques échangés entre lui-même et le mandataire des défendeurs au civil feu P6, P5 et P7 pour établir l’accord de ce dernier à cet égard. Même si le mandataire de P1 n’a pas réagi à ses courriers électroniques, les mêmes principes vaudraient également en ce qui concerne la demande de Pciv1 dirigée contre P1.
La défense des défendeurs au civil SS, MM et MC, agissant en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P5 et P7 demande acte, par des conclusions préliminaires, que ses parties n’entendent opposer aux ayants-droit des victimes de l’accident aucune limitation des montants indemnitaires, ni discuter le principe même de leur responsabilité civile ou la relation causale entre leurs fautes respectives et les suites dommageables en ayant résulté.
Les mandataires des défendeurs au civil précités relèvent encore que la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie, ne détermine ni les personnes qui ont le droit d’agir, ni leurs droits respectifs, mais elle se bornerait à renvoyer à la loi du tribunal saisi pour ce qui est de la procédure. En l’espèce, eu égard au fait que l’accident d’avion a eu lieu au Luxembourg, que l’avion appartient à une société luxembourgeoise et au vu de la jurisprudence luxembourgeoise (voir décisions dans l’accident ferroviaire ZOUFFTGEN, Tr.corr. 29.01.2009,335/2009 et CA 19.01.2011 29/11 X) en la matière, la loi applicable serait celle du lieu où le fait dommageable s’est produit, de sorte que les demandes civiles seraient à apprécier au regard du droit luxembourgeois, la Convention de Varsovie s’en remettant au droit national pour la détermination des types de dommages réparables et les défendeurs au civil n’opposant aucune limitation conventionnelle.
La défense du défendeur au civil P1 s’est rapportée à ces conclusions.
Il y a partant lieu de donner acte aux parties en cause de leur accord à voir appliquer en l’espèce la loi luxembourgeoise dans le cadre de la détermination des préjudices survenus lors de l’accident d’avion du 6 novembre 2002, de la reconnaissance par les défendeurs au civil du principe même de leur responsabilité civile et de la relation causale entre leurs fautes respectives et les suites dommageables de l’accident et de leur accord à voir appliquer le droit commun, en l’occurrence à ne voir appliquer aucune limitation conventionnelle ou issue du droit international quant aux montants indemnitaires devant revenir aux ayants-droit des victimes de l’accident.
- A. Partie civile Pciv1
Le mandataire du demandeur au civil Pciv1 demande d’abord, par la voie orale, la réparation du préjudice ex haerede pour les moments d’angoisse vécus par son fils avant l’accident, ainsi que ses souffrances avant sa mort dues au fait qu’il est mort, brulé vif. Il rappelle que ce préjudice évalué au montant de 1.500€ avait été demandé en première instance.
Par conclusions additionnelles et modificatives présentées à l’audience du 11 octobre 2013, le mandataire de Pciv1 présente une constitution de partie civile écrite et il demande à voir fixer ce dommage ex haerede à un montant de 10.000€. Il y aurait ainsi lieu de tenir compte tant des moments d’énorme angoisse subis par la victime durant les manœuvres amorçant la chute fatale de l’avion que des souffrances endurées par lui avant sa mort, ... étant mort, brulé vif, dès lors qu’il ressortirait du rapport de l’expert ayant pratiqué l’autopsie que les blessures subies par ... en raison du crash n’auraient pas été mortelles, mais que c’étaient les « thermische Schädigungen » qui auraient causé sa mort.
Il en sollicite sa part successorale qui, en application du droit allemand, est constituée par la moitié de la succession, les seuls héritiers de feu ..., décédé ab intestat sans laisser d’enfants, étant ses parents selon le droit allemand, tel que cela aurait, par ailleurs, été acté par le « AMTSGERICHT » de Berlin.
Au titre du préjudice moral subi par Pciv1 pour la perte de son fils ..., décédé lors de l’accident de l’avion FOKKER de la LUXAIR, le mandataire du demandeur au civil demande la somme globale de 147.500€, somme qu’il divise en quatre chefs, le premier étant constitué par le dommage moral causé par l’incertitude le 6 novembre 2002 quant au retard du vol et par l’incertitude sur l’état de son fils pendant plusieurs heures d’attente après l’information qu’un accident avait eu lieu jusqu’à l’annonce du décès, ce dommage étant évalué à la somme de 7.500€.
Le second chef du dommage moral est constitué par le dommage subi en raison des ennuis, tracasseries et énervements subséquents à l’accident notamment dans le cadre de la liquidation des affaires du fils à Luxembourg et à l’étranger, en l’occurrence par le fait de devoir retrouver et répertorier 2.658 œuvres de l’artiste … réparties dans divers ateliers et galeries, dommage que Pciv1 évalue à la somme de 25.000€.
Le troisième chef du dommage moral subi par le demandeur au civil Pciv1 est constitué par les ennuis, tracasseries, énervements subséquents à l’accident lors de la procédure d’investigation, de la procédure d’instruction et judiciaire, ainsi que de la sollicitation publique et médiatique évalué à la somme de 35.000€.
Le quatrième chef de la demande de Pciv1 en réparation du dommage d’affection subi en raison de la perte de son fils, évalué à la somme de 80.000€, est constitué par son dommage moral subi en raison des circonstances particulièrement graves et tragiques qui ont entouré le décès de son fils, au regard du fait qu’il s’agit d’une catastrophe collective avec toutes les conséquences qu’une telle perte comporte. Le mandataire du demandeur au civil de citer un certain nombre de décisions françaises qui ont admis le caractère particulier du dommage moral des victimes par ricochet dans le cadre de catastrophes collectives (LGDJ Réparation en cas de catastrophe LACROIX, 88 181p.87, Tr.corr. Lyon 20.11.1972 Gaz. Pal. 1973 I p.11, Colmar Civil 2.7.2006, Dalloz 93 p.208 note Limbart, Colmar 7.11.2006 1744/06 p. 103-104, JCP 92 17.10.11 1118 42).
Pciv1 fait ensuite valoir un dommage psychique et traumatique, distinct du préjudice moral pour perte d’un être cher et du deuil normal enduré de ce fait, en ce que le demandeur au civil ressentirait encore aujourd’hui les conséquences psychiques résultant de l’accident d’avion, en l’occurrence il souffrirait d’un syndrome de stress post-traumatique grave et chronique se manifestant par des dépressions et états d’extrême anxiété.
Le mandataire du demandeur au civil sollicite à ce titre l’allocation d’une somme de 60.000€ sous la réserve expresse d’augmentation en cours d’instance et demande, au besoin, de faire étayer la réalité du dommage en question par expertise, d’en évaluer l’ampleur et la gravité, ainsi que l’incidence sur la qualité de vie de la victime et de vérifier si le syndrome est susceptible d’être amélioré par un traitement ou s’il est consolidé et d’en évaluer les conséquences. Le mandataire de Pciv1 propose l’expert Univ.Prof.Dr.med. Dipl.-Psch. Manfred E. BEUTEL aux fins de procéder, le cas échéant, à l’expertise.
Au titre de son préjudice matériel, Pciv1 demande la réparation de son dommage résultant des frais et honoraires d’avocats qu’il a dû débourser aux fins de sa représentation dans la procédure judiciaire, préjudice évalué dans un premier temps à la somme de 217.475,64€.
Par les conclusions écrites du 11 octobre 2013, précitées, le mandataire de Pciv1 demande à voir redresser la demande relative à la répétition des frais et honoraires d’avocat aux fins de voir tenir compte, d’une part, d’une erreur matérielle et, d’autre part, de tenir compte de la ventilation de ces frais et honoraires découlant de la convention transactionnelle du 29 août 2008 intervenue entre les sociétés DEUTSCHER LUFTPOOL et LUXAIR S.A. et le demandeur au civil, convention en vertu de laquelle il était de la commune intention des parties de ne pas considérer comme soldé le dommage matériel à naître du chef des postes de frais et d’honoraires d’avocat occasionnés postérieurement à la date de la signature de la convention du 29 août 2008 et qu’en conséquence le demandeur au civil présenterait une note de frais et d’honoraires ventilée, en l’occurrence divisée en une partie avant le 29 août 2008 et une partie après le 29 août 2008.
Sur base de ces éléments et selon le dernier état de ses conclusions, Pciv1 demande du chef de la répétition des frais et honoraires d’avocat la somme de 177.042,08€.
En ordre subsidiaire, le demandeur au civil demande ces frais au titre d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, sinon sur base de l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle.
Sur l’ensemble du dommage moral, le mandataire du demandeur au civil sollicite les intérêts au taux légal à partir du jour de l’accident et sur les frais et honoraires les intérêts à partir du jour du décaissement des sommes payées.
Quant aux revendications de la partie civile Pciv1, la défense des défendeurs au civil relève d’abord, quant au dommage moral, qu’il s’agit d’une notion qui est difficile à cerner et que si la jurisprudence admet la prise en considération des circonstances entourant un accident et son caractère particulièrement dramatique, toujours resterait-il que les circonstances particulières d’un accident aérien n’affecteraient pas la nature juridique du dommage moral stricto sensu. Le dommage moral subi par les victimes par ricochet à l’occasion d’un accident aérien ne pourrait varier qu’en teneur et ampleur le cas échéant, mais ne pourrait donner lieu à une réparation spécifique, le caractère de catastrophe collective d’un accident d’avion ne constituant qu’une des composantes du préjudice moral. Le mandataire des défendeurs au civil se réfère à cet égard à une décision de la Cour d’appel de Fort-de-France (MARTINIQUE) dans laquelle les juges, après avoir retenu l’attente entre la disparition de l’avion et l’annonce de l’accident, la longueur des opérations de secours ayant mis plusieurs jours avant de parvenir sur les lieux du sinistre, les difficultés d’identification des corps et le délai de rapatriement des corps, ont considéré un seul dommage moral amplifié et alloué, pour perte d’un être cher, une indemnité de 10.000 euros à la sœur d’une des victimes (CA Fort-de-France Ch. Civile 25.02.2011 n°09/00246 Jurisdata n°2011-07172 JCP, éd. Générale n°42 du 17.10.2011, p. 1859, n°1118 avec note de Loïc de Graëve). Ce faisant, ces juges auraient considéré l’angoisse subie par les membres de la famille de la victime d’un accident d’avion comme faisant partie du dommage moral.
De même, en l’espèce, les tracasseries subséquentes à la liquidation des affaires de son fils et les tracasseries liées aux procédures judiciaires se confondraient au dommage moral pour perte d’un être cher et il n’y aurait pas lieu de les traiter séparément du dommage moral.
L’appréciation du dommage moral devrait se faire in concreto et si en l’espèce il ne saurait être nié que le demandeur au civil Pciv1 a éprouvé du chagrin du fait de la perte de son fils, il faudrait cependant également considérer la circonstance que le père et le fils ne cohabitaient pas ce qui estomperait quelque peu les liens d’affection. Il y aurait lieu d’apprécier le dommage de Pciv1 au regard de la jurisprudence luxembourgeoise et de tenir compte des montants habituellement alloués aux victimes par ricochet.
Quant au dommage psychique et traumatique réclamé par le demandeur au civil, il serait certes vrai que les juges luxembourgeois auraient admis une indemnisation distincte pour dommage psychique et traumatique en présence d’un préjudice anormalement grave. La défense des défendeurs au civil se rapporte à la sagesse de la Cour d’appel quant au bien-fondé de principe d’une réparation spécifique en l’espèce et quant à l’opportunité de l’instauration d’une expertise au vu de l’expertise unilatérale fournie en cause par le demandeur au civil qu’il n’y aurait pas lieu de commenter.
Le cas échéant il conviendrait de fixer le montant à allouer de ce chef ex aequo et bono, mais le montant éventuellement à allouer devrait être évalué au jour de l’arrêt à intervenir et ne devrait porter des intérêts qu’à partir du prononcé de l’arrêt, sinon à partir du jour de la demande en justice jusqu’à solde.
Quant au préjudice réclamé au titre de l’« actio ex haerede », les défendeurs au civil font plaider leurs doutes quant à la preuve de ce dommage allégué au vu du témoignage du seul passager survivant de l’accident, …, qui aurait déclaré que le vol s’est déroulé normalement, que les passagers avaient été informés de la présence de brouillard, que les turbulences étaient peu extraordinaires, que le train d’atterrissage était sorti et que l’hôtesse de l’air se comportait normalement, aucune panique ou désordre n’ayant régné dans l’avion avant le crash.
Les mandataires des défendeurs au civil concluent du témoignage du passager survivant de l’accident que la demande indemnitaire au titre du dommage ex haerede laisserait d’être justifiée et sollicitent son rejet. A titre subsidiaire, il y aurait lieu d’allouer de ce chef un montant équitable, compte tenu des circonstances de l’espèce, avec les intérêts à partir du jour de l’arrêt, sinon du jour de la demande en justice.
Quant à la demande tendant au remboursement des frais et honoraires d’avocat, la défense des défendeurs au civil des héritiers de feu P6, P5 et P7 soulève, en premier lieu, l’irrecevabilité de cette demande pour être nouvelle, les défendeurs au civil n’ayant pas présenté une telle demande en première instance.
En deuxième lieu, la défense des défendeurs au civil se base sur un arrêt de la Cour d’arbitrage belge du 19 avril 2006 (N° 57/2006, Moniteur, belge, 7 juillet 2006) pour opposer à la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat un moyen tiré de la violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après CEDH) en ce qu’en imposant au défendeur le remboursement des frais et honoraires d’avocat les droits de la défense seraient violés, d’une part, en raison du fait qu’en cas de rejet de la demande du demandeur au civil, le défendeur au civil se trouverait dans une situation moins avantageuse que le demandeur au civil qui prospère dans sa demande, dès lors que le défendeur au civil, pour se voir rembourser les frais et honoraires exposés, devrait établir que l’action du demandeur au civil était téméraire et constitutive d’une faute ou d’un dol spécial et en ce que, d’autre part, le défendeur au civil serait limité dans ses possibilités de relever appel d’une décision défavorable à son égard, dès lors qu’il courrait le risque de devoir supporter les frais et honoraires exposés en appel par le demandeur au civil dans l’hypothèse où il perdrait son appel.
En troisième lieu, la défense des défendeurs au civil estime qu’en tout état de cause, l’on ne saurait imposer l’intégralité des frais et honoraires exposés par le demandeur au civil en ce que sa demande était dirigée contre trois autres personnes qui ont été acquittées, de sorte que la partie des devoirs d’avocat concernant le dossier relatif aux prévenus acquittés devrait être exclue de la répétition des frais et honoraires.
En quatrième lieu, la défense des défendeurs au civil oppose à la demande de remboursement des frais et honoraires d’avocat un moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce que le montant des frais et honoraires d’avocat dépasserait celui relatif à tous les dommages réclamés.
En cinquième lieu, la défense des défendeurs au civil considère encore qu’il est inopportun de faire droit à une demande de remboursement de frais et d’honoraires d’avocat, dès lors que le fait de faire droit à une telle demande forcerait le juge à évaluer ces frais et honoraires ce qui constituerait une opération très délicate, la défense des défendeurs au civil donnant encore à considérer à cet égard que la taxation des frais et honoraires d’avocat serait de la seule compétence du bâtonnier de l’ordre des avocats.
Eu égard aux moyens exposés il y aurait lieu de rejeter la demande de Pciv1 tendant au remboursement des frais et honoraires d’avocat.
Pour le surplus, les mandataires des défendeurs au civil se rapportent, en ordre subsidiaire, à la sagesse de la Cour d’appel quant au quantum des montants de frais et d’honoraires facturés par le mandataire du demandeur au civil.
La défense des défendeurs au civil estime encore que, pour tous les montants que la Cour d’appel viendra à allouer au demandeur au civil, il y aurait lieu de ne faire courir les intérêts qu’à partir du jour du prononcé de l’arrêt à intervenir dès lors que l’évaluation des dommages n’aura été réalisée qu’à partir de ce moment.
La défense du défendeur au civil P1 se rallie à tous les moyens et arguments soulevés et développés par la défense des autres défendeurs au civil.
Le mandataire de Pciv1 réfute les moyens d’irrecevabilité et de fond opposés à ses demandes et il soutient d’abord, s’agissant du préjudice tiré de l’action ex haerede, que les moments d’angoisse des victimes de l’accident d’avion sont établis par les témoignages des personnes qui ont entendu les bruits de l’avion avant le crash et par l’expertise FAVÉ sur les séquences enregistrées du FDR et du CVR.
Ainsi, les témoins auditifs de l’accident auraient décrit des hurlements de moteurs et des bruits tout à fait anormaux avant le crash de l’avion et même le témoin …, qui souffrirait sans doute d’une amnésie rétrograde, tout à fait compréhensible en raison de ses graves blessures, aurait indiqué devant le juge d’instruction qu’il avait remarqué des vibrations et senti une secousse sans pouvoir déterminer si celle-ci provenait de l’avion qui tombait ou du choc par l’avion sur le sol.
Enfin, le rapport des experts, qui ont analysé les paramètres du vol et ont pu reconstituer le temps avant le crash, permettrait de retenir que l’avion est encore tombé d’une hauteur de 476 mètres avant de toucher le sol. Or, sur base de l’état du cockpit, de la position sur ON des interrupteurs ignition LH et RH de l’Engine control Panel, l’expert aurait conclu que « l’équipage a ensuite tenté une remise en marche des moteurs. Cette indication peut laisser penser que l’équipage aurait appliqué la procédure de panne des deux moteurs qui demande leur coupure avant leur rallumage ».
Ainsi, à partir du moment où l’avion aurait commencé à se comporter de façon anormale, c’est-à-dire à partir du moment où, après avoir remis les gaz pour un go-round, le pilote a réduit les gaz en position « ralenti » pour ensuite passer en reverse (assimilable à un passage en marche arrière en plein vol) avec les hurlements des moteurs accompagnant la manœuvre, moteurs qui finalement sont passés en régime de surpuissance et ont dû être coupés par les pilotes durant la perte de contrôle de l’avion qui tournait sur son aile droite avant de s’écraser, les passagers ont dû se rendre compte du danger.
Au regard de ces témoignages et de la procédure de panne précitée, il serait de mauvaise foi que de prétendre que les passagers ne se seraient pas rendus compte de l’imminence du crash de l’avion et de leur mort.
Dans le cadre de l’action ex haerede de Pciv1 il y aurait encore lieu de tenir compte du fait que … est décédé des brûlures subies ce qui résulterait du rapport d’expertise WILSKE qui aurait constaté que les blessures subies par la victime … suite à l’impact de l’avion au sol n’auraient pas été mortelles.
Tous les autres postes du dommage moral subi par le demandeur au civil Pciv1 seraient justifiés par les éléments exposés ci-dessus et les arguments des défendeurs au civil pour les réfuter ne seraient pas pertinents.
Quant aux moyens opposés à la demande de remboursement de la note de frais et d’honoraires telle que révisée par les conclusions du 11 octobre 2013, la défense de Pciv1 relève que le principe même du droit à la répétition des frais et honoraires d’avocats aurait été retenu par la jurisprudence luxembourgeoise (CASS. 09.02.2012 5/12 reg. N° 2881 et App. 494/12 V du 06.11.2012, Not. 27213/07/CD) et ne pourrait plus être remis en question.
Ce principe constituerait également l’illustration du principe supérieur du droit à un procès équitable inscrit à l’article 6 de la CEDH et, contrairement au moyen obscur de violation de l’article 6 de la CEDH dans le contexte de la demande de remboursement des frais et honoraires d’avocat opposé par la défense des défendeurs au civil, il appartiendrait au juge national, en tant que juge des droits de l’Homme et le gardien du procès équitable de veiller à ce que les frais et honoraires d’avocat déboursés par la victime lui soient remboursés intégralement et ce indépendamment de tous principes de droit interne quelle qu’en soit la source. L’article 6 de la CEDH ne s’opposerait pas à la répétition intégrale des frais et honoraires d’avocat déboursés par la victime, mais garantirait plutôt un tel remboursement, la demande en question devant toujours s’apprécier in concreto.
En l’espèce, le rétablissement d’un procès équitable pour la victime par ricochet de l’accident d’avion ne pourrait se faire que par l’allocation des débours effectués, dès lors que tous les prévenus et défendeurs au civil se seraient vus payer leurs frais et honoraires d’avocat, qu’ils étaient gratuitement assistés par des avocats au cours de toute la procédure, que les frais et dépens de la première instance incombant aux prévenus condamnés auraient certainement été liquidés et que les prévenus n’auraient donc eu qu’à payer leurs amendes respectives de 4.000€, 2.500€ et 2.000€, tandis que les victimes qui n’auraient strictement rien à se reprocher seraient forcées d’assumer l’intégralité des frais et honoraires d’avocats exposés pour leurs défenses.
Quant au moyen d’irrecevabilité opposé à la répétition des frais et honoraires d’avocat exposés, tiré de la nouveauté de la demande, le mandataire du demandeur au civil Pciv1 relève, en premier lieu, que dans la mesure où le fondement du principe de l’interdiction de présenter une demande nouvelle en instance d’appel réside dans le droit du justiciable de bénéficier d’un double degré de juridiction et dans la mesure où, en l’espèce la Cour d’appel a, dans sa décision rendue exclusivement sur la compétence, retenu que les juges de première instance avaient épuisé leur juridiction et s’est déclarée saisie de l’intégralité des demandes civiles, elle a dérogé au principe du double degré de juridiction et la partie civile peut prendre devant la Cour d’appel toutes les conclusions qu’elle juge convenir et même augmenter ses conclusions originaires prises devant le premier juge sans se voir opposer l’irrecevabilité de la demande pour être nouvelle en instance d’appel.
En ordre subsidiaire, le mandataire de Pciv1 invoque la fixation d’un commun accord du contrat d’instance en appel et il se réfère à la correspondance entre les avocats selon laquelle le mandataire des défendeurs au civil a accepté le principe de procéder sans aucune réserve et sans aucune limite à une réparation intégrale des préjudices subis selon le droit commun luxembourgeois.
En ordre encore plus subsidiaire, le mandataire du demandeur au civil soutient que la demande tendant au remboursement des frais et honoraires exposés ne constitue pas une demande nouvelle en faisant valoir que, lors de la première instance, il a exclusivement justifié sa demande en allocation d’une indemnité de procédure par les frais et honoraires non compris dans les dépens. Pour autant que de besoin, le mandataire du demandeur au civil Pciv1 offre de prouver cet état des choses par l’audition du président de la chambre correctionnelle qui a siégé dans l’affaire en première instance et de Maître Christian LAUER, avocat de la partie Pciv2, qui a déjà fourni une attestation testimoniale écrite à cet égard.
Le mandataire de la partie Pciv1 ajoute que le changement de base légale et l’augmentation du montant réclamé au titre de ce dommage matériel ne sont pas à qualifier de demande nouvelle. Il résulterait de la jurisprudence relative à l’article 592 du nouveau code de procédure civile qu’une prétention différente par son objet, mais virtuellement comprise dans une demande antérieure échapperait ainsi à la qualification de demande nouvelle, de même qu’une demande différente par son fondement juridique ne serait pas nouvelle, dès lors que la cause constituée par les faits invoqués à l’appui de l’action resterait la même. Pour les frais et honoraires d’avocat, il serait ainsi indifférent qu’ils soient demandés à titre d’indemnité de procédure ou à titre de réparation du dommage matériel. Il faudrait éviter une immutabilité trop rigide et surtout en l’espèce où le demandeur au civil serait privé d’un double degré de juridiction, le principe de l’équité du procès interdirait tout formalisme excessif.
En ordre tout à fait subsidiaire, il y aurait lieu de relever qu’en tout état de cause deux postes de frais et honoraires seraient relatifs à l’instance d’appel et n’auraient de ce fait pas pu être réclamés en première instance.
Quant au moyen tiré de la ventilation des demandes en ce qu’elles étaient et sont toujours dirigées contre plusieurs défendeurs au civil, le mandataire de Pciv1 estime qu’il n’est pas fondé, dès lors que le procès trouve sa source dans toutes les poursuites d’office exercées à l’encontre des prévenus et défendeurs au civil, que la victime subit donc l’intégralité du procès, qui doit être traitée en entier par sa défense.
Quant au moyen tiré du défaut de proportionnalité entre les frais et honoraires déboursés et l’ampleur de la demande relative aux préjudices dont la réparation est demandée, le mandataire fait valoir que la prise en considération de ce moyen reviendrait à priver les victimes d’un accès à la justice, ce qui constituerait également une violation de l’article 6 de la CEDH. En outre, l’action civile aurait deux objets, en l’occurrence un objet civil consistant dans la réparation du dommage découlant de l’infraction commise et un objet pénal visant à la reconnaissance de l’infraction et la condamnation de son auteur. Dans la mesure où l’action civile et la constitution de partie civile auraient pour objet essentiel la mise en mouvement de l’action publique en vue d’établir la culpabilité de l’auteur présumé de l’infraction, son action ayant une finalité répressive et vindicative, et que la partie civile pourrait activement participer au déclenchement et au déroulement du procès pénal, sa collaboration à l’administration de la justice pénale engendrerait pour elle le droit et la nécessité d’être préparée au même degré que les autres parties au procès et de se servir de tous les moyens qui sont à la disposition des autres parties. Elle participerait dès lors au niveau de la poursuite en tant que contrepoids important au principe de l’opportunité des poursuites, au niveau de la recherche des preuves tant de l’infraction que de son préjudice et au niveau de la détermination de la peine.
Selon le mandataire du demandeur au civil Pciv1, ce rôle de la partie civile justifie la grande rigueur dans la préparation du procès et l’étendue des frais et honoraires et plus particulièrement en l’espèce où l’intervention de Maître Urbany en relation avec l'enregistrement original et intégral du CVR qui aurait contribué à établir la responsabilité pénale du pilote P1. Il ne saurait par conséquent être fait grief à la partie civile d’avoir engagé des frais et honoraires subséquents aux fins d’obtenir gain de cause.
Enfin, quant au quantum des honoraires, à le supposer contesté par les défendeurs au civil, le mandataire de Pciv1 demande, aux fins de déterminer le respect de l’égalité des armes et l’équité du procès, qu’il soit enjoint aux parties défenderesses au civil de communiquer et de verser aux débats toutes les factures de frais et d’honoraires payés pour leurs défenses jusqu’à ce jour et que Maître Jean HOSS, ancien bâtonnier, soit nommé avec la mission de vérifier si les frais et honoraires facturés par le mandataire de Pciv1 sont justifiés par les prestations accomplies dans le dossier, Maître HOSS ayant été l’avocat d’une des parties acquittées.
En ordre encore plus subsidiaire, pour autant que la demande soit considérée comme une indemnité de procédure, le mandataire de Pciv1 estime, d’une part, que le fait d’écarter l’application de l’article 240 du nouveau code de procédure, comme base de cette demande, serait contraire au principe selon lequel ce sont les règles de droit commun qui s’appliquent devant les juridictions répressives, lorsque le code pénal ou le code d’instruction criminelle ne prévoient rien sinon, d’autre part, que l’article 194, alinéa 3 devrait trouver à s’appliquer en tant que règle de procédure qui s’applique immédiatement aux procès.
Les mandataires des défendeurs au civil P5, P7 et MM-MC-SS répliquent, quant au moyen d’irrecevabilité en raison du caractère nouveau de la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat, que contrairement au droit français, qui définit la demande nouvelle en retenant que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, le droit luxembourgeois consacre le caractère nouveau d’une demande en raison du changement de la cause et de ce fait consacre la prohibition de toute demande en instance d’appel qui diffère par un de ses éléments constitutifs, - partie, objet, cause – de celle formée en première instance et le demandeur ne saurait, en instance d’appel, substituer à l’action par lui engagée en première instance une demande qui diffère par sa cause.
En l’espèce, les parties n’auraient formulé en première instance que des demandes en allocation d’une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle. Or, l’indemnité de procédure de l’article 240 du nouveau code de procédure civile ou de l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle serait juridiquement distincte des frais et honoraires d’avocat et l’action en responsabilité en répétition des frais et honoraires d’avocat se baserait sur la faute, tandis que le fondement de l’indemnité de procédure ne serait certainement pas une faute, mais fondamentalement le droit d’accès à la justice tempéré par des considérations d’équité et ce droit d’accès ne donnerait pas lieu à la réparation de l’intégralité du préjudice subi, mais à la fixation d’une indemnité.
La demande en répétition des frais et honoraires d’avocat différerait encore des demandes en réparation du préjudice moral formulées par les parties en première instance, qui ne viseraient pas une identité de résultat et ne seraient donc pas équivalentes, dès lors qu’elles tendraient à la réparation d’un préjudice moral et non matériel. Toutes les demandes formulées en première instance par la partie civile différeraient par leur objet de la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat et par leur cause constituée par les prestations juridiques et administratives fournies qui n’auraient pas été dans les débats en première instance.
Quant au moyen relatif à l’article 6 de la CEDH, le mandataire des défendeurs au civil admet que la jurisprudence luxembourgeoise a consacré le principe de la répétition des frais et honoraires d’avocat par un arrêt de la Cour de Cassation récent (CASS. 09.02.2012, JTL 2012, 20,54) et que la tendance à allouer cette réparation remonte à l’année 2000 et a également été retenue par la jurisprudence belge qui a considéré dans un arrêt de revirement (CASS 02.09. 2004 JT 2004, 28,684 obs. B DE CONINCK) également les frais et honoraires comme préjudice réparable. Cependant, le législateur belge serait intervenu par une loi du 21 avril 2007 pour placer la répétibilité dans le champ des dépens de l’instance, notamment en raison de graves difficultés d’application posées par la jurisprudence et la plus grande difficulté que devait surmonter la loi belge de 2007 était celle de la contrariété du caractère répétible des frais et honoraires avec l’article 6 de la CEDH, ce qu’avait jugé la Cour d’arbitrage belge dans un arrêt du 19.04.2006 (JT 2006,16,285), précité, en retenant que «si l’action en responsabilité est déclarée fondée, il est judiciairement établi que le défendeur ou le prévenu ont commis une faute, tandis que la décision qui déboute le demandeur ou la partie civile ne contient pas la démonstration d’une faute qu’ils auraient commise ». « Or, dans l’état actuel du droit, les parties à un procès ne peuvent être indemnisées des honoraires et frais d’avocat qu’en subissant les différences de traitement examinées….. Même si celles-ci sont justifiées au regard des règles de la responsabilité civile, elles ne satisfont pas aux exigences du procès équitable et de l’égalité des armes, puisque les parties assument inégalement le risque d’un procès ».
L’analyse de la Cour d’arbitrage serait corroborée par les travaux préparatoires de la loi du 6 octobre 2009 concernant les victimes d’infractions pénales, l’avis du Parquet général sur le projet initial, qui comportait la possibilité de condamner, à la demande de la partie civile, le prévenu ou la partie civilement responsable, à rembourser à la partie civile tout ou partie des honoraires d’avocat, qualifiant ce texte d’inégalitaire et d’entrave aux droits de la défense dans la mesure où le texte omettrait de préciser suivant quel critère et pour quel motif cette condamnation serait à prononcer et pourrait le cas échéant être considérée comme une peine supplémentaire, dans la mesure où seule la condamnation du défendeur au civil y serait prévue, alors que l’inverse n’est pas possible même si le prévenu est acquitté sur la citation directe de la partie civile et dans la mesure où le quantum des honoraires risquerait d’être supérieur à celui de la condamnation si le prévenu utilise des voies de recours tel l’appel. Suite à ces critiques le législateur aurait d’ailleurs opté pour l’actuelle indemnité de procédure de l’article 194, alinéa 3, du code d’instruction criminelle, ce qui démontrerait encore la volonté du législateur de ne pas suivre la voie de la répétition des frais et honoraires d’avocat exposés. L’on ne saurait écarter le moyen au motif que l’appréciation des violations des droits protégés par la CEDH se ferait toujours in concreto et la Cour de Cassation luxembourgeoise, en consacrant une interprétation de la notion de préjudice réparable en ce sens qu’elle inclut les frais et honoraires d’avocat, se serait livrée à une interprétation générale et abstraite de cette notion qui risquerait de conduire à des conséquences inacceptables au regard d’une valeur fondamentale de notre système juridique.
Les mandataires des défendeurs au civil déduisent de toutes ces considérations que la répétition des frais et honoraires d’avocat viole l’article 6 de la CEDH et il demande, par conséquent, le rejet de cette demande.
En tant que basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile ou sur l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle, la demande en répétition des frais et honoraires serait encore irrecevable, la Cour de Cassation ayant écarté l’application de l’article 240 en matière pénale et l’article 194, alinéa 3 ne s’appliquant, selon la loi du 6 octobre 2009, qu’aux faits qui se sont produits après son entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2010.
Appréciation de la Cour d’appel
Le préjudice pour perte d’un être cher
Le préjudice moral pour perte d’un être cher consiste essentiellement dans le préjudice d'affection que constitue la perte de l’être cher. C’est en quelque sorte le prix des larmes qui est à payer, c’est la douleur, la souffrance psychologique liée à la perte de l’être cher qui doit être réparée et pour l'appréciation de l'importance du dommage, il faut tenir compte tant des liens de parenté et des relations d'affection ayant existé entre la victime directe et la victime par ricochet, que des circonstances du décès du proche. Si les sommes allouées ne peuvent jamais correspondre à la valeur de la vie perdue, il s’agit d’apaiser la douleur du chagrin par une satisfaction matérielle ou un bien-être moral ou intellectuel que peut procurer une compensation pécuniaire.
La jurisprudence luxembourgeoise admet en général que le préjudice moral entraîné par la perte d’un être cher est présumé exister en présence d’un lien de sang tel le lien de filiation entre les enfants et leurs parents. (Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques 2e édition, n°1077 et suivants, p. 822 et suivantes). La détermination du préjudice en question doit être faite en fonction des circonstances de la cause, le dommage étant à apprécier « in concreto », ce qui implique que tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer.
En raison des circonstances particulièrement éprouvantes qui ont entouré le décès d’une personne, il peut être admis que le préjudice moral de la victime par ricochet est particulièrement grand. Par circonstances entourant le décès d’une personne il faut entendre, par exemple, les circonstances dans lesquelles le décès est survenu, - la dimension collective de l’accident, le décès par homicide volontaire ou assassinat -, les circonstances dans lesquelles l’annonce du décès du proche se fait, les circonstances de l’identification du corps du de cujus, le fait de la disparition de la personne décédée pendant un certain temps sans que l’on sache quelque chose sur son sort, la médiatisation du décès ou encore une procédure judiciaire longue et médiatisée, sans que pour autant un de ces éléments ne doive donner lieu à un préjudice moral spécifique, individuel et indépendant.
De même la liquidation des biens de la personne décédée fait partie des circonstances de son décès, l’arrangement des affaires du de cujus incombant toujours à ses proches comme faisant partie de son décès et partant s’englobant dans le préjudice moral du chef de la perte de l’être cher éprouvé par les proches concernés.
Il n’y a donc pas lieu d’instaurer une catégorie spécifique de préjudice moral dans le cadre d’une catastrophe aérienne, le préjudice en résultant pour les membres des familles des victimes décédées restant moral et lié à leur intérêt personnel.
Il n’y a pas de catégorie spécifique de dommage moral résultant du décès d’un proche, qui reste à être considéré dans sa globalité et dont la teneur et l’étendue sont à apprécier selon les circonstances qui ont entouré le décès de la personne en cause. (Cour d’appel Fort de France Chambre civile 25.02.2011, note par Loïc de Graëve, La Semaine juridique Edition Générale n° 42, 17.10.2011, 1118).
Les circonstances tenant à la dimension collective de l’accident, qualifié de catastrophe en raison du nombre de victimes, au mode de transport incriminé présenté comme statistiquement sûr, au délai nécessaire à l’identification et à la restitution des corps particulièrement meurtris, ainsi qu’à l’attente et l’angoisse des familles, de même que l’annonce et les commentaires réguliers de l’accident dans les médias justifient une majoration de l’évaluation du préjudice moral normalement admise pour les accidents de la circulation (C. LIENHARD note sous T.G.I Colmar (CIVI) 02.07.1992 D. 1993, 2008 ; Victimes de violences et d'accidents collectifs. Situations exceptionnelles, préjudices exceptionnels : réflexions et interrogations, Médecine et Droit, éd. Elsevier, novembre-décembre 2000, n°45).
En l’espèce l’accident aérien du 6 novembre 2002 présente certainement un caractère exceptionnel au vu du nombre des victimes - (il n’y a eu, au Grand-Duché, que très peu d’accidents en matière d’aviation civile ayant entraîné un grand nombre de décès; voir l’accident d'un Illyushin 62M d'Aeroflot à Findel après l'atterrissage le 29 septembre 1982 avec 14 morts et 63 survivants) -, au vu de l’attente et de l’angoisse des proches des passagers de l’avion et au vu de la large médiatisation et de la longue procédure judiciaire, qui a révélé la faute humaine à l’origine de l’accident.
En tenant compte, d’une part, des circonstances ayant entouré le décès de ... et, d’autre part, du fait que le père et le fils ne cohabitaient pas et, tout en rappelant que le préjudice moral de la mère de l’hôtesse de l’air décédée lors de l’accident a été réparé en première instance par l’allocation de la somme de 30.000€, il y a lieu d’allouer à Pciv1 en réparation de son préjudice moral subi du fait de la perte de son fils la somme de 45.000€.
Sur cette somme, les intérêts légaux courent à partir du jour de l’accident -6 novembre 2002- jusqu’à solde.
Aux termes de l’article 50 du code pénal, les défendeurs au civil sont à condamner solidairement au paiement de la somme précitée.
Le préjudice psychique et traumatique
Il n’est pas exclu que, dans des cas particulièrement graves un proche de la personne décédée, en l’occurrence un père ou une mère, peut être anormalement traumatisé, ce qui justifie, le cas échéant, une indemnisation distincte. Ainsi, ne saurait être exclue la possibilité d’un dommage psychique, traumatique distinct du dommage pour perte d’un être cher, dommage qui est à prouver et à évaluer suivant des critères distincts du dommage moral d’affection pour perte d’un proche.
Le mandataire de Pciv1 se base, en l’espèce, sur deux rapports d’évaluation psychologique, établis en date des 30 novembre 2011 et 13 septembre 2013 par Thierry SIMONELLI, docteur en psychologie et master en sciences humaines cliniques, qui a retenu dans le chef de Pciv1 un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) sérieux et chronique suite au décès de son fils.
Selon le psychologue, Pciv1 présente tous les symptômes du SSPT, en l’occurrence, la reviviscence répétitive du vécu traumatique, la réapparition involontaire de souvenirs accompagnés d’affects envahissants, la répétition de cauchemars, l’estompement affectif, l’anhédonie, des sentiments de torpeur et les tentatives d’évitement des situations ou des lieux associés à l’évènement traumatique, avec une hyperexcitabilité et une hypervigilance accompagnées par des symptômes d’anxiété et de dépression, qui chez Pciv1 auraient débuté immédiatement en réaction à l’événement et présenteraient un caractère chronique sans interruption indiquant un pronostic peu encourageant.
Dans son rapport complémentaire du 13 septembre 2013, le psychologue conclut que Pciv1 continue de souffrir d’un SSPT caractérisé, sérieux et chronique. Il préconise un traitement psychothérapeutique en vue d’un soulagement du moins partiel des symptômes, tout en relevant qu’un tel traitement ne devrait commencer qu’après la procédure judiciaire constituant pour la victime toujours des stimulations externes de nature à provoquer la virulence des symptômes, mais qu’avec un traitement adéquat une réévaluation après une année devrait pouvoir permettre de reconsidérer le pronostic actuel et de se prononcer éventuellement sur un état consolidé.
Il ressort de ces rapports, non autrement contestés par les mandataires des défendeurs au civil, que Pciv1 a subi un syndrome post-traumatique spécifique correspondant aux effets psychologiques persistant du traumatisme vécu, et constitué par un état séquellaire maladif durable dépassant les souffrances endurées à la suite du décès d’un proche de sorte que sa demande tendant à la réparation du préjudice psychique et traumatique est fondée en principe et à évaluer indépendamment du préjudice moral pour perte d’un être cher, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise.
Même si selon le psychologue, l’état de santé de Pciv1 n’est pas consolidé, la Cour d’appel estime que dans la situation de l’espèce, il y a lieu d’ores et déjà de procéder à l’évaluation du dommage en question, dès lors que la procédure judiciaire relative à l’évènement qui a déclenché le SSPT constitue un facteur qui maintient, voire aggrave le syndrome en question.
Au vu des éléments de la cause et des rapports SIMONELLI, la Cour d’appel fixe à 25.000€ la somme à allouer au demandeur au civil en réparation de son préjudice psychique et traumatique. Dans la mesure où le psychologue retient que le SSPT est apparu dès l’accident, les intérêts légaux sur la somme de 25.000€ sont à allouer à partir du 6 novembre 2002.
Le préjudice ex haerede
L’« actio ex haerede » concerne le dommage subi par la victime suite aux souffrances physique et morale qui ont précédé son décès, s'il est établi qu'elle en a eu conscience. Le droit à réparation du dommage causé par une infraction à une victime qui vient à décéder tombe dans son patrimoine qui est dévolu à ses héritiers. Le caractère indemnisable de ce préjudice est reconnu lorsque la victime ne décède pas instantanément, si elle ne perd pas connaissance ou reprend connaissance et a été consciente de son état avant de mourir, ou lorsqu’il est établi que la victime d'un accident a aperçu à l'avance le danger auquel elle était exposée au regard de l’imminence du danger.
En l’espèce, concernant la conscience de l’imminence de l’accident dans le chef de la victime ..., il ressort du dossier que le seul passager survivant de l’accident, …, entendu une première fois par la police en date du 13 novembre 2002 et une seconde fois par le juge d’instruction en date du 4 juillet 2003, n’a pas ressenti quoi que ce soit d’anormal avant le crash de l’avion, sauf des vibrations très fortes lorsque l’avion pénétrait dans les nuages.
Auditions du témoin par la police et le juge d’instruction:
Annexe au rapport n°91666 du 08.11.2002 du service de police judiciaire audition du 13.11.2002 :
« Quand nous avons commencé à descendre, je me suis dit : « tiens, il ne nous a rien dit ». Je pouvais voir à travers la fenêtre que les roues sortaient normalement et que nous étions arrivés dans les nuages. Dans les nuages, l’avion a commencé à taper ce que j’ai trouvé absolument normal. J’avais déjà senti ce type de vibrations lors d’autres atterrissages avec d’autres avions dans le brouillard.
A un certain moment, j’ai perdu conscience et je suis revenu à moi, allongé par terre, en dehors de l’avion, attaché à mon siège. Je crois que le siège se trouvait au-dessus de moi.
Sur questions:
- Je ne peux pas vous dire si les moteurs se sont arrêtés ou non. De ma fenêtre, je n’ai pas pu voir les hélices ;
- L’avion est descendu comme d’habitude ;
- L’avion n’a ni tourné à gauche ni à droite ;
- Il n’y avait aucune panique à bord ;
- Il n’y avait pas de fumée à bord ;
- Je ne peux pas dire, si un phénomène de trou d’air a eu lieu pendant la descente ;
- L’hôtesse de l’air se comportait tout à fait normalement ;
- Je ne peux pas dire si l’éclairage intérieur s’est éteint ;
- J’ai les blessures suivantes… ».
Audition par le juge d’instruction Georges OSWALD du 04.07.2003 :
« Je me souviens que lorsque l’avion pénétrait dans les nuages, je sentais des vibrations très fortes de l’avion et je regardais plus concrètement à l’extérieur. Je remarquais que le train d’atterrissage était sorti sans cependant pouvoir vous dire s’il était sorti depuis longtemps. Je dois dire que j’ai déjà senti ce genre de vibrations auparavant lors d’autres atterrissages dans le brouillard et pour moi cela n’avait rien d’anormal. Je tiens à préciser ici qu’à mon souvenir, j’étais assis du côté gauche dans la rangée n° 11. En tout cas, je pouvais voir de derrière l’aile gauche et le train d’atterrissage. Je ne sais pas si je pouvais voir l’hélice gauche. Je n’y ai pas fait attention ».
Si donc le témoignage du passager qui a survécu l’accident peut constituer une indication qu’il n’y avait certes pas de panique à bord de l’avion lors d’une partie de sa descente, il ne saurait cependant être fait abstraction du fait que les passagers devaient, juste avant le crash, se rendre compte qu’ils couraient un danger dans la mesure où il ressort du rapport de l’expert FAVÉ du 8 décembre 2003 établi sur ordonnance du juge d’instruction qu’au cours des derniers instants avant l’impact de l’avion au sol, le vol ne s’est pas déroulé normalement, les constats de l’expert étant corroborés par les témoignages des personnes qui ont entendu le crash de l’avion.
Expertise FAVÉ p. 33 et 34 :
- La vitesse verticale augmente brutalement. Entre 9h05’17’’ et 9h05’26’’, l’altitude enregistrée chute de 2.617 pieds à 2.145 pieds, soit une vitesse verticale moyenne de 3.200 pieds par minute, à comparer à sa valeur précédente de 700 pieds par minute,
- La vitesse indiquée diminue, sa valeur de n’étant plus de que de 114 kt à 9h05’24’’,
- L’assiette longitudinale diminue, passant de -7° à -16° à 9h05’24’’ avant d’augmenter légèrement pendant les deux dernières secondes de l’enregistrement du FDR,
- L’accélération verticale diminue beaucoup pour se situer pendant sept secondes aux valeurs de 0,5 0,6 0,7g avant de repasser au-dessus de 1g pendant les deux dernières secondes d’enregistrement du FDR.
Les derniers enregistrements du CVR, entre 9h05’19’’ et 9h05’29’’ où l’enregistrement s’est arrêté, le commandant et le copilote expriment leur effraiement, le commandant à 9h05’19’’ « Wât ass dât » et à 9h05’22’’ « Oh merde », le copilote à 9h05’28’’ « Bo dât war awer eng Lenk » et le commandant à 9h05’29’’ « Oh merde».
Ensuite après l’arrêt des enregistrements, l’avion est descendu d’une altitude de 1.563 pieds (476m) en 15 secondes soit entre 9h05’29’’ et 9h05’44’’ (disparition des radars à 9h05’44’’).
« Les deux enregistreurs, le CVR et le FDR, se sont arrêtés avant le contact de l’avion avec le sol. A 9h05’26’’, avant de s’arrêter, le FDR enregistrait l’altitude 2.145 pieds par rapport à la référence 1.013,2 hPa, soit approximativement 2.425 pieds par rapport au niveau de la mer, 1.210 pieds par rapport au seuil de la piste 24 et 1.563 pieds par rapport au point d’impact au sol qui est plus bas que l’aéroport.
L’avion disparaît des écrans radar à 9h05’44’’ (9h05’42’’ heure radar). Il est immédiatement retrouvé à 3,4 kilomètres du seuil de la piste 24, à 700 mètres du prolongement de son axe, par son travers nord-ouest.
Une fois l’avion immobilisé au sol, un incendie s’est déclaré. Il a détruit la partie centrale du fuselage, sans atteindre le cockpit ».
Les passagers de l’avion FOKKER ont ainsi été confrontés indubitablement à l’imminence du danger constitué par l’avion qui s’écrase et les souffrances ainsi endurées justifient un dédommagement que la Cour d’appel évalue ex aequo et bono à la somme de 1.000€ tenant compte de la courte durée de l’angoisse et du fait qu’il n’y avait pas de panique à bord.
Il résulte du document « Gemeinschaftlicher Erbschein » établi le 13 janvier 2003 par l’Amtsgericht Mitte Berlin que Pciv1 vient pour moitié dans la succession de son fils, de sorte qu’il a droit à la somme de 500€ du chef de son préjudice ex haerede.
Les intérêts sur cette somme de 500€ sont à allouer à partir du jour de l’accident.
Quant à la question des souffrances physiques endurées par la victime après le crash et avant sa mort, il ressort du dossier pénal que ... était décédé lorsqu’il a été trouvé et le rapport d’autopsie établi par le docteur Univ. Prof. Dr. med.J WILSKE retient de graves brûlures, ainsi que des fractures des côtes de deux côtés sans pour autant se prononcer sur la question du moment du décès de la victime. Or, en l’absence de preuve que la victime a survécu à l'accident et qu’elle était consciente entre le moment de l’impact de l’avion sur le sol et de son décès, il ne saurait être fait droit à la demande de Pciv1 au titre d’un préjudice ex haerede de ce chef.
Les frais et honoraires d’avocat
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH
En vertu de l’article 6 de la CEDH « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial ».
Bien que l’expression « égalité des armes » ne figure pas dans la Convention, la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après CH) l’a employée pour exprimer à la fois l’exigence d’équité, d’indépendance et d’impartialité, mais aussi comme une composante autonome du procès équitable. (arrêt CH du 30 juin 1959 Szwabowicz c. Suède, Neumeister c. Autriche (27 juin 1968); arrêt H. Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, La Cour donne au mot équité son sens étymologique d’égalité «aequitas», en formulant ce principe par a contrario, en jugeant qu’un procès ne serait pas équitable s’il se déroulait «dans des conditions de nature à placer injustement une partie dans une situation désavantageuse».
La CH a jugé que l’égalité des armes s’appliquait à toutes les procédures mettant en cause les droits ou obligations à caractère civil, même si le contenu du principe n’a pas la même implication en matière civile et pénale (arrêt Ruiz Mateos c. Espagne, 23 juin 1993 et arrêt Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993). Tout en donnant ainsi une portée générale à l’exigence d’égalité des armes, la juridiction des droits de l’homme n’a cependant pas entendu lui donner un caractère absolu : il n’est pas demandé que les Etats établissent une stricte égalité procédurale entre les parties mais seulement que celles-ci bénéficient d’une situation raisonnablement égalitaire. Ce qui importe c’est qu’aucune partie ne se voie conférer une position privilégiée, y compris s’il s’agit de l’Etat ou d’un service public tel que le ministère public (arrêt Hentrich c. France, 22 septembre 1994).
En tout état de cause, il appartient à la juridiction saisie de vérifier dans chaque cas concret si la procédure a été équitable dans son ensemble et, dans le cas où se trouve en cause la violation d'un droit protégé par
En l’espèce, la Cour d’appel ne saurait se rallier ni au raisonnement du mandataire du demandeur au civil Pciv1 selon lequel l’article 6 de la CEDH instaurerait d’office et automatiquement un droit à la répétition intégrale des frais et honoraires exposés par une victime ou une victime par ricochet dans le cadre du procès pénal dans lequel il intervient pour faire valoir ses droits à réparation de son préjudice ou dans le cadre d’un procès civil qu’il intente pour obtenir réparation de son dommage, ni à celui du mandataire des défendeurs au civil selon lequel la Convention européenne exclurait d’office les frais et honoraires d’avocat comme préjudice réparable dans le cadre de l’action en responsabilité.
L’article 6 de la CEDH ne réglemente, en effet, pas la prise en charge des frais et honoraires d’avocat, matière qui relève au premier chef du droit interne.
En droit luxembourgeois, la question des frais et honoraires d’avocat a été réglementée par l’article 131-1 du code de procédure civile, devenu l’article 240 dans la nomenclature du nouveau code de procédure civile, qui a été introduit par un règlement grand-ducal du 18 février 1987 et son libellé correspond textuellement à celui de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile français. « Lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine ».
L’application de cette disposition a cependant toujours été écartée dans le cadre des demandes civiles présentées devant les juridictions répressives au motif qu’elles ne constituent pas un procès de droit civil au sens large, n’étant qu’un accessoire de l’action publique et étant de ce fait de la compétence des juridictions répressives qui obéit aux règles de procédure contenues dans le Code d’instruction criminelle (Cour d’appel 16 janvier 1995, n° 21/95 VI.)
Une loi du 6 octobre 2009 a mis fin à l’exclusion de l’indemnité de procédure pour l’action civile devant les juridictions répressives.
Dans le projet de cette loi (Projet n° 5651, article 33), il était proposé de permettre la condamnation du prévenu ou de la partie civilement responsable au remboursement d’une partie ou de l’intégralité des honoraires d’avocat exposés par la partie civile : « Art. 195-1 du code d’instruction criminelle.- Le tribunal pourra, à la demande de la partie civile, condamner le prévenu ou la partie civilement responsable à rembourser à la partie civile tout ou partie des honoraires d'avocat exposés par celle-ci », mais à la suite des avis, notamment du Barreau de Luxembourg et du Parquet Général, le législateur a opté pour le même texte que celui applicable en procédure civile : « Avis du Conseil de l’Ordre : A titre d'exemple, le Conseil de l'Ordre voudrait souligner qu'il est inadmissible de prévoir une condamnation du prévenu ou de la partie civilement responsable au remboursement à la partie civile de tout ou partie des honoraires d'avocat exposés par celle-ci (article 33 du projet de loi), alors que le prévenu acquitté ne pourrait pas se voir rembourser les honoraires qu'il a dû payer. Il s'agit là d'un bel exemple d'une rupture du principe de l'égalité des armes ». « Avis du Parquet général : L'article 33 du projet de loi a pour objet de permettre à une partie civile de faire condamner le prévenu ou la partie civilement responsable à lui rembourser tout ou partie des honoraires d'avocat exposés par elle. Texte considéré par Monsieur le Procureur d'Etat à Luxembourg comme une innovation qui serait à saluer, il ne paraît toutefois pas dépourvu de difficultés. D'une part, le risque pour le prévenu de se voir condamner à rembourser les honoraires d'avocat à la partie civile, et alors que le texte omet de préciser suivant quel critère et pour quel motif cette condamnation serait à prononcer, pourrait, le cas échéant, être considéré comme une peine supplémentaire à caractère indéterminé, respectivement, dans la mesure où le quantum de la condamnation risque d'être plus important si le prévenu utilise des voies de recours, tel l'appel, comme une entrave aux droits de la défense. D'autre part, il est, du point de vue de l'égalité de traitement, difficile de saisir pourquoi la partie civile, qui est, du moins en première instance, par hypothèse la partie demanderesse, fût-ce par intervention, puisse faire condamner le prévenu, qui est, du moins en première instance, par hypothèse la partie défenderesse, au remboursement des honoraires d'avocat, alors que l'inverse ne serait pas possible, même si le prévenu était acquitté sur la citation directe de la partie civile. Il est d'ailleurs possible d'aller plus loin, comme l'a fait la justice de paix de Diekirch dans son avis, et de s'interroger pourquoi l'Etat ne devrait pas non plus pouvoir être condamné à rembourser les honoraires d'avocat au prévenu en cas d'acquittement de ce dernier. Monsieur le juge de paix directeur d'Esch-sur-Alzette se prononce dans le même sens en proposant concrètement d'adopter un texte similaire à l'article 240 du Nouveau code de procédure civile. Cette proposition ne manque pas de cohérence en droit. Il faut toutefois également tenir compte de l'impact concret de cette proposition ».
Les réticences exprimées par le Parquet général rejoignent l’arrêt de la Cour d’arbitrage belge du 19 avril 2006, précité, qui a jugé que l’inclusion des frais et honoraires d’avocat dans le préjudice réparable de la victime d’une infraction ne satisfait pas aux exigences du procès équitable et de l’égalité des armes puisque les parties assumeraient inégalement le risque d’un procès en ce que la décision qui déboute le demandeur ou la partie civile ne contient pas la démonstration d’une faute qu’ils auraient commise.
La Cour donne cependant à considérer qu’en vertu de l’article 212 du code d’instruction criminelle qui dispose que: «Si le jugement est réformé parce que le fait n'est réputé ni délit ni contravention de police par aucune loi, la Cour ou le tribunal renverra le prévenu, et statuera, s'il y a lieu, sur ses dommages-intérêts », la Cour peut allouer au prévenu acquitté des dommages-intérêts en réparation du préjudice à lui occasionné par l'appel de la partie civile, ce texte n’exigeant pas l’établissement d’une faute ou d’un dol spécial.
En tout état de cause, la jurisprudence luxembourgeoise, à laquelle la Cour d’appel se rallie (Cass. 9 février 2012, n°5/12, Numéro 2881 du registre ; C. App 13 octobre 2005, n°26892 rôle, JUDOC n°99859899, C. App. 11 juillet 2001 et 30 janvier 2002, n°24442 rôle ; C. App 6 novembre 2012, n° 494/12), a admis que la circonstance que l'article 240 du nouveau code de procédure civile (ou l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle) permet au juge, sur le fondement de l'équité, d'allouer à une partie un certain montant au titre des sommes non comprises dans les dépens, dont les honoraires d'avocat, n'empêche pas une partie de réclamer ces honoraires au titre de réparation de son préjudice sur base de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, à condition d'établir les éléments conditionnant une telle indemnisation, à savoir une faute, un préjudice et une relation causale entre la faute et le préjudice (JCL Proc. civ. fasc. 524, nos 6 ss., concernant la coexistence de l'article 240 et de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ; Georges RAVARANI, précité, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 2e édition 2006, n° 1040-1042, p.801-803).
Il reste que la question du caractère réparable ou non des frais et honoraires d’avocat est à apprécier « in concreto » dans le cadre de chaque affaire et il y a partant lieu d’examiner en l’espèce si et dans quelle mesure la demande de Pciv1 tendant au remboursement des frais et honoraires exposés est recevable et fondée.
Quant à la recevabilité de la demande
Quant au moyen tiré de l’article 592 du nouveau code de procédure civile
Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la décision de la Cour d’appel selon laquelle les juges de première instance saisis de l’entièreté de la cause ont, par leur décision d’incompétence, épuisé leur juridiction et selon laquelle, par l’effet dévolutif de l’appel au civil, la Cour d’appel se trouve saisie de l’intégralité des demandes civiles, ne saurait être interprétée comme mettant à néant les demandes civiles présentées en première instance et comme transformant, au niveau des demandes civiles la Cour d’appel en juridiction de première instance.
En effet, le fait qu’elle se soit déclarée incompétente pour connaître d’un certain nombre de demandes civiles et qu’elle ait de ce fait épuisé sa compétence n’implique pas que la juridiction de première instance n’ait pas été saisie de ces demandes.
S’il est certes vrai qu’une des raisons d’être de l’interdiction de présenter des demandes nouvelles en instance d’appel consiste à préserver aux parties le double degré de juridiction et que l’évocation prive les parties de ce double degré de juridiction faisant en quelque sorte disparaître la raison d’être de l’interdiction de la nouveauté de la demande, la règle de la prohibition des demandes nouvelles en appel trouve également sa raison d’être dans le principe d’immutabilité des demandes et dans un but de sécurité juridique et de confiance légitime aux fins d’éviter que le défendeur se voit confronté à la modification de l’instance pendante.
Il s’ensuit qu’en l’espèce les demandes civiles telles que présentées en première instance doivent être considérées et le moyen tiré de la violation de l’article 592 du nouveau code de procédure civile est recevable à être opposé en l’occurrence devant la Cour d’appel, étant admis encore qu’en cas de silence du Code d’instruction criminelle, le juge a recours, voire doit avoir recours, aux règles de la procédure civile (Roger Thiry, Précis d’instruction criminelle, n° 536.)
En vertu de l’article 592 du nouveau code de procédure civile, il ne peut être fait aucune demande nouvelle en instance d’appel, à moins qu’il ne s’agisse d’une demande accessoire. La Cour de Cassation française sous l’ancienne législation identique à notre actuel article 592 du nouveau code de procédure civile avait décidé que l’interdiction de former une demande nouvelle en appel exclut la possibilité d’élever le chiffre de la demande soumise en première instance. En effet, si l’article 592 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile a pris soin d’énumérer les accessoires de la demande originaire que le demandeur peut réclamer pour la première fois en instance d’appel, c’est qu’en principe, l’augmentation de l’objet n’est pas possible (cf. Dalloz Procédure civile et commerciale, verbo « demande nouvelle », n° 41). La jurisprudence luxembourgeoise considère que constitue une demande nouvelle, prohibée en instance d’appel, toute demande qui se différencie de celle présentée en première instance par son objet, sa cause ou son étendue (cf. Cour, 3 juillet 1997, n° 17597 du rôle), mais ne constitue pas une demande nouvelle prohibée en appel la demande présentée en degré d’appel qui, bien que n’ayant pas été expressément formée en première instance, était implicitement ou virtuellement contenue dans la demande sur laquelle le premier juge a statué (cf. Cour, 10 décembre 2009, n° 33772 du rôle).
En l’espèce, la demande tendant à la répétition des frais et honoraires d’avocat formulée par le mandataire de Pciv1 doit être considérée comme rentrant dans la constitution de partie civile formulée par le demandeur au civil PCIV1 en première instance, en l’occurrence la demande présentée à l’audience de la neuvième chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 10 octobre 2011, cette demande ayant porté sur la réparation du préjudice moral et psychique, ainsi que sur une indemnité de procédure sous réserve de majoration en cours d’instance, ainsi que sur la condamnation des défendeurs au civil au paiement de tous les frais et dépens de l’instance et « le tout sous réserve expresse et formelle de modifier et de majorer la constitution de partie civile présentée en cours d’instance et même en appel ».
Au regard de ces réserves et dans la mesure où il ressort de l’attestation testimoniale de Maître Christian LAUER que le mandataire, Maître Pol URBANY, du demandeur au civil Pciv1, a réclamé des dommages et réparations du préjudice subi par ce dernier dont réparation du préjudice financier que ce dernier a subi du fait des honoraires d’avocat qu’il a dû investir, le témoin précisant qu’il se rappelait que « cette dernière demande d’indemnisation a été faite principalement pour compenser les frais d’avocat comme indemnité de procédure » et dans la mesure encore où la question de l’irrecevabilité de la demande en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 194, alinéa 3, sinon sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, s’imposait, la constitution de partie civile du demandeur au civil présentée en première instance impliquait, à tout le moins implicitement, la demande en réparation du préjudice subi par le demandeur au civil en raison des frais et honoraires exposés dans le cadre du procès et les défendeurs au civil ne pouvaient se méprendre sur la nature et l’étendue de la demande en question.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité tirée de la nouveauté de la demande est à rejeter.
Quant au bien-fondé de la demande
Quant au moyen tiré du défaut de proportionnalité entre les frais et honoraires et l’intérêt du litige et quant au moyen tiré de l’exclusion des frais et honoraires exposés dans le cadre de la demande dirigée contre les prévenus acquittés
Pciv1 est une victime directe et par ricochet de l’accident d’avion au cours duquel son fils est décédé et la faute des défendeurs au civil P1, P6, P7 et P5 est acquise en l’espèce et le dommage dont se plaint la victime trouve sa cause dans cette faute.
S'il est vrai que le paiement des honoraires d'avocat trouve son origine première dans le contrat qui lie le client à son avocat, il est non moins vrai que si le dommage dont se plaint la victime trouve sa cause dans la faute du responsable, le recours à l'avocat pour obtenir indemnisation de ce dommage, bien que distinct du dommage initial, est une suite nécessaire de cette faute et partant en lien causal avec elle (JCL Resp. civ. fasc. 160, nos 36 ss.; Cass. Belgique, 2.9.2004, RGAR 2005, 13946 rejetant le pourvoi dirigé contre l’arrêt de la Cour d'appel de Liège du 2.11.2000, RGAR 2003, 13753; Civ. Bruxelles 25.2.2005, J.T. 2005, p.381 ; C. App. 13 octobre 2005, n°26892 rôle et RAVARANI, op. précité, n°1040, p. 801 et 802).
En l’espèce, tant la complexité factuelle que la complexité juridique du dossier imposaient à Pciv1 de faire appel à un avocat, en sa qualité de victime par ricochet de l’accident d’avion, pour faire valoir ses droits quant aux dommages que l’accident du 6 novembre 2002 lui a causés, même si le ministère d’avocat n’est pas requis lors de la constitution d’une partie civile.
En effet, d’une part, la détermination des dommages de la victime par ricochet présente une complexité juridique certaine et, d’autre part, la partie civile joue un rôle dans la participation à la manifestation de la vérité et contribue à l’établissement des responsabilités (Les droits de la partie civile dans le procès pénal, Frédérique AGOSTINI, conseiller référendaire à la Cour de Cassation, rapport annuel 2000 de la Cour de Cassation française).
En l’espèce, c’est bien le mandataire de la partie civile Pciv1 qui a permis à la juridiction de première instance de disposer d’une version complète de l'enregistrement phonique et conforme à sa version originale et qui a ainsi permis d’écouter les échanges oraux entre pilotes pendant la phase de descente et de l'approche, à une demi-heure au moins de la catastrophe et d’élucider le rôle des pilotes avant l’accident (voir jugement de première instance du 27 mars 2012, p.20: « L’exploitation et l’analyse, au cours de l’enquête judiciaire, des enregistrements sonores du Cockpit Voice Recorder (CVR) et les enregistrements des paramètres de vol par le Digital Flight Data Recorder (DFDR), récupérés pour ainsi dire intacts après l’accident, ensemble les enregistrements des échanges radiotéléphoniques à partir de la Tour de contrôle de l’aéroport de Luxembourg et ceux du radar d’approche de Luxembourg, ont permis de reconstituer avec une très grande précision la dernière phase du vol (jusqu’à environ les dernières trente secondes précédant l’écrasement au sol de l’appareil), et ont ainsi contribué d’une façon essentielle à l’élucidation des causes de l’accident). Il y a cependant lieu de relever déjà ici que cette analyse, plus particulièrement des enregistrements du CVR, s’est poursuivie jusqu’à l’audience du tribunal par les efforts déployés par le mandataire de la partie civile Pciv1 à l’aide de moyens techniques sophistiqués dont par ailleurs ni la méthode ni leur application ni les résultats n’ont été contestés. Cette analyse, soumise au débat contradictoire en audience publique, a permis non seulement d’affiner cet enregistrement sonore et d’améliorer la perception des bruits enregistrés dans le cockpit, mais encore de redresser des erreurs d’interprétation qui s’étaient glissées dans l’analyse originale soumise à la commission d’enquête technique et reprises sans être corrigées par l’expert judiciaire, et qui concernaient l’attribution de certaines paroles prononcées avant l’accident»).
Il s’ensuit que les frais et honoraires exposés par Pciv1 dans le cadre de l’affaire constituent un élément de son dommage qui donne lieu à une indemnisation, la reconnaissance de ce dommage dans le chef du demandeur au civil ne heurtant, par ailleurs, pas l’article 6 de la CEDH, dès lors qu’elle ne met pas le demandeur au civil dans une position privilégiée par rapport aux défendeurs au civil.
Quant à l’ampleur du dommage réparable, il faut distinguer entre, d'une part, la relation contractuelle entre l'avocat et son client, qui est mue par le principe de la libre fixation des honoraires, et d'autre part, la question de la réparation du dommage par le responsable qui ne peut être pénalisé par un choix de la victime qui contribuerait à augmenter son dommage (Bertrand De Coninck, La répétibilité des honoraires d'avocat dans le contentieux de la réparation du dommage, RGAR 2003, no 7, Cour 11.7.2001, S. et T. c/ Etat, no 24 442 du rôle). Le dommage réparable ne consiste donc pas nécessairement dans les honoraires convenus entre la victime et son avocat, respectivement facturés par ce dernier, mais doit être évalué selon le droit commun.
Dans l’évaluation du dommage le juge se basera sur des critères objectifs dont par exemple ceux figurant à l’article 38 de la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, de même qu’il tiendra compte de l’envergure financière de l’affaire et qu’il veillera à n’imposer au responsable que la part des frais et honoraires occasionnés par la défense le concernant, la victime ayant l’obligation de prendre toutes mesures raisonnables pour prévenir et atténuer les conséquences du sinistre.
S’agissant de la demande de Pciv1 qui réclame, selon le dernier état de ses conclusions, la somme de 177.042,08€, la Cour d’appel constate que cette somme est ventilée en quatre phases dont les deux premières concernent la première instance (16.840,28€ et 105.884,28€) et les deux dernières l’instance d’appel (29.997,50€ et 24.319,48€) et que le mandataire de Pciv1 lui a accordé une remise amicale et de solidarité de 25% sur les honoraires facturés.
Le premier montant (16.840,28€) est constitué par les vacations d’heures investies dans l’étude et la préparation du dossier, ainsi que les frais de constitution, de gestion, de bureau et de secrétariat et de frais de déplacement et tient compte d’une transaction intervenue entre l’assureur de la compagnie LUXAIR et le mandataire de Pciv1. La seconde somme concernant la première instance est constituée par un forfait de 75.000€ pour les devoirs relatifs au dossier, et les frais précités au montant de 17.824,15€, TVA non comprise, visant la période allant du 15 août 2011 au 8 décembre 2012. Les devoirs relatifs aux honoraires facturés ont visé tant les actuels défendeurs au civil que les autres personnes impliquées dans l’affaire.
Pour l’instance d’appel le mandataire de Pciv1 a facturé, pour la première phase, relative à la question de compétence de la juridiction répressive pour statuer sur les parties civiles, 204 vacations horaires au taux horaire de 180€, un pourcentage forfait de ce montant pour les frais du dossier et pour la seconde phase du procès la somme de 24.319,48€, soit au titre d’honoraires pour devoirs exécutés la somme de 19.763,90€ et un forfait de 7% sur les honoraires pour les frais.
Si les défendeurs au civil n’ont pas contesté en tant que tels les taux horaires retenus par le mandataire de Pciv1, ni le temps et les frais investis dans le dossier, il reste qu’au regard des principes ci-avant énoncés, il y a lieu de tenir compte tant de l’envergure de la demande civile présentée, que du fait qu’en première instance la demande de Pciv1 était dirigée contre trois prévenus et défendeurs au civil acquittés, que du choix du demandeur au civil de relever appel de la décision d’incompétence de la juridiction de première instance étant entendu que Pciv1 avait également engagé une action devant la juridiction civile aux mêmes fins que sa constitution de partie civile devant la juridiction répressive et qu’il aurait pu, après la décision d’incompétence, faire valoir ses droits devant le juge civil.
Au vu de ce qui précède et au regard du droit commun qui permet au juge de procéder par une évaluation ex aequo et bono, la Cour estime justifiée et adéquate, en l’espèce, l’allocation au demandeur au civil Pciv1 de la somme de 60.000€ en réparation de son dommage résultant des frais et honoraires d’avocats qu’il a dû débourser aux fins de sa représentation dans la procédure judiciaire.
Sur cette somme, les intérêts légaux sont à allouer à partir de la demande en justice et si la demande a été présentée lors de la première instance, les prétentions de Pciv1 n’ont cependant été fixées définitivement que par les conclusions additionnelles et modificatives à celles du 17 septembre 2013 présentées par son mandataire lors de l’audience de la Cour d’appel du 11 octobre 2013, de sorte qu’il convient de faire courir les intérêts sur cette somme à partir de cette dernière date.
Il résulte de ce qui précède que la demande de Pciv1 est fondée pour le montant global de 45.000€ + 25.000€ + 500€ + 60.000€ = 130.500€.
- B. Parties civiles Pciv9 et Pciv10
Les consorts Pciv9-10 demandent la réparation des préjudices matériel et moral subis en raison du décès de leur fils et frère ….
Pciv9 demande la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil P1, P5, les héritiers de feu P6 et P7 au paiement d’une somme globale de 116.530,47 + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 96.000€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 20.530,47€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Elle demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
La somme réclamée se divise en indemnisation du dommage moral subi par la demanderesse au civil du fait de la perte d’un être cher et par le préjudice ex haerede et du dommage matériel subi en raison de frais de déplacement et d’hébergement en relation avec l’accident, ainsi qu’en raison des frais et honoraires exposés dans la cadre du procès.
La demanderesse réclame ainsi la somme de 80.000€ en réparation de son dommage moral personnel pour la perte de son fils, dont à déduire la somme de 10.000€ payée par la société d’assurance le DEUTSCHER LUFTPOOL et la somme de 15.000€ en réparation du préjudice subi pour l’attente et l’inquiétude dues à l’incertitude quant au sort de son fils à la suite du crash de l’avion.
Pciv9 demande encore, au titre de l’actio ex haerede, la somme de 7.500€ pour les moments d’angoisse vécus par son fils en raison de la confrontation à l’imminence de sa mort et la somme de 7.500€, dont à déduire 4.000€ avancés par le DEUTSCHER LUFTPOOL, pour les souffrances endurées à la suite de l’accident, … n’étant décédé que quelque temps après l’accident à l’hôpital.
Quant au dommage matériel, Pciv9 réclame la somme de 983,48€ concernant 12 nuits de frais d’hébergement exposés dans le cadre des journées de commémoration de l’accident et la somme de 19.546,99€ + p.m. pour frais et honoraires d’avocat.
Pciv10 demande la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil précités au paiement d’une somme globale de 89.546,99€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 70.000€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 19.546,99€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Il demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
Pciv10 réclame la somme de 40.000€ au titre de la perte de son frère, la somme de 15.000€ au titre de son préjudice moral enduré du fait de l’attente et de l’inquiétude quant au sort de son frère suite à l’accident, les sommes de 2X7.500€ du chef de préjudice ex haerede en réparation, d’une part, du dommage subi par le de cujus en raison de la confrontation à l’imminence de sa mort et, d’autre part, en raison des souffrances endurées à la suite de l’accident.
Pciv10 demande, à l’instar de sa mère, la répétition des frais et honoraires causés par la procédure judiciaire évalués à la somme de 19.546,99€ + p.m.
A l’appui de leurs demandes, les consorts Pciv9-10 font plaider le caractère particulier de la présente affaire et ils relèvent notamment la dimension collective de l’accident, la longue incertitude entre le moment de l’accident et l’annonce officielle de la mort de leur proche, les circonstances de l’identification des corps et le retentissement médiatique pour justifier que la Cour s’écarte des sommes généralement allouées aux victimes par ricochet dans le cas de la perte d’un être cher en raison d’un accident.
S’appuyant sur la jurisprudence en matière d’accident collectif et se ralliant aux conclusions du mandataire de Pciv1, le mandataire des consorts Pciv9-10 souligne qu’en cas de perte d’un enfant, l’absence de cohabitation ou l’éloignement ne pourrait être considéré, l’éloignement géographique ne diminuant pas le chagrin éprouvé par un fils pour la perte de sa mère et vice-versa (CA 22.01.2003, n°21864 ; Georges RAVARANI, Pas.35, n°81, p.325 et p.439). … aurait vécu auprès de sa mère et de son frère jusqu’en juin 2000, mais après son départ les contacts entre les membres de la famille auraient continué à être très fréquents et réguliers. En outre, Pciv12 aurait veillé à garder des contacts d’amitié avec des amis communs et des réunions d’amis en mémoire d’Ulrich auraient toujours lieu en novembre.
Quant à la demande tendant à la répétition des frais et honoraires d’avocat, le mandataire des demandeurs au civil se réfère aux conclusions du mandataire de Pciv1 pour appuyer sa recevabilité et justification en tant que dommage réparable découlant de l’infraction commise, sinon la demande serait basée sur l’article 194, alinéa 3 du code d’instruction criminelle.
Les mandataires des défendeurs au civil P5, P7 et des héritiers de feu P6 réitèrent d’abord la remarque préliminaire précitée relative au principe même de la responsabilité civile, de la relation causale entre la faute des défendeurs au civil et l’absence de limitation conventionnelle tirée de la Convention de Varsovie opposée quant aux montants indemnitaires telle qu’exposée ci-dessus, de même qu’ils relèvent qu’il y a lieu à application du droit commun luxembourgeois.
Ils soulèvent en premier lieu l’irrecevabilité des demandes des consorts Pciv9-10 en se basant sur la Convention de Varsovie qui stipule, en son article 29, un délai de déchéance biennal endéans lequel toute action en responsabilité doit être intentée, l’article 24 de la Convention de Varsovie visant toute action en responsabilité à quelque titre que ce soit, donc également celle dirigée contre les employés, préposés du transporteur aérien.
Ils relèvent, à cet égard, que l’arrêt précité de la Cour d’appel du 29 janvier 2013 aurait clairement admis qu’il y a lieu, en l’espèce, à application de la Convention de Varsovie par la juridiction répressive et la jurisprudence luxembourgeoise aurait retenu que le délai prévu à l’article 29 de la Convention constitue un délai de déchéance, partant un délai préfix non susceptible de suspension ou d’interruption (Tr.arr. 20.12.1985, n° rôle 35812, RFDA, 1986, p.112, Tr.arr 19.4.2005, n° rôles 83101, 86444, 87807 confirmé par CA 28.03.2007 n° rôle 30465). La jurisprudence française aurait commencé par poser ce principe de délai de déchéance (TGI Bonneville 24.06.1970, 452, TGI Paris 08.10.1971 RFDA, 1972,63, CA Paris 30.05.1972, RFDA 1972, 294 et CA Paris 22.03.1973 RFDA 1973, 318) pour ensuite connaître un revirement en la matière (Cass. Ass. Plén. 14.01.1977), mais une large majorité de juridictions étrangères auraient continué de considérer le délai en question comme un délai de déchéance (Tr.arr. Lux 20.12.1985 avec jurisprudences étrangères citées et BGH 24.03.2005 I ZR 196/02 : « Die Vorschrift des Artikel 29 WA enthält eine Ausschlussfrist »).
Les consorts Pciv9-10 n’ayant présenté leurs demandes en indemnisation qu’en date du 15 novembre 2011 à l’audience devant la juridiction de première instance, soit plus de deux ans après l’accident, ils seraient forclos et leurs demandes seraient irrecevables pour être tardives pour non-respect du délai de déchéance, sinon du délai de prescription de l’article 29 de la Convention de Varsovie.
En second lieu, les mandataires des défendeurs au civil opposent à Pciv9 l’irrecevabilité, sinon l’absence de fondement de ses demandes en faisant valoir qu’elle a renoncé à toute action en justice en recevant et en acceptant, suite à des négociations entre ses avocats allemands et l’avocat de l’assureur du transporteur, plusieurs paiements en réparation de ses préjudices. Ainsi Pciv9 aurait reçu en date du 20 novembre 2002 une avance de 20.000€ sur base du règlement CEE du 9 octobre 1997 et après les négociations, il lui aurait été reconnu un dommage matériel de 25.000€, un dommage moral propre et ex haerede consolidé de 14.000€, soit 10.000€ au titre de dommage moral propre et 4.000€ au titre de dommage ex haerede avant et après l’accident, soit donc en tout la somme de 39.000€ à laquelle a été ajoutée la somme de 1.000€.
Un accord additionnel aurait été trouvé entre parties au titre d’un « Unterhaltsanspruch » pour un montant de 20.000€ qui aurait été réglé le 21 septembre 2004 et donc Pciv9 aurait reçu, au titre d’un arrangement extra-judiciaire, la somme globale de 60.000€. En outre, les honoraires des avocats auraient également été réglés, de sorte que la demanderesse au civil Pciv9 se serait reconnue remplie dans tous ses droits à indemnisation.
Les mandataires des défendeurs au civil estiment, par conséquent, que la demanderesse au civil a renoncé à toute action, en se basant encore sur l’échange de courriers entre les avocats d’Pciv9 et ceux de l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL qui seraient tout à fait éloquents sur le fait qu’il était de l’intention de la demanderesse au civil de transiger, de s’arranger extrajudiciairement et de renoncer à tout recours. Les courriers en question feraient ainsi état de « Vergleichsbereitschaft » ou de « abschliessende Entschädigung aller Ansprüche » ou encore de « Abfindungserklärung » et « für jetzt und alle Zukunft abgefunden zu sein » et Pciv9 serait, au stade actuel, irrecevable, sinon non fondée à faire valoir un quelconque droit à indemnisation supplémentaire y ayant renoncé expressément et de façon non équivoque.
Subsidiairement, la demande d’Pciv9 ne serait pas fondée, dès lors que les paiements intervenus à son profit auraient un caractère libératoire. Peu importerait le défaut de signature par les membres des familles de victimes, ces signatures n’ayant pas été nécessaires en raison de la représentation des parties par leurs avocats, le mandataire invoquant à ce titre, non pas l’exception de transaction, mais l’exception de paiement. Ainsi, l’effet libératoire des paiements intervenus aurait éteint l’intégralité des revendications de la partie civile concernée et le mandataire des défendeurs au civil se base sur l’article 1234 du code civil pour soutenir que l’effet libératoire vaut également à l’égard des préposés du transporteur, le commettant ayant éteint la dette de réparation de ses préposés par le paiement des dommages-intérêts.
En tout état de cause, au cas où il subsisterait un doute quant à l’intention des parties pour voir considérer les négociations intervenues entre l’assureur de la compagnie LUXAIR et la partie Pciv9, il y aurait lieu d’entendre ses avocats.
Quant à Pciv10, il n’aurait pas été indemnisé, dès lors qu’il n’aurait formulé ses demandes que dans le cadre du procès au fond.
Quant aux divers postes d’indemnisations réclamés, le mandataire des défendeurs au civil se réfère à ses conclusions développées dans le cadre de la partie civile Pciv1 au sujet de la notion de préjudice moral, ainsi qu’au sujet du dommage moral réclamé au titre de l’actio ex haerede quant aux souffrances morales du de cujus devant l’imminence de sa mort et le témoignage du passager survivant.
Quant au dommage moral du de cujus qui a survécu un court temps, la demande ex haerede d’Pciv9 en découlant serait certes justifiée, mais elle aurait perçu la somme de 4.000€ à ce titre, ce qui constituerait une réparation adéquate.
En tout état de cause, il y aurait lieu de tenir compte des indemnisations perçues par Pciv9. Les mandataires des défendeurs au civil contestent encore le préjudice matériel réclamé du chef des frais de séjour à Luxembourg, ces frais résultant plutôt d’un choix personnel de la demanderesse au civil et la relation causale entre ces frais et l’accident du 6 novembre 2002 serait discutable.
Quant au dommage moral de Pciv10, le mandataire des défendeurs au civil se rapporte à la sagesse de la Cour d’appel en ce qui concerne le lien d’affection l’ayant lié à son frère et estime qu’il y a lieu de tenir compte du fait que les frères ne cohabitaient plus depuis un certain temps.
Pour ce qui est du dommage matériel réclamé du chef des frais et honoraires d’avocat, le mandataire des défendeurs au civil se réfère à ses développements exposés dans le cadre de la partie civile Pciv1. Il relève encore que les factures relatives à ces frais et honoraires sont datées au 20 septembre 2013 et qu’il ne ressort d’aucune pièce qu’elles ont été payées.
Le mandataire de P1 se rallie à ces conclusions de la défense.
Le mandataire des demandeurs au civil réplique en insistant sur le caractère particulièrement grave de l’accident survenu le 6 novembre 2002 et sur les conséquences éprouvantes pour tous les proches des personnes décédées en ayant résulté qui justifieraient les sommes demandées au titre du dommage moral subi par les victimes. De même le préjudice ex haerede réclamé serait établi en l’espèce, dès lors qu’il ne saurait en aucune façon être nié, sur base des témoignages des personnes qui ont entendu l’avion s’écraser, que les passagers ont dû avoir des moments d’angoisse avant le crash.
Le préjudice matériel serait également donné en l’espèce, dès lors que la participation des victimes par ricochet aux journées commémoratives se trouverait évidemment en relation causale directe avec l’accident et la juridiction saisie d’une telle demande pourrait la fixer ex aequo et bono, lorsque des frais de déplacement ou d’hébergement ne pourraient, comme en l’espèce, être indiqués qu’approximativement.
Le mandataire des demandeurs au civil réfute encore les moyens d’irrecevabilité opposés à ses demandes en faisant valoir, s’agissant du moyen tiré de la déchéance, sinon de la prescription de l’action de ses clients, que l’arrêt de la Cour d’appel du 29 janvier 2013 rendu sur la compétence de la juridiction répressive pour connaître des demandes civiles, aurait écarté tous les mécanismes de responsabilité exorbitantes du droit commun en retenant les principes mêmes de la responsabilité pénale et civile basée sur les articles 2 et 3 du code d’instruction criminelle.
En outre, la déchéance de l’article 29 de la Convention de Varsovie ne serait pas applicable aux préposés et le texte même de l’article 25A de la Convention de Varsovie, qui viserait les actions dirigées contre les préposés du transporteur, ne permettrait aux préposés que de se prévaloir des limites de l’article 22 de la Convention de Varsovie, en l’occurrence les limites quant au montant de la réparation et non la limite d’un délai d’action. La jurisprudence et la doctrine relatives à la Convention de Varsovie auraient d’ailleurs tranché dans ce sens (JCP. Transport, fasc. 920, Transport aérien et n°63 , JCP. Droit International fasc. 565-B-50, n°37 et BGH, 06.10.1981, VI ZR 112/80 (München).
Le mandataire des demandeurs au civil réfute ensuite les moyens tirés de ce que les paiements avancés par l’assureur du transporteur et les courriers échangés entre avocats pourraient avoir eu un effet libératoire ou être qualifiés de transaction ou de solde de tout compte. Il souligne, à cet égard, que c’est la loi luxembourgeoise qui doit s’appliquer en tant que loi du fait générateur à l’interprétation à donner aux documents et paiements qualifiés de libératoires ou de renonciation par le mandataire des défendeurs au civil.
Or, selon le droit luxembourgeois, il ne pourrait y avoir extinction de la dette des défendeurs au civil ou transaction, ni les conditions de l’article 1234 du code civil, ni celles de l’article 2044, ni encore celles de l’article 87 de la loi modifiée sur le contrat d’assurance du 27 septembre 1997 n’étant remplies à l’encontre d’aucun des demandeurs au civil, les documents opposés par les défendeurs au civil devant en tout état de cause s’interpréter en faveur des demandeurs au civil étant donné qu’ils émaneraient de l’assureur du transporteur.
Ainsi, les « Abfindungserklärung » signées par Pciv9 ne répondraient ni aux conditions de la transaction ni à celles de l’article 87 de la loi sur le contrat d’assurance.
D’une part, les documents en question n’auraient pas été signés par l’assureur et ne constitueraient pas une transaction en ce qu’il ne s’agirait pas de contrats synallagmatiques.
D’autre part, ils n’auraient pas été établis conformément à l’article 87 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance et ne constitueraient en aucun cas un règlement définitif. Pour autant que de besoin il y aurait lieu d’enjoindre l’assureur à verser l’intégralité du contrat d’assurance l’ayant lié à la compagnie LUXAIR, sinon d’écarter les pièces lacunaires et partielles de ce contrat d’assurance versées par le mandataire des défendeurs au civil.
En l’absence d’une quelconque indication quant aux éléments du dommage pris en charge dans le cadre des paiements effectués par l’assureur de la compagnie LUXAIR, il ne saurait également s’agir d’un solde de tout compte au sens de l’article 87 de la loi du 27 juillet 1997, dès lors qu’en vertu de cet article le solde de tout compte doit mentionner les éléments du dommage sur lesquels porte ce compte. La jurisprudence ne se montrerait d’ailleurs pas favorable aux transactions ou solde de tout compte, dès lors qu’ils seraient dangereux pour les victimes mal informées sur leurs droits et les renonciations y relatives. Enfin, les documents auraient été signés en 2004 et 2005 à des dates où toutes les circonstances de l’accident n’étaient pas déterminées et où tous les prévenus n’avaient pas encore été inculpés.
Les demandes des parties civiles auraient, en outre, un fondement juridique différent de celui retenu par l’assureur qui a fait les avances, dès lors que ces avances auraient été effectuées sur base du règlement CE 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 et sans reconnaissance de responsabilité, tandis que les demandes actuelles des demandeurs au civil se fonderaient sur la responsabilité délictuelle des défendeurs au civil.
Enfin, les avances fournies par l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL ne constitueraient pas une indemnisation correcte et intégrale des préjudices subis et ne pourraient partant donner lieu qu’à des déductions des montants redus. L’assureur n’aurait pas traité tout le monde de la même façon et les indemnités allouées seraient bien inférieures à celles allouées suivant la jurisprudence luxembourgeoise en cas de perte d’un être cher.
Appréciation de la Cour
- Partie civile Pciv9
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
Il convient de rappeler que dans son arrêt du 13 janvier 2013, la Cour d’appel a retenu que rien ne s’oppose à concilier le principe de la compétence du juge pénal avec le respect des règles instituées par la Convention de Varsovie en matière de droit aérien.
Contrairement à l’avis du mandataire de la demanderesse au civil Pciv9, la Cour d’appel, en statuant ainsi, n’a pas écarté l’application de règles exorbitantes du droit commun pour l’exercice de l’action civile devant la juridiction répressive en application des articles 2 et 3 du code d’instruction criminelle, mais elle a impliqué que l’action civile exercée par les demandeurs au civil est susceptible d’être soumise aux règles et conditions de la Convention de Varsovie, non seulement pour la compétence, mais également dans le cadre de la mise en œuvre de la responsabilité du transporteur et de ses préposés. En effet, en présence d’une action en responsabilité régie par la Convention de Varsovie, le prescrit de l’article 24 en vertu duquel dans les cas prévus par les articles 17, 18 et 19, toute action en responsabilité, à quelque titre que ce soit ne peut être exercée que dans les conditions et limites prévues par la Convention de Varsovie, inclut l’action en responsabilité dirigée contre les préposés, l’exclusion de l’application de la Convention de Varsovie dans ce cas ne faisant d’ailleurs pas de sens eu égard à l’intention d’uniformisation législative en la matière clairement visée par la Convention en question qui s’oppose à ce que l’action dirigée contre le préposé devienne d’une autre nature que celle intentée contre le transporteur et obéisse à des règles différentes (Précis de droit aérien Jacques NAVEAU et Marc Godfroid Bruylant Bruxelles 1988, n°191, Max Litivine, Droit aérien, Bruylant, Bruxelles 1970 p. 223).
Il s’ensuit qu’en l’espèce, il appartient à la Cour d’appel d’examiner le moyen des défendeurs au civil tiré de l’irrecevabilité pour forclusion de l’action en responsabilité résultant de l’article 29, alinéa 1er de la Convention de Varsovie.
Si un certain courant de la Cour de cassation française (CASS. civ. Ière 24.06.1968, JCP 1969 II. 15704 ; CASS 04.11.1969, JCP 1969, II 15814bis, note JUGLART et E. du PONTAVICE ; CASS. corr. 30.06.1969, D. 1970, 418, note R. Rodière) et quelques tribunaux américains et suisses (Guldiman W., The Warshaw Convention of 1929: its past - its present - its future, document présenté à l'occasion de la 45ème réunion de l'Assemblée Générale du IATA, Varsovie, octobre 1979 p. 165 ss ; O. Riese, J.-T. Lacour, Précis de droit aérien, p. 280, n. 338; D. Goedhuis. National air legislations and the Warsaw Convention p. 294 s; Jean–Pierre TOSI Responsabilité aérienne, Paris, Litec, 1978; arrêt de l'Obergericht de Zurich, du 23 janvier 1958, in Bulletin ASDA 1958 no 3, p. 4, et un jugement du Tribunal de première instance de Genève, du 9 décembre 1958, in Bulletin ASDA 1959, no 2, p. 11) ont retenu que le délai de déchéance de l’article 29 de la Convention de Varsovie était un délai de prescription, susceptible d’être suspendu ou interrompu, les juridictions luxembourgeoises (Tr.arr. 20.12.1985, n° rôle 35812, RFDA, 1986, p.112, Tr.arr 19.4.2005, n° rôles 83101, 86444, 87807 confirmé par CA 28.03.2007 n° rôle 30465, DEUTSCHER LUFTPOOL/Communautés européennes, Bogiatzi et autres), à l’instar de nombreuses juridictions étrangères ont considéré que le délai inscrit à l’article 29 de la Convention est un délai de déchéance préfix insusceptible d'interruption ou de suspension (Cour suprême d'Israël 22 octobre 1984, RFD aérien 1985.232 ; Trib. Fédéral Suisse 10 mai 1982, RFD aérien 1983.365 ; Trib.com.Luxembourg 20 décembre 1985, RFD aérien 1986.112 ; Trib. Rome 19 janvier 1972, RFD aérien 1973.77 ; Cour de Barcelone (sala 1) 9 octobre 1973, Unidroit 1975.I.250 ; Cour suprême New York 5 octobre 1981, Dr.europe.Tr. F. LETACQ – Droit des transports 21 1983.411 ; Camara Nacional Federal (Argentine) 24 mai 1990, Rev.Dt.uniforme 1992.II.236 ; BGE 108 II 233 1ère Cour civile du 10 mai 1982 Mirzan et Gargini contre Air Glaciers S.A ; TGI Bonneville 24.06.1970, 452, TGI Paris 08.10.1971 RFDA, 1972,63, CA Paris 30.05.1972, RFDA 1972, 294 et CA Paris 22.03.1973 RFDA 1973, 318).
Pour retenir le délai de l’article 29 de la Convention de Varsovie dans le sens d’un délai préfix non susceptible ni d’interruption ni de suspension, les juridictions des Etats contractants ont interprété la Convention de Varsovie tant par ses termes que par le but poursuivi, conformément aux articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, voyant dans les termes de l’article 29 « sous peine de déchéance » et le contexte général de la Convention, l’intention des Etats contractants d’uniformiser le système de la responsabilité et notamment d’abolir les différences nationales dans l’interruption et la suspension de la prescription, en établissant une exception d’irrecevabilité sans possibilité d’interruption ou de suspension de façon à faire jouer pleinement l’uniformité de cette législation internationale.
Or, si la Cour d’appel peut partager l’interprétation de l’article 29 de la Convention selon laquelle le délai d’action de l’article 29 est un délai de déchéance à caractère préfix, toujours est-il que l’analyse du régime des délais de forclusion combinée à l’interprétation de la Convention de Varsovie, en l’occurrence l’interprétation de l’article 29, précité, et des articles 17, 24 et 25 A, qui visent le régime de la responsabilité du transporteur (article 17), les conditions et modalités de l’action en responsabilité (article 24) et l’action dirigée contre le préposé (article 25 A.) amènent la Cour d’appel à rejeter, en l’espèce, le moyen d’irrecevabilité soulevé.
Concernant le régime des délais de déchéance, on peut relever, de prime abord, que l’Ancien Droit ne distinguait pas entre les différents délais et le régime de droit commun était le régime des délais de prescription, sans toutefois que tous les délais fussent soumis aux mêmes règles quant à leurs nature, but ou effet (Délais préfix, délais de prescription, délais de procédure par M. Michel VASSEUR Revue de droit civil XLVIII, 1950).
A partir du 18e siècle les codes civil et de procédure civile ont instauré des délais de déchéance et la jurisprudence, scrutant la volonté du législateur, a reconnu la qualité de délai préfix à de nombreux délais en sanctionnant leur inobservation de déchéance. La matière est cependant restée paradoxale, voire énigmatique et si la doctrine a proposé un certain nombre de critères pour différencier les délais de forclusion en fonction des autres délais, ces critères ne sont pas exempts de critiques justifiées.
On peut retenir en substance que la prescription constitue une institution de paix sociale dans un intérêt supérieur à celui des parties en présence, tandis que la forclusion dont est frappé le titulaire d’un droit ou d’une prérogative fonctionne – en principe et sous réserve de l’intervention possible de la notion d’ordre public – dans le dessein de sauvegarder et de protéger les intérêts à l’encontre de qui ce droit ou cette prérogative peuvent être exercés, plus largement les intérêts que représente le bénéficiaire de la forclusion (VASSEUR, précité).
La forclusion constitue ainsi une fin de non-recevoir, le délai de forclusion étant une condition de recevabilité d’un acte ou d’une demande en justice dont le non-respect est sanctionné au niveau procédural.
La finalité du délai de forclusion est de stabiliser ou de révéler un rapport de droit en faveur du bénéficiaire de la forclusion et de protéger ses intérêts à l’encontre du droit ou de la prérogative que le bénéficiaire de ceux-ci pourrait faire valoir. A l’inverse, l’action introduite par le bénéficiaire d’un droit dans le délai de forclusion a pour effet d’éviter la déchéance de son droit.
Dans le cadre de l’appréciation du délai de déchéance, il doit être tenu compte de l’équité qui vise à retarder l’extinction de l’action au bénéfice de la personne qui veut exercer ses droits ou prérogatives et les intérêts de la personne à l’encontre de laquelle le droit ou les prérogatives sont exercés.
Or, en considérant le respect d’équité dans l’appréciation du délai de déchéance au regard des éléments propres de la Convention de Varsovie, qui vise à assurer une sécurité juridique au niveau international et dont le but recherché, découlant notamment de la combinaison des articles 17 et 24, consiste à ce que le transporteur ait connaissance sans équivoque et dans un délai rapproché de l’accident aérien de son obligation à réparation, on peut retenir que lorsque l’action en responsabilité du transporteur aérien ou de ses préposés a été introduite dans le délai de deux ans, la connaissance des obligations engendrées par l’accident aérien est acquise et toutes autres actions sont recevables (Cass. Civ. 1ère, 7 mars 2000, Bull. civ. I, n°85 ; Cass civ. 18 juin 1996 n°265).
Il s’ensuit, au vu de la mise en œuvre de l’action en responsabilité par l’action civile de Pciv1 dans les délais de l’article 29 de la Convention de Varsovie, qui est à considérer comme une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité du transporteur par air, que la demande civile d’Pciv9 est recevable.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Selon le mandataire des défendeurs au civil, Pciv9 aurait renoncé à toute créance indemnitaire résultant de l’accident du 6 novembre 2002, dès lors qu’elle aurait reçu et accepté, suite à des négociations entre ses avocats allemands et l’assureur du transporteur, plusieurs paiements en réparation de ses préjudices subies en raison de l’accident du 6 novembre 2002.
Il ressort des pièces versées en cause qu’Pciv9 a touché la somme de 60.000€ payée par l’assureur, la société DEUTSCHER LUFTPOOL, du transporteur, la compagnie d’aviation LUXAIR, au titre d’indemnisation des suites de l’accident du 6 novembre 2002.
Le premier paiement au montant de 20.000€ a été effectué en date du 20 novembre 2002 et représentait l’avance stipulée par les dispositions du règlement CE 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident.
Un second paiement d’un montant de 20.000€ a été effectué en date du 23 juin 2004 et un troisième paiement d’un montant de 24.582,58€ a été effectué en date du 21 septembre 2004, cette dernière somme représentant le reste de l’indemnisation au montant de 20.000€ et les honoraires réclamés par l’avocat allemand d’un montant de 4.582,58€.
Il ressort encore des pièces versées en cause que l’assureur a réglé la somme de 1.406€ pour un second cercueil d’une longueur supérieure à la moyenne, la demanderesse au civil s’étant inquiétée auprès de la compagnie LUXAIR en date du 29 janvier 2003 que son fils décédé, qui mesurait 1,98m, n’avait pas été mis dans un cercueil assez long.
Le paiement du montant de 60.000€ au titre d’indemnisation des suites de l’accident a fait suite aux revendications d’Pciv9 faites par l’intermédiaire de son avocat Me Gesine KAYSENBERG du cabinet d’avocats allemand de Berlin, HEUKING, KÜHN, LÜER et WOJTEK.
L’avocat allemand de la demanderesse au civil avait, par une lettre du 13 mai 2004 adressée à DEUTSCHER LUFTPOOL, demandé une indemnisation d’un montant global de 125.000€, cette somme représentant une somme arrondie du dommage moral et matériel allégué par la demanderesse au civil Pciv9. Le dommage matériel était évalué à un montant de 27.380,16€, détaillé en frais occasionnés par l’enterrement d’…, des frais vestimentaires, des frais relatifs à la résiliation du bail d’…et de son assurance de la voiture, ainsi que d’autres frais relatifs aux devoirs administratifs occasionnés par le décès d’…. Faisant état de ce que le droit allemand prévoyait un droit à réparation en raison d’une obligation alimentaire des enfants à l’égard de leurs parents, le mandataire d’Pciv9 a encore réclamé une somme de 75.000€ de ce chef. Au titre du dommage moral subi par la demanderesse au civil, son avocat avait fait valoir que le décès de son fils avait causé un stress post-traumatique à Pciv9, certifié par un psychiatre, le Dr.med. Sebastian SCHILDBACH et qu’elle réclamait de ce chef l’allocation d’un montant de 20.000€. Au titre du préjudice ex haerede, l’avocat d’Pciv9 avait demandé l’allocation de la somme de 4.000€ en tenant compte du fait que le de cujus avait survécu environ deux heures à l’accident, étant décédé à 11.00 heures à la clinique Ste Thérèse et qu’il avait subi de graves lésions internes, ainsi que de multiples fractures.
En réponse à cette demande la société DEUTSCHER LUFTPOOL s’est déclarée d’accord, par une première lettre du 7 juin 2004, à prendre en charge un dommage matériel de 25.000€, un dommage moral de 4.000€ au titre du dommage subi par le de cujus … et de 6.000€ au titre du dommage moral subi par Pciv9. Quant au dommage réclamé au titre de l’obligation alimentaire d’…, l’assureur de la compagnie LUXAIR a estimé ne pas disposer des éléments suffisants pour prendre position quant à cette demande.
Dans une seconde lettre datée au 22 juin 2004, la société DEUTSCHER LUFTPOOL s’est déclarée d’accord à prendre en charge la somme de 14.000€ au titre du préjudice moral d’… et Pciv9, ainsi que la somme de 25.000€ au titre du dommage matériel d’Pciv9 et elle a payé la somme de 20.000€ en date du 23 juin 2004, ayant déduit l’avance de 20.000€ et considéré la somme de 1.000€ comme avance sur l’obligation alimentaire.
Dans une lettre datée au 9 août 2004, l’avocat d’Pciv9 revient sur la demande relative à l’obligation alimentaire d’… à l’égard de sa mère, en donnant quelques précisions quant à la rente que touche Pciv9. Dans cette lettre l’avocat maintient les revendications exprimées dans la lettre précitée du 13 mai 2004 tout en relevant qu’elle entend signaler la disposition de transiger de sa cliente.
En date du 14 septembre 2004, l’avocat d’Pciv9 a envoyé à l’assureur une « Abfindungserklärung » datée du même jour et signée par l’avocat en question, Gesine Kaysenberg, dans laquelle il est indiqué que contre un paiement de 20.000€ supplémentaire, Pciv9 déclare être dédommagée en raison de tous les recours relatifs au cas de dommage du 6 novembre 2002 concernant … (« Pciv9 erklärt hiermit gegen Zahlung eines weiteren Betrages von EUR 20.000,00 wegen aller Ersatzansprüche anlässlich dieses Schadenfalles (…, 6.11.2002) gegen Luxair SA vertreten durch den Haftpflichtversicherer und jeden weiteren Mitversicherten für jetzt und alle Zukunft abgefunden zu sein »).
Ni, le document intitulé « Abfindungserklärung », ni l'échange de courriers entre l'avocat et l'assureur de la compagnie LUXAIR ne sauraient être qualifiés de transaction, dès lors qu'ils ne constituent pas une convention comportant des concessions réciproques des parties interdépendantes. Le mandataire des défendeurs au civil n’invoque d’ailleurs pas une transaction pour voir rejeter toute demande de la partie civile, mais il estime que le paiement effectué par l’assureur du transporteur, à la suite des échanges avec l’avocat de la demanderesse au civil, ensemble la déclaration du 14 septembre 2004, a libéré le transporteur, ainsi que toute autre personne visée par l’assurance, en l’occurrence également les préposés du transporteur, de toute obligation découlant de l’accident du 6 novembre 2002 envers la dame Pciv9.
Or, à qualifier le document « Abfindungserklärung » de quittance, il ne remplit pas les conditions pour valoir accord entre parties et être libératoire.
Selon le droit luxembourgeois, applicable en l’espèce, pour valoir accord entre parties et être libératoire, toute quittance doit être signée par la victime elle-même ou par un mandataire ayant reçu procuration spéciale à cet effet (Cour d'appel 9 décembre 2004, n° 28269 du rôle). Un tel mandat doit être spécifique et ne peut en conséquence avoir un caractère général. L’avocat doit avoir été chargé spécifiquement du recouvrement d’une créance, d’établir le compte et d’en recevoir paiement pour que la quittance délivrée par lui puisse valoir renonciation liant le client. Tel n’est pas le cas en l’espèce, les pièces versées en cause n’établissant pas un mandat de l’avocat à cette fin.
En outre, en vertu de l’article 87 de la loi du 27 septembre 1997 sur le contrat d’assurance, une quittance pour solde de compte partiel ou pour solde de tout compte n'implique pas que la personne lésée renonce à ses droits. L'assureur doit mentionner ce fait sur la quittance. Une quittance pour solde de tout compte doit mentionner les éléments du dommage sur lesquels porte ce compte.
Il y a lieu d’observer, à cet égard, que si les sommes proposées par l'assureur se rapportent au dommage moral, (plus précisément 10.000€ pour le préjudice moral post-traumatique par la demanderesse au civil du fait de la perte de son fils et 4.000€ par le préjudice ex haerede), et au dommage matériel (25.000€ pour frais occasionnés au sujet du bail, de la voiture et certains frais administratifs relatifs au décès) de la demanderesse au civil, ni les lettres de l'assureur ni le document ne précisent quelles sont les revendications auxquelles la demanderesse au civil aurait renoncées. Il n’y a donc pas de renonciation expresse et non équivoque.
En outre, le paiement libératoire a pour prémisse la remise au créancier de ce qui lui est dû. En l’espèce, il n’est cependant pas établi que les paiements effectués ont constitué la réparation intégrale des dommages allégués, les négociations ayant, d’ailleurs en partie, porté sur des préjudices différents de ceux réclamés dans la constitution de partie civile présentée par Pciv9.
Les défendeurs au civil n’ont partant pas établi que les paiements effectués ont produit l’extinction des créances indemnitaires d’Pciv9 en raison de l’accident dont ils portent la responsabilité.
Le moyen tiré de la renonciation et du caractère libératoire des paiements effectués par l’assureur du transporteur est partant à rejeter, sans qu’il y ait lieu d’entendre l’avocat allemand de la demanderesse au civil.
Certains des paiements effectués sont cependant à déduire des sommes à allouer à Pciv9 en réparation des dommages qui seront retenus ci-dessus.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Dans sa constitution de partie civile, Pciv9 demande l’allocation de la somme de 80.000€ en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de son fils Ulrich PIETSCH, ainsi que de la somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de l’inquiétude éprouvée suite au crash de l’avion.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
A l’instar de la partie civile Pciv1, en considération des circonstances de l’accident et du fait que la mère et le fils ne cohabitaient pas, il y a lieu d’allouer à Pciv9 au titre de la réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de son fils, âgé de 31 ans au moment de l’accident, la somme de 45.000€, dont à déduire la somme de 10.000€ tel qu’indiqué par la défense d’Pciv9 dans sa constitution de partie civile présentée à l’audience du 16 septembre 2013.
Les intérêts légaux à allouer sur la somme de 35.000€ courent à partir du jour de l’accident.
Le préjudice ex haerede
Il convient de relever, d’abord, qu’il résulte du certificat établi par l’Amtsgericht Schöneberg de Berlin du 20 décembre 2002 qu’Pciv9 succède pour moitié dans l’héritage de son fils.
Tel que retenu dans le cadre de la partie civile Pciv1, tout comme le passager ..., le passager … devait, juste avant le crash, se rendre compte de l’imminence du crash au vu du rapport FAVÉ, précité et des témoignages recueillis.
A l’instar de la victime ..., il y a lieu de fixer à 1.000€ le dédommagement des souffrances ainsi endurées par ….
Pciv9 venant pour moitié dans la succession de son fils, il y a lieu de lui allouer la somme de 500€ du chef de ce préjudice ex haerede.
Quant au préjudice ex haerede résultant des souffrances de la victime endurées entre l’accident et le décès, dès lors qu’il est établi en cause qu’… a survécu environ deux heures après l’accident et qu’il n’est décédé qu’à l’hôpital, ayant subi de multiples fractures, une lésion au cerveau et des blessures internes, il y a lieu de fixer à 4.000€ le préjudice en question.
Le montant revenant à Pciv9 de ce chef s’élève à 2.000€ et les intérêts légaux à allouer sur cette somme courent à partir du jour de l’accident.
Il suit de ce qui précède que la demanderesse au civil a droit à la somme de 2.500€ au titre du préjudice ex haerede, dont à déduire la somme de 4.000€, de sorte que cette demande se résout à 0€.
Le préjudice matériel
Les frais de voyage et de séjour liés aux journées de commémoration
Il y a lieu de rappeler qu’Pciv9 réclame la somme de 983,48€ concernant 12 nuits de frais d’hébergement exposés dans le cadre des journées de commémoration de l’accident.
Contrairement à l’assertion du mandataire des défendeurs au civil selon laquelle la participation d’Pciv9 procèderait d’un choix de la demanderesse au civil, la Cour d’appel estime que les frais résultant de la participation de la mère de la victime aux journées commémoratives de l’accident constituent un préjudice direct découlant de l’accident du 6 novembre 2002 qui donne lieu à réparation.
Au vu des pièces versées en cause, la demande est justifiée pour un montant de 983,48€ (facture du 7.11.2004 - 161,48€ ; facture du 5.11.2005 – 180€ ; facture du 5.11.2006 – 140€ ; facture du 4.11.2007 – 154€ ; facture du 9.11.2008 – 190€ et facture du 7.11.2010 – 158€ = 983,48€), somme sur laquelle les intérêts légaux sont à allouer à partir des décaissements respectifs jusqu’à solde.
Les frais et honoraires d’avocat
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH
Le moyen concernant la violation de la CEDH, opposé à la demande en répétition de frais et honoraires, est à rejeter, la Cour d’appel adoptant à cet égard la motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv1.
Quant à la recevabilité de la demande
Quant au moyen tiré de l’article 592 du nouveau code de procédure civile
Dans sa demande civile présentée en première instance à l’audience du 15 novembre 2011 devant les juges de première instance le mandataire d’Pciv9 avait indiqué que la demande en allocation d’une indemnité de procédure a été faite sous réserve formelle et expresse de majoration et que la constitution de partie civile était faite sous la réserve de compléter la demande civile par tout autre poste indemnitaire en cours d’instance.
A l’instar de ce qui a été retenu au sujet de la demande de Pciv1, le moyen d’irrecevabilité tiré de la nouveauté de la demande est encore à rejeter en ce qui concerne la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat d’Pciv9 par la même motivation que celle développée dans le cadre de la partie civile Pciv1.
Quant au bien-fondé de la demande
Quant au moyen tiré du défaut de proportionnalité entre les frais et honoraires et l’intérêt du litige et quant au moyen tiré de l’exclusion des frais et honoraires exposés dans le cadre de la demande dirigée contre les prévenus acquittés
Aux fins de contester le bien-fondé de la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat exposés dans le cadre de la demande civile, le mandataire des défendeurs au civil, à côté des moyens précités, oppose encore, à cette demande que la créance alléguée de ce chef n’est pas liquide, dès lors que les honoraires n’auraient pas été réglés par Pciv9.
La Cour d’appel constate, à cet égard, que la facture au montant de 26.010,11€ + p.m. relative aux frais et honoraires concernant la première et seconde instance de l’affaire a été établie en date du 20 septembre 2013, l’avocat de la demanderesse au civil ayant par ailleurs reconnu à l’audience de la Cour d’appel que ces frais et honoraires n’ont pas encore été réglés, la partie demanderesse et son avocat attendant la décision de la Cour d’appel.
Tel qu’exposé au sujet de la demande civile de Pciv1, le recours à l'avocat pour obtenir indemnisation du dommage subi par la victime par ricochet, qu’est la dame Pciv9, bien que distinct du dommage initial, est en l’espèce une suite nécessaire de la faute commise par les défendeurs au civil et partant en lien causal avec le dommage dont se plaint la victime par ricochet, trouvant sa cause dans la faute du responsable.
Tout comme pour Pciv1, tant la complexité factuelle que la complexité juridique du dossier imposaient à Pciv9 de faire appel à un avocat, en sa qualité de victime par ricochet de l’accident d’avion, de sorte que ceux-ci constituent un élément du dommage subi par la victime par ricochet et sont de ce fait indemnisables, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient fait l’objet d’un règlement.
Quant à la détermination de la demande en répétition des frais et honoraires, en tenant compte des circonstances de l’espèce tenant à l’envergure de la demande, du fait qu’en première instance la demande était dirigée contre trois prévenus et défendeurs au civil acquittés et du rôle du mandataire de la demanderesse au civil, moindre que celui joué par le mandataire du demandeur Pciv1, il y a lieu de fixer ex aequo et bono la somme devant revenir à Pciv9 du chef de la répétition des frais et honoraires d’avocat à la somme de 5.000€.
Dans la mesure où le préjudice ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède la demande d’Pciv9 est fondée à concurrence d’un montant global de 35.000€ + 983,48€ + 5.000€ = 40.983,48€, avec les intérêts légaux sur la somme de 35.000€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 983,48€ à partir des décaissements respectifs.
- Partie civile Pciv10
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
A l’instar de la demande de sa mère Pciv9, la demande de Pciv10 est recevable, le moyen tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention de Varsovie opposé n’étant pas fondé, la Cour d’appel se rapportant, à cet égard, aux motifs plus amplement exposés et développés dans le cadre de la partie civile Pciv9.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Pciv10 n’a pas eu de contact avec l’assureur ou la compagnie de transport concernant les dommages découlant pour lui de l’accident avant le procès et il n’a reçu aucun paiement, de sorte que le moyen tiré de l’extinction de sa créance relative aux dommages subis ne saurait lui être opposé.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Dans sa constitution de partie civile, Pciv10 demande l’allocation de la somme de 40.000€ en réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son frère …, ainsi que de la somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de l’attente et de l’inquiétude suite au crash de l’avion.
Il est généralement admis que la perte d’un frère engendre une douleur morale certaine, même au cas où il n’y a pas ou plus eu de cohabitation.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
En considération des circonstances de l’accident, telles que plus amplement évoquées dans le cadre de la partie civile Pciv1 et du fait que les frères ne cohabitaient pas, il y a lieu d’allouer à Pciv10 au titre de la réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son frère la somme de 15.000€.
Les intérêts légaux sur cette somme sont à allouer à partir du jour de l’accident.
Le préjudice ex haerede
Il résulte du certificat établi par l’Amtsgericht Schöneberg de Berlin du 20 décembre 2002 que Pciv10 succède pour moitié dans la succession de son frère.
Pciv10 a partant droit à la moitié de la somme de 1.000€ retenue au titre de la réparation du préjudice de son frère décédé en raison des moments d’angoisse subis par lui avant le crash.
Pciv10 a encore, de même que sa mère, droit à la moitié de la somme de 4.000€ retenue au titre de l’indemnisation du préjudice subi par le de cujus en raison de ses souffrances endurées après l’accident jusqu’à son décès.
Il suit de ce qui précède qu’il convient d’allouer au demandeur au civil Pciv10 la somme globale de 2.500€ au titre de son préjudice ex haerede avec les intérêts légaux à partir du jour de l’accident.
Le préjudice matériel
Les frais et honoraires d’avocat
Les moyens opposés à la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat et tirés de la violation de l’article 6 de la CEDH et de l’irrecevabilité de la demande en raison de son caractère nouveau sont à rejeter par adoption de la motivation développée dans la cadre de la partie civile Pciv1 et Pciv9.
Quant au bien-fondé de la demande, il y a lieu d’allouer à Pciv10, à l’instar de sa mère et en tenant compte des mêmes remarques faites à propos de la demande d’Pciv9, ex aequo et bono, la somme de 5.000€ de ce chef.
Dans la mesure où le préjudice de Pciv10 de ce chef ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède, la demande de Pciv10 en réparation de ses dommages moral et matériel subis en raison de l’accident du 6 novembre 2002 est fondée pour un montant global de 15.000€ + 2.500€ + 5.000€ = 22.500€.
- C. Parties civiles Pciv11, Pciv12 et Pciv13
Pciv11, Pciv13 et Pciv12 se sont constitués parties civiles pour demander la réparation des dommages qu’ils ont subis du chef de la perte respectivement de leur époux et père, ….
Pciv11 demande la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil P1, P5, héritiers de feu P6 et P7 au paiement d’une somme globale de 130.469,74€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 102.500€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 27.969,74€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Elle demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
Pciv11 réclame en réparation de son dommage moral la somme de 95.000€, dont à déduire une avance de 15.000€ pour perte de son mari et la somme de 15.000€ pour préjudice d’attente et d’inquiétude entre l’annonce de l’accident d’avion et la confirmation du décès de son mari.
Elle réclame encore la somme de 7.500€ au titre de l’action ex haerede en réparation du dommage subi par le de cujus en raison de la confrontation à l’imminence de sa mort.
Au titre de dommage matériel, Pciv11 réclame la somme de 5.928€ pour frais de déplacement (10 déplacements 1.482kmx0,40€) et la somme de 2.520€ pour frais d’hébergement pour 21 nuits d’hôtel (21x120€) et la somme de 19.521,74€ + p.m. pour frais et honoraires d’avocat.
Pciv13, fils aîné de …, demande la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil précités au paiement d’une somme globale de 97.418,94€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 73.750€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 23.668,94€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Il demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
Pciv13 réclame la somme de 65.000€ au titre de la perte de son père, dont à déduire une avance de 10.000€, la somme de 15.000€ au titre de son préjudice moral enduré du fait de l’attente et de l’inquiétude quant au sort de son père suite à l’accident, la somme de 3.750€ du chef de préjudice ex haerede en réparation du dommage subi par le de cujus en raison de la confrontation à l’imminence de sa mort.
Pciv13 demande encore, au titre de son dommage matériel la somme globale de 23.668,94€, soit la somme de 2.947,20€ du chef de frais de déplacement (1.228kmx0,40€), 1.200€ du chef de frais d’hébergement (10nuitsx120€), ainsi que la répétition des frais et honoraires causés par la procédure judiciaire évalués à la somme de 19.521,74€ + p.m.
Pciv12, fils cadet de …, demande la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil précités au paiement d’une somme globale de 97.418,94€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 73.750€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 23.668,94€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Il demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
Pciv12 réclame la somme de 65.000€ au titre de la perte de son père, dont à déduire une avance de 10.000€, la somme de 15.000€ au titre de son préjudice moral enduré du fait de l’attente et de l’inquiétude quant au sort de son père suite à l’accident, la somme de 3.750€ du chef de préjudice ex haerede en réparation du dommage subi par le de cujus en raison de la confrontation à l’imminence de sa mort.
Pciv12 demande encore, au titre de son dommage matériel la somme globale de 23.668,94€, soit la somme de 2.947,20€ du chef de frais de déplacement (1228kmx0,40€), 1.200€ du chef de frais d’hébergement (10nuitsx120€), ainsi que la répétition des frais et honoraires causés par la procédure judiciaire évalués à la somme de 19.521,74€ + p.m.
La défense des consorts Pciv11-13 se rapporte à ses conclusions développées dans le cadre de la demande des consorts Pciv9-10 aux fins de justifier les demandes en réparation des préjudices moral et matériel subis.
A l’instar des conclusions prises à l’encontre des demandes des consorts Pciv9-10, les mandataires des défendeurs au civil opposent aux demandes de la famille Pciv11-13 les moyens tirés de la déchéance de leurs actions sur le fondement des articles 25 et 29 de la Convention de Varsovie, les consorts Pciv11-13 ne s’étant constitués parties civiles qu’à l’audience en première instance du 15 novembre 2011. Leurs demandes seraient partant tardives pour non-respect du délai de déchéance, sinon pour être prescrites.
De même, à l’instar d’Pciv9, tant Pciv11 que ses fils auraient été indemnisés de leurs dommages moraux et matériels, Pciv11 ayant perçu la somme de 58.000€, dont 15.000€ au titre de dommage moral, Pciv13 ayant reçu la somme de 17.800€, dont 10.000€ au titre de dommage moral et Pciv12 ayant perçu la somme de 20.085,86€, dont 10.000€ au titre de dommage moral. Pciv11 se serait en outre vu indemniser sa perte de revenus.
De même que pour les consorts Pciv9-10, il résulterait des courriers échangés entre leurs mandataires allemands et le mandataire de l’assureur de la compagnie LUXAIR que les paiements effectués constituent des paiements transactionnels, sinon libératoires et de par l’acceptation des paiements en question, les demandeurs au civil auraient renoncé à tout recours par la suite.
Les mandataires des défendeurs au civil réfutent encore l’argument du mandataire de Pciv11, qui se basant sur un courrier du 7 juin 2004 du DEUTSCHER LUFTPOOL prétend que l’assureur de la compagnie LUXAIR aurait induit sa cliente en erreur en lui faisant croire que les indemnités allouées en réparation du préjudice moral par le droit luxembourgeois seraient plus favorables que celles allouées à ce titre en droit allemand. Il y aurait lieu de considérer le courrier précité dans toute sa teneur et les avocats allemands auraient eu une parfaite connaissance des règles indemnitaires luxembourgeoises.
Quant au fond, les demandes formulées ne seraient pas fondées et les mandataires des défendeurs au civil réitèrent encore les moyens et arguments développés dans le cadre des parties civiles Pciv1 et Pciv9-10 au sujet du dommage moral et de l’action ex haerede.
Quant au dommage matériel, les mandataires des défendeurs au civil relèvent, s’agissant des frais de déplacement et d’hébergement sollicités, qu’il n’y a pas de pièces y relatives.
Quant au dommage matériel réclamé au titre de la répétition des frais et honoraires des avocats, le mandataire des défendeurs au civil se réfère à ses développements exposés dans le cadre de la partie civile Pciv1 en ajoutant que, comme pour les consorts Pciv9-10, les frais et honoraires n’auraient pas été payés et il n’y aurait partant pas de dommage certain dans le chef des demandeurs au civil.
Le mandataire des demandeurs au civil réfute tous les moyens opposés aux demandes des consorts Pciv11-13 en se rapportant à ses conclusions développées dans le cadre des demandes des consorts Pciv9-10.
Appréciation de la Cour d’appel
- Partie civile Pciv11
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
A l’instar des demandes d’Ingeborg et de Pciv10, la demande de Pciv11 est recevable, le moyen tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention de Varsovie opposé n’étant pas fondé et la Cour d’appel se rapporte, à cet égard, aux motifs plus amplement exposés et développés dans le cadre de la partie civile Pciv9.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Il ressort des pièces versées en cause que par lettre du 18 octobre 2004, l’avocat allemand des consorts Pciv11, Pciv13 et Pciv12, le Dr. Heiko van SCHYNDEL, a réclamé pour la demanderesse au civil Pciv11 la somme de 59.154,51€ en réparation du préjudice matériel découlant des frais occasionnés et de la perte de soutien ménager par le décès de … et la somme de 15.000€ au titre du préjudice moral pour perte d’un être cher, dont à déduire la somme de 30.000€ avancés par l’assureur de la LUXAIR.
Par lettre du 27 octobre 2004, l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL s’est déclaré d’accord au paiement de la somme arrondie de 28.000€, représentant la somme de 17.976,97€ au titre de frais occasionnés par le décès de …, la somme de 25.000€ au titre d’aide-ménagère et de soins et la somme de 15.000€ au titre du préjudice moral causé par la perte d’un être cher, dont à déduire les 30.000€ payés.
Suivant le document intitulé « Abfindungserklärung », signé en date du 4 avril 2005 par le Dr. Heiko van SCHYNDEL, il est indiqué que contre un paiement de la somme de 28.000€, Pciv11 déclare être dédommagée en raison de tous les recours relatifs au cas de dommage du 6 novembre 2002 concernant …(« Frau Pciv11 erklärt hiermit gegen Zahlung dieses Betrages (28.000€) wegen aller Ersatzansprüche anlässlich dieses Schadenfalles (…, 6.11.2002) gegen Luxair SA vertreten durch den Haftpflichtversicherer und jeden weiteren Mitversicherten für jetzt und alle Zukunft abgefunden zu sein ».
Les honoraires de l’avocat au montant de 9.816,96€ ont également été réglés en date du 18 avril 2004.
Tous ces éléments ne sauraient cependant valoir comme renonciation ou paiement libératoire, la Cour d’appel se rapportant à sa motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv9 pour rejeter le moyen tiré de l’extinction de la créance opposé par le mandataire des défendeurs au civil.
Certains des paiements effectués sont cependant à déduire des sommes à allouer à Pciv11 en réparation des dommages qui seront retenus ci-dessous.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Dans sa constitution de partie civile, Pciv11 demande l’allocation de la somme de 95.000€ en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de son époux …, dont à déduire la somme de 15.000€, ainsi que de la somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de l’attente et d’inquiétude suite au crash de l’avion.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
En tenant compte des circonstances de l’accident et des liens ayant existé entre époux, dont les liens d’affection ne sont pas contestés, il y a lieu d’allouer ex aequo et bono la somme de 35.000€ à Pciv11 en réparation du préjudice moral par elle subi en raison de la perte de son mari.
De cette somme il convient de déduire la somme de 15.000€ qui a été payée par l’assureur du transporteur. Les intérêts sur la somme de 20.000€ restant due courent à partir du jour de l’accident – 6 novembre 2002 – jusqu’à solde.
Le préjudice ex haerede
Il convient de relever, d’abord, qu’il résulte du certificat établi par l’Amtsgericht Potsdam du 17 mai 2004 que Pciv11 succède pour moitié dans l’héritage de son époux.
Tel que retenu dans le cadre de la partie civile Pciv1, tout comme le passager ..., le passager … devait, juste avant le crash, se rendre compte de l’imminence du crash au vu du rapport FAVÉ, précité et des témoignages recueillis.
A l’instar de la victime ..., il y a lieu de fixer à 1.000€ le dédommagement des souffrances ainsi endurées par ...
Pciv11 venant pour moitié dans la succession de son époux, il y a lieu de lui allouer la somme de 500€ du chef de ce préjudice ex haerede. Les intérêts sur cette somme courent à partir du jour de l’accident – 6 novembre 2002 – jusqu’à solde.
Le préjudice matériel
Les frais de voyage et de séjour exposés dans le cadre de l’instruction du procès
Pciv11 réclame la somme de 2.520€ concernant 21 nuits de frais d’hébergement, ainsi que la somme de 5.928€ en tant que frais de transport, les sommes en question étant évaluées ex aequo et bono.
Si la Cour d’appel estime que les frais résultant des frais occasionnés par les voyages et séjours à Luxembourg pour l’instruction de l’affaire constituent un préjudice direct découlant de l’accident du 6 novembre 2002 qui donnent lieu à réparation, la somme ex aequo et bono de 1.000€ répare de façon adéquate ce dommage, en l’absence de pièces établissant le détail des frais engagés. Les intérêts sont à allouer à partir du jour de la demande en justice – 15 novembre 2011 – jusqu’à solde.
Les frais et honoraires d’avocat
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH
Le moyen opposé à la demande en répétition de frais et honoraires tiré de la violation de la CEDH est à rejeter, la Cour d’appel adoptant à cet égard la motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv1.
Quant à la recevabilité de la demande
Quant au moyen tiré de l’article 592 du nouveau code de procédure civile
Dans sa demande civile présentée en première instance à l’audience du 15 novembre 2011 devant les juges de première instance, le mandataire de Pciv11 a indiqué que la demande en allocation d’une indemnité de procédure a été faite sous réserve formelle et expresse de majoration et que la constitution de partie civile était faite sous la réserve de compléter la demande civile par tout autre poste indemnitaire en cours d’instance.
A l’instar de ce qui a été retenu au sujet de la demande de Pciv1, le moyen d’irrecevabilité tiré de la nouveauté de la demande est encore à rejeter en ce qui concerne la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat de Pciv11, la Cour adoptant, à cet égard, la même motivation que celle développée dans la cadre de la partie civile Pciv1.
Quant au bien-fondé de la demande
Quant au moyen tiré du défaut de proportionnalité entre les frais et honoraires et l’intérêt du litige et quant au moyen tiré de l’exclusion des frais et honoraires exposés dans le cadre de la demande dirigée contre les prévenus acquittés
Aux fins de contester le bien-fondé de la demande de Pciv11 en répétition des frais et honoraires d’avocat exposés dans le cadre de sa demande civile, le mandataire des défendeurs au civil, à côté des moyens précités, oppose encore, à cette demande que la créance alléguée de ce chef n’est pas liquide, dès lors que les honoraires n’auraient pas été réglées par elle.
La Cour d’appel constate, à cet égard, que la facture au montant de 19.521,74€ + p.m. relative aux frais et honoraires concernant les première et seconde instances de l’affaire a été établie en date du 20 septembre 2013, l’avocat de la demanderesse au civil ayant par ailleurs reconnu à l’audience de la Cour d’appel que ces frais et honoraires n’ont pas encore été réglés, la partie demanderesse et son avocat attendant la décision de la Cour d’appel.
Tel qu’exposé au sujet de la demande civile de Pciv1, le recours à l'avocat pour obtenir indemnisation du dommage subi par la victime par ricochet qu’est la dame Pciv9, bien que distinct du dommage initial, est, en l’espèce, une suite nécessaire de la faute commise par les défendeurs au civil et partant en lien causal avec le dommage dont se plaint la victime par ricochet, trouvant sa cause dans la faute du responsable.
Tout comme dans le cas de Pciv1, tant la complexité factuelle que la complexité juridique du dossier imposaient à Pciv11 de faire appel à un avocat, en sa qualité de victime par ricochet de l’accident d’avion, de sorte que les frais et honoraires d’avocat constituent un élément du dommage subi par la victime par ricochet et sont de ce fait indemnisables, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient fait l’objet d’un règlement.
Quant à la détermination de la demande en répétition des frais et honoraires, en tenant compte des circonstances de l’espèce tenant à l’envergure de la demande, du fait qu’en première instance la demande était dirigée contre trois prévenus et défendeurs au civil acquittés et du rôle du mandataire de la demanderesse au civil, moindre que celui joué par le mandataire du demandeur Pciv1, il y a lieu de fixer ex aequo et bono la somme devant revenir à Pciv11 du chef de la répétition des frais et honoraires d’avocat à la somme de 5.000€.
Dans la mesure où le préjudice ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède la demande de Pciv11 est fondée à concurrence d’un montant global de 20.000€ + 500€ + 1.000€ + 5.000€ = 26.500€, avec les intérêts légaux sur la somme de 20.500€ à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de 1.000€ à partir du 15 novembre 2011, jour de la demande en justice.
- Partie civile Pciv13
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
A l’instar des demandes des consorts Pciv9-10 et de Pciv11, la demande de Pciv13 est recevable, le moyen tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention de Varsovie opposé n’étant pas fondé, la Cour d’appel se rapportant, à cet égard, aux motifs plus amplement exposés et développés dans le cadre de la partie civile Pciv9.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Il ressort des pièces versées en cause que par lettre du 18 octobre 2004, l’avocat des consorts Pciv11-13, le Dr Heiko van SCHYNDEL, avait réclamé pour le demandeur au civil Pciv13 la somme de 34.300€ en réparation du préjudice matériel causé par la perte du soutien d’entretien un montant de 7.800€, une perte de revenus de 16.500€ et en réparation du préjudice moral pour perte de son père d’un montant de 10.000€.
Par lettre du 27 octobre 2004, l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL s’est déclaré d’accord au paiement de la somme de 17.800€, représentant la somme de 7.800€ en dédommagement de la perte de soutien alimentaire et la somme de 10.000€ au titre de réparation du préjudice moral subi pour la perte de son père.
En date du 4 avril 2005, l’avocat de Pciv13, le Dr Heiko van SCHYNDEL, a signé une « Abfindungserklärung » dans laquelle il est indiqué que contre un paiement de 17.800€, Pciv13 déclare être dédommagé en raison de tous les recours relatifs au cas de dommage du 6 novembre 2002 concernant … (« Herr Pciv13 erklärt hiermit gegen Zahlung dieses Betrages (17.800€) wegen aller Ersatzansprüche anlässlich dieses Schadenfalles (…, 6.11.2002) gegen Luxair SA vertreten durch den Haftpflichtversicherer und jeden weiteren Mitversicherten für jetzt und alle Zukunft abgefunden zu sein ».
Tous ces éléments ne sauraient cependant valoir comme renonciation ou paiement libératoire, la Cour d’appel se rapportant à sa motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv9 pour rejeter ce moyen opposé par le mandataire des défendeurs au civil.
Certains des paiements effectués sont cependant à déduire des sommes à allouer à Pciv13 en réparation des dommages qui seront retenus ci-dessus.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Pciv13 demande l’allocation de la somme de 65.000€ en réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son père …, dont à déduire la somme de 10.000€, ainsi qu’une somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de ses angoisses relatives à l’attente et l’inquiétude suite au crash de l’avion.
Il est généralement admis que la perte d’un père engendre une douleur morale certaine, même au cas où il n’y a pas ou plus eu de cohabitation.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
En considération des circonstances de l’accident, telles que plus amplement évoquées dans le cadre de la partie civile Pciv1 et du fait que le père et le fils ne cohabitaient pas, il y a lieu d’allouer à Pciv13 au titre de la réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son père la somme de 25.000€, dont à déduire la somme de 10.000€ payée par l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL.
Les intérêts légaux sur la somme de 15.000€ sont à allouer à partir du jour de l’accident.
Le préjudice ex haerede
Il résulte du certificat établi par l’Amtsgericht Potsdam du 17 mai 2004 que Pciv13 succède pour un quart dans l’héritage de son père.
Pciv13 a partant droit à un quart de la somme de 1.000€, (soit la somme de 250€), retenue au titre de la réparation du préjudice subi par son père décédé en raison des moments d’angoisse subis par lui avant le crash.
Le préjudice matériel
Les frais de voyage et de séjour exposés dans le cadre de l’instruction du procès
Pciv13 réclame la somme de 960€ concernant 8 nuits de frais d’hébergement exposés, ainsi que la somme de 3.080€ en tant que frais de transport, les sommes en question étant évaluées ex aequo et bono.
Si la Cour d’appel estime que les frais résultant des frais occasionnés par les voyages et séjours à Luxembourg pour l’instruction de l’affaire constituent un préjudice direct découlant de l’accident du 6 novembre 2002 qui donnent lieu à réparation, la somme de 1.000€ répare de façon adéquate ce dommage, en l’absence de pièces établissant le détail des frais engagés.
Les frais et honoraires d’avocat
Les moyens opposés à la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat et tirés de la violation de l’article 6 de la CEDH et de l’irrecevabilité de la demande en raison de son caractère nouveau sont à rejeter par adoption de la motivation développée dans le cadre des parties civiles Pciv1 et Pciv9.
Quant au bien-fondé de la demande, il y a lieu d’allouer à Pciv13, à l’instar de sa mère et en tenant compte des mêmes remarques faites à propos de la demande d’Pciv9, ex aequo et bono, la somme de 5.000€ de ce chef.
Dans la mesure où le préjudice de Pciv13 de ce chef ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède, la demande de Pciv13 en réparation de ses dommages moral et matériel subis en raison de l’accident du 6 novembre 2002 est fondée pour un montant global de 15.000€ + 250€ + 1.000€ + 5.000€ = 21.250€, les intérêts légaux étant à allouer sur la somme de 15.250€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 1.000€ à partir du jour de la demande en justice, 15 novembre 2011.
- Partie civile Pciv12
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
A l’instar des demandes des consorts Pciv9-10 et de Pciv11 et Pciv13, la demande de Pciv12 est recevable, le moyen tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention de Varsovie opposé n’étant pas fondé, la Cour d’appel se rapportant, à cet égard, aux motifs plus amplement exposés et développés dans le cadre de la partie civile Pciv9.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Il ressort des pièces versées en cause que par lettre du 27 octobre 2004, l’avocat allemand des consorts Pciv11-13, le Dr Heiko van SCHYNDEL, avait réclamé pour le demandeur au civil Pciv12 les sommes de 85,86€ + 23.748,32€ en réparation du préjudice matériel causé respectivement par des frais de notaire et de taxi et par la perte du soutien d’entretien, ainsi que la somme de 10.000€ en réparation du préjudice moral causé par la perte du père.
Par lettre du 27 octobre 2004, l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL s’est déclaré d’accord au paiement de la somme globale de 20.085,86€, représentant les 85,86€ au titre de frais, la somme de 10.000€ en dédommagement de la perte de soutien alimentaire et 10.000€ au titre de réparation du préjudice moral subi pour la perte du père.
En date du 4 avril 2005, le Dr Heiko SCHYNDEL a signé un document intitulé « Abfindungserklärung » dans lequel il est indiqué que contre un paiement de 20.085,86€, Pciv12 déclare être dédommagé en raison de tous les recours relatifs au cas de dommage du 6 novembre 2002 concernant … (« Herr Pciv12 erklärt hiermit gegen Zahlung dieses Betrages (20.085,86€) wegen aller Ersatzansprüche anlässlich dieses Schadenfalles (…, 6.11.2002) gegen Luxair SA vertreten durch den Haftpflichtversicherer und jeden weiteren Mitversicherten für jetzt und alle Zukunft abgefunden zu sein ».
Tous ces éléments ne sauraient cependant valoir comme renonciation ou paiement libératoire, la Cour d’appel se rapportant à sa motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv9 pour rejeter le moyen opposé par le mandataire des défendeurs au civil.
Certains des paiements effectués sont cependant à déduire des sommes à allouer à Pciv12 en réparation des dommages qui seront retenus ci-dessus.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Pciv12 demande l’allocation de la somme de 65.000€ en réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son père …, dont à déduire la somme de 10.000€, ainsi que de la somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de ses angoisses relatives à l’attente et à l’inquiétude suscitées par le crash de l’avion.
Il est généralement admis que la perte d’un père engendre une douleur morale certaine, même au cas où il n’y a pas ou plus eu de cohabitation.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
En considération des circonstances de l’accident, telles que plus amplement évoquées dans le cadre de la partie civile Pciv1 et du fait que le père et le fils ne cohabitaient pas, il y a lieu d’allouer à Pciv12 au titre de la réparation du préjudice subi par lui en raison de la perte de son père la somme de 25.000€, dont à déduire la somme de 10.000€. payée par l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL.
Les intérêts légaux sur cette somme sont à allouer à partir du jour de l’accident.
Le préjudice ex haerede
Il résulte du certificat établi par l’Amtsgericht Potsdam du 17 mai 2004 que Pciv12 succède pour un quart dans l’héritage de son père.
Pciv12 a partant droit à un quart de la somme de 1.000€, soit la somme de 250€), retenue au titre de la réparation du préjudice de son père décédé en raison des moments d’angoisse subis par lui avant le crash.
Le préjudice matériel
Les frais de voyage et de séjour exposés dans le cadre de l’instruction du procès
Pciv12 réclame la somme de 1.200€ concernant 10 nuits de frais d’hébergement, ainsi que la somme de 2.947,20€ en tant que frais de transport, les sommes en question étant évaluées ex aequo et bono.
Si la Cour d’appel estime que les frais résultant des voyages et séjours à Luxembourg pour l’instruction de l’affaire constituent un préjudice direct découlant de l’accident du 6 novembre 2002 qui doit être réparé, il y a cependant lieu de fixer ex aequo et bono à la somme de 1.000€ le dommage en question, en l’absence de pièces établissant le détail des frais engagés.
Les frais et honoraires d’avocat
Les moyens opposés à la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat et tirés de la violation de l’article 6 de la CEDH et de l’irrecevabilité de la demande en raison de son caractère nouveau sont à rejeter par adoption de la motivation développée dans le cadre des parties civiles Pciv1 et Pciv9.
Quant au bien-fondé de la demande, il y a lieu d’allouer à Pciv12, à l’instar de sa mère et en tenant compte des mêmes remarques faites à propos de la demande d’Pciv9, ex aequo et bono, la somme de 5.000€ de ce chef.
Dans la mesure où le préjudice de Pciv12 de ce chef ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède, la demande de Pciv12 en réparation de ses dommages moral et matériel subis en raison de l’accident du 6 novembre 2002 est fondée pour un montant global de 15.000€ + 250€ + 1.000€ + 5000€ = 21.250€, les intérêts légaux étant à allouer sur la somme de 15.250€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 1.000€ à partir du jour de la demande en justice, 15 novembre 2011.
- D. Parties civiles Pciv6, AK et KS
Pciv6, AK et KS se sont constitués parties civiles pour demander la réparation des préjudices qu’ils ont subis du chef du décès de MK suite à l’accident du 6 novembre 2002.
Pciv6 agit à titre personnel en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison du décès de son fils.
Elle agit également en sa qualité d’héritière à raison d’une moitié dans la succession de feu son époux Pciv5, décédé le 11 novembre 2011, qui avait introduit une action en réparation des préjudices moral et matériel subis en raison de la perte de son fils et dont l’action est reprise par les héritiers.
AK agit en sa qualité d’héritier à raison d’un quart dans la succession de son père feu Pciv5 et KS agit en tant que représentante et administratrice des biens de sa fille mineure E. K., héritière à raison d’un quart dans la succession de son grand-père feu Pciv5.
Pciv6 demande, à titre personnel, la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil P1, P5, des héritiers de feu P6 et P7 au paiement d’une somme globale de 112.012,94€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 90.000€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 22.012,94€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde. Elle demande encore une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
La somme réclamée se divise en réparation du dommage moral subi par la demanderesse au civil du fait de la perte de son fils (80.000€ - avance de 5.000€), du préjudice d’angoisse en attente des nouvelles de son fils à la suite de l’accident (15.000€) et en réparation du dommage matériel (22.012,94€) subi en raison de frais de déplacement et d’hébergement en relation avec l’accident (1.603,70€) et en raison des frais et honoraires exposés dans le cadre du procès (20.409,24€).
Pciv6, AK et KS, agissant ès qualités, demandent en leur qualité d’héritiers de feu Pciv5 la condamnation solidaire, sinon in solidum, sinon chacun pour le tout des défendeurs au civil P1, P5, les héritiers de feu P6 et P7 au paiement respectivement de la moitié et d’un quart de la somme globale de 112.012,94€ + p.m. avec les intérêts compensatoires au taux légal sur la somme de 90.000€ à partir du jour de l’accident, et sur la somme de 22.012,94€ + p.m. à partir du jour de la demande en justice, sinon du jour de l’arrêt à intervenir jusqu’à solde, ainsi qu’une provision de 20.000€ en cas d’institution d’une expertise.
La défense de Tatjana et AK et de KS réitère à l’appui de ces demandes en indemnisation des préjudices subis à raison du décès de MK tous les moyens et arguments exposés dans le cadre des parties civiles Pciv9-10 et Pciv11-13, en précisant que les consorts Pciv6-AK et KS n’exercent pas l’action ex haerede n’étant pas héritiers de feu MK.
Les mandataires des défendeurs au civil réitèrent tous les moyens opposés aux demandes Pciv1, Pciv9-10 et Pciv11-13 et se réfèrent à leurs conclusions développées dans le cadre de ces demandes.
Appréciation de la Cour
- Partie civile Pciv6 agissant en nom personnel
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dite Convention de Varsovie
A l’instar des demandes des consorts Pciv9-10 et Pciv11-13, la demande de Pciv6 est recevable, le moyen tiré de la forclusion de l’action civile résultant de la déchéance inscrite à l’article 29 de la Convention de Varsovie opposé n’étant pas fondé et la Cour d’appel se rapporte, à cet égard, aux motifs plus amplement exposés et développés dans le cadre de la partie civile Pciv9.
Il convient d’ajouter qu’à la suite d’une information donnée par le juge d’instruction, Tatjana et Pciv5 avaient, par une lettre du 15 juin 2004 adressée au juge d’instruction, manifesté leur intention de figurer en tant que demandeurs au civil (Zivilnebenkläger), de sorte que la forclusion ne saurait en tout état de cause lui être opposée.
Quant au moyen tiré de l’extinction de la créance
Il ressort des pièces versées en cause qu’à la suite d’un échange de courriers entre l’avocat de Pciv5, Pciv6 et AK et l’assureur DEUTSCHER LUFTPOOL, Pciv5 et Pciv6 se sont vu allouer ensemble la somme de 10.000€ en réparation de leur préjudice subi en raison de la perte de leur fils MK, tandis qu’AK a reçu la somme de 3.700€ pour perte de son frère. En outre, l’assureur a réglé les frais et honoraires de l’avocat NEUSETZER d’un montant de 3.014,26€.
Or, à l’instar de ce qui a été décidé dans le cadre de la partie civile Pciv9, ni l’échange de courriers entre les avocats des parties civiles et l’assureur de la compagnie LUXAIR, ni les paiements intervenus ne sauraient valoir comme renonciation ou paiement libératoire, la Cour d’appel se rapportant à sa motivation développée dans le cadre de cette partie civile.
Le préjudice pour perte d’un être cher
Dans sa constitution de partie civile, Pciv6 demande l’allocation de la somme de 80.000€ en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de son fils MK, âgé de 36 ans au moment de l’accident, ainsi que la somme de 15.000€ en réparation du dommage moral subi en raison de l’attente et de l’inquiétude suite au crash de l’avion.
Tel qu’il résulte de la motivation développée dans le cadre de la demande civile de Pciv1, à laquelle la Cour d’appel se rapporte, tant l’intensité de la relation d’affection ayant existé entre la victime décédée et la victime par ricochet que les circonstances qui ont entouré le décès de la victime, pour autant qu’elles ont affecté la victime par ricochet, sont à considérer, mais il n’y a pas lieu de considérer séparément le dommage moral relatif à l’inquiétude en rapport avec l’annonce de l’accident.
A l’instar de la partie civile Pciv1, en considération des circonstances de l’accident et du fait que la mère et le fils ne cohabitaient pas, il y a lieu d’allouer à Pciv6 au titre de la réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de son fils, la somme de 45.000€, dont à déduire la somme de 5.000€ payée de ce chef par l’assureur du transporteur.
Les intérêts légaux à allouer sur la somme de 40.000€ courent à partir du jour de l’accident.
Le préjudice matériel
Les frais de voyage et de séjour liés aux journées de commémoration et à la participation à l’instruction
Il y a lieu de rappeler que Pciv6 réclame la somme de 596,30€ concernant 3 nuits de frais d’hébergement et les frais de transport dans le cadre des journées de commémoration de l’accident. Elle demande encore à se voir allouer la somme de 1.007,40€ du chef de déplacements dans le cadre de l’instruction de l’affaire.
Tel que jugé dans le cadre des parties civiles Pciv9 et Pciv11, les frais résultant de la participation de la mère de la victime aux journées commémoratives de l’accident, de même que les frais exposés lors de déplacements pour préparer et suivre l’affaire constituent un préjudice direct découlant de l’accident du 6 novembre 2002, imputable aux défendeurs au civil, qui donne lieu à réparation.
Dans la mesure où les pièces versées en cause n’établissent que partiellement les débours payés par la demanderesse au civil, il y a lieu d’allouer ex aequo et bono et à l’instar des parties civiles Pciv11-13, la somme de 1.000€ du chef des frais occasionnés par les déplacements.
Les frais et honoraires d’avocat
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH
Le moyen opposé à la demande en répétition de frais et honoraires tiré de la violation de la CEDH est à rejeter, la Cour d’appel adoptant à cet égard la motivation développée dans le cadre de la partie civile Pciv1.
Quant à la recevabilité de la demande
Quant au moyen tiré de l’article 592 du nouveau code de procédure civile
Dans sa demande civile présentée en première instance à l’audience du 15 novembre 2011 devant les juges de première instance, le mandataire de Pciv6 a indiqué que la demande en allocation d’une indemnité de procédure a été faite sous réserve formelle et expresse de majoration et que la constitution de partie civile était faite sous la réserve de compléter la demande civile par tout autre poste indemnitaire en cours d’instance.
A l’instar de ce qui a été retenu au sujet de la demande de Pciv1, le moyen d’irrecevabilité tiré de la nouveauté de la demande est encore à rejeter en ce qui concerne la demande en répétition des frais et honoraires d’avocat de Pciv6, la Cour adoptant, à cet égard, la même motivation que celle développée dans la cadre de la partie civile Pciv1.
Quant au bien-fondé de la demande
Quant au moyen tiré du défaut de proportionnalité entre les frais et honoraires et l’intérêt du litige et quant au moyen tiré de l’exclusion des frais et honoraires exposés dans le cadre de la demande dirigée contre les prévenus acquittés
Aux fins de contester le bien-fondé de la demande de Pciv6 en répétition des frais et honoraires d’avocat exposés dans le cadre de sa demande civile, le mandataire des défendeurs au civil, à côté des moyens précités, oppose encore, à cette demande que la créance alléguée de ce chef n’est pas liquide, dès lors que les honoraires n’auraient pas été réglées par elle.
La Cour d’appel constate, à cet égard, que la facture au montant de 20.012,94€ + p.m. relative aux frais et honoraires concernant les première et seconde instances de l’affaire a été établie en date du 20 septembre 2013, l’avocat de la demanderesse au civil ayant par ailleurs reconnu à l’audience de la Cour d’appel que ces frais et honoraires n’ont pas encore été réglés, la partie demanderesse et son avocat attendant la décision de la Cour d’appel.
Tel qu’exposé au sujet de la demande civile de Pciv1, le recours à l'avocat pour obtenir indemnisation du dommage subi par la victime par ricochet qu’est la dame Pciv6, bien que distinct du dommage initial, est, en l’espèce, une suite nécessaire de la faute commise par les défendeurs au civil et partant en lien causal avec le dommage dont se plaint la victime par ricochet, trouvant sa cause dans la faute du responsable.
Tout comme dans le cas de Pciv1, tant la complexité factuelle que la complexité juridique du dossier imposaient à Pciv6 de faire appel à un avocat, en sa qualité de victime par ricochet de l’accident d’avion, de sorte que les frais et honoraires d’avocat constituent un élément du dommage subi par la victime par ricochet et sont de ce fait indemnisables, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient fait l’objet d’un règlement.
Quant à la détermination de la demande en répétition des frais et honoraires, en tenant compte des circonstances de l’espèce tenant à l’envergure de la demande, du fait qu’en première instance la demande était dirigée contre trois prévenus et défendeurs au civil acquittés et du rôle du mandataire de la demanderesse au civil, moindre que celui joué par le mandataire du demandeur Pciv1, il y a lieu de fixer ex aequo et bono la somme devant revenir à Pciv6 du chef de la répétition des frais et honoraires d’avocat à la somme de 5.000€.
Dans la mesure où le préjudice ne se réalise qu’à partir du décaissement non encore intervenu, il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts sur cette somme.
Au vu de ce qui précède la demande de Pciv6 est fondée à concurrence d’un montant global de 40.000€ + 1.000€ + 5.000€ = 46.000€, avec les intérêts légaux sur la somme de 40.000€ à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de 1.000€ à partir du 12 octobre 2011, jour de la demande en justice.
- Partie civile Pciv6 agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité d’héritière de feu Pciv5
Il y a lieu de relever que feu Pciv5, qui est décédé le 12 novembre 2011, s’était constitué partie civile devant la juridiction de première instance lors de l’audience du 12 octobre 2011.
Il ressort d’un certificat établi par l’Amtsgericht LÜDINGHAUSEN (Stadt OLFEN) du 29 février 2012, que Pciv6 succède pour moitié dans l’héritage de son mari feu Pciv5.
Suivant acte de reprise d’instance volontaire du 15 novembre 2011, Pciv6, agissant en sa qualité d’héritière de feu Pciv5, a déclaré reprendre volontairement et pour son compte la constitution de partie civile de feu son époux.
Dans sa demande civile présentée en première instance, Pciv5 avait demandé la somme de 65.000€ pour perte d’un être cher, la somme de 7.500€ au titre du préjudice ex haerede pour les douleurs endurées par son fils MK, la somme de 15.000€ pour dommage moral résultant des souffrances résultant de l’attente et de l’incertitude de l’accident au jour de la mise en jugement et la somme de 2.996€ au titre de son préjudice matériel, soit la somme totale de 90.296€, ainsi qu’une indemnité de procédure de 15.000€.
Agissant ès qualités, la demanderesse au civil demande actuellement les mêmes réparations que celles qu’elle a réclamées à titre personnel.
A l’instar de son épouse, feu Pciv5, en tant que père de MK, est à indemniser tant au plan moral qu’au plan matériel pour la perte de son fils et, par adoption de la motivation développée dans le cadre des parties civiles Pciv1, Pciv9-10 et Pciv6, il y a lieu d’allouer à feu Pciv5 la somme de 45.000€ au titre de la perte d’un être cher, dont à déduire la somme de 5.000€ payée par le DEUTSCHER LUFTPOOL, la somme de 1.000€ au titre des frais exposés dans le cadre des journées commémoratives et de la participation à l’instruction, ainsi que la somme de 5.000€ au titre de la répétition des frais et honoraires d’avocat.
Pciv6 étant héritière pour moitié dans la succession de feu Pciv5 sa demande présentée en qualité d’héritière de feu Pciv5 est fondée à concurrence de la moitié de la somme de 46.000€, soit la somme de 23.000€ avec les intérêts légaux sur la somme de 20.000€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 500€ à partir du jour de la demande en justice, 12 octobre 2011.
- Partie civile d’AK agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité d’héritier de feu Pciv5
Il ressort d’un certificat établi par l’Amtsgericht LÜDINGHAUSEN (Stadt OLFEN) du 29 février 2012 qu’AK succède pour un quart dans l’héritage de son père feu Pciv5.
Suivant acte de reprise d’instance volontaire du 15 novembre 2011, AK, agissant en sa qualité d’héritier de feu Pciv5, a déclaré reprendre volontairement et pour son compte la constitution de partie civile de feu son père.
Tel qu’il résulte des développements exposés dans le cadre de la partie civile de Pciv6, agissant ès qualités, les préjudices moral et matériel subis par feu Pciv5 en raison de l’accident du 6 novembre 2002 sont évalués ex aequo et bono à la somme globale de 46.000€.
AK succédant pour un quart dans la succession de feu Pciv5, sa demande présentée en qualité d’héritier de feu Pciv5 est fondée à concurrence d’un quart de la somme de 46.000€, soit la somme de 11.500€ (10.000€ + 250€ + 1.250€) avec les intérêts légaux sur la somme de 10.000€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 250€ à partir du jour de la demande en justice, 12 octobre 2011.
- Partie civile de KS, veuve MK, agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011, en sa qualité de représentante et administratrice légale de sa fille E.K., née le …, héritière de Pciv5
Il ressort d’un certificat établi par l’Amtsgericht LÜDINGHAUSEN (Stadt OLFEN) du 29 février 2012 que la mineure E.K. succède pour un quart dans l’héritage de son grand-père feu Pciv5.
Suivant acte de reprise d’instance volontaire du 15 novembre 2011, KS agissant en sa qualité de représentante de sa fille mineure E.K., héritière de feu Pciv5, a déclaré reprendre volontairement et pour son compte la constitution de partie civile de feu Pciv5.
Tel qu’il résulte des développements exposés dans le cadre de la partie civile de Pciv6, agissant ès qualités, les préjudices moral et matériel subis par feu Pciv5 en raison de l’accident du 6 novembre 2002 sont évalués ex aequo et bono à la somme globale de 46.000€.
E.K. succédant pour un quart dans la succession de feu Pciv5, la demande présentée ès qualités par sa mère KS est fondée à concurrence d’un quart de la somme de 46.000€, soit la somme de 11.500€ (10.000€ + 250€ + 1250€) avec les intérêts légaux sur la somme de 10.000€ à partir du jour de l’accident et sur la somme de 250€ à partir du jour de la demande en justice, 12 octobre 2011.
P A R C E S M O T I F S,
la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les demandeurs et défendeurs au civil entendus en leurs conclusions et le représentant du ministère public en son réquisitoire,
statuant en continuation de l’arrêt du 29 janvier 2013 (n°61/13 V.);
complète le dispositif de l’arrêt du 29 janvier 2013 et donne acte à Pciv1 qu’il se désiste de son appel au civil pour autant qu’il vise les défendeurs au civil P2, P3 et P4 et aux défendeurs au civil de leur acceptation de ces désistements et décrète ces désistements;
partie civile Pciv1:
déclare la demande civile de Pciv1 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de cent trente mille cinq cents euros (130.500€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv1 la somme de cent trente mille cinq cents euros (130.500€) avec les intérêts légaux sur la somme de soixante-dix mille cinq cents euros (70.500€) à partir du 6 novembre 2002, jour de l’accident, et sur la somme de soixante mille euros (60.000€) à partir du 11 octobre 2013, le tout jusqu’à solde;
partie civile Pciv9:
déclare la demande d’Pciv9 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de quarante mille neuf cent quatre-vingt-trois euros, quarante-huit cents (40.983,48€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv9 la somme de quarante mille neuf cent quatre-vingt-trois euros, quarante-huit cents (40.983,48€) avec les intérêts légaux sur la somme de trente-cinq mille euros (35.000€) à partir du jour de l’accident – 6 novembre 2002 – et sur la somme de neuf cent quatre-vingt-trois euros, quarante-huit cents (983,48€) à partir des décaissements respectifs jusqu’à solde;
partie civile Pciv10:
déclare la demande de Pciv10 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de vingt-deux mille cinq cents euros (22.500€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv10 la somme de vingt-deux mille cinq cents euros (22.500€) avec les intérêts légaux, à partir du jour de l’accident – 6 novembre 2002 – sur la somme de dix-sept mille cinq cents euros (17.500€) jusqu’à solde;
partie civile Pciv11:
déclare la demande de Pciv11 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de vingt-six mille cinq cents euros (26.500€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv11 la somme de vingt-six mille cinq cents euros (26.500€) avec les intérêts légaux sur la somme de vingt mille cinq cents (20.500€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de mille euros (1.000€) à partir du 15 novembre 2011 jusqu’à solde;
partie civile Pciv13:
déclare la demande de Pciv13 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de vingt et un mille deux cent cinquante euros (21.250€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv13 la somme de vingt et un mille deux cent cinquante euros (21.250€) avec les intérêts légaux sur la somme de quinze mille deux cent cinquante euros (15.250€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de mille euros (1.000€) à partir du 15 novembre 2011 jusqu’à solde;
partie civile Pciv12:
déclare la demande de Pciv12 recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de vingt et un mille deux cent cinquante euros (21.250€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv12 la somme de vingt et un mille deux cent cinquante euros (21.250€) avec les intérêts légaux sur la somme de quinze mille deux cent cinquante euros (15.250€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de mille euros (1.000€) à partir du 15 novembre 2011 jusqu’à solde;
partie civile Pciv6 agissant en nom personnel et en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité d’héritière de feu Pciv5:
déclare la demande de Pciv6 agissant en nom personnel recevable;
la déclare fondée pour le montant global, évalué ex aequo et bono, du chef des préjudices moral et matériel subis du fait de l’accident du 6 novembre 2002, de quarante-six mille euros (46.000€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv6 la somme de quarante-six mille euros (46.000€) avec les intérêts légaux sur la somme de quarante mille euros (40.000€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de mille euros (1.000€) à partir du 12 octobre 2011 jusqu’à solde;
déclare la demande de Pciv6, agissant ès qualités, recevable;
fixe le montant global, évalué ex aequo et bono, des préjudices moral et matériel subis par feu Pciv5 du fait de l’accident du 6 novembre 2002, à la somme de quarante-six mille euros (46.000€);
déclare la demande de Pciv6, agissant ès qualités, fondée pour le montant de vingt-trois mille euros (23.000€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à Pciv6, agissant ès qualités, la somme de vingt-trois mille euros (23.000€) avec les intérêts légaux sur la somme de vingt mille euros (20.000€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de cinq cents (500€) à partir du 12 octobre 2011, jour de la demande en justice, jusqu’à solde;
partie civile AK agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité d’héritier de feu Pciv5:
déclare la demande de AK agissant ès qualités recevable;
fixe le montant global, évalué ex aequo et bono, des préjudices moral et matériel subis par feu Pciv5 du fait de l’accident du 6 novembre 2002, à la somme de quarante-six mille euros (46.000€);
déclare la demande d’AK, agissant ès qualités, fondée pour le montant de onze mille cinq cents euros (11.500€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à AK, agissant ès qualités, la somme de onze mille cinq cents euros (11.500€) avec les intérêts légaux sur la somme de dix mille euros (10.000€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de deux cent cinquante (250€) à partir du 12 octobre 2011, jour de la demande en justice, jusqu’à solde;
partie civile KS agissant en vertu d’un acte de reprise d’instance du 15 novembre 2011 en sa qualité de représentante de sa fille mineure E.K., héritière de feu Pciv5:
déclare la demande de KS, agissant ès qualités, recevable;
fixe le montant global, évalué ex aequo et bono, des préjudices moral et matériel subis par feu Pciv5 du fait de l’accident du 6 novembre 2002, à la somme de quarante-six mille euros (46.000€);
déclare la demande de KS, agissant ès qualités, fondée pour le montant de onze mille cinq cents euros (11.500€);
condamne SS, MM et MC, pris en leurs qualités d’héritiers de feu P6, P1, P5 et P7 solidairement à payer à KS, agissant ès qualités, la somme de onze mille cinq cents euros (11.500€) avec les intérêts légaux sur la somme de dix mille euros (10.000€) à partir du 6 novembre 2002 et sur la somme de deux cent cinquante (250€) à partir du 12 octobre 2011, jour de la demande en justice, jusqu’à solde;
condamne les défendeurs au civil solidairement aux frais des demandes civiles exposés dans les deux instances, les frais occasionnés par l’intervention du ministère public étant liquidés à 300,50€.
Par application des articles 3, 199, 203, 209 et 211 du Code d’instruction criminelle.
Ainsi fait et jugé par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, composée de Monsieur Nico EDON, président de chambre, Mesdames Lotty PRUSSEN et Odette PAULY, premiers conseillers, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Cornelia SCHMIT.
La lecture de l'arrêt a été faite en audience publique à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, par Monsieur Nico EDON, président de chambre, en présence de Monsieur Serge WAGNER, avocat général, et de Madame Cornelia SCHMIT, greffier.